• il y a 8 mois
100% Sénat diffuse et décrypte les moments forts de l'examen des textes dans l'Hémicycle, ainsi que des auditions d'experts et de personnalités politiques entendues par les commissions du Sénat.
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00:00:00 [Générique]
00:00:10 Bonjour à tous, ravi de vous retrouver sur Public Sénat
00:00:12 pour un nouveau numéro de 100% Sénat,
00:00:14 l'émission qui vous fait vivre les travaux de la Haute Assemblée.
00:00:17 Les sénateurs s'intéressent à un phénomène
00:00:19 qui touche de plus en plus nos sociétés.
00:00:21 Pendant le réchauffement climatique,
00:00:23 l'éco-anxiété, la multiplication des catastrophes naturelles
00:00:26 fragilise la santé mentale d'une partie de la population.
00:00:29 Alors notre système de santé est-il équipé
00:00:31 pour faire face à cette éco-anxiété ?
00:00:33 Des éléments de réponse dans cette audition.
00:00:35 Je tiens tout d'abord à remercier le Président Longeot
00:00:38 pour l'initiative de cette table ronde,
00:00:41 ainsi que les participants,
00:00:43 Mme Massini, M. Pellissolo,
00:00:47 M. Sutter et Mme Santamarina.
00:00:49 Merci de votre présence.
00:00:52 J'espère que nos échanges nous permettront de mieux éclairer
00:00:54 les membres de nos commissions respectives
00:00:56 sur un phénomène émergent
00:00:58 dont on peine à prendre la pleine mesure.
00:01:02 Je ne dirai que peu de mots pour compléter
00:01:04 le propos introductif de mon collègue Didier Mandeli.
00:01:07 J'aimerais peut-être simplement que vous puissiez préciser
00:01:10 en quoi l'éco-anxiété se distingue,
00:01:12 si tel est bien le cas,
00:01:14 des sources d'anxiété qui ont pu affecter
00:01:15 les générations précédentes,
00:01:17 comme par exemple la guerre nucléaire.
00:01:19 L'éco-anxiété pose-t-elle par sa nature,
00:01:21 par la quantité des personnes touchées
00:01:23 ou par les troubles qui la caractérisent,
00:01:26 des problèmes vraiment spécifiques ?
00:01:28 Je n'en dirai pas davantage et vous cède donc la parole.
00:01:31 Bonjour Mesdames et Messieurs,
00:01:37 je suis la Docteure Célima Cini.
00:01:39 J'exerce actuellement en tant que psychiatre
00:01:41 de l'hôpital public à l'hôpital Saint-Anne,
00:01:43 situé dans le 14e arrondissement de Paris,
00:01:46 dans un service spécialisé dans la prise en charge
00:01:48 des troubles du comportement alimentaire.
00:01:50 Et je vous remercie pour cette invitation.
00:01:53 J'ai une expérience théorique de la question
00:01:55 qui nous intéresse aujourd'hui via les revues
00:01:57 de la littérature scientifique que j'ai réalisées
00:01:59 d'abord pour ma thèse de médecine,
00:02:01 puis pour mon mémoire de fin d'étude,
00:02:03 travaux tous deux dirigés par le professeur
00:02:05 Antoine Pellissolo ici présent.
00:02:07 Mon mémoire, mis à jour pour la table ronde d'aujourd'hui,
00:02:10 posait l'une de vos questions,
00:02:11 l'éco-anxiété est-elle une nouvelle entité clinique ?
00:02:15 Ma thèse, elle, s'intéressait à l'ensemble
00:02:17 des impacts du dérèglement climatique
00:02:19 sur la santé mentale des populations,
00:02:21 dont l'éco-anxiété est une des manifestations.
00:02:24 Le dérèglement climatique touche déjà
00:02:26 la santé mentale de toutes et tous,
00:02:29 et ce, au-delà de la question de l'éco-anxiété,
00:02:31 à chaque période de canicule, de sécheresse
00:02:34 et à chaque confrontation à des événements
00:02:36 climatiques extrêmes, pour ne citer que ces trois exemples.
00:02:39 Notre territoire a été frappé par de nombreuses
00:02:42 catastrophes naturelles ces dernières années
00:02:44 et les études montrent que dans de telles circonstances,
00:02:46 il y a davantage de blessés psychiques que physiques.
00:02:50 Pour citer un exemple de ces blessures psychiques,
00:02:53 15% des victimes développeront un état
00:02:55 de stress post-traumatique suite à la confrontation
00:02:58 à une catastrophe naturelle.
00:03:00 Pourtant, les dispositifs mis en place
00:03:02 ne reflètent pas cette répartition
00:03:04 et nous en avons fait l'expérience lors de la pandémie
00:03:06 de Covid-19 avec la fermeture de nombreuses
00:03:09 structures en psychiatrie.
00:03:11 Nous continuons à ce jour de prendre en charge
00:03:13 des patients et patientes dont la santé mentale
00:03:15 a été fortement ébranlée lors de la pandémie.
00:03:19 Et ce point en soulignant de taille,
00:03:20 les conséquences de ce que nous traversons
00:03:22 sur le plan psychique sont souvent des conséquences
00:03:25 au long cours qui peuvent nous impacter sur des années
00:03:27 et nécessiter parfois des prises en charge
00:03:29 tout aussi longues, bien que variables en intensité.
00:03:32 Les pistes de réponse que nous allons ébaucher aujourd'hui
00:03:35 devront relever ce défi du temps long pour être efficient.
00:03:38 Se poser la question de la prise en charge de l'éco-anxiété,
00:03:41 c'est donc poser la question plus large
00:03:43 de la prise en charge psychiatrique
00:03:44 de toutes les personnes qui en ont besoin.
00:03:47 Aujourd'hui en France, le système de santé
00:03:49 n'arrive plus à répondre aux besoins en santé mentale
00:03:52 de la population.
00:03:53 De nombreuses personnes, toutes des traits psychiques confondus,
00:03:56 n'ont pas accès aux soins qui seraient nécessaires.
00:03:59 Les délais d'attente de toutes les structures publiques
00:04:01 s'allongent de façon exponentielle
00:04:03 pour atteindre plusieurs mois et jusqu'à plus d'une année,
00:04:06 notamment en pédopsychiatrie.
00:04:08 La fréquentation des urgences psychiatriques culmine,
00:04:10 alors qu'en parallèle de nombreux services ferment,
00:04:13 parce que nous ne sommes pas assez nombreux et nombreuses,
00:04:15 toutes profession de soins confondus.
00:04:18 Si je cite l'exemple de la pédopsychiatrie en particulier,
00:04:21 c'est parce que les études montrent
00:04:22 que parmi les populations les plus vulnérables à l'éco-anxiété
00:04:25 se trouvent les adolescents et les jeunes adultes.
00:04:28 Et parce que la pénurie implique la priorisation des prises en charge
00:04:32 sur des critères de sévérité et d'urgence,
00:04:34 elle concerne tout particulièrement la réflexion autour de l'éco-anxiété,
00:04:38 puisque cette dernière n'est pas à ce jour un diagnostic psychiatrique
00:04:41 à proprement parler,
00:04:42 bien qu'elle puisse être à l'origine d'une douleur psychique invalidante
00:04:46 et être un facteur précipitant d'autres troubles mentaux.
00:04:49 Aujourd'hui, la littérature scientifique définit l'éco-anxiété
00:04:53 comme la peur chronique des désastres écologiques à venir.
00:04:56 À partir d'études descriptives et qualitatives,
00:04:59 nous en connaissons certains symptômes,
00:05:01 avons des indices sur sa prévalence
00:05:03 et les populations qui y seraient les plus vulnérables.
00:05:06 Des échelles ont été construites
00:05:07 afin de permettre le développement de la recherche
00:05:10 et d'assurer une comparativité des résultats.
00:05:13 Néanmoins, à ce jour, les connaissances restent limitées.
00:05:16 Ces manifestations ne sont pas reconnues comme une pathologie psychiatrique
00:05:19 et il n'y a pas de critères diagnostiques définis
00:05:22 permettant d'unifier nos pratiques.
00:05:24 Toutes les échelles d'évaluation existant à ce jour
00:05:26 n'ont pas été traduites et validées en français.
00:05:29 Les études pour permettre de mieux circonscrire ce phénomène
00:05:31 et définir comment le prendre en charge sur le plan thérapeutique
00:05:35 n'ont pas encore été menées
00:05:36 ou si elles existent, leurs résultats pas encore publiés.
00:05:39 Sur ce sujet, il y a donc un double chantier à mener,
00:05:42 celui de la caractérisation de ce trouble
00:05:45 et celui de la mise en place d'actions de prévention
00:05:47 et de prise en charge adaptées.
00:05:49 Pour résumer en trois points clés.
00:05:51 1. L'éco-anxiété est une des conséquences
00:05:54 sur la santé mentale du dérèglement climatique.
00:05:57 Il est attendu que les besoins de soins psychologiques et psychiatriques
00:06:00 augmentent du fait du dérèglement climatique.
00:06:03 2. Aujourd'hui, la psychiatrie publique n'est pas en mesure
00:06:06 de répondre aux besoins déjà existants de la population.
00:06:10 3. L'éco-anxiété est encore insuffisamment définie.
00:06:14 Pour penser des politiques de santé efficaces sur ce sujet,
00:06:17 il reste des travaux de recherche à entreprendre
00:06:20 pour définir des critères diagnostiques,
00:06:22 traduire et valider les échelles existantes en français,
00:06:25 comprendre comment l'éco-anxiété s'articule
00:06:27 avec les autres troubles psychiatriques déjà décrits
00:06:30 et définir des stratégies thérapeutiques efficientes.
00:06:34 Merci pour votre attention.
00:06:37 Merci, je vous laisse poursuivre.
00:06:39 Mesdames et Messieurs les présidents,
00:06:44 Mesdames et Messieurs les sénatrices et les sénateurs,
00:06:47 Antoine Pellissolo, je suis psychiatre,
00:06:49 chef du service de psychiatrie à l'hôpital Henri-Mondor à Créteil.
00:06:52 Je suis, pour être transparent par ailleurs, engagé politiquement,
00:06:56 donc je signale quand même que je suis premier adjoint maire de Créteil
00:06:59 et secrétaire national du Parti Socialiste.
00:07:02 Je ne pense pas qu'il y ait de conflits d'intérêts,
00:07:03 mais ça expliquera aussi peut-être la complémentarité de certaines approches.
00:07:09 Je vous remercie aussi beaucoup de cette invitation
00:07:11 et de l'organisation de cette table ronde qui,
00:07:13 à mon sens, comme a déjà beaucoup souligné Sigmacini,
00:07:18 permettra d'insister sur les problématiques de santé mentale en général,
00:07:22 mais avec le croisement particulier avec les enjeux
00:07:26 du changement climatique, environnemental en général.
00:07:29 Mon parcours dans cette problématique,
00:07:32 ça a été depuis plus de 20 ans de travailler sur l'anxiété en général,
00:07:35 sur les troubles anxieux,
00:07:37 ce qu'on appelle les troubles anxieux, c'est les phobies, les TOCs,
00:07:40 enfin c'est ces troubles-là qui peuvent concerner beaucoup de personnes
00:07:43 et parfois être très invalidants, souvent méconnus.
00:07:46 Et puis petit à petit, aussi au travers de recherches
00:07:49 qui sont menées dans notre équipe à Créteil autour de l'environnement,
00:07:52 nous pencher sur de plus en plus de patients,
00:07:55 souvent jeunes en effet, qui ont cette plainte
00:07:57 qui dépasse juste l'inquiétude.
00:08:00 Parce que l'inquiétude pour le climat, je pense qu'elle est partagée.
00:08:02 Les chiffres que vous évoquiez, qui sont souvent issus d'enquêtes ou de sondages,
00:08:06 sont un petit peu imprécis en général.
00:08:08 On a plus de la moitié de la population en général qui s'inquiète pour le climat
00:08:11 et on ne peut pas considérer que c'est une pathologie,
00:08:14 c'est plutôt quelque chose de sain et d'utile a priori,
00:08:19 on peut l'espérer, pour l'action à mener en faveur de la transformation écologique.
00:08:28 Mais au sein de ces 50%, parfois plus pour les plus jeunes,
00:08:33 mais ces personnes-là, alors on dit que ce n'est pas forcément une souffrance,
00:08:37 mais par exemple, ce que vous évoquiez sur le non-désir d'enfant
00:08:40 peut être aussi le reflet quand même d'un impact très fort.
00:08:43 Alors au sein de cette proportion importante de personnes conscientes des enjeux climatiques,
00:08:51 en effet, le concept d'éco-anxiété a émergé.
00:08:53 On l'a vu émerger chez les personnes qui consultent,
00:08:58 au départ pour d'autres motifs ou maintenant de plus en plus pour ce motif-là.
00:09:02 Alors il y a un petit biais, je pense qu'on a tous un biais ici autour de la table,
00:09:05 parce que comme on en parle et qu'on travaille sur ces questions,
00:09:07 on voit arriver plus de personnes avec ces plaintes-là.
00:09:10 On ne peut pas dire du tout qu'on est représentatif, évidemment.
00:09:12 Et en effet, on n'a pas de chiffre réellement représentatif d'épidémiologie.
00:09:17 La seule étude un peu récente et à peu près consistante
00:09:22 sur ce qu'on appelle nous la prévalence en épidémiologie de ces troubles,
00:09:26 définie sur des critères encore assez fragiles,
00:09:28 puisque comme on l'a déjà dit, il n'y a pas aujourd'hui d'entité vraiment reconnue,
00:09:33 puisque c'est récent et qu'il faut se méfier de ne pas psychiatriser toute la société.
00:09:37 Ça c'est un motif de vigilance.
00:09:41 Mais en gros, les données américaines, parce qu'il n'y en a pas d'autres, je crois, dans le monde,
00:09:45 sérieuses, c'est à peu près 3% de la population qui répond à des critères de pathologie.
00:09:51 Alors critères de pathologie, c'est sous des formes différentes,
00:09:54 mais une anxiété excessive, excessive c'est-à-dire gênante, envahissante, obsédante,
00:10:00 avec souvent des comportements de vérification
00:10:03 qui ressemblent souvent à des compulsions qu'on voit dans les TOC,
00:10:05 donc des personnes qui vont essayer de se rassurer en regardant les informations,
00:10:10 et souvent, ce n'est pas l'effet à se compter,
00:10:12 ou en tout cas qui vont se documenter, qui vont regarder les rapports du GIEC
00:10:15 et qui vont essayer de trouver des solutions quelque part.
00:10:18 Et ça peut devenir vraiment quelque chose d'assez obsédant.
00:10:21 Il y a des répercussions sur le sommeil, sur l'appétit, sur l'équilibre de vie générale,
00:10:25 et c'est à partir de ce moment-là qu'on peut considérer qu'il y a quelque chose
00:10:28 non pas excessif par rapport à la problématique,
00:10:30 parce que ça c'est un jugement qu'on porte par ailleurs,
00:10:33 mais sur le retentissement que ça a sur la personne,
00:10:36 et c'est là qu'on peut intervenir, nous, en tant que soignants.
00:10:38 Alors justement, ce que nous proposons aujourd'hui en termes de prise en charge,
00:10:43 c'est relativement, je dirais bien, consensuel,
00:10:46 en tout cas, souvent, entre les spécialistes, il y a pas mal de choses à faire.
00:10:50 Je pense qu'on est assez efficaces pour aider ces personnes,
00:10:53 parce que les troubles anxieux, on les connaît depuis longtemps,
00:10:56 et parce qu'on a des outils qui reposent sur les psychothérapies en général,
00:11:01 et sur l'accompagnement, et avant tout l'écoute.
00:11:03 C'est évidemment la première chose que demandent ces personnes,
00:11:06 c'est de pouvoir engager un dialogue, des échanges,
00:11:10 pour pouvoir légitimer souvent leur inquiétude et la partager.
00:11:14 Donc, notre travail, c'est d'avoir cette écoute-là,
00:11:16 de proposer ensuite des soins un peu spécifiques quand il y a une vraie pathologie.
00:11:20 Alors, là aussi, on ressort nos diagnostics de troubles anxieux,
00:11:23 donc c'était généralisé, comme on dit, de dépression parfois,
00:11:26 et on les soigne, ça, normalement, les outils classiques fonctionnent,
00:11:30 avec certaines formes de thérapie, notamment assez adaptées à ces problématiques,
00:11:34 autour des thérapies comportementales et cognitives, pour faire un petit peu large.
