100% Sénat - Commission d'enquête Totalenergies : Jean-Marc Jancovici auditionné

  • il y a 8 mois
100% Sénat diffuse et décrypte les moments forts de l'examen des textes dans l'Hémicycle, ainsi que des auditions d'experts et de personnalités politiques entendues par les commissions du Sénat.
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00:00:00 (Générique)
00:00:10 Bonjour, bienvenue à tous dans 100% Sénat.
00:00:12 Aujourd'hui, la rédaction parlementaire de Public Sénat vous propose de suivre
00:00:16 deux auditions de la commission d'enquête sur les activités de Total,
00:00:20 commission d'enquête formée à l'initiative du groupe écologiste ici au Sénat,
00:00:24 présidé par le LR Roger Carruthier, dont le rapporteur est l'ancien candidat
00:00:29 à l'élection présidentielle Yannick Jadot.
00:00:31 La première de ces deux auditions est celle de la rockstar de l'écologie,
00:00:36 comme le qualifie le journal Les Échos, vous l'avez compris,
00:00:39 c'est Jean-Marc Jancovici, sur sa vision de la décarbonation.
00:00:44 Nous poursuivons les travaux de la commission d'enquête sur les moyens mobilisés
00:00:47 et mobilisables par l'État pour assurer la prise en compte et le respect
00:00:50 par le groupe Total Énergie des obligations climatiques
00:00:54 et des orientations de la politique étrangère de la France.
00:00:57 Dans ce cadre, nous entendons aujourd'hui M. Jean-Marc Jancovici,
00:01:00 président du laboratoire d'idée Le Shift Project, spécialisé sur les questions
00:01:05 relatives à l'atténuation du changement climatique et à la sortie de la dépendance
00:01:09 aux énergies fossiles et associé à Carbone 4,
00:01:12 cabinet de conseil indépendant dans les enjeux énergie et climat.
00:01:17 Avant de vous laisser la parole, pour un propos introductif d'une quinzaine de minutes,
00:01:22 il me revient de vous indiquer que cette audition est diffusée en direct
00:01:25 et en différé sur le site internet du Sénat.
00:01:27 La vidéo sera le cas échéant diffusée sur les réseaux sociaux puis consultable.
00:01:32 Elle fera naturellement l'objet d'un compte-rendu public.
00:01:35 Je rappelle en outre qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête
00:01:40 est passible des peines prévues aux articles 434, 13, 14, 15 du Code pénal
00:01:45 qui peuvent aller de 3 à 7 ans d'emprisonnement et de 45 000 à 100 000 euros d'amende.
00:01:51 Je vous invite maintenant, professeur, à prêter serment de dire toute la vérité,
00:01:55 rien que la vérité en levant la main droite et en disant "je le jure".
00:01:58 Je le jure.
00:01:59 Merci. Avant de vous céder la parole, je vous invite également à nous préciser
00:02:03 si vous détenez des intérêts de toute nature dans le groupe TotalEnergie
00:02:07 ou chez l'un de ses concurrents, y compris sous forme de prestations de conseil
00:02:12 ou de participation à des Sénats financés par les égards justiciens.
00:02:15 Alors, à titre... C'est bon là ? Très bien.
00:02:25 À titre personnel, non. Je n'ai ni action ni obligation Total.
00:02:29 À titre professionnel, Carbon4 a travaillé pour Total,
00:02:33 mais c'est vraiment pas un client significatif chez nous.
00:02:36 Carbon4 a travaillé pour Renji. Carbon4 a travaillé pour EDF.
00:02:42 Carbon4 a travaillé pour... Qu'est-ce qu'on peut mettre dans le champ de la concurrence ?
00:02:48 Voilà, ça doit être à peu près ça.
00:02:51 Mais enfin, on va dire que rien de tout ça n'est significatif ou dominant dans notre chiffre d'affaires.
00:02:57 Total n'est pas mécène du shift project, à ma connaissance.
00:03:03 Voilà.
00:03:05 Très bien. Votre réponse sera naturellement mentionnée ou contendue.
00:03:10 Eh bien, je vous laisse tout de suite la parole pour une introduction de 10-15 minutes.
00:03:14 Je ne suis même pas sûr que je vais être aussi long que 10 minutes,
00:03:18 parce que je suis là pour répondre à vos questions et je n'ai pas particulièrement de propos introductifs à vous donner.
00:03:25 Ah bon ? Vous voulez qu'on passe directement aux questions ?
00:03:27 Oui, parce que je...
