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Sortie de la nouvelle édition de Genèse eipi+1=0 (théâtre) janvier 2024
Transcription
00:00 Oui, je disais, je traîne, mais dans mes listes d'anciennes choses à faire, comme
00:17 dans la maison, obstinément, quelque objet ressurgit dont je ne sais que faire, trop
00:25 au lait pour être donné, pas assez pour la poubelle.
00:30 Ainsi, comme je le disais, ma vie est pleine de rebondissements et je ne sais jamais en
00:40 me levant sur quoi portera la nécessité, ni le sort que subira la vieille moule qui
00:53 est là depuis plusieurs semaines.
00:55 Ah, excusez-moi, monsieur.
00:58 Monsieur, excusez-moi, j'ai une question.
01:02 Vous ne faites le ménage que chez des gens qui ne font pas le ménage.
01:13 Oui, oui, madame.
01:15 Eh bien, ça doit être crasseux chez vous.
01:18 S'il vous plaît, madame.
01:20 Vous faites le ménage chez vous.
01:23 Oui, madame.
01:24 C'est bien ce que je pensais.
01:26 Il doit y avoir beaucoup de minou.
01:29 Je n'ai pas de chat.
01:32 Alors, comment faites-vous?
01:34 J'ai donc moi-même un homme de ménage.
01:36 Ah, qui fait le ménage que chez des gens qui…
01:38 Oui, madame, lui-même a un homme de ménage.
01:41 Oh, mais c'est insoluble.
01:43 Le théâtre dans le théâtre, les miroirs doubles dans les ascenseurs.
01:47 L'homme de ménage vit dans l'abîme.
01:51 Ah, voilà.
01:54 La seule solution et qu'à tel homme de ménage n'existe pas.
01:59 Le paradoxe laisse entrevoir une perspective effrayante
02:08 selon laquelle l'ensemble des mathématiques repose sur des fondements instables.
02:18 Mais vous croyez qu'avec les mathématiques, on expire presque tout?
02:22 Mais, non, ce presque.
02:25 On entend comme un dégagement.
02:29 Après le "pfff" de l'inspire, passe le "pouf" de l'expire.
02:40 Oui, oui, oui, oui, oui, oui, oui, oui, oui.
02:43 Et ce qui nous évite de finir prisonnier du lourd.
02:46 "Pouf" et de la démonstration.
02:49 À propos de démonstration, il n'y a pas de place pour la maigreur en mathématiques.
02:55 Ménage, beauté, on n'a rien de tant.
03:00 Le monde réel est beau.
03:05 Les mathématiques ne sont pas un bel ornement sur un corps laid.
03:10 Mais il en faut de l'énergie pour que ça brille.
03:15 Mais en matière de poussière, on est certain du résultat.
03:19 Oui, oui, oui, oui.
03:21 Ce qui n'est pas le cas dans les mathématiques, c'est moins sûr.
03:26 En attendant, il y a du ménage.
03:31 Vision longuement apprise des choses, les ordonnes,
03:36 elles nous surbouvent, elles nous débordent.
03:41 Regardez-moi par exemple.
03:44 Je place un certain nombre, un nombre certain de vos formules
03:50 qui représentent une certaine quantité, quantité certaine d'informations
03:55 dans ce tout petit espace de la corbeille à papier.
03:59 Mais, mais, mais, mais, mais, mais, mais, mais, mais, mais, cela ne rassure pas du tout.
04:04 Voilà.
04:07 Oh, mais, vous faites une règle de trois.
04:15 Vous faites une règle de trois.
04:17 Combien de petits noirs pour la remplir de vos gribouillis ?
04:21 Eh oui, ben, rapport litres d'encre, grains de café.
04:25 Mais les trouvailles, c'est pas mathématique.
04:29 On se fait un sang d'encre.
04:32 On se fait un sang d'encre avec ces problèmes mathématiques.
04:37 Vous saviez que pour exploiter un vaste champ de découvertes potentielles,
04:45 il est préférable le plus souvent de s'y déplacer au hasard
04:53 plutôt que de le quadriller méthodiquement.
04:57 C'est prouvé, je veux dire, mathématiquement ?
04:59 Oui, oui, bien sûr.
05:01 Deux ans après 1968, l'anarchie s'est jeu, jeu.
05:08 Oui.
05:12 Tout de même, la corbeille n'est pas la première destination des équations.
05:19 J'en vide beaucoup.