00:11:38 Et puis enfin, il y a vraiment quelque chose que tout le monde recommande,
00:11:40 c'est d'accompagner ces personnes vers une mise en action,
00:11:44 vers un engagement qui va correspondre à leur engagement,
00:11:47 souvent, enfin, à leurs valeurs personnelles,
00:11:49 la proximité avec la nature, d'une manière générale,
00:11:51 qui a des effets bénéfiques majeurs pour la santé et la santé psychique,
00:11:54 et puis un engagement souvent associatif, écologique, militant ou autre,
00:11:58 permettant de se réaliser, de sortir de la culpabilité qui est souvent prégnante.
00:12:03 Alors, juste pour terminer et pour répondre un peu à une des questions que vous posiez,
00:12:06 sur la différence avec d'autres formes d'anxiété,
00:12:09 je pense que ce n'est pas encore, en effet, consensuel,
00:12:12 ça reste débattu, on est prudent,
00:12:13 mais je pense qu'il y a matière, effectivement, à définir un syndrome,
00:12:17 ou une dimension, un sous-type, comme on dit, de troubles anxieux,
00:12:21 parce que, un, le motif n'est pas comme les autres.
00:12:23 Vous évoquiez la guerre mondiale, la guerre nucléaire,
00:12:27 bon, la petite différence avec la guerre nucléaire,
00:12:29 c'est qu'en tout cas, en grande partie, elle n'a pas eu lieu,
00:12:32 au sens de, effectivement, moi, je me projette très bien,
00:12:35 je suis parti dans les, plutôt des boomers ici, plutôt que des plus jeunes,
00:12:40 et moi, j'ai offert mon bouquin à mes enfants,
00:12:41 et c'est pas le contraire, mais parce que, comme ça, ça a permis de télé-mobiliser un peu,
00:12:45 mais, à l'époque, on était, en effet, dans cette idée de la guerre froide et des risques nucléaires,
00:12:51 il y avait l'espoir de l'éviter, puisque, réellement, on a pu, jusqu'à présent, l'éviter.
00:12:57 Là, le regard qu'ont ces personnes sur l'avenir, c'est, de toute façon, on ne pourra rien y faire,
00:13:02 c'est irrémédiable, on peut essayer de dévier un peu la trajectoire, mais on va y passer.
00:13:06 Et ça, ça change un peu l'appréhension du danger,
00:13:08 alors ça ne veut pas dire que c'est complètement, radicalement différent,
00:13:10 mais c'est quand même un vécu particulier, qui a des éléments de désespoir, parfois,
00:13:15 et de mélange des émotions, c'est pas que de la peur,
00:13:18 il y a souvent de la frustration, du désespoir,
00:13:23 et beaucoup, vous savez bien, de ressentiment, de colère,
00:13:25 notamment envers les autres, qui sont, pour certains, encore très sceptiques,
00:13:30 et ce n'est pas des films, on sait que le scepticisme, il reste encore,
00:13:34 je pourrais citer les propos récents d'un journaliste,
00:13:38 qui est sur beaucoup de chaînes en ce moment, en tout cas, dans beaucoup de médias,
00:13:41 qui assume que la France n'a pas à s'occuper du changement climatique,
00:13:44 ce n'est pas son travail, on a d'autres choses à faire.
00:13:46 C'est vraiment des discours qu'on entend, et que les égo-anxieux ont du mal, évidemment, à assumer.
00:13:52 Donc, il y a toute cette particularité-là, qui, je pense, mérite une attention particulière,
00:13:56 et pour vraiment terminer, une des propositions, je pense, qu'il nous tient à cœur,
00:14:01 c'est, en effet, de travailler sur cette question au sens, alors, vraiment multidisciplinaire,
00:14:04 ce n'est pas que une question de médecin du tout, c'est une question de psychologue, de médecin,
00:14:08 mais aussi de sociologue, de philosophe, enfin, de tous les acteurs, et notamment les politiques,
00:14:12 parce que je pense que les deux niveaux que j'évoquais au niveau individuel,
00:14:16 ils s'appliquent au niveau collectif.
00:14:17 Il faut porter la parole, il faut écouter ses préoccupations, les partager,
00:14:22 légitimer ce qu'il doit l'être ou pas, parce que le scénario catastrophe,
00:14:26 il n'est pas forcément celui qu'on va choisir, mais il existe dans la tête de certains.
00:14:32 Et donc, il y a ces espaces de parole, moi, je pense, je vous parlais de l'action locale, éventuellement,
00:14:37 d'avoir des lieux d'échange autour de ces questions-là, je pense que c'est primordial.
00:14:40 Et deuxième chose, accompagner vers des meilleures connaissances,
00:14:44 alors, évidemment, l'application des politiques pour la transformation climatique,
00:14:49 c'est la meilleure chose pour rassurer ces personnes, évidemment,
00:14:52 puisqu'elles sont inquiètes avec l'idée qu'on ne fera rien,
00:14:54 donc si on montre qu'on est dans l'action, ça peut évidemment les apaiser un peu.
00:15:00 Et dernière chose, mieux connaître ce phénomène,
00:15:03 moi, je proposerais bien, et on est prêts, nous, à nous y engager,
00:15:07 à créer des centres ressources un peu spécialisés, des centres de référence,
00:15:12 en tout cas, qui permettent de travailler sur les soins apportés,
00:15:14 sur la connaissance un peu scientifique et sur la formation,
00:15:18 parce que ce qui manque probablement, en tout cas, chez les professionnels qui ne sont pas spécialisés,
00:15:22 c'est de connaître, tout simplement.
00:15:23 Et c'est pour ça qu'il est important d'en parler, pour que nos collègues,
00:15:26 psychologues, médecins, tous les personnels de santé,
00:15:28 sachent que c'est une problématique réelle, authentique,
00:15:33 qui est parfois un petit peu, je dirais, prise de haut quand on ne connaît pas bien les sujets.
00:15:37 Voilà, donc il y a, je pense, des objectifs universitaires en partie autour de ça,
00:15:42 que je pense qu'on pourrait tout à fait comporter si vous le souhaitez.
00:15:47 Pardon d'arrêter un peu long.
00:15:49 Bonjour, merci beaucoup.
00:15:54 Très honorée d'être là, merci pour l'invitation.
00:15:56 Je suis du coup Manuela Santamarina, psychologue, clinicienne et psychothérapeute.
00:16:02 Alors moi, j'ai été conviée, je ne suis pas chercheuse,
00:16:06 donc je suis psychologue, clinicienne, psychothérapeute,
00:16:08 ça veut dire concrètement que je suis dans mon cabinet,
00:16:11 je reçois des patients, je suis en cabinet libéral,
00:16:13 et également je travaille dans une fondation.
00:16:16 Et je vais prendre un tout petit peu de temps,
00:16:18 juste pour décrire un peu d'où je viens et d'où je parle,
00:16:21 pour expliquer un peu mieux après mon regard sur cette situation-là.
00:16:26 Alors déjà, je suis tout à fait en accord avec ce qui a été dit par mes premiers collègues.
00:16:33 En gros, moi à la base je suis spécialisée en psychotrauma,
00:16:36 je me suis intéressée d'un point de vue personnel
00:16:39 à la question de la situation écologique et des conséquences psychologiques en 2017.
00:16:43 Et je me suis dit, bon je vais regarder un petit peu ce qui existe en termes de réponses
00:16:46 et en travaux pour l'accompagnement sur cette thématique.
00:16:49 Et il y en avait très peu.
00:16:51 Il y en a encore, vous en avez entendu, très peu,
00:16:53 en tout cas la question du consensus est difficile.
00:16:56 Par contre, j'ai vu qu'il existait énormément de réflexions et d'accompagnement sur ce sujet,
00:17:00 mais par des non-psy, par des non-professionnels de la santé mentale.
00:17:04 Ce qui est quand même assez particulier, disons.
00:17:07 C'est-à-dire comme s'il y avait un abandon de la question de santé mentale,
00:17:09 ou en tout cas un non-intérêt à ce moment-là, à la question de l'éco-anxiété,
00:17:13 alors qu'il existe depuis longtemps des réflexions dans d'autres domaines.
00:17:17 Du coup, j'ai souhaité personnellement me dire,
00:17:20 comment est-ce que je peux moi me faire un regard de cette clinique au niveau du terrain,
00:17:24 et j'ai souhaité rejoindre des mouvements citoyens écologistes.
00:17:28 Donc c'est aussi un petit peu important pour moi de vous dire d'où vient mon regard.
00:17:32 Je suis du coup restée dans ce milieu terrain pendant trois ans.
00:17:36 J'ai souhaité également rencontrer d'autres thérapeutes intéressés par cette question-là,
00:17:41 et nous avons notamment co-fondé le réseau des professionnels de l'accompagnement face à l'urgence écologique,
00:17:46 notamment avec Charlene Schmerber, qui est très active sur ce sujet-là également.
00:17:51 Et je suis également membre du groupe d'intérêt et d'études
00:17:55 de l'Association française de thérapie cognitive et comportementale.
00:17:59 Donc si je donne ces informations-là,
00:18:01 un, c'est pour dire que surtout je pourrais vous donner des retours au niveau de mon retour terrain,
00:18:04 puisqu'aujourd'hui j'ai une file active, on va dire, d'un tiers de mes patients sur la question des éconxieux.
00:18:08 Et comme le disait tout à l'heure le professeur Pellissolo,
00:18:10 c'est bien évidemment dû à quelque chose d'un biais de sélection,
00:18:13 puisque je suis labellisée entre guillemets "psychothérapeute éco-sensible".
00:18:18 Mais voilà, je peux aussi donner un peu la voix, porter la voix d'autres thérapeutes terrain
00:18:24 du fait de ce réseau des accompagnants face à l'urgence écologique
00:18:29 et également de ce groupe d'intérêt d'études.
00:18:32 Et par ailleurs, un autre élément qui me semble intéressant,
00:18:34 dont on va parler aujourd'hui, c'est la question de la sensibilisation.
00:18:37 Je suis également formatrice à l'accompagnement des émotions
00:18:41 pour les personnes qui se forment aux outils de sensibilisation,
00:18:43 comme notamment la fresque du climat,
00:18:45 qui est un outil de sensibilisation sur la question écologique.
00:18:48 Voilà, et donc c'est comment est-ce qu'on va donner ces informations-là,
00:18:51 mais en même temps s'assurer qu'il y a un accompagnement émotionnel
00:18:54 pour que ça ne vienne pas effondrer les personnes,
00:18:56 parce que ça peut des fois donner cet élément-là.
00:18:59 Donc mon regard sur la question de l'éco-anxiété,
00:19:02 suite un petit peu du coup au retour terrain.
00:19:05 Déjà, tout d'abord, c'est vraiment important pour moi de pointer le fait que ce n'est pas une maladie,
00:19:10 comme ça a déjà été cité ici au niveau de mes collègues,
00:19:14 mais aussi c'est vraiment soutenu au niveau, par exemple,
00:19:16 de l'Association américaine de psychologie, l'APA,
00:19:19 aussi le Climate Psychology Alliance,
00:19:23 donc l'alliance climatique-psychologique qui est notamment créée en Angleterre.
00:19:28 Et vraiment, pour eux, c'est vraiment important de pointer le fait
00:19:32 qu'aujourd'hui on ne peut pas parler d'une maladie ou d'une pathologie
00:19:34 sur la question de l'éco-anxiété.
00:19:37 À titre un petit peu comparatif, une des choses que j'aime bien dire,
00:19:41 c'est un peu comme si une personne vivait un deuil,
00:19:44 c'est indéniable qu'elle va souffrir.
00:19:49 La question d'éco-anxiété serait un peu similaire,
00:19:51 c'est-à-dire que la souffrance est indéniable à partir du moment
00:19:54 où il y a une prise de conscience de la situation,
00:19:57 c'est-à-dire qu'il y a quelque chose de douloureux à la perspective
00:20:00 un petit peu de la situation et de la situation actuelle qui nous attendent.
00:20:04 Mais on ne peut pas dire que c'est pathologique lorsqu'on souffre un deuil.
00:20:07 Par contre, il est possible parfois de vivre un deuil pathologique,
00:20:10 c'est-à-dire que ça va se transformer, il va y avoir chez certaines personnes
00:20:13 quelque chose qui va faire que cet état-là va devenir invalidant
00:20:17 ou va générer une paralysie ou en tout cas son fonctionnement ne va plus être possible.
00:20:21 Je prends un petit peu ce parallèle parce que c'est également une façon de dire
00:20:25 et ce n'est pas parce que ce n'est pas une pathologie qu'on ne peut pas l'écouter en séance,
00:20:30 c'est-à-dire qu'on peut aussi souffrir d'éco-anxiété sans que ça soit forcément pathologique,
00:20:35 mais demander quand même à être reçu et écouté sur ce sujet-là,
00:20:38 comme on peut être reçu sur une question d'un deuil.
00:20:42 Ensuite, l'autre élément qui me semble important par rapport à la question de l'éco-anxiété,
00:20:47 déjà, c'est que c'est un terme que moi je trouve personnellement
00:20:49 et d'autres collègues aussi, assez malheureux.
00:20:52 C'est un terme qui ne vient pas d'une réflexion clinique, d'étude des symptômes
00:20:57 et du coup d'une réflexion sur comment est-ce qu'on va nommer cette souffrance-là.
00:21:01 C'est pour ça que je nomme depuis tout à l'heure la notion de souffrance
00:21:04 de manière générale face à l'urgence écologique,
00:21:06 parce qu'en fait, comme le disait d'ailleurs tout à l'heure Professeur Pili-Soloh,
00:21:09 nous ne sommes pas face uniquement à une plainte en termes d'anxiété,
00:21:13 mais il y a énormément, il y a une palette importante d'émotions,
00:21:17 souvent on parle d'éco-émotions,
00:21:19 et donc du coup, c'est un terme assez malheureux
00:21:22 parce que du coup, on va se centrer sur la notion uniquement d'anxiété
00:21:26 et d'ailleurs, on va l'associer très rapidement à un notion de trouble anxieux,
00:21:30 alors que ça ne va pas forcément devenir un trouble anxieux,
00:21:34 ça peut devenir plein d'autres choses.
00:21:38 Il y a Shirlene Schmerber notamment qui utilise le terme de "éco-anxiété systémique"
00:21:45 pour pointer le fait que certes, les personnes se plaignent d'une inquiétude
00:21:51 par rapport au réchauffement climatique et aux conséquences,
00:21:54 mais elles vont avoir aussi, donc d'une part, la palette d'émotions qui va être très large,
00:22:00 mais également aussi des inquiétudes qui vont aller au-delà
00:22:02 de la question du réchauffement climatique,
00:22:04 comme par exemple, donc c'est une étude qualitative,
00:22:06 mais quand même, elle a porté sur 1066 personnes en France.
00:22:10 Les personnes se plaignaient, exprimaient vraiment en top,
00:22:13 on va dire top 3 des raisons de l'anxiété,
00:22:16 c'était la perte de la biodiversité, l'inquiétude en termes de pénurie d'eau
00:22:21 et également ensuite, en troisième point, la question du réchauffement climatique.
00:22:26 Donc ce n'est pas qu'une question d'avoir peur, on va dire,
00:22:27 d'un point de vue de la météo qui fasse chaud.
00:22:30 Il y avait aussi des dimensions très importantes qui étaient,
00:22:35 ce n'est pas juste les conséquences, on va dire, climatiques,
00:22:39 mais c'est aussi sur toutes les autres sphères de la vie qui nous concernent.
00:22:45 Et là, lorsqu'on leur demande un petit peu quel est le risque qu'ils voient
00:22:50 derrière un peu cette situation, c'est en top 1, c'est la guerre.
00:22:54 Ensuite, il y a la question des pénuries,
00:22:57 donc je disais pénurie d'eau, pénurie alimentaire.
00:23:00 C'est aussi la perspective de violence, qu'on se batte,
00:23:03 puisque on se retrouve dans des situations avec moins de ressources,
00:23:05 une inquiétude comme ça, de situation d'une violence qui pourrait augmenter.
00:23:09 La peur aussi de crise économique, de crash boursier, des risques sanitaires.
00:23:15 Donc on voit que c'est une inquiétude qui est beaucoup plus large.
00:23:19 Voilà.