00:03:29 Très bien. Monsieur le rapporteur, peut-être.
00:03:33 Merci, monsieur le professeur.
00:03:37 Vous l'avez compris, notre sujet, c'est de voir dans quelle mesure la stratégie et les investissements de Total Energy sont compatibles
00:03:48 avec les objectifs que se fixe la France en matière climatique, y compris en matière de politique étrangère.
00:03:55 Vous avez beaucoup travaillé sur les stratégies de décarbonation des entreprises.
00:04:02 Est-ce que vous pouvez nous dire, au regard y compris des dernières déclarations d'investissement de Total,
00:04:14 vous considérez qu'au fond, la stratégie de Total peut être compatible avec l'accord de Paris,
00:04:21 à la fois d'abord en matière d'investissement sur les énergies fossiles,
00:04:27 et puis évidemment, dans une stratégie de décarbonation, on a reçu Mme Masson-Delmotte et d'autres responsables du GIEC
00:04:36 qui nous ont expliqué que, y compris tout ce qui était prévu en termes de compensation,
00:04:42 notamment à travers la séquestration du carbone, dans les puits de carbone, dans les forêts,
00:04:47 était, selon ces personnes, totalement irréaliste, surcomptabilisé.
00:04:55 Deuxième question, vous avez beaucoup travaillé sur la question du GNL.
00:05:00 On voit qu'aujourd'hui, il y a une stratégie assez massive d'investissement dans le GNL, y compris gaz de schiste.
00:05:08 Comment vous jugez cette stratégie d'investissement dans le GNL ?
00:05:14 Est-ce qu'au fond, là aussi, on est sur un scénario qui nous verrouille un peu plus dans le dérèglement climatique
00:05:22 et au fond dans les émissions de CO2 ? Enfin, puisque vous travaillez sur les solutions, ce qui est quand même ce qui nous intéresse,
00:05:31 comment vous voyez, quelles solutions vous mettriez en avant pour casser le niveau extraordinairement rentable de cette économie du pétrole
00:05:41 qui, au fond, là aussi, verrouille nos émissions de gaz à effet de serre pour des années, voire des décennies ? Merci.
00:05:49 M. le Président, moi, je n'aurai qu'une question, puis elle va compléter celle du rapporteur.
00:05:55 Le propos qui vous est demandé, évidemment, par le rapporteur tourne autour de TotalEnergie ou procéder sur l'économie pétrolière.
00:06:05 Moi, je voudrais que vous globalisiez aussi la réponse, parce que vous avez une expérience internationale.
00:06:13 Est-ce que les autres grandes entreprises énergétiques européennes ou mondiales ont des politiques sensiblement différentes de celles de TotalEnergie
00:06:24 et en quoi on peut faire évoluer l'ensemble ? Est-ce qu'il y a une capacité, d'ailleurs, mondiale à faire évoluer l'ensemble ?
00:06:31 Ou, comme il n'y a pas de réel – je ne parle pas de l'Agence internationale de l'énergie – mais comme il n'y a pas de réel organisme international qui maîtrise le tout,
00:06:40 est-ce qu'en réalité, la concurrence n'est pas rendue extrêmement difficile ?
00:06:45 Alors, je compte sur votre mémoire pour me rappeler la quatrième question quand j'aurai fini de traiter la première,
00:06:50 parce que je ne l'ai pas notée sur mon petit calepin.
00:06:55 Sur la première, est-ce que la stratégie de TotalEnergie est compatible avec les accords de Paris ?
00:07:01 Alors, en fait, non, mais à peu près aucune grande entreprise n'a de stratégie compatible avec les accords de Paris,
00:07:06 pour une raison assez simple, qui est le rythme de baisse que cela impose aux émissions planétaires de suivre l'accord de Paris.
00:07:14 Si on regarde ce que dit la physique sur le fait... Ah, pardon, je vais repartir du début.
00:07:21 Le changement climatique est causé notamment par une espèce chimique présente dans l'atmosphère, dont la quantité augmente, qui est le dioxyde de carbone.
00:07:29 Le dioxyde de carbone étant un oxyde, comme le dit le dictionnaire, c'est une espèce chimiquement stable, qui n'a pas de processus d'épuration tant qu'elle est dans l'air.