05:41 Des indénombrables particules de poussière en suspension dans l'air
05:49 qui bientôt se déposeront délicatement sur chacun de vos meubles.
05:58 Eh bien, moi, je cherche à les attraper,
06:01 comme vous essayez d'attraper les éléments de démonstration de vos formules.
06:05 En somme, nous faisons exactement le même métier tous les deux.
06:13 Atomes constitutifs de nos objets familiers.
06:18 Vos particules passent-elles vraiment de l'autre côté du miroir ?
06:29 C'est comme la chasse aux papillons.
06:31 Ah tiens, en voilà un.
06:34 Oh, il y a un deuxième.
06:37 Toutes les choses indéfinissables arrivent à la queue de noeud.
06:40 J'aimerais saisir le mnémotype que le vent dessine dans vos cheveux
06:45 et aussi ceux entre les branches des arbres qui se dénuent et vous font cligner des yeux.
06:56 Regardez-le, comme un papillon volte entre nous.
07:01 Vous tentez de les poursuivre.
07:04 C'est difficile, plus que vous ne l'aviez imaginé.
07:08 Mais, imaginer n'est pas assez.
07:11 Assez, ce qui palpite.
07:14 Eh bien, vos paupières, les lancements à l'intérieur qui courent et battent à seules,
07:20 pas même évoqués dans notre conversation,
07:23 et varient bien sous vos cheveux que le vent décoiffe.
07:27 Sens des choses, destinées, présentes, détails infimes.
07:47 Oh, deux papillons se cherchent et l'œil n'arrive plus à les distinguer.
07:53 Foller pour un papillon, c'est un tant soit peu réagir contre le poids.
08:01 Il semble tapendre l'air, mais il y a aussi une liberté dans cette volonté de tenir à nu dans le vide.
08:09 Cela tient davantage de la fantaisie à ce stade.
08:16 Oh, mais ils ont vraiment l'air de jouer.
08:22 Ça vibre.
08:24 Ce bruit d'applaudissements des ailes qui frappent.
08:27 Régime alternatif dans la continuité.
08:40 C'est-à-dire, la symétrie des quatre tentures n'est pas relative de son point de vue,
08:58 enfin je veux dire celui du papillon, mais de notre point de vue à nous.
09:04 À quoi ça gite ?
09:07 Ça joute, ça joute. L'incessant mouvement des ailes entre le motif dont la symétrie demeure
09:15 et ce même motif là, en constante métamorphose pour les observateurs,
09:24 selon leur position et leur mouvement, et puis ceux, enfin, des ailes de papillon.
09:31 À tout instant, tout peut arriver.
09:34 L'effet papillon.
09:37 Une erreur de compil' ne fait pas Mozart.
09:46 Et un bruit sementel de papillon, jamais n'abolira le hasard.
09:56 Bon, à quelle on tient la tropos ?
10:01 Oui, selon deux duquel, et si d'une tête de mort ?
10:05 Oh, mini papillon.
10:07 Farté ?
10:09 Miroir ?
10:10 Cubra ?
10:11 Satire ?
10:12 Rien aussi.
10:13 Deux bidoilles ?
10:15 Vous savez que leurs ailes sont en appareil auditif.
10:18 Leurs trente-six pères-dieux ?
10:22 Oui, symétriques, comme pour le regard.
10:26 Le regard.
10:32 Symétrie ?
10:38 Par où
10:42 demeure
10:47 Demeure
10:51 Demeure
11:00 Le regardant, regarder, considérant les mouvements des lèvres et de la pensée,
11:15 demeure.
11:17 Je veux dire,
11:21 les papillons, leurs trente-six pères-dieux.
11:34 En extase ventilatoire.
11:38 D'aucuns en ont fait le symbole palpitant de l'âme.
11:45 La psyché ?
11:48 L'âme.
11:52 Ou donc, ou donc est cise,
11:55 quand après l'amour, le suprême circuit résonne à l'infini,
12:06 et tu ondes un particule.
12:13 [Musique]
12:38 [Applaudissements]
12:53 Je remercie beaucoup Jean Stone d'être présent parmi nous,
12:57 qui a écrit la préface de la nouvelle édition de Genèse ++1=0.
13:03 Et je remercie beaucoup Charlotte, Rita et Nicolas Boutin
13:07 de m'avoir vraiment accompagnée et soutenue dans ce projet
13:11 de jouer un extrait de la pièce.
13:14 Un petit, petit extrait. Voilà.
13:16 [Applaudissements]
13:30 [Musique]