00:23:21 Un autre élément qui me semblait important de pointer, c'était,
00:23:28 parce que c'est vrai que ça touche quand même, ça peut toucher tout le monde,
00:23:32 mais c'est vrai que ça touche quand même beaucoup les jeunes.
00:23:35 Et les études, on a cité tout à l'heure l'étude du Lancet de 2021,
00:23:39 pointe qu'il y a une corrélation quand même très forte entre la perception qu'ont les jeunes,
00:23:45 parce que c'est une étude qui a été faite sur les jeunes,
00:23:47 la perception qu'ont les jeunes sur les actions politiques
00:23:52 qui sont faites par rapport à la situation dans laquelle nous sommes,
00:23:55 et les coïncidés, c'est-à-dire plus ils sentent qu'il y a une inaction,
00:23:59 ou en tout cas des actions qui ne sont pas à la hauteur, plus l'éco-anxiété est forte.
00:24:03 Et cette corrélation, on la retrouve dans d'autres études,
00:24:07 notamment aussi une étude qui a été faite par la Fondation Jaurès,
00:24:10 avec vraiment le...
00:24:12 C'est-à-dire que la souffrance n'est pas juste l'inquiétude à un niveau individuel,
00:24:18 mais c'est l'expression d'un sentiment un peu d'abandon d'une génération par rapport à une autre,
00:24:27 ou en tout cas du sentiment qu'on n'est pas entendu,
00:24:29 quand je dis "on", c'est pas...
00:24:32 Que les jeunes ne se sentent pas entendus sur ces questions-là.
00:24:35 Et que du coup, il y aurait comme un sentiment de...
00:24:38 Presque de violence de voir que la vie continue telle qu'elle est,
00:24:42 que tout... Voilà.
00:24:44 Alors qu'il y aurait des actions majeures à entreprendre.
00:24:47 Et je cite ici une personne qui me semble extrêmement importante,
00:24:50 qui aurait été, à mon avis, très intéressante dans cette table ronde,
00:24:52 mais qui n'est malheureusement pas en France.
00:24:54 Il s'agit de Laélia Benoit.
00:24:55 C'est une pédopsychiatre française, mais qui est aux Etats-Unis,
00:24:59 qui travaille à l'université de Yale et qui a fait une étude sur cette question-là,
00:25:03 sur les jeunes de 7 à 18 ans.
00:25:06 Et elle a également mis en évidence un petit peu ce que je pointais,
00:25:11 c'est-à-dire que la souffrance n'est pas juste une souffrance
00:25:13 par rapport à la question du réchauffement climatique,
00:25:15 mais bien de la réponse de la société, des gouvernements,
00:25:18 des entreprises par rapport à ces enjeux-là.
00:25:20 Et que l'un des leviers majeurs, on va dire,
00:25:26 de soulagement ou d'apaisement de cette inquiétude
00:25:29 ou même de la souffrance de manière générale,
00:25:31 c'est de sentir que ses parents parlent du sujet, agissent sur cette question.
00:25:36 C'est-à-dire sentir la génération du dessus faire quelque chose.
00:25:39 Et c'est un des facteurs de protection les plus importants pour ces jeunes-là.
00:25:44 Voilà.
00:25:46 Enfin, juste rapidement pour la question des réponses publiques,
00:25:48 mais je pense qu'on pourra prendre le temps après d'en parler un petit peu plus.
00:25:51 C'était donc de ce dernier point que je viens de dire,
00:25:54 c'est-à-dire que un, ça me semble important que la réponse soit une réponse sur deux points,
00:25:57 c'est-à-dire un, effectivement, une réponse d'écoute vraiment importante,
00:26:01 puisque aujourd'hui, comme je pointais tout à l'heure,
00:26:03 j'ai dû aller les chercher pour écouter.
00:26:05 Beaucoup de thérapeutes disent "mais moi, j'entends pas ce sujet",
00:26:07 alors qu'on voit des chiffres énormes, "j'entends pas ce sujet en cabinet".
00:26:10 Et ça, c'est...
00:26:12 Il y a un retour vraiment d'une défiance ou d'une méfiance
00:26:16 des lieux thérapeutiques comme espaces pour pouvoir être écoutés,
00:26:19 parce qu'il y a effectivement quelque chose un peu de sentiment
00:26:22 que les thérapeutes ne sont pas éco-sensibilisés,
00:26:25 ou en tout cas ne sont pas formés à la question.
00:26:29 Il y a la question de...
00:26:31 Mais à côté, il est vraiment important de peut-être communiquer sur ce qui se fait
00:26:35 et donner un sentiment un peu de compétence
00:26:38 et que justement les pouvoirs publics agissent.
00:26:41 Par ailleurs, également, je voulais rappeler qu'il existe aujourd'hui
00:26:44 une proposition des premiers secours en santé mentale
00:26:47 qui s'est basée notamment sur un programme qui a été créé en Australie
00:26:51 qui est vraiment très intéressant et très pertinent,
00:26:53 parce que ça peut permettre, du fait qu'on est en train de parler quand même
00:26:56 de quelque chose qui prend beaucoup d'ampleur,
00:26:58 qu'on forme notamment les jeunes à s'accompagner,
00:27:02 ou en tout cas les adultes aussi, accompagner les jeunes
00:27:05 déjà dans des premiers temps d'écoute en termes de santé mentale
00:27:08 et on pourrait rajouter dans ce programme-là
00:27:10 les enjeux d'éco-anxiété justement.
00:27:12 Donc ça c'est une proposition.
00:27:14 Et ensuite, faire attention au niveau des campagnes de sensibilisation,
00:27:20 de transmettre des informations, mais de former les sensibilisateurs,
00:27:26 qui est une formation non seulement, on va dire, aux chiffres,
00:27:30 mais aussi quand même à l'écoute,
00:27:32 parce qu'on ne peut pas transmettre ce type d'informations-là
00:27:35 sans qu'il y ait quand même une intelligence humaine et psychologique,
00:27:41 parce que ça peut parfois beaucoup effondrer.
00:27:43 D'autant plus les jeunes, lorsqu'ils entendent ce type d'informations-là,
00:27:47 disent "mais qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse ?"
00:27:49 Voilà, j'ai fini, merci.
00:27:51 Désolée pour la longueur.
00:27:53 Bonjour à tous, Pierre-Alex Sutter.
00:27:55 Merci de m'avoir invité à cette table ronde.
00:27:57 Alors, je suis psychologue du travail depuis une trentaine d'années,
00:28:00 mais je suis aussi psychologue, clinicien et psychothérapeute,
00:28:03 enseignant-chercheur,
00:28:05 et je préside aussi une association qui s'appelle
00:28:07 la Maison des Éco-Anxieux.
00:28:09 Je dirige l'Observatoire de l'éco-anxiété,
00:28:12 qui est le premier observatoire qui permet de prendre la mesure
00:28:15 du niveau d'éco-anxiété en France,
00:28:17 avec une équipe de chercheurs, de professeurs d'université.
00:28:21 Et je suis retourné faire des études au CNAM,
00:28:24 parce qu'il était nécessaire que je continue de creuser ce sillon
00:28:28 que j'ai initié en 2016,
00:28:30 puisque je ne suis pas venu à l'éco-anxiété,
00:28:32 c'est l'éco-anxiété qui est venue à moi, et vous allez le voir,
00:28:34 comme sans doute M. Mandeligny,
00:28:36 elle va venir de plus en plus souvent à vous,
00:28:38 au travers de vos proches ou des citoyens.
00:28:42 J'en veux pourpreuve un certain nombre d'expériences
00:28:45 que je vais vous partager,
00:28:47 et notamment d'abord ma première patiente,
00:28:49 celle que j'appelle ma "Patiente Zéro",
00:28:51 qui est venue me voir dans mon cabinet de psychothérapeute
00:28:53 en 2016 pour un burn-out initialement,
00:28:55 et puis qui m'a parlé d'éco-anxiété.
00:28:57 Alors je ne savais pas ce que c'était,
00:28:59 j'étais totalement ignorant du sujet,
00:29:01 et j'ai été voir comme tout praticien qui s'honore le CIM,
00:29:03 le Classement International des Maladies,
00:29:05 à l'époque c'était la version 10,
00:29:07 qui gérait par l'OMS,
00:29:09 et qui référence donc tous les tableaux cliniques,
00:29:11 et je n'ai rien trouvé sur l'éco-anxiété,
00:29:13 et pour cause, ça a été dit par mes intervenants qui m'ont précédé.
00:29:17 Aujourd'hui, il n'y a rien d'officiel,
00:29:19 d'institutionnel,
00:29:21 qui permet d'encadrer ce phénomène.
00:29:23 Et donc, comme j'ai des incointances
00:29:25 avec la recherche,
00:29:27 parce que ça avait déjà créé des observatoires,
00:29:29 notamment l'Observatoire de la Vie au Travail,
00:29:31 j'ai été voir mes amis chercheurs,
00:29:33 et on a fait une petite enquête,
00:29:35 et on a fait une petite revue de littérature,
00:29:37 et on s'est rendu compte que l'éco-anxiété
00:29:39 est un terme connu depuis 1997,
00:29:41 mais sans vraiment beaucoup de recherche,
00:29:43 jusqu'à l'orée des années 2010.
00:29:45 Et là, je m'intéresse à la question,
00:29:47 et je décide,
00:29:49 parce qu'à l'époque,
00:29:51 on ne parlait pas d'éco-anxiété,
00:29:53 pas tellement dans les médias,
00:29:55 même pas du tout, avant 2018,
00:29:57 c'est à partir de 2018 que ça explose,
00:29:59 puisque de 2018 à 2021,
00:30:01 il n'y a plus 600% de référence à l'éco-anxiété,
00:30:03 et de 2018 à 2021,
00:30:05 2021 à 2022,
00:30:07 plus 600% à nouveau,
00:30:09 et je pense que ça va encore exploser,
00:30:11 je n'ai pas regardé les statistiques.
00:30:13 Donc l'éco-anxiété vient à nous,
00:30:15 et notamment via les médias.
00:30:17 Et là, ils sont venus, clairement,
00:30:19 d'un point de vue clinique,
00:30:21 j'étais au chevet d'une première patiente éco-anxieuse,
00:30:23 qui me dit, voilà, en plus de subir l'effondrement
00:30:25 de mon burn-out, l'effondrement intérieur,
00:30:27 je dois subir l'effondrement du monde extérieur.
00:30:29 Je la regarde, je regarde par la fenêtre,
00:30:31 et je me dis, il y a un truc qui vient de se passer dans le monde à l'extérieur,
00:30:33 vous n'avez sans doute pas les bonnes lunettes,
00:30:35 je vais vous donner un livre à lire.
00:30:37 Elle m'a fait lire un livre qui s'appelle
00:30:39 "Comment tout peut s'effondrer"
00:30:41 de Pablo Servigne, qui est un des chefs de fille de la collapsologie.
00:30:43 Alors la collapsologie a beaucoup été décriée,
00:30:45 quand bien même elle s'appuie
00:30:47 sur des écrits scientifiques,
00:30:49 et c'est ça qui m'a attiré,
00:30:51 c'est ça qui m'a interpellé,
00:30:53 et c'est pour ça qu'en 2018, j'ai créé un observatoire
00:30:55 qui s'appelle "L'Observatoire des Vécus du Collapse",
00:30:57 et c'est tout ce que c'était que ce vécu,
00:30:59 puisque ça semblait traumatiser les gens.
00:31:01 Moi, je n'étais pas traumatisé par cette question-là.
00:31:03 Un peu comme le disait
00:31:05 M. Jean-Saul, c'est dire, bon, ok,
00:31:07 une anxiété sur un éventuel effondrement,
00:31:09 mais il est toujours là, le monde.
00:31:11 Et puis en me documentant, en regardant ce qui se passait
00:31:13 dans ces écrits,
00:31:15 et notamment ceux du IGEC,
00:31:17 j'ai pris la mesure de ce qui est en train de se passer,
00:31:19 et c'est en fait une histoire de lunettes.
00:31:21 C'est un peu comme quand
00:31:23 Pasteur a découvert les microbes,
00:31:25 et tous les médecins l'ont un petit peu regardé,
00:31:27 disant "mais c'est quoi cette histoire de microbes,
00:31:29 on ne va pas se laver les mains pour faire accoucher les femmes".
00:31:31 Et donc effectivement, la mortalité infantile continuait,
00:31:33 comme elle l'était à l'époque.
00:31:35 Puis un jour, ils ont pris la mesure,
00:31:37 en regardant dans le
00:31:39 microscope,
00:31:41 et ils ont compris.
00:31:43 En fait, ils n'avaient pas les bonnes lunettes.
00:31:45 Et en fait, les collapsologues m'ont donné certaines lunettes
00:31:47 pour voir,
00:31:49 avec des exagérations,
00:31:51 parce qu'il y en a certains qui sont nihilistes,
00:31:53 la collapsologie qui a d'ailleurs été faite.
00:31:55 Mais peu importe, ce n'est pas le lieu du sujet,
00:31:57 puisque moi je suis un psychologue clinicien,
00:31:59 en plus d'être un psychologue du travail.
00:32:01 Et donc, il me fallait trouver les moyens
00:32:03 de soigner cette patiente échouanxieuse.
00:32:05 Et donc, petit à petit, je me suis
00:32:07 renseigné, et petit à petit, j'ai vu que la science
00:32:09 évoluait.
00:32:11 Et d'abord,
00:32:13 j'ai pris conscience que l'échouanxie était, ça n'était pas une maladie,
00:32:15 comme ça a été dit,
00:32:17 notamment au travers des recherches scientifiques.
00:32:19 Vous avez trois possibilités en santé mentale.
00:32:21 Vous avez la santé mentale positive, d'un côté,
00:32:23 du continuum, et de l'autre côté, dans l'autre extrême,
00:32:25 vous avez les psychopathologies
00:32:27 et les pathologies psychiatriques.
00:32:29 Et au milieu, vous avez
00:32:31 ce qu'on appelle la détresse psychologique.
00:32:33 C'est-à-dire un état intermédiaire entre cette santé mentale
00:32:35 positive et la possibilité d'évoluer
00:32:37 vers une psychopathologie.
00:32:39 Et ce que disent les chercheurs,
00:32:41 je vous la fais courte parce que je n'ai pas beaucoup de temps,
00:32:43 c'est qu'en fait, et c'est la définition
00:32:45 d'une équipe de chercheurs néo-zélandais
00:32:47 qui a retenu mon attention, que j'ai synthétisée,
00:32:49 donc je vais vous la dire, c'est une détresse psychologique
00:32:51 face aux enjeux environnementaux.
00:32:53 Elle mérite de la simplicité, cette définition,
00:32:55 une détresse psychologique face aux enjeux environnementaux,
00:32:57 parce qu'elle raconte cette histoire de dégradation
00:32:59 de l'état mental. J'étais en santé mentale
00:33:01 positive et tout à coup, je me prends en pleine figure,
00:33:03 en pleine poire, les informations
00:33:05 de l'effondrement du monde.
00:33:07 On pourra les détailler dans l'échange tout à l'heure.
00:33:09 Parce qu'ils sont actuels.
00:33:11 Par exemple, vous avez l'effondrement de la biodiversité.
00:33:13 Aujourd'hui, il y a un million d'espèces sur les
00:33:15 11 millions répertoriés qui sont menacées d'extinction massive.
00:33:17 Pour prendre un exemple.
00:33:19 Et donc,
00:33:21 cet état de détresse
00:33:23 psychologique, il est lié à la
00:33:25 prise d'informations de tous ces
00:33:27 effondrements que vivent les patients, dans leur
00:33:29 fort intérieur, dans leur
00:33:31 rapport au monde.
00:33:33 Et donc, il y a quelque chose
00:33:35 d'existentiel qui se passe très rapidement,
00:33:37 c'est qu'ils se projettent dans l'avenir
00:33:39 en se disant "mais si on va comme ça
00:33:41 vers l'effondrement d'un certain nombre
00:33:43 de choses, notamment des espèces
00:33:45 vivantes, des règlements climatiques,
00:33:47 si les sécheresses continuent à
00:33:49 devenir, il va y avoir moins d'eau, etc.
00:33:51 on va moins bien manger, moins bien boire, moins bien
00:33:53 respirer, moins bien vivre. Et le Covid est venu
00:33:55 valider en partie cette thèse-là.