00:07:36 La seule façon dont le CO2 peut s'épurer de l'atmosphère, c'est en revenant au contact du sol, et à ce moment, il peut se passer deux choses,
00:07:43 soit un équilibrage de pression partielle avec l'océan, ce qui s'appelle de la dissolution, c'est un processus de reprise du CO2 par l'océan,
00:07:50 qui ne marche que tant que les pressions partielles ne sont pas équilibrées, et enfin un deuxième processus, qui est la photosynthèse,
00:07:56 qui est limitée par la disponibilité en eau, et par le fait que la végétation qui photosynthétise reste dans les bonnes plages de température,
00:08:05 et plus généralement de conditions climatiques là où elle se trouve, ce qui est évidemment non garanti pour l'éternité.
00:08:11 Du fait de la très grande stabilité du CO2 dans l'atmosphère une fois qu'on l'y a mis, il y a une notion de budget carbone,
00:08:17 c'est à dire que l'élévation de température qu'on aura en 2100 dépend essentiellement de la quantité totale de CO2 qu'on met d'ici là dans l'atmosphère,
00:08:24 peu importe qu'on le mette surtout en 2040, surtout en 2060, surtout en 2080, ou surtout en 2100, ça n'a pas beaucoup d'importance.
00:08:31 Ce qui compte c'est essentiellement de l'y avoir mis.
00:08:34 Et le budget carbone qu'il nous reste à disposition si on veut limiter le réchauffement planétaire à 1,5 degré, c'est quelques centaines de milliards de tonnes,
00:08:43 c'est à dire en ordre de grandeur entre le quart et le huitième de ce qu'on a déjà mis sur le siècle écoulé.
00:08:52 Et si on veut se limiter à 2 degrés, on est un peu plus lâche, on a droit à un millier de milliards de tonnes,
00:09:00 mais enfin ça fait quand même la moitié, entre la moitié et 40% de ce qu'on a mis sur le siècle écoulé.
00:09:06 Du coup l'arithmétique impose que si on veut tenir l'une des deux limites, 1,5 ou 2, je vais commencer par 2,
00:09:12 parce que comme ça vous allez tout de suite comprendre, il faudrait que les émissions planétaires baissent de 5% par an à partir de demain matin.
00:09:18 Alors je vais vous donner un plan qui permet de baisser les émissions planétaires de 5% par an.
00:09:22 L'année 1, je fais le Covid planétaire et je ne remets surtout pas l'économie dans son état préexistant en sortie, je laisse l'économie dans l'état post-Covid.
00:09:30 L'année 2, je supprime l'appareil industriel de l'Allemagne, du Japon et de l'Italie, ça doit faire à peu près 5% des émissions planétaires.
00:09:37 Puis il faut une idée pour l'année 3. Donc je ne sais pas si vous visualisez le rythme auquel il faudrait baisser les émissions pour y arriver.
00:09:46 En fait, compte tenu du fait que les énergies fossiles sont le moteur du système industriel moderne et du système économique moderne,
00:09:53 baisser les émissions de CO2 de 5% par an, ça revient au premier ordre à contracter le système économique de n'importe quoi entre 4 et 5% par an.
00:10:02 Nonobstant le développement de l'efficacité énergétique, des énergies renouvelables, etc. C'est ça qu'il faut avoir en tête.
00:10:08 Est-ce que vous avez une grande entreprise cotée sur cette planète, et même pas cotée, qui a aujourd'hui un plan qui soit compatible avec cette orientation générale ?
00:10:16 Je ne crois pas. Je ne crois pas qu'il y en ait beaucoup. Donc de ce point de vue, Total n'est pas spécialement un cas isolé.
00:10:24 C'est une entreprise qui a une activité qu'on assimile... Bon, encore une fois, je n'ai pas d'action chez Total, donc je m'en fiche.
00:10:29 Mais c'est une entreprise qu'on assimile au diable parce que c'est elle qui sort le pétrole, mais en fait le pétrole irrigue la totalité de l'économie mondiale.
00:10:36 Et ni Carrefour, ni Michelin, ni Danone n'ont de stratégie qui est plus compatible.
00:10:43 Je pourrais plus citer n'importe laquelle autre, ni Apple, ni Nvidia.
00:10:48 Il n'y a pas une entreprise cotée au monde qui ait une stratégie aujourd'hui qui soit compatible avec 5% de baisse annuelle des émissions des EFSR.
00:10:56 Voilà, en gros, pas une. En première approximation. Peut-être qu'on va trouver une en cherchant bien.
00:11:01 Voilà, donc ça, c'était la réponse à la première question. Total, non.
00:11:07 Alors GNL. GNL, c'est une conséquence indirecte de notre infidélité à l'ami Poutine,
00:11:14 puisque avant la guerre en Ukraine, l'Europe dépendait pour environ 40% de ses approvisionnements du gaz russe.