00:33:57 Et donc, il y a
00:33:59 des craintes existentielles. Et c'est pour ça que
00:34:01 les enfants s'inquiètent pour leur avenir, parce que
00:34:03 ici, dans cette salle, je crois qu'il n'y en a pas beaucoup.
00:34:05 Et notre avenir, il est plutôt derrière nous que devant nous.
00:34:07 Pour les bibouneurs que nous sommes.
00:34:09 Mais eux, ils ont leur avenir qui est devant eux.
00:34:11 Et donc, ils s'inquiètent du monde
00:34:13 qu'on va leur laisser. Et c'est ce qui se passe.
00:34:15 On pourrait le dire essentiellement chez les
00:34:17 enfants, mais moi, j'ai constaté
00:34:19 empiriquement que ma patientèle
00:34:21 était composée autant de jeunes que
00:34:23 d'adultes, que de quinquas.
00:34:25 Enfin, de vingtenaires, trentenaires, quarantenaires,
00:34:27 et quinquas. Et j'ai voulu en avoir
00:34:29 le cœur net, et donc j'ai créé cet observatoire,
00:34:31 l'Observatoire de l'éco-anxiété avec des chercheurs,
00:34:33 sur la base des travaux de recherche de Hogue et
00:34:35 Ali, donc l'équipe d'Australo-
00:34:37 néo-zélandaises
00:34:39 qui a le mérite
00:34:41 de proposer une définition simple,
00:34:43 mais aussi un référentiel, qui m'a
00:34:45 permis d'évaluer
00:34:47 l'éco-anxiété, un référentiel de
00:34:49 symptômes cliniques,
00:34:51 qui me permet, toujours au quotidien,
00:34:53 de valider cette éco-anxiété. Et surtout, ils l'ont
00:34:55 assortie d'un outil diagnostique
00:34:57 que nous avons transposé
00:34:59 au travail d'une étude de recherche, mais on a été doublé par une
00:35:01 équipe lilloise, qui s'appelle,
00:35:03 enfin, qui sont les travaux de Maté, qui a donc
00:35:05 transposé cette échelle tout récemment. Donc, on a
00:35:07 maintenant un outil de diagnostic qui est viable,
00:35:09 validé scientifiquement,
00:35:11 et qui permet des mesures de l'éco-anxiété.
00:35:13 Simplement, aujourd'hui, on n'a pas l'étalonnage.
00:35:15 Puisque l'éco-anxiété, c'est un peu comme la fièvre,
00:35:17 c'est-à-dire que, comme toute
00:35:19 détresse psychologique, elle est plus ou moins intense
00:35:21 et chronique. Et c'est quand elle s'intensifie
00:35:23 et qu'elle se chronicise qu'elle devient une psychopathologie,
00:35:25 que là, nos amis psychiatres ont besoin
00:35:27 de mettre tout en oeuvre pour traiter
00:35:29 les patients que nous, les psychologues, ne pouvons
00:35:31 plus traiter.
00:35:33 Et ce qui est intéressant dans l'outil de
00:35:35 Haug et Ali, c'est qu'on a donc une possibilité
00:35:37 de mesurer cette éco-anxiété
00:35:39 au travers d'un tableau clinique
00:35:41 qui n'est pas exhaustif,
00:35:43 puisque la science progresse par classification
00:35:45 successive, mais qui permet
00:35:47 d'identifier, de faire un diagnostic
00:35:49 différentiel des éco-anxiés. Parce que ce n'est pas parce que je dis
00:35:51 que je suis éco-anxieux que je le suis vraiment.
00:35:53 C'est pour ça que moi, les études qui se basent
00:35:55 sur des sondages, je m'en méfie beaucoup, et même les études
00:35:57 scientifiques, celles qui ont été nommées, notamment
00:35:59 de Hickman, qui est
00:36:01 la faculté de
00:36:03 BAF en Angleterre. Moi, elle me
00:36:05 gênait, parce que d'abord, elle se centralisait seulement
00:36:07 sur les jeunes, et pas sur l'ensemble de la population.
00:36:09 Et elle faisait
00:36:11 plutôt état d'un sondage. C'est "qu'est-ce que vous
00:36:13 pensez de votre éco-anxiété ?" Alors que l'équipe de
00:36:15 Haug et Ali,
00:36:17 elle propose un outil de diagnostic, c'est-à-dire
00:36:19 d'auscultation,
00:36:21 si j'ose dire, du mental
00:36:23 des individus. Et
00:36:25 il manque encore aujourd'hui
00:36:27 un étalonnage qui permet
00:36:29 de classifier. On a proposé
00:36:31 dans une publication scientifique intermédiaire
00:36:33 une première proposition d'étalonnage
00:36:35 qui permet de dire "je suis
00:36:37 faiblement éco-anxieux à très fortement
00:36:39 éco-anxieux". Et évidemment,
00:36:41 plus on est fortement éco-anxieux, plus on
00:36:43 se rapproche d'une problématique
00:36:45 de psychopathologie, et ça
00:36:47 menace notre santé mentale. C'est là où l'éco-anxiété menace notre santé
00:36:49 mentale, et où l'éco-anxieux peut
00:36:51 basculer dans
00:36:53 un problème de santé mentale. Voilà.
00:36:55 J'ai été assailli par les éco-anxieux.
00:36:57 C'est devenu principalement ma patientelle.
00:36:59 Alors, comme le disait le docteur Pellissolo,
00:37:01 je deviens jugé parti parce qu'à force
00:37:03 de savoir que je suis un expert d'éco-anxiété, des gens
00:37:05 viennent me voir parce que un patient
00:37:07 sur deux de mes patients m'a dit
00:37:09 "j'ai été voir un de vos confrères, ils n'ont rien compris ce que
00:37:11 je leur disais". Ils ont revécu
00:37:13 ce que j'avais vécu moi avec ma première
00:37:15 patiente. C'est-à-dire qu'on regarde par la fenêtre
00:37:17 et puis on ne comprend pas ce que c'est que l'effondrement du monde.
00:37:19 Tant qu'on n'a pas pris la mesure avec
00:37:21 des documents scientifiques, de la
00:37:23 documentation scientifique. C'est les scientifiques
00:37:25 qui nous le disent depuis 50 ans.
00:37:27 Une des toutes premières études, elle date de 1972,
00:37:29 on parle déjà de ces problèmes. Et quand on regarde un peu
00:37:31 plus profondément, même dans les médias américains,
00:37:33 dès les années 50, on parlait déjà
00:37:35 des gaz à effet de serre. Et c'est donc
00:37:37 quelque chose qu'on a négligé et qui aujourd'hui nous revient
00:37:39 comme un boomerang dans la figure,
00:37:41 notamment par des porte-parole que sont les éco-anxieux.
00:37:43 Et pour moi, les éco-anxieux, ce n'est pas des
00:37:45 personnes pathologiques, c'est dit par les scientifiques
00:37:47 et par mes prédécesseurs. Ce sont des gens
00:37:49 qui s'inquiètent pour l'avenir et même
00:37:51 pour le présent. Et je dirais même que c'est
00:37:53 les éco-ambassadeurs de la transition
00:37:55 écologique. C'est-à-dire que ce sont des gens qui ont
00:37:57 une clairvoyance, une éco-clairvoyance
00:37:59 sur ce qu'il faudrait changer dans le monde pour qu'il aille mieux
00:38:01 et pour éviter qu'il se dégrade, pour continuer
00:38:03 à bien manger, bien boire, bien respirer
00:38:05 et bien vivre. Je vous remercie pour votre écoute.
00:38:07 - Merci.
00:38:09 Dans mon propos introductif, j'ai cité
00:38:11 deux mots, lucidité et espérance.
00:38:13 Et je pense qu'on a tous effectivement
00:38:15 un rôle à jouer, que ce soit les médias ou les élus
00:38:17 sur les sujets. Il y a quelques
00:38:19 demandes de prise de parole.
00:38:21 Renan Antec, pour Jean.
00:38:23 Toi, tu as...
00:38:25 Corinne ?
00:38:27 Est-ce qu'il y a d'autres ?
00:38:29 Martha ? Bon, on va faire
00:38:31 par série trois questions, peut-être.
00:38:33 Donc Renan, Corinne et puis
00:38:35 Martha. Puis ensuite, Torrance, Roselyne.
00:38:37 - Oui.
00:38:39 Merci, Monsieur le Président. Et merci pour l'organisation
00:38:41 de cette table ronde, parce que ça nous permet de mettre sur la table
00:38:43 un sujet qu'on n'a jamais
00:38:45 cherché à approfondir.
00:38:47 Donc moi, j'ai bien entendu, je crois
00:38:49 que c'est le point quand même clé, c'est que l'éconxioté
00:38:51 n'est pas une pathologie.
00:38:53 En fait, c'est un rapport au monde.
00:38:55 C'est une lecture du monde. Je crois que c'est important quand même
00:38:57 d'abord de dire, même si après
00:38:59 ça peut alimenter des névroses,
00:39:01 voire des névroses préexistantes.
00:39:03 Là, je sors de mon propre domaine de compétence
00:39:05 assez rapidement.
00:39:07 Du coup, moi, ma question,
00:39:09 c'est plutôt d'essayer
00:39:11 d'analyser, avant
00:39:13 la partie purement
00:39:15 où ça devient une pathologie.
00:39:17 Mais ça peut devenir
00:39:19 une pathologie. Mais peut-être pas très
00:39:21 différente, finalement, des autres pathologies.
00:39:23 Il faudrait regarder, y compris dans l'histoire,
00:39:25 avant la Seconde Guerre mondiale,
00:39:27 quelles étaient les pathologies d'anxiété.
00:39:29 Il y a d'autres périodes, certainement,
00:39:31 même la guerre d'Algérie,
00:39:33 comment les périodes
00:39:35 d'anxiété liées au contexte
00:39:37 politique
00:39:39 créent
00:39:41 derrière de la pathologie.
00:39:43 Donc, c'est pas nouveau.
00:39:45 Mais, effectivement,
00:39:47 moi, il me semble intéressant.
00:39:49 Alors, c'est un peu à la limite
00:39:51 de vos propres compétences.
00:39:53 Mais on aurait besoin, peut-être, d'analyser
00:39:55 plus, ça tient
00:39:57 du sondage et de l'étude quantitative,
00:39:59 donc c'est évidemment pas si simple,
00:40:01 quelles sont les conséquences, en termes
00:40:03 comportementaux, de cette
00:40:05 montée de l'éco-anxiété,
00:40:07 y compris en termes
00:40:09 sociétaux, économiques.
00:40:11 Il y a un exemple que vous avez
00:40:13 finalement peut-être cité, mais qui semble quand même
00:40:15 assez central aujourd'hui, qui est la
00:40:17 hausse de natalité, parce que ça, on l'entend
00:40:19 tous, on a beau être d'une génération
00:40:21 de boomers, on voit
00:40:23 bien dans les discussions avec les jeunes
00:40:25 comment cette éco-anxiété
00:40:27 se traduit par une baisse
00:40:29 du nombre d'enfants. Ce qui veut dire
00:40:31 aussi, et c'est extrêmement intéressant
00:40:33 quand on en discute ici au Sénat, c'est que
00:40:35 à chaque fois que la société
00:40:37 a le sentiment d'un retour
00:40:39 en arrière sur les grandes luttes environnementales,
00:40:41 pour des raisons généralement
00:40:43 immédiates, qui peuvent s'entendre, mais qui sont
00:40:45 pas immédiates, ça veut dire que derrière
00:40:47 on perd de la natalité, on perd des enfants,
00:40:49 on change des comportements
00:40:51 qui vont contre le modèle économique
00:40:53 de ceux qui ont justement
00:40:55 cherché à retarder les efforts à faire.
00:40:57 Si vous trouvez un lien
00:40:59 avec l'actualité,
00:41:01 c'est votre responsabilité à tous.
00:41:03 Et à chacun. Mais
00:41:05 cette question, moi, me semble assez centrale, c'est-à-dire
00:41:07 de voir aujourd'hui, au-delà
00:41:09 du moment où ça devient
00:41:11 une pathologie, effectivement
00:41:13 quels sont les
00:41:15 changements comportementaux
00:41:17 principaux
00:41:19 et dont nous, on a évidemment, en tant que
00:41:21 législateurs,
00:41:23 derrière à intégrer.
00:41:25 Donc ça, c'est pour moi une question assez essentielle.
00:41:27 L'autre, c'est effectivement
00:41:29 je pense que la
00:41:31 collapsologie et les études du
00:41:33 GIEC ne sont pas de même
00:41:35 nature. C'est important
00:41:37 quand même, mais je crois qu'on est d'accord.
00:41:39 Notamment la place donnée par
00:41:41 les collapsologues à la
00:41:43 crise énergétique
00:41:45 n'est pas du tout
00:41:47 dans ce que le GIEC raconte. Donc il y a une vraie différence.
00:41:49 Mais comment la collapsologie
00:41:51 impacte effectivement le co-anxiété, ça me semble
00:41:53 une autre question importante. Merci.
00:41:55 Merci.
00:41:57 Corinne ?
00:41:59 Merci, Monsieur le Président. Merci,
00:42:03 Mesdames, Messieurs, pour vos
00:42:05 interventions. Deux petites
00:42:07 questions. Dans la mesure où vous
00:42:09 avez expliqué que les co-anxiétés
00:42:11 n'étaient pas une maladie, n'étaient pas une pathologie,
00:42:13 en quoi notre système de santé
00:42:15 pourrait contribuer à apporter
00:42:17 des réponses
00:42:19 à cette détresse psychologique, pour reprendre
00:42:21 vos termes ? Et puis
00:42:23 une autre question très courte.
00:42:25 Vous nous l'avez dit tout à l'heure,
00:42:27 Monsieur Sutter, les co-anxiétés
00:42:29 viennent à nous, notamment par les médias.
00:42:31 En quoi
00:42:37 en termes de...
00:42:39 Quelle est votre
00:42:41 appréciation par rapport
00:42:43 à cette information qui est donnée
00:42:45 en continu sur des chaînes d'information
00:42:47 24/24 et qui, visiblement,
00:42:49 aggrave les co-anxiétés ?
00:42:51 Je vous remercie.
00:42:53 Merci, Président, de me
00:42:57 passer la parole. J'avais en fait
00:42:59 plusieurs questions. Elles ont été un
00:43:01 petit peu abordées aussi parce qu'il me semble
00:43:03 que l'anxiété de
00:43:05 nos jeunesses,
00:43:07 ça a déjà existé par le passé. Je pense
00:43:09 au courant hippie, par exemple,
00:43:11 qui est un courant qui est derrière
00:43:13 nous. Il y avait le sujet de la
00:43:15 guerre, l'inquiétude,
00:43:17 une forme de manifestation
00:43:19 d'anxiété d'une certaine jeunesse.
00:43:21 Aujourd'hui, tous les
00:43:23 quatre, et je vous remercie parce que ça
00:43:25 nous éclaire sur un
00:43:27 phénomène, effectivement, dont on entend parler
00:43:29 de plus en plus. Vous nous dites
00:43:31 que vous êtes des
00:43:33 thérapeutes, des cliniciens.
00:43:35 Vous parlez beaucoup
00:43:37 de jeunes que vous accueillez dans le cadre
00:43:39 de vos activités,
00:43:41 avec parfois
00:43:43 des diagnostics que vous-même posez.
00:43:45 J'avais envie, une première question,
00:43:47 est-ce que vous, vous êtes éco-anxieux,
00:43:49 déjà ? Et est-ce que votre
00:43:51 propre positionnement par rapport
00:43:53 à ce phénomène n'influence pas
00:43:55 votre propre thérapie ? Excusez-moi,
00:43:57 je peux vous paraître un peu provocatrice,
00:43:59 d'autant plus que je crois que c'est le professeur
00:44:01 Pellissolo qui disait
00:44:03 "Lorsque je sens qu'ils ont besoin qu'on leur
00:44:05 dise quoi faire, je les oriente vers
00:44:07 des... éventuellement
00:44:09 un militantisme écologique,
00:44:11 etc. Mais dans le fond,
00:44:13 si quelqu'un vient pour
00:44:15 maltraitance, vous ne le conseillez pas de mettre des
00:44:17 gants de boxe, me semble-t-il.
00:44:19 Je voulais connaître un petit peu aussi votre positionnement,
00:44:21 j'ai presque envie de dire,
00:44:23 pardon de le dire comme ça,
00:44:25 éthique, par rapport
00:44:27 à cette éco-anxiété, parce que
00:44:29 nous sommes législateurs, donc ça
00:44:31 rejoint aussi un peu la question
00:44:33 très bien, mais on fait quoi
00:44:35 concrètement avec les
00:44:37 constats que vous faites dans votre propre pratique
00:44:39 professionnelle ? Je vous remercie.
00:44:41 Je vous laisse répondre,
00:44:43 je ne sais pas qui répond, certains d'entre vous ont été
00:44:45 sollicités directement.
00:44:47 Je me lance en premier.
00:44:51 Du coup, déjà,
00:44:53 par rapport à la question de l'éco-anxiété
00:44:55 n'est pas une pathologie psychiatrique,
00:44:57 elle ne l'est pas parce qu'on ne la connaît
00:44:59 pas encore suffisamment, c'est-à-dire
00:45:01 que moi je suis à peu près persuadée
00:45:03 qu'on va finir par avoir des
00:45:05 critères diagnostiques, il y a des échelles
00:45:07 qui ont été
00:45:09 créées pour pouvoir
00:45:11 authentifier quels sont les symptômes
00:45:13 qui sont présents, oui, non,
00:45:15 et effectivement ce qui nous manque aujourd'hui
00:45:17 c'est un étalonnage
00:45:19 de ces échelles pour savoir
00:45:21 à partir de quand on dit
00:45:23 qu'il y a un trouble
00:45:25 ou pas de trouble.
00:45:27 Parce qu'il y a des personnes,
00:45:29 en fait, ce qui
00:45:31 définit un trouble
00:45:33 psychiatrique, c'est
00:45:35 le fait que ça ait un impact
00:45:37 sur le quotidien des personnes
00:45:39 et que ça les empêche
00:45:41 de fonctionner comme ils
00:45:43 souhaiteraient le faire.
00:45:45 Finalement, la pathologie psychiatrique,
00:45:47 elle est toujours définie
00:45:49 par ses conséquences sur le fonctionnement
00:45:51 au quotidien,
00:45:53 dans la grande majorité des cas.
00:45:55 Et donc, effectivement,
00:45:57 certainement que pour certaines
00:45:59 personnes ça va être du registre de la préoccupation
00:46:01 et certainement d'une préoccupation
00:46:03 qui est plutôt d'un registre politique
00:46:05 et qui ne va pas entraîner de souffrance
00:46:07 ou pas sous une forme
00:46:09 qui soit invalidante, mais pour d'autres
00:46:11 personnes, eh bien ça va
00:46:13 soit être un facteur
00:46:15 précipitant vers d'autres troubles
00:46:17 psychiatriques qui sont déjà connus, tels que
00:46:19 des dépressions, des troubles lancieux,
00:46:21 ça on l'a déjà évoqué,
00:46:23 soit,
00:46:25 et c'est la question qui reste un peu
00:46:27 en suspens là, en termes de
00:46:29 connaissances scientifiques,
00:46:31 c'est est-ce que l'éco-anxiété en elle-même
00:46:33 est un sous-type
00:46:35 de troubles psychiatriques parmi ceux
00:46:37 qui sont déjà connus et déjà caractérisés.
00:46:39 Parce que pour certaines personnes,
00:46:41 il y a une souffrance qui est invalidante.
00:46:43 Donc du coup,
00:46:45 dire que ce n'est pas du tout une pathologie
00:46:47 psychiatrique, je pense qu'à ce jour,
00:46:49 on ne peut pas le faire.
00:46:51 La deuxième partie, c'est que
00:46:53 effectivement, nous
00:46:55 en tant que, donc moi je parle en tant que
00:46:57 psychiatre, et c'était
00:46:59 dans la discussion de mon
00:47:01 mémoire de fin d'étude,
00:47:03 c'est qu'effectivement,
00:47:05 on a une place de
00:47:07 thérapeute, et c'est qu'on ne peut pas
00:47:09 répondre à toutes les questions qui sont posées
00:47:11 par l'éco-anxiété, c'est-à-dire
00:47:13 que la position que nous
00:47:15 on peut prendre en tant que thérapeute, c'est
00:47:17 accueillir la souffrance
00:47:19 et proposer des solutions par rapport
00:47:21 au traitement de cette anxiété
00:47:23 ou de cette détresse psychologique.
00:47:25 Effectivement, en tant que
00:47:27 positionnement éthique,
00:47:29 ce n'est pas notre place
00:47:31 de...
00:47:33 d'avoir une opinion pour nos patients
00:47:35 sur
00:47:37 qu'est-ce qu'ils devraient mettre en oeuvre
00:47:39 ou faire concrètement
00:47:41 dans un positionnement militant
00:47:43 ou autre.
00:47:45 Ce n'est pas tellement ça le sens
00:47:47 des interventions
00:47:49 qui sont proposées dans les papiers qui le
00:47:51 proposent. C'est plutôt
00:47:53 de dire que...
00:47:55 C'est plutôt à l'inverse,
00:47:57 c'est-à-dire les patients qui souffrent d'éco-anxiété,
00:47:59 parmi ceux
00:48:01 qui s'expriment à ce sujet,
00:48:03 ont rapporté que
00:48:05 par le fait d'essayer
00:48:07 de mettre en cohérence leurs
00:48:09 actions avec leurs convictions,
00:48:11 ressentent une diminution
00:48:13 de l'inquiétude
00:48:15 et de cette incohérence
00:48:17 et donc ressentent un effet bénéfique
00:48:19 sur leur santé mentale.
00:48:21 Voilà. Mais ce n'est pas à nous
00:48:23 de leur dire de faire
00:48:25 je ne sais pas quoi, d'aller s'engager
00:48:27 ou pas. Et ce n'est pas ça le sens
00:48:29 de ce que
00:48:31 les thérapeutes font
00:48:33 à l'heure actuelle.
00:48:35 Parce que
00:48:37 effectivement, il y a une scission assez
00:48:39 importante à faire entre notre rôle
00:48:41 de psychiatre et de
00:48:43 psychologue et de thérapeute et
00:48:45 notre positionnement en tant que personne
00:48:47 citoyen
00:48:49 dans la société.
00:48:51 Donc voilà pour ce point.
00:48:55 Sur les autres questions,
00:48:59 qui veulent répondre ?
00:49:01 Si on reprend dans l'ordre,
00:49:03 c'est vraiment toujours un peu
00:49:05 la même problématique
00:49:07 qu'on aborde depuis le début, qui est
00:49:09 ce qui est normal, ce qui ne serait pas normal
00:49:11 ou ce qui serait excessif. Parce que pour répondre déjà
00:49:13 à votre première question, les comportements,
00:49:15 il y a quand même quelques petites études un peu
00:49:17 scientifiques, psychologie, sociale ou autre
00:49:19 qui essayent de comprendre, effectivement,
00:49:21 est-ce que les personnes qui se déclarent avec cette
00:49:23 anxiété, finalement,
00:49:25 changent leur comportement en fonction de ça,
00:49:27 de leur inquiétude,
00:49:29 ou pas ? Avec l'idée que,
00:49:31 on part du principe qu'il y a une problématique écologique,
00:49:33 qu'il faut adapter ses comportements. Je pense que
00:49:35 là-dessus, il n'y a pas de débat de fond,
00:49:37 en tout cas en majorité.
00:49:39 Et donc, que par exemple,
00:49:41 est-ce que
00:49:43 l'effet d'être anxieux
00:49:45 promeut ou pas, enfin, aide à avoir des comportements
00:49:47 plus pro-environnementaux,
00:49:49 on va dire faire attention à ce qu'on mange,
00:49:51 faire attention à comment on se déplace, enfin des choses comme ça.
00:49:53 Et les études montrent
00:49:55 qu'en gros, il y a toujours les deux. Il y a des gens
00:49:57 que ça va aider, pour lesquels
00:49:59 il y a plus de comportements, enfin, pour lesquels il y a
00:50:01 une corrélation avec des comportements pro-environnementaux,
00:50:03 et puis d'autres où c'est plutôt l'inverse. Il y a un effet de repli,
00:50:05 il y a un effet, on pourrait dire,
00:50:07 de sidération. C'est exactement l'effet de l'anxiété
00:50:09 dans tous les cas. L'anxiété, normalement,
00:50:11 pousse à agir pour se protéger,
00:50:13 en gros, avoir peur, c'est juste éviter le danger
00:50:15 quand on peut. Et donc,
00:50:17 pour certains, c'est
00:50:19 malheureusement, il y a un cap
00:50:21 un peu excessif dans la sidération,
00:50:23 dans la perte
00:50:25 de liberté d'action, et donc
00:50:27 pour certains, on voit que ça
00:50:29 donne plutôt des comportements. Alors, par exemple,
00:50:31 le renoncement à la parentalité,
00:50:33 on peut l'interpréter de mille façons, c'est très
00:50:35 intime comme décision, mais on peut
00:50:37 le considérer comme quelque chose où il y a une forme de renoncement,
00:50:39 une forme de renoncement à la transmission
00:50:41 qui serait là, vraiment le pire
00:50:43 de ce qui pourrait arriver, en tout cas à l'espèce humaine, par définition,
00:50:45 mais c'est un peu l'extrême
00:50:47 du spectre. Il y a heureusement d'autres gens
00:50:49 qui ne vont pas jusque-là, ou en tout cas qui ne vont pas forcément
00:50:51 être dans l'effet
00:50:53 dans cette démarche, mais qui sont plutôt,
00:50:55 encore une fois, de repli et de souffrance.
00:50:57 Donc c'est ça qu'on essaye de démêler
00:50:59 entre l'anxiété,
00:51:01 l'éco-anxiété, on va dire,
00:51:03 positive, parce qu'on peut considérer que c'est le cas,
00:51:05 s'inquiéter pour... Alors, moi, je fais toujours le parallèle
00:51:07 avec l'hypochondrie. On peut s'inquiéter
00:51:09 pour sa santé, c'est bien, c'est nécessaire de se surveiller,
00:51:11 de ne pas faire n'importe quoi avec sa santé.
00:51:13 Par contre, quand on est obsédé par sa santé
00:51:15 et qu'on n'arrive plus à s'empêcher
00:51:17 de se surveiller, d'aller consulter
00:51:19 ce qu'on appelle l'hypochondrie, il y a tous les
00:51:21 degrés et ça peut être franchement
00:51:23 invalidant. Donc l'éco-anxiété, je pense qu'il y a
00:51:25 la même graduation
00:51:27 entre quelque chose de plutôt
00:51:29 positif, on peut dire, sur le
00:51:31 principe, et puis une éco-anxiété,
00:51:33 on va dire, pathologique.
00:51:35 Enfin, qui devient pathologique.
00:51:37 C'est vrai qu'on tourne autour du pot là depuis le début.
00:51:39 En gros, il y a
00:51:41 deux niveaux. Et le niveau
00:51:43 de décompensation, en gros, c'est celui
00:51:45 sur lequel on intervient. Et quand vous
00:51:47 posiez la question, madame, sur le
00:51:49 système de santé, je crois que c'est comme dans les autres problématiques.
00:51:51 Il faut qu'on essaye d'intervenir
00:51:53 avant que ça décompense.
00:51:55 Il vaut mieux prévenir que guérir.
00:51:57 Et donc, par l'information qu'on a évoquée,
00:51:59 par la formation, que les
00:52:01 professionnels puissent en parler.
00:52:03 Moi, je trouve que ce qu'évoquait
00:52:05 Manuela Santamarina sur les premiers secours en santé mentale,
00:52:07 c'est en effet très pertinent, parce que ça
00:52:09 s'adresse à tout le monde, que chacun puisse apporter
00:52:11 sa pierre, même à ses amis
00:52:13 ou avec des personnes à qui on évolue,
00:52:15 pour que ça soit connu et qu'on dise, là,
00:52:17 on a l'impression qu'il y a quelque chose qui a besoin d'être
00:52:19 un petit peu pris en compte. Qu'est-ce que
00:52:21 je peux faire pour préserver ma santé mentale ?
00:52:23 Et ça ne veut pas dire aller voir un psychiatre.
00:52:25 Forcément, ça peut être, je me
00:52:27 repose un peu, je me déconnecte.
00:52:29 Parce qu'effectivement, la question sur
00:52:31 les flots d'informations,
00:52:33 ce n'est pas qu'il faut être contre
00:52:35 les informations. Quand il arrive des catastrophes climatiques,
00:52:37 on ne va pas dire, je ferme les yeux, je ne veux pas le savoir.
00:52:39 Alors, évidemment, les chaînes d'informations, c'est un peu
00:52:41 trop récurrent et
00:52:43 spectaculaire. Mais le fait est
00:52:45 qu'il y a les deux niveaux.
00:52:47 Il faut s'informer, mais ne pas être inondé.
00:52:49 Donc, clairement, les conseils qu'on donne,
00:52:51 à un niveau préventif, là, c'est
00:52:53 des moments de déconnexion. Par exemple,
00:52:55 on voit beaucoup de vrais professionnels
00:52:57 du climat. Ceux qui sont chercheurs,
00:52:59 ceux qui sont
00:53:01 climatologues, notamment.
00:53:03 Ils sont inondés, ça, en général
00:53:05 parce qu'ils ont une fibre personnelle
00:53:07 le jour et la nuit. Enfin, c'est leur
00:53:09 engagement. Et donc, dans ce cas-là, on ne va pas
00:53:11 leur dire, mais laissez tomber, ça n'a aucune
00:53:13 importance. On va juste essayer de leur dire
00:53:15 comme on fait avec toute gestion du stress,
00:53:17 faites des pauses, prenez le temps de respirer
00:53:19 parce qu'il faut vous préserver, vous aussi. Donc, c'est ça
00:53:21 la démarche, vraiment. Et les
00:53:23 professionnels peuvent accompagner ça
00:53:25 si possible, le plus tôt possible,
00:53:27 avant que ça décompense. Et quand c'est décompensé,
00:53:29 on a nos outils. Et pour
00:53:31 répondre à la dernière question,
00:53:33 l'engagement... Alors, personnellement,
00:53:35 vous avez tout à fait raison
00:53:37 pour la question. Moi, je peux le dire clairement,
00:53:39 je pense être éco-anxieux
00:53:41 positif, c'est-à-dire que
00:53:43 j'en tiens compte dans mon mode de vie
00:53:45 et j'essaye d'y contribuer.
00:53:47 J'ai la chance, et voilà, c'est comme ça,
00:53:49 j'y peux rien, d'être assez protégé, je pense,
00:53:51 contre la décompensation parce que
00:53:53 je ne pense pas souffrir au sens
00:53:55 des répercussions qu'on voit chez les malades.
00:53:57 Voilà, mais c'est ça vraiment
00:53:59 qu'on peut définir. Et c'est
00:54:01 donc cette préoccupation-là
00:54:03 qui m'a fait aussi
00:54:05 m'intéresser au sujet. Et donc,
00:54:07 notre but, je me suis
00:54:09 mal exprimé tout à l'heure, évidemment,
00:54:11 le but, ce n'est pas de faire des
00:54:13 prescriptions de comportement,
00:54:15 c'est de laisser les personnes
00:54:17 retrouver leur liberté d'action.
00:54:19 Et le plus souvent, c'est elles qui souhaitent s'engager.
00:54:21 C'est-à-dire que quand on a cette fibre-là, certains
00:54:23 se disent "il faut essayer de changer les choses".
00:54:25 Ce n'est pas que militants,
00:54:27 parce que les militants qu'on voit les plus spectaculaires, c'est une chose,
00:54:29 mais c'est aussi "qu'est-ce que je fais
00:54:31 pour améliorer la biodiversité
00:54:33 autour de chez moi,
00:54:35 promouvoir là aussi
00:54:37 des modes de vie plus
00:54:39 adaptés". C'est là qu'on voit des personnes changer
00:54:41 parfois de lieu d'habitation,
00:54:43 de travail, parce qu'elles ont réfléchi autrement à leur vie
00:54:45 et se sentent comme ça, en accord avec elles-mêmes,
00:54:47 et retrouvent un apaisement. En gros, se déculpabilisent,
00:54:49 parce que dans une grosse partie
00:54:51 de la souffrance éco-anxieuse, c'est
00:54:53 quand même une forme d'hyper-responsabilité,
00:54:55 comme si chacun devait
00:54:57 porter sur ses épaules le poids des
00:54:59 catastrophes à venir, et donc
00:55:01 relativiser, mais se sentir
00:55:03 utile à quelque chose, et pas
00:55:05 uniquement passif, parce que c'est la passivité
00:55:07 qui crée le plus souvent
00:55:09 la détresse.
00:55:11 Oui, merci.
00:55:13 Donc, toujours
00:55:15 aussi d'accord avec mes collègues.
00:55:17 Je veux juste répondre aussi à la
00:55:19 question sur les conséquences en termes de comportement
00:55:21 de la question de l'éco-anxiété. Ce que je peux dire, c'est un petit peu
00:55:23 un retour sur ce que m'ont dit
00:55:25 me rapportent les patients. Effectivement,
00:55:27 il y a la question de la natalité qui vient
00:55:29 très fréquemment. Il y a aussi, du coup,
00:55:31 on en parlait tout à l'heure, la question du rapport au travail.
00:55:33 Il y a beaucoup de personnes
00:55:35 qui sont très...
00:55:37 Disons, la question
00:55:39 du rapport au travail peut arriver à plein
00:55:41 de moments, à plein de personnes différentes, mais dans ce cas-là,
00:55:43 ça peut générer une souffrance très forte, parce que ça met
00:55:45 en conflit les valeurs internes, avec parfois
00:55:47 tout d'un coup un abandon très soudain du travail
00:55:49 des personnes qui se mettent en situation de précarité
00:55:51 d'ailleurs, par rapport à ça, ou aussi des réflexions
00:55:53 au niveau de leur lieu de vie. Et donc, il peut y avoir
00:55:55 des coups de volant assez rapides
00:55:57 et assez spectaculaires.
00:55:59 Je dirais aussi, en termes de comportement,
00:56:01 je vois une certaine défiance
00:56:03 qui est là, par rapport à la question du système de santé.
00:56:05 Vous posiez la question tout à l'heure de qu'est-ce
00:56:07 qu'on peut... notre système de santé
00:56:09 peut faire, si ce n'est pas une pathologie.
00:56:11 Je pense, effectivement, que la question
00:56:13 de la prévention, comme l'a pointé tout à l'heure
00:56:15 le professeur Félix Seuleau, est essentielle.
00:56:17 D'autant plus qu'on va vers un système
00:56:19 de santé de plus en plus saturé, et on sait combien
00:56:21 la prévention est nécessaire pour éviter
00:56:23 justement, après, que plus
00:56:25 ça s'aggrave et plus c'est compliqué après à accompagner.
00:56:27 Donc, c'est vraiment quelque chose
00:56:29 d'essentiel, cette histoire
00:56:31 de prévention. Sachez que
00:56:33 les psychologues-cliniciens,
00:56:35 nous, ce qu'on nous demande, c'est... à la base, notre
00:56:37 métier, c'est sans cesse de la prévention. Nous ne sommes
00:56:39 pas censés recevoir des personnes que
00:56:41 l'on doit guérir, mais au contraire, justement, qui sont
00:56:43 dans cette fenêtre dont parlait tout à l'heure Pierre-Éric Sutter
00:56:45 de détresse psychologique,
00:56:47 afin d'éviter qu'ils rentrent en décompensation
00:56:49 et qu'ils doivent peut-être consulter
00:56:51 ensuite les psychiatres, par exemple, pour
00:56:53 justement prendre des médicaments par rapport
00:56:55 à ça, ou voilà. Donc ça, ça me semble vraiment
00:56:57 important. Et la question de la
00:56:59 défiance, du coup, on en revient
00:57:01 sur la proposition qu'on pointait tout à l'heure, qui était
00:57:03 l'importance de former des thérapeutes
00:57:05 à cette question-là, parce que...
00:57:07 Et là, je vais boucler avec la question
00:57:09 de l'éthique et de notre propre
00:57:11 positionnement.
00:57:13 C'est évident que...
00:57:15 Enfin, c'est quelque chose de très fréquent qu'on
00:57:17 retrouve, en tout cas, dans notre métier. On s'intéresse
00:57:19 à ce qui nous appelle, on va dire souvent, d'un point de vue
00:57:21 personnel. Moi, je peux
00:57:23 dire, effectivement, que je suis éco-anxieuse, un peu
00:57:25 comme le pointait tout à l'heure
00:57:27 Professeur Pellissolo, mais avec
00:57:29 cette idée que je n'aime pas du tout ce terme, c'est-à-dire, oui,
00:57:31 j'ai souffert de la question
00:57:33 des enjeux écologiques.
00:57:35 Aujourd'hui, je me trouve très apaisée par rapport à cette
00:57:37 question. Je me sens, on va dire, alignée.
00:57:39 Je mets en place des choses par rapport à ça. Et c'est
00:57:41 bien ça, ce que je souhaite, en fait, à mes patients.
00:57:43 C'est-à-dire pouvoir être alignée,
00:57:45 pouvoir être dans un positionnement de vie
00:57:47 dans lequel ils sont plutôt...
00:57:49 Justement, où il n'y a
00:57:51 pas de risque psychologique pour eux.
00:57:53 C'est ça qui me semble vraiment important.
00:57:55 Et cette question, elle est d'autant
00:57:57 plus importante, si on regarde, par exemple,
00:57:59 dans la période du Covid, les soignants
00:58:01 ont beaucoup souffert parce qu'eux-mêmes,
00:58:03 c'est-à-dire, c'est dur d'accompagner quelqu'un alors que
00:58:05 nous-mêmes, nous vivons ça. Or, il est
00:58:07 d'autant plus important de se dire que nous, soignants,
00:58:09 nous avons besoin de nous pencher sur cette
00:58:11 question, de nous préparer
00:58:13 d'une certaine façon psychologiquement
00:58:15 à toutes
00:58:17 ces enjeux pour que, lorsqu'on
00:58:19 entend ces questions-là, on ne soit pas complètement
00:58:21 ébranlé. Parce que
00:58:23 c'est... Je prendrais
00:58:25 la question à l'affaire. C'est-à-dire, c'est essentiel,
00:58:27 au contraire, que nous soyons formés et que
00:58:29 nous soyons sensibilisés à cette question, à la fois que nous
00:58:31 soyons des personnes solides et en bonne santé
00:58:33 pour recevoir nos patients.
00:58:35 Voilà. Rapidement,
00:58:37 sur la question aussi des
00:58:39 impacts du terme
00:58:41 "collapsologie et décoanxété" ou même
00:58:43 des flux des médias,
00:58:45 il me semble... Il a été
00:58:47 vraiment pointé qu'effectivement, le
00:58:49 discours uniquement négatif
00:58:51 est délétère. Et d'ailleurs, il y a des
00:58:53 types d'accompagnement qui vont proposer
00:58:55 d'essayer de réfléchir à des récits,
00:58:57 pas uniquement dystopiques, mais au contraire, des récits
00:58:59 justement d'un avenir
00:59:01 souhaité. Et ça a des impacts très
00:59:03 positifs, effectivement, sur les patients par
00:59:05 rapport à ça. Un autre élément aussi
00:59:07 qui est très... Qui a été
00:59:09 pointé encore une fois dans les travaux de Laélia Benoît,
00:59:11 c'est la... Donc,
00:59:13 certes, c'est de promouvoir.
00:59:15 Alors, la question des comportements. C'est vrai
00:59:17 que la thérapie cognitive et comportementale peut
00:59:19 parfois inviter à
00:59:21 certains comportements pour dissoudre l'anxiété,
00:59:23 avec l'idée que l'anxiété est
00:59:25 insoluble dans l'action. Alors, quand on
00:59:27 parle d'action, c'est effectivement pas forcément
00:59:29 des actions que le thérapeute va dire
00:59:31 "Vous devez faire ceci". Par contre,
00:59:33 il va chercher à proposer à la personne
00:59:35 quelles sont les actions. Là, si vous êtes paralysé,
00:59:37 quelles sont les actions que vous souhaiteriez
00:59:39 faire ? Et c'est effectivement
00:59:41 en recherche de mettre en contact avec
00:59:43 les valeurs internes de la personne.
00:59:45 Et la...
00:59:47 Donc, l'étude de Laélia Benoît pointe qu'en fait,
00:59:49 ce qui est le plus soulageant pour les personnes, c'est de
00:59:51 rentrer dans des actions collectives et pas uniquement
00:59:53 individuelles, c'est-à-dire trader des chais,
00:59:55 prendre le vélo, des choses comme ça, mais
00:59:57 le collectif n'est pas forcément un collectif
00:59:59 engagé et militant
01:00:01 avec des actions extraordinaires.
01:00:03 Mais ça peut être tout simplement
01:00:05 des rapports au niveau de son quartier.
01:00:07 Mais la notion du collectif
01:00:09 est importante, parce qu'il y a quelque chose du fait de
01:00:11 "Je ne suis pas seul à porter ça,
01:00:13 d'autres que moi s'inquiètent
01:00:15 de ce sujet". Et ça, c'est ce que je pointais
01:00:17 tout à l'heure au niveau de l'importance que ça soit
01:00:19 porté par... le sentiment que ça soit porté
01:00:21 par plusieurs. Voilà.
01:00:23 Quelques mots sur les différentes
01:00:25 questions. Effectivement, l'action, c'est important,
01:00:27 je vais y revenir. D'abord,
01:00:29 parce que tout simplement, la science l'a montré,
01:00:31 la régulation par l'action est plus puissante que la
01:00:33 régulation émotionnelle. Il faut réguler les émotions
01:00:35 négatives qui surgissent
01:00:37 de la prise de conscience que le monde
01:00:39 va mal et s'abîme, ce que vivent
01:00:41 les éco-anxieux. Mais derrière, si
01:00:43 les enjeux sont tellement énormes,
01:00:45 qu'est-ce que je peux faire, moi, individuellement, face à
01:00:47 la fonte de la banquise ? Si pour moi,
01:00:49 c'est important, puisqu'il y a une résonance des éco-anxieux
01:00:51 avec le monde, une résonance qui peut être liée
01:00:53 à une histoire psychologique. Une patiente comme ça,
01:00:55 qui avait une trentaine d'années, me disait...
01:00:57 Quand j'avais 15 ans, je plongeais dans les calanques
01:00:59 près de Marseille,
01:01:01 puisque mes grands-parents habitaient à proximité.
01:01:03 Je plongeais avec des palmes et un masque
01:01:05 et un tuba, et je voyais des poissons multicolores.
01:01:07 C'était merveilleux, c'était un
01:01:09 émerveillement pour moi.
01:01:11 15 ans après, elle me dit, je plonge, il n'y a plus un poisson.
01:01:13 Il n'y a plus un poisson.
01:01:15 Non, non, mais
01:01:17 il n'y a plus de poissons dans la calanque.
01:01:19 Voilà, et elle voit beaucoup de bouteilles en plastique
01:01:21 à la place, effectivement.
01:01:23 Après, c'est son vécu,
01:01:25 je le respecte, et l'éthique du psychologue, c'est de dire
01:01:27 "Voilà, c'est votre vécu,
01:01:29 je le respecte." En tout cas, ce qui est certain,
01:01:31 c'est que les scientifiques
01:01:33 viennent documenter
01:01:35 des effondrements du monde, que vous jugez
01:01:37 peut-être pas vrai, mais c'est la science qui le dit,
01:01:39 c'est pas moi qui le dis.
01:01:41 Les patients ont écho
01:01:43 de ces effondrements, et donc, ils se trouvent
01:01:45 empêchés, en fait, d'agir.
01:01:47 Qu'est-ce que je peux faire, individuellement,
01:01:49 face à la fonte de la banquise ?
01:01:51 Ça, c'est pas vrai peut-être, mais en tout cas, c'est dit par les scientifiques.
01:01:53 Donc là, banquise va fonte,
01:01:55 qu'est-ce que je peux faire ? Si la banquise a
01:01:57 un intérêt pour moi, je suis empêché
01:01:59 dans mon action seul, et donc, effectivement,
01:02:01 il y a la volonté du recours à l'action collective,
01:02:03 donc des recherches
01:02:05 d'associations, etc., etc.
01:02:07 Et on se rend compte que même ça,
01:02:09 c'est pas suffisant, et même que les États
01:02:11 le voudraient-ils, qu'ils ne le pourraient,
01:02:13 même tous ensemble ne peuvent pas empêcher
01:02:15 cette fonte-là. Et donc, il y a une désespérance
01:02:17 potentielle face à
01:02:19 cela. Et moi, je le constate
01:02:21 de plus en plus, aussi, dans les entreprises, ça, c'est au niveau
01:02:23 des patients, les entreprises commencent à me consulter
01:02:25 en disant, voilà, on commence à avoir plein de personnes
01:02:27 éconxieuses, et on se rend compte qu'on les rends éconxieuses
01:02:29 avec certaines de nos activités ou
01:02:31 certaines de nos pratiques. Je vous donne un exemple.
01:02:33 Une salariée
01:02:35 d'une grande institution française
01:02:37 nous dit,
01:02:39 me dit, pardon, voilà, moi, je suis
01:02:41 préposé au voyage et je suis horrifié
01:02:43 de ma complicité
01:02:47 avec le fait que je
01:02:49 projette des gaz à effet de serre parce que je n'ai pas le pouvoir
01:02:51 d'interdire aux gens qui pourraient prendre le train à la place
01:02:53 de l'avion de prendre le train.
01:02:55 Alors, je lui dis, mais vous êtes qui pour interdire ?
01:02:57 Oui, mais le problème, c'est que moi, ça me pose un problème.
01:02:59 Parce que je sais très bien que les gaz à effet de serre
01:03:01 contribuent, en fait, à...
01:03:03 Et je suis empêché dans mon action.
01:03:05 Et moi, j'ai qu'une seule envie, c'est de quitter cet employeur.
01:03:07 Et je voudrais
01:03:09 vous rappeler ce qui s'est passé en 2022
01:03:11 au moment où M. Pouyanné, donc président
01:03:13 de Total, est venu dans une des plus prestigieuses
01:03:15 écoles d'ingénieurs que nous avons
01:03:17 en France, qui est Polytechnique.
01:03:19 Un tiers des étudiants de la promo sortante
01:03:21 se sont levés et ont tourné le dos.
01:03:23 Ça veut dire qu'ils n'ont pas trop envie de venir travailler en son entreprise.
01:03:25 Donc, ça veut dire qu'il y a un certain
01:03:27 nombre d'entreprises qui sont plus ou moins
01:03:29 impactantes sur le...
01:03:31 les aspects climatiques
01:03:33 et environnementaux
01:03:35 qui sont concernées
01:03:37 par ce problème de recrutement,
01:03:39 puis de fidélisation,
01:03:41 d'engagement des troupes dans les équipes
01:03:43 et de renouvellement
01:03:45 des équipes dirigeantes, puisque Polytechnique,
01:03:47 c'est plutôt des futurs cas de dirigeants.
01:03:49 Mais c'est à tous les niveaux. Il y a une association
01:03:51 des grandes écoles,
01:03:53 des jeunes diplômés des grandes écoles qui s'appellent
01:03:55 Défi écologique, je crois, j'ai oublié le nom,
01:03:59 peu importe, qui a été fournie en 2018 et qui disent...
01:04:01 Ils ont une charte, ils disent "Nous ne travaillerons jamais
01:04:03 dans une entreprise qui ne présente pas
01:04:05 des gages
01:04:07 de respect de l'environnement
01:04:09 et qui ne fait pas du greenwashing". Donc on a clairement
01:04:11 des tas de personnes qui
01:04:13 se disent "Je ne serai pas complice
01:04:15 du système à partir du moment où il
01:04:17 est avéré qu'il est
01:04:19 menaçant
01:04:21 pour l'environnement".
01:04:23 Voilà, donc ça, c'est clair
01:04:25 que de plus en plus, il y a des entreprises
01:04:27 qui en prennent conscience et là on est
01:04:29 sur cet aspect de la première question
01:04:31 des conséquences dans le domaine
01:04:33 socio-économique, c'est-à-dire que là,
01:04:35 comment on va faire tourner les entreprises ?
01:04:37 Il y a des exemples très simples, moi j'intéresse
01:04:39 au niveau des cols bleus, cette fois-ci je termine,
01:04:41 qui sont
01:04:43 dans des entrepôts qui sont en plein été
01:04:45 à plus de 33 degrés,
01:04:47 le droit de retrait leur empêche d'arrêter de travailler.
01:04:49 Pas de bras, pas de production.
01:04:51 Voilà, ça va aussi arriver comme ça.
01:04:53 La parole est à Laurence Rossignol et ensuite
01:04:57 à Patricia Demain.
01:04:59 [Propos inaudibles]
01:05:01 Merci monsieur le Président.
01:05:07 D'abord, merci
01:05:09 d'avoir organisé cette réunion commune
01:05:11 à nos deux commissions, Affaires Sociales
01:05:13 et Aménagements, et merci
01:05:15 aux intervenants sur
01:05:17 leurs propos. Si je
01:05:19 essaye de retenir
01:05:21 ce que je peux retenir de votre propos,
01:05:23 les co-anxiétés, on est tous d'accord pour dire
01:05:25 que le mot n'est pas bon, mais comme on n'en a pas un d'autre, on va
01:05:27 l'utiliser pour la commodité de la conversation.
01:05:29 Enfin,
01:05:31 encore ce matin,
01:05:33 ce n'est pas une pathologie,
01:05:35 c'est une souffrance, ce n'est pas non plus une phobie,
01:05:37 c'est important aussi de le dire,
01:05:39 c'est une souffrance qui peut être
01:05:41 invalidante et aboutir
01:05:43 à des décompensations.
01:05:45 Donc, il faut aider
01:05:47 ceux qui souffrent, les aider à souffrir moins
01:05:49 et accompagner ceux qui sont passés
01:05:51 à un stade supérieur
01:05:53 et qui ont
01:05:55 des décompensations.
01:05:57 Peut-être,
01:05:59 quand même, ça nous...
01:06:01 Où est notre place à nous ?
01:06:03 La vôtre, je la vois assez bien.
01:06:05 La nôtre consiste à voter
01:06:07 plus de crédit pour la psychiatrie,
01:06:09 on essaye.
01:06:11 Et votre statut, on essaye.
01:06:13 Mais notre place à nous en tant que
01:06:15 législateurs, moi j'ai le sentiment
01:06:17 d'avoir affaire à des
01:06:19 individus, jeunes quand même, le plus
01:06:21 souvent, qui sont
01:06:23 juste
01:06:25 atteints, si j'ose dire, d'une hyperlucidité.
01:06:27 Et
01:06:29 ce n'est pas la
01:06:31 première fois dans l'histoire, des collègues ont évoqué tout à l'heure,
01:06:33 il y en a eu auparavant. Oui,
01:06:35 l'exemple qui me vient le premier à l'esprit, c'est
01:06:37 Stephen Zweig, voilà, atteint d'une
01:06:39 hyperlucidité sur
01:06:41 l'état de l'Europe
01:06:43 pendant la montée du nazisme.
01:06:45 Et qui va jusqu'au suicide. Parce que
01:06:47 à un moment donné, il écrit,
01:06:49 ce qu'il voit, ce qu'il sait
01:06:51 ce qui va se passer, n'est pas
01:06:53 partagé par le plus grand nombre.
01:06:55 Et donc une impression d'immense
01:06:57 solitude dans
01:06:59 la lucidité du monde.
01:07:01 Comment nous, on peut
01:07:03 intervenir aujourd'hui ?
01:07:05 J'ai quand même le sentiment que
01:07:09 les responsables politiques,
01:07:11 ceux qui sont crédités de décider
01:07:13 de l'état du monde,
01:07:15 ont une responsabilité,
01:07:17 peuvent accroître
01:07:19 ou prévenir ce sentiment
01:07:21 des coûts-anxiétés.
01:07:23 Quand on annonce, les collègues vont
01:07:25 probablement sursauter,
01:07:27 mais quand on annonce la pause
01:07:29 dans l'usage des pesticides,
01:07:31 la pause dans la réduction des pesticides,
01:07:33 je prends le pari
01:07:35 qu'à cet instant-là, on accroît
01:07:37 les coûts-anxiétés des gens qui sont
01:07:39 affectés
01:07:41 par ça.
01:07:43 Et donc,
01:07:45 la manière dont nous,
01:07:47 nous restituons
01:07:49 à la population, et pas simplement
01:07:51 aux éco-anxieux d'ailleurs,
01:07:53 aux autres avant qu'ils ne le deviennent,
01:07:55 à la population la prise en compte
01:07:57 de la réalité, et qu'ils ne sont
01:07:59 pas des gens en marge du monde
01:08:01 qui
01:08:03 se raconteraient...
01:08:05 Ils ne sont pas en
01:08:07 collapsologie,
01:08:09 ce ne sont pas des gens qui pensent que...
01:08:11 Ce ne sont pas des dystopiques.
01:08:13 Ils ont une conscience de l'état du monde
01:08:15 et la solitude de ne pas la partager,
01:08:17 que ce soit politique, est très lourde.
01:08:19 Donc, j'attire notre attention au fait que nous avons
01:08:21 une responsabilité dans la prévention
01:08:23 du développement des co-anxiétés, parce que mon sentiment,
01:08:25 c'est qu'on en est qu'au début de l'histoire.
01:08:27 Voilà, ça ne va pas se réduire.
01:08:29 Et comme je dois poser une question,
01:08:31 j'en pose une, aux médecins
01:08:33 et aux psychologues,
01:08:35 tous les soignants qui sont là,
01:08:37 est-ce que vous avez observé une corrélation
01:08:39 entre l'hypersensibilité émotionnelle
01:08:41 et les patients que vous accompagnez
01:08:43 en éco-anxiété ?
01:08:45 - Patricia ? - Oui, merci.
01:08:53 Donc, merci
01:08:55 à l'ensemble des orateurs
01:08:57 pour leur intervention. Je ne vais pas reprendre
01:08:59 tout ce qui a été dit. Moi, je m'interrogeais
01:09:01 en fait sur ce phénomène
01:09:03 de l'éco-anxiété et sur
01:09:05 si toutes les parties du monde
01:09:07 étaient concernées de la même manière.
01:09:09 Est-ce que ce n'est pas un problème
01:09:11 typiquement des sociétés occidentales ?
01:09:13 Point d'interrogation.
01:09:15 Est-ce que vous avez
01:09:17 aussi parlé
01:09:19 du peu de rétrospectifs que vous aviez
01:09:21 sur le sujet ? Mais l'interrogation,
01:09:23 est-ce que c'est un phénomène culturel ?
01:09:25 Est-ce que c'est un phénomène sociétal ?
01:09:27 Est-ce que toutes les parties du monde,
01:09:29 quels que soient les régimes,
01:09:31 les générations sont concernées
01:09:33 de la même manière ? Je voudrais avoir
01:09:35 une réponse si cela est possible
01:09:37 sur cette question. Et puis,
01:09:39 dans la mesure où on pourrait penser que c'est
01:09:41 un phénomène peut-être typiquement occidental,
01:09:43 au niveau donc
01:09:45 avec une incidence
01:09:47 ou une origine plutôt culturelle ou sociétale,
01:09:49 quelles actions,
01:09:51 quelles actions de prévention,
01:09:53 comme toutes, quand on,
01:09:55 je vois ce que vous disiez tout à l'heure,
01:09:57 entre 2018 et 2021,
01:09:59 plus de 600%
01:10:01 de personnes éco-anxieuses,
01:10:03 ne serait-il pas bon ?
01:10:05 Et quel serait votre avis de pouvoir
01:10:07 avoir des campagnes de prévention en amont
01:10:09 pour renforcer la résilience
01:10:11 par rapport aux phénomènes environnementaux ?
01:10:13 Oui, merci, M. le Président.
01:10:17 Merci pour ce débat
01:10:19 éminemment intéressant et qui est en phase
01:10:21 complète avec ce que vit notre société, parce que
01:10:23 je pense que ce serait nier l'évidence.
01:10:25 Nous sommes toutes et tous confrontés,
01:10:27 je crois régulièrement,
01:10:29 à des personnes qui, soit le disent,
01:10:31 l'affirment, ou d'autres qui
01:10:33 ne sont finalement sans s'en rendre compte.
01:10:35 Et donc, la première question que je me posais,
01:10:37 c'était celle du périmètre de l'éco-anxiété.
01:10:39 Est-ce que finalement, vous considérez que des gens,
01:10:41 de nos concitoyens qui sont,
01:10:43 je ne sais pas, victimes des inondations
01:10:45 et qui ont peur des inondations à venir,
01:10:47 ou qui ont peur des feux, comme quand on a eu
01:10:49 des méga-feux, est-ce qu'elles rentrent aussi
01:10:51 dans cette catégorie des personnes
01:10:53 qui, sans le savoir, et sans vous consulter,
01:10:55 sans doute, ont cette forme d'éco-anxiété ?
01:10:57 Enfin, ce que l'on voit dans la presse
01:10:59 régulièrement avec des gens qui sont
01:11:01 au bord du gouffre,
01:11:03 quant à imaginer ce que pourrait être leur lendemain.
01:11:05 Et puis, le deuxième sujet,
01:11:07 c'est que, si l'on parle
01:11:09 de, effectivement,
01:11:11 de cette évolution, de cette transition qui est en cours,
01:11:13 cette crainte
01:11:15 face à ce changement de monde
01:11:17 et à l'impact, en tout cas, de la prise en compte
01:11:19 de l'écologie, on a parlé de l'écolapsologie
01:11:21 tout à l'heure, moi j'avais un petit peu
01:11:23 cette question du lien entre
01:11:25 éco-anxiété et éco-radicalité.
01:11:27 C'est-à-dire que
01:11:29 si on part d'une
01:11:31 forme d'anxiété,
01:11:33 de conscience écologique qui a pour première
01:11:35 conséquence
01:11:37 le sentiment de ne pas être,
01:11:39 de ne pas pouvoir agir,
01:11:41 puisque c'est un petit peu le constat
01:11:43 qui est partagé, et que
01:11:45 finalement, ça doit aboutir sur une forme
01:11:47 d'action, le risque c'est aussi
01:11:49 cette éco-radicalité
01:11:51 qui parfois dessert.
01:11:53 Je pense qu'on peut toutes et tous être engagés
01:11:55 sur des actions écologiques, et vous en avez cité
01:11:57 quelques-unes qui me sont tout à fait,
01:11:59 effectivement, pertinentes, mais la question de
01:12:01 l'éco-radicalité, est-ce que ce n'est pas aussi une première
01:12:03 réponse, peut-être même pathologique,
01:12:05 à cette éco-anxiété,
01:12:07 et comment est-ce que finalement on l'accompagne ?
01:12:09 Parce que je pense que c'est aussi
01:12:11 source d'inquiétude, de crainte,
01:12:13 pour beaucoup de nos concitoyens,
01:12:15 pour nous-mêmes d'ailleurs, qui sommes parfois directement
01:12:17 pris à partie face à cette
01:12:19 situation.
01:12:21 Du coup, on garde l'ordre établi.
01:12:27 Du coup,
01:12:29 OK.
01:12:31 Du coup, par rapport à la place
01:12:33 que pourraient prendre les responsables
01:12:35 politiques, je pense qu'effectivement
01:12:37 vous avez raison dans le
01:12:39 fait que
01:12:41 ce qu'on en sait, c'est que
01:12:43 quand il y a
01:12:45 des prises de position des pouvoirs
01:12:47 publics, dans le sens
01:12:49 d'essayer d'amoindrir
01:12:51 les conséquences du dérèglement climatique,
01:12:53 ou essayer de les juguler, enfin, d'aller dans
01:12:55 le sens des préconisations
01:12:57 qui ont pu être votées
01:12:59 lors des différentes COP,
01:13:01 lors des accords de Paris
01:13:03 notamment, on voit qu'il y a
01:13:05 une diminution
01:13:07 de l'inquiétude générale
01:13:09 et qu'au contraire, un des pourvoyeurs
01:13:11 de l'éco-anxiété
01:13:13 c'est de voir une
01:13:15 inaction au niveau
01:13:19 global, puisque ça renforce le sentiment
01:13:21 d'impuissance et le sentiment
01:13:23 d'être tout petit
01:13:25 face à des enjeux qui sont vraiment
01:13:27 immenses, parce qu'effectivement
01:13:29 aucun citoyen seul ne va pouvoir
01:13:31 régler à lui seul la question du
01:13:33 dérèglement climatique.
01:13:35 Par rapport à la question de
01:13:37 est-ce que c'est un phénomène
01:13:39 de société,
01:13:41 effectivement, l'éco-anxiété
01:13:43 c'est quelque chose qui est
01:13:45 plutôt décrit
01:13:47 dans les pays
01:13:49 du nord économique.
01:13:51 On va dire que nous, on a les moyens
01:13:53 d'être inquiets pour ce qui est à venir
01:13:55 parce qu'on est encore relativement
01:13:57 et je dis bien relativement
01:13:59 protégés des effets directs et indirects
01:14:01 du dérèglement climatique.
01:14:03 Dans les pays du sud,
01:14:05 donc hémisphère sud,
01:14:07 mais aussi
01:14:09 en Australie, qui fait partie du nord
01:14:11 économique pourtant, mais qui est dans une
01:14:13 zone géographique qui en fait
01:14:15 est dramatiquement
01:14:17 touchée par le dérèglement climatique, que ce soit
01:14:19 par les feux de forêt,
01:14:21 par la sécheresse
01:14:23 et par d'autres conditions
01:14:25 climatiques extrêmes.
01:14:27 En fait, dans ces pays-là,
01:14:29 ce qu'on voit, c'est la prévalence
01:14:31 des décompensations psychiatriques
01:14:33 qui sont en lien avec la confrontation
01:14:35 à ces
01:14:37 conséquences directes.
01:14:39 Sur notre territoire, il y a un peu les deux.
01:14:41 C'est-à-dire qu'il va y avoir les personnes
01:14:43 qui ont été confrontées à des événements
01:14:45 climatiques extrêmes, type
01:14:47 tornades, inondations,
01:14:49 glissements de terrain,
01:14:51 et j'en passe, qui vont
01:14:53 présenter les conséquences qu'on connaît
01:14:55 et qui sont plutôt bien documentées sur le plan
01:14:57 psychiatrique, qui vont être plutôt
01:14:59 du registre du trauma,
01:15:01 qui vont être du registre de
01:15:03 troubles anxieux. Cette fois-ci,
01:15:05 qui ne sont pas des troubles anxieux projectifs
01:15:07 vers l'avenir, mais des troubles anxieux de "c'est
01:15:09 arrivé et maintenant j'ai peur que ça arrive à nouveau
01:15:11 et comment je gère ma vie à partir de ce
01:15:13 moment-là", qui vont avoir des
01:15:15 problématiques autour du deuil,
01:15:17 donc le deuil d'un attachement
01:15:19 à une place, etc.
01:15:21 Et qui vont avoir
01:15:23 des problématiques du registre
01:15:25 dépressif. C'est plutôt
01:15:27 ce genre de problématiques
01:15:29 qui vont avoir lieu
01:15:31 pour les victimes directes. Et puis
01:15:33 du coup, on va avoir les autres
01:15:35 personnes qui n'ont
01:15:37 peut-être pas encore fait l'expérience
01:15:39 directement dans leur vie
01:15:41 quotidienne d'avoir été
01:15:43 impactées par le dérèglement climatique
01:15:45 à travers un événement climatique
01:15:47 extrême, mais qui ont cette
01:15:49 inquiétude parce qu'il y a cette
01:15:51 confrontation
01:15:53 avec les informations qui sont
01:15:55 à notre disposition.
01:15:57 Il faut savoir quand même que
01:15:59 tous, en réalité, on a fait
01:16:01 l'expérience du dérèglement
01:16:03 climatique, ne serait-ce qu'à travers
01:16:05 les épisodes de
01:16:07 canicule. Il faut savoir que lors des
01:16:09 épisodes caniculaires, il y a une augmentation
01:16:11 de la fréquentation des urgences psychiatriques
01:16:13 qui fait x7.
01:16:15 Donc c'est x7 passages
01:16:17 aux urgences psychiatriques. Il y a des
01:16:19 décompensations qui sont plus fréquentes
01:16:21 pour nos patients. Donc
01:16:23 des patients qui ont des troubles psychiatriques
01:16:25 connus, qui lors des épisodes
01:16:27 caniculaires vont avoir
01:16:29 des symptômes qui vont
01:16:31 augmenter et qui vont
01:16:33 nécessiter des prises en charge.
01:16:35 Et il faut savoir qu'il y a
01:16:37 un risque de mortalité qui est multiplié
01:16:39 par 3 pour nos patients pendant
01:16:41 les épisodes caniculaires.
01:16:43 Donc tous, en fait, on a déjà été
01:16:45 confrontés aux effets du dérèglement
01:16:47 climatique dans notre propre chair,
01:16:49 puisque là, ça fait plusieurs étés que
01:16:51 on traverse des épisodes caniculaires.
01:16:53 Ça, ça a été assez bien documenté. C'est pas
01:16:55 exactement le sujet du jour, mais c'est pour dire
01:16:57 que, en fait, nous, sur notre
01:16:59 territoire, on a un peu des deux.
01:17:01 Il y a des territoires sur lesquels, en fait,
01:17:03 les populations ont été projetées
01:17:05 directement dans la
01:17:07 réglementation à des épisodes
01:17:09 climatiques extrêmes, à la
01:17:11 précarisation des ressources,
01:17:13 le fait qu'il n'y a plus de ressources en eau,
01:17:15 plus de ressources en nourriture,
01:17:17 le fait que les conditions
01:17:19 de survie de base ne sont plus
01:17:21 assurées,
01:17:23 qu'il y a des conflits
01:17:25 qui existent de ce fait-là
01:17:27 et qui doivent
01:17:29 bouger de territoire pour pouvoir assurer
01:17:31 leur survie. Donc, effectivement,
01:17:33 il y a une part de
01:17:35 culturel, c'est-à-dire que
01:17:37 on peut se poser ces questions
01:17:39 parce qu'on est encore relativement préservé.
01:17:41 Mais ce "relativement préservé"
01:17:43 devient de plus en plus
01:17:45 discutable et de plus en plus précaire.
01:17:47 - Oui, pour la...
01:17:59 J'essaie de rassembler mes idées. Pour la question
01:18:01 sur l'hypersensibilité émotionnelle
01:18:03 et l'éco-anxiété,
01:18:05 il n'y a pas d'étude qui pourrait valider ça.
01:18:07 Ce que je peux faire, c'est un retour de mes collègues
01:18:09 Thérin et de moi-même.
01:18:11 Je vais reprendre
01:18:13 une histoire racontée,
01:18:15 enfin, une anecdote racontée par
01:18:17 le professeur Christophe André,
01:18:19 qui est également psychiatre,
01:18:21 sur les
01:18:23 canaries dans les mines
01:18:25 de Grisou, avec l'idée que
01:18:27 lorsque les mineurs descendaient,
01:18:29 il y avait le risque
01:18:31 du coup du Grisou,
01:18:33 et ils descendaient avec leur canarie qui était plus sensible
01:18:35 au Grisou qu'eux. Et donc, du coup,
01:18:37 lorsqu'ils voyaient un canarie tourner de l'œil,
01:18:39 ils filaient, en gros,
01:18:41 pour éviter, effectivement,
01:18:43 de se retrouver exposés à ce gaz qui était mortel.
01:18:45 Il y a l'idée, du coup,
01:18:47 derrière un petit peu, que les hypersensibles
01:18:49 pourraient être effectivement plus
01:18:51 rapidement, on va dire, affectés
01:18:53 ou touchés par ces questions-là.
01:18:55 Mais ils sont à comprendre un peu comme ces canaries,
01:18:57 c'est-à-dire un peu comme des lanceurs d'alerte
01:18:59 avec l'idée de dire
01:19:01 certes, peut-être qu'ils expriment quelque chose,
01:19:03 mais le gaz est bien mortel
01:19:05 pour tout le monde. Donc, voilà, c'est pour dire
01:19:07 qu'il y a quelque chose qui pourrait tous nous
01:19:09 toucher par rapport à ça, un petit peu comme vient de le pointer
01:19:11 Célimacini. Par rapport à
01:19:13 la question de la résilience,
01:19:15 ça me semble vraiment être le point principal
01:19:17 effectivement, peut-être à retenir, par rapport
01:19:19 à ce qui pourrait être proposé,
01:19:21 c'est-à-dire
01:19:23 on va être confrontés indéniablement
01:19:25 de plus en plus à des situations
01:19:27 de plus en plus difficiles, on va dire, psychologiquement
01:19:29 à faire face, que ça soit des inondations,
01:19:31 des feux, enfin voilà, peu importe,
01:19:33 des canicules. Et donc, il est important
01:19:35 de travailler, on revient sur la question
01:19:37 de la prévention, de travailler sur l'idée d'une
01:19:39 préparation psychologique, on va dire,
01:19:41 à ces questions-là, par des
01:19:43 campagnes de prévention, mais du coup, faites
01:19:45 avec des personnes spécialisées
01:19:47 quand même sur l'accompagnement émotionnel, je reviens là-dessus,
01:19:49 et pas faire ça avec des jeunes
01:19:51 qui, en gros, on va leur dire, c'est vous
01:19:53 la génération qui allez vous occuper de ça,
01:19:55 qui se retrouvent complètement écrasés par ça,
01:19:57 et ça va avoir un effet complètement inverse.
01:19:59 Donc, il faut savoir que ça s'est déjà arrivé.
01:20:01 Donc, cette notion de résilience est vraiment
01:20:03 essentielle. Et enfin, sur la question
01:20:05 de l'éco-radicalité,
01:20:07 qui serait du coup une réponse pathologique,
01:20:09 j'aurais surtout envie de dire que
01:20:11 mon
01:20:13 appréhension en venant à la table ronde aujourd'hui
01:20:15 était qu'on se centre sur
01:20:17 l'éco-anxiété comme quelque chose qu'il faudrait
01:20:19 résoudre à un niveau juste sanitaire,
01:20:21 alors que j'aurais envie de dire, et je pense
01:20:23 qu'on perdrait beaucoup d'énergie et beaucoup de temps,
01:20:25 alors que je pense
01:20:27 que la réponse doit être double. Bien évidemment,
01:20:29 il faut qu'il y ait de la prévention pour s'assurer d'une certaine façon
01:20:31 que les personnes tiennent face à un petit peu
01:20:33 tous les changements qui vont arriver,
01:20:35 et donc qu'il y ait quelque chose d'une résilience
01:20:37 psychologique par rapport à ça. Mais je pense
01:20:39 vraiment que c'est essentiel que sur d'autres
01:20:41 terrains, il y ait des vraies mises
01:20:43 en action, et qu'il y ait
01:20:45 une communication claire et franche
01:20:47 là-dessus, afin que d'une certaine façon
01:20:49 les personnes n'en viennent pas à une éco-radicalité,
01:20:51 parce que sinon, si on
01:20:53 commence à essayer de résoudre ce souci
01:20:55 individu par individu dans notre
01:20:57 cabinet, on ne va pas y arriver,
01:20:59 on va perdre le temps. Voilà, c'est vraiment
01:21:01 ce que je voulais dire. Merci.
01:21:03 Une dernière question, peut-être,
01:21:05 si vous permettez. Daniel Chassin.
01:21:07 Merci,
01:21:09 Monsieur le Président, merci aux intervenants.
01:21:11 Donc, si vous voulez,
01:21:13 on a
01:21:15 un dérèglement
01:21:17 climatique qui
01:21:19 entraîne des anxiétés.
01:21:21 On le voit avec les tornades,
01:21:23 ça a été des inondations, les feux,
01:21:25 l'augmentation de la canicule.
01:21:27 Alors,
01:21:29 actuellement,
01:21:33 nous voyons,
01:21:35 malgré les accords de Paris,
01:21:37 certains
01:21:39 pays, comme la Chine, qui pollue
01:21:41 à 33% au niveau
01:21:43 international, la France, moins de
01:21:45 1%, et
01:21:47 l'Europe,
01:21:49 je crois, 4 ou 5%.
01:21:51 Donc, l'Europe,
01:21:53 l'Union
01:21:55 européenne, dans les pays de l'Union
01:21:57 européenne, on a une diminution
01:21:59 de l'émission de gaz à effet
01:22:01 de serre, et en France,
01:22:03 aussi,
01:22:05 près de 5%, donc c'est
01:22:07 quand même quelque chose qui
01:22:09 est plutôt un peu rassurant.
01:22:11 Est-ce que
01:22:13 les personnes
01:22:15 voient dans ces diminutions
01:22:17 d'émissions à effet de serre quelque chose
01:22:19 de quand même plutôt
01:22:21 positif, même si, bien sûr,
01:22:23 ils ne peuvent pas influer
01:22:25 sur les gros pollueurs, l'Inde, la Chine,
01:22:27 les Etats-Unis, l'Australie,
01:22:29 l'Afrique du Sud, qui
01:22:31 développent beaucoup le charbon
01:22:33 actuellement.
01:22:35 Mais en Europe,
01:22:37 aussi, on est obligé
01:22:39 d'avoir des entreprises pour
01:22:41 que, dans des pays comme
01:22:43 la France, notamment,
01:22:45 on puisse conserver nos acquis sociaux.
01:22:47 Nous avons, vous savez,
01:22:49 une augmentation
01:22:51 des déficits au niveau
01:22:53 de la sécurité sociale, et on souhaite
01:22:55 tous conserver, même
01:22:57 augmenter nos acquis sociaux.
01:22:59 Donc, il faut
01:23:01 de la prévention,
01:23:03 et la prévention,
01:23:05 c'est d'avoir une énergie décarbonée.
01:23:07 Je crois que c'est
01:23:09 ce qui se fait en France
01:23:11 avec l'énergie nucléaire,
01:23:13 le développement des jardins hydroélectriques
01:23:15 et autres. Est-ce que ça,
01:23:17 ce n'est pas quelque chose qui est
01:23:19 quand même plutôt rassurant
01:23:21 et qui peut
01:23:23 diminuer l'éco-anxiété ?
01:23:25 Merci.
01:23:27 Oui.
01:23:29 Alors, c'est très intéressant, vous pointiez
01:23:31 ces informations
01:23:33 qu'on pourrait taxer de positives.
01:23:35 Et c'est tout l'enjeu, justement,
01:23:37 d'un travail thérapeutique, c'est d'arrêter de faire en sorte
01:23:39 que les éco-anxieux se focalisent
01:23:41 sur les informations négatives.
01:23:43 Parce que, des chercheurs l'ont montré,
01:23:45 on est aimanté 2,7 fois,
01:23:47 c'est très précis, plus
01:23:49 par les informations négatives que positives.
01:23:51 Et évidemment, face aux enjeux
01:23:53 climatiques pour lesquels on n'a pas
01:23:55 prise directement, parce qu'on a en nous
01:23:57 une mécanique, la mécanique du stress, qui nous permet de gérer
01:23:59 et de faire face à des dangers
01:24:01 et des enjeux sur lesquels on a des ressources,
01:24:03 mais face à la banquise, on n'a pas la ressource.
01:24:05 Dame Nature n'a pas mis en nous cette ressource.
01:24:07 Donc, il y a d'autres ressources qui sont, effectivement,
01:24:09 des ressources cognitives.
01:24:13 Et clairement, et c'est ce que je présente
01:24:15 dans cet ouvrage, "Bien vivre son éco-anxiété",
01:24:17 puisque, comme vous le voyez, c'est quelque chose de positif,
01:24:19 comme titre, que j'ai co-écrit avec Sylvie Chamberlin,
01:24:21 c'est d'aller
01:24:23 faire des listes des bonnes nouvelles
01:24:25 au regard des mauvaises
01:24:27 nouvelles qui s'accumulent dans les médias.
01:24:29 Et peut-être que ça, c'est quelque chose
01:24:31 sur lequel vous pourriez infléchir, c'est faire en sorte
01:24:33 que les médias
01:24:35 diffusent des bonnes nouvelles.
01:24:37 Et les bonnes nouvelles sont hyper importantes
01:24:39 parce qu'elles permettent une régulation cognitive.
01:24:41 Et donc, de contrebalancer,
01:24:43 parce qu'il y a une homéostasie interne
01:24:45 dans la psyché, qui fait qu'on a
01:24:47 deux plateaux, des sollicitations négatives et des sollicitations
01:24:49 positives. Il faut absolument contrebalancer
01:24:51 les sollicitations négatives par des sollicitations positives.
01:24:53 Et les informations positives sont
01:24:55 une bonne manière de
01:24:57 contrebalancer les informations négatives.
01:24:59 Et moi, je fais faire des listes à mes patients
01:25:01 de bonnes nouvelles. Alors, ça a un premier effet,
01:25:03 c'est de contrebalancer. Mais il y a un deuxième effet, c'est d'identifier
01:25:05 aussi des éco-témoins
01:25:07 de personnes qui ont fait des choses
01:25:09 positives pour la planète,
01:25:11 auxquelles les éco-anxieux
01:25:13 peuvent s'identifier pour avoir
01:25:15 une perspective
01:25:17 optimiste
01:25:19 d'une action qui contrebalance
01:25:21 aussi les effets négatifs
01:25:23 de nos activités
01:25:25 consuméristes. Et je
01:25:27 cite souvent l'exemple de Félix Finbeiner,
01:25:29 qui est un jeune Allemand d'une vingtaine d'années,
01:25:31 qui à l'âge de 9 ans est effrayé,
01:25:33 il y a une quinzaine d'années
01:25:35 à peu près, est effrayé par la déforestation
01:25:37 amazonienne. Et il se dit "quand je serai grand,
01:25:39 je planterai un milliard d'arbres". Alors, tout le monde
01:25:41 le regarde un peu dehors en disant "écoute, va jouer aux billes
01:25:43 dans ta course, c'est un peu n'importe quoi".
01:25:45 Sauf son prof, son enseignant
01:25:47 qui dit "moi, je crois à ton projet, je vais t'aider
01:25:49 à planter ton premier arbre et tu vas le faire avec tes petits camarades".
01:25:51 Et là, il a une révélation, Félix Finbeiner,
01:25:53 il se dit "ah ouais, c'est possible,
01:25:55 mais il va falloir que j'en plante plein d'autres et je ne vais pas y arriver tout seul".
01:25:57 Donc il a des parents qui l'aident un peu,
01:25:59 puisqu'ils sont entrepreneurs, il va fonder sa première
01:26:01 ONG et à l'âge de 13 ans, on le voit
01:26:03 à la tribune de
01:26:05 l'ONU demander
01:26:07 des subsides qu'il va obtenir et
01:26:09 il ne va pas planter un milliard d'arbres, il va en planter
01:26:11 14 milliards, il en est à 14 milliards.
01:26:13 Et son ambition, c'est d'en planter 100 milliards.
01:26:15 Et 100 milliards,
01:26:17 c'est un tiers des arbres,
01:26:19 aujourd'hui il y a 300 milliards d'arbres
01:26:21 sur terre, on en a déforesté
01:26:23 300 milliards depuis
01:26:25 la révolution technologique,
01:26:27 la révolution industrielle,
01:26:29 merci, et lui, il veut compenser
01:26:31 à lui tout seul un quart,
01:26:33 en rajouter un quart, donc ça en fera un quart,
01:26:35 de ces arbres d'ici la fin de sa vie.
01:26:37 À l'impossible, nul n'est tenu,
01:26:39 mais on peut arriver à faire des choses si, bien sûr,
01:26:41 on déploie quelque chose qui s'appuie sur le collectif
01:26:43 et les Etats. On peut y arriver si on
01:26:45 aligne l'individuel, le collectif
01:26:47 et le sociétal. Mais pour ça,
01:26:49 il ne faut pas qu'il y ait des incohérences ou des
01:26:51 conflits entre ces différents niveaux, il faut qu'il y ait vraiment
01:26:53 un alignement des énergies et on arrivera
01:26:55 à faire des choses, justement, avec les énergies
01:26:57 renouvelables, l'énergie nucléaire à court terme
01:26:59 parce qu'elle présente d'autres problèmes,
01:27:01 qui physiquement, et je ne parle pas des
01:27:03 aspects idéologiques, peuvent nous permettre de
01:27:05 remporter la victoire
01:27:07 de la
01:27:09 transposition des énergies fossiles aux énergies
01:27:11 non polluantes et non dangereuses pour l'humanité.
01:27:13 Voilà pour cette table ronde
01:27:15 organisée au Sénat sur l'éco-anxiété,
01:27:17 un phénomène qui se développe de plus en plus
01:27:19 dans nos sociétés avec le réchauffement
01:27:21 climatique. C'est la fin de cette émission, merci
01:27:23 de l'avoir suivie, continuez à suivre l'actualité
01:27:25 politique et parlementaire sur notre site
01:27:27 internet publicsénat.fr, je vous souhaite
01:27:29 une très bonne journée sur Public Sénat.
01:27:31 [Musique]

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