00:11:21 Une fois qu'on ne veut plus du gaz russe, comme c'était le principal approvisionnement gazier de l'Europe par pipeline,
00:11:27 eh bien, ou bien les gens se passent instantanément de 40% du gaz, ce qui n'est pas l'option pour le moment qui a été suivi,
00:11:33 parce que le gaz reste quelque chose d'important pour l'industrie, reste quelque chose d'important pour la production électrique d'une bonne partie de nos voisins, etc.
00:11:40 Et donc l'option B, c'est « faut le trouver ailleurs ». Et alors, « faut le trouver ailleurs »,
00:11:44 les autres zones d'approvisionnement par pipeline pour l'Europe, c'est le Maghreb, mais le Maghreb étant déclin gazier, l'Algérie étant déclin gazier.
00:11:51 Les autres pays de la communauté interne de la CIS, là, mais ce n'est pas des fournisseurs de gaz à la hauteur de ce qu'est la Russie,
00:11:59 ils sont beaucoup plus petits, donc il reste le gaz liquéfié, donc on se met à construire des terminaux de gazéification partout
00:12:04 et on commence à demander à nos fournisseurs de développer des trains de liquéfaction partout.
00:12:08 Là-dessus, les Américains se frottent les mains, parce qu'ils ont du gaz pas cher, et en plus, eux, exporter, ça les arrange,
00:12:13 parce que ça équilibre le prix de marché domestique américain avec le prix de marché à l'export.
00:12:17 Donc les producteurs sont ravis. Ils n'ont pas envie qu'on exporte tout le gaz américain, loin s'en fout, mais un peu, ils sont parfaitement d'accord.
00:12:23 Il faut bien voir que les exportations américaines de GNL, au regard de la consommation domestique de gaz aux États-Unis, ça reste pas grand-chose.
00:12:31 Mais c'est quelque chose qui est économiquement très intéressant pour eux, parce que ça fait monter le prix domestique du gaz.
00:12:36 Et alors, pour les Européens, ça crée effectivement un effet de lock-in. Alors ça, on a bien documenté ça au Chiffre Project.
00:12:41 Parce que si vous voulez du GNL, il faut signer des contrats de long terme, parce que les fournisseurs de GNL vont pas vous expliquer,
00:12:47 vous allez leur dire « Vous allez me construire un train de liquéfaction, puis l'année prochaine, je sais pas si je vous achète du gaz, vous êtes gentils, mais non ».
00:12:53 Donc en fait, les contrats, si on veut du GNL, ils sont sur 15 à 25 ans. Donc effectivement, pour avoir du gaz l'hiver prochain,
00:13:01 on se crée un lock-in fossile avec des contrats d'approvisionnement sur beaucoup plus longue période.
00:13:07 Là, fallait un peu se le dire avant de dire à Poutine « Ton gaz, on en veut pas ». Moi, j'ai pas d'intérêt non plus chez Poutine,
00:13:13 et je suis pas en train de dire que c'est un type très bien. Je suis juste en train de dire, si les Européens avaient bien compris ce qu'ils faisaient
00:13:18 au moment où ils ont dit aux Russes « On veut plus du gaz russe », ils auraient compris que l'alternative, c'était fatalement le GNL
00:13:26 venant des exportateurs de GNL, au premier chef desquels les Etats-Unis actuellement.
00:13:32 Et effectivement, le gaz qui est de plus en plus produit aux Etats-Unis, c'est ce qu'on appelle le gaz de schiste.
00:13:38 Alors en fait, c'est impropre, c'est du gaz de roche-mer. Pour faire un tout petit peu de géologie pétrolière, le pétrole et le gaz se forment
00:13:45 par une espèce de pyrolyse de résidus biologiques dans des sédiments qui sont enfouis sous terre.
00:13:50 Donc dans les endroits où il y a des zones de subduction, où il y a de la sédimentation en provenance de la vie marine,
00:13:56 vous avez des restes organiques mélangés à du sédiment minéral qui sont enfouis sous terre et la géothermie ainsi que la pression
00:14:02 vont créer dans la roche qui se forme à partir des sédiments du pétrole et du gaz.
00:14:06 Ce pétrole et ce gaz, des fois, ils migrent en dehors de la roche-mer, c'est comme ça que se forment les accumulations
00:14:11 qu'on appelle dans les roches-réservoirs où on va forer le pétrole et le gaz.
00:14:15 Mais des fois, ça reste prisonnier dans la roche-mer parce que la roche-mer n'est pas assez perméable.
00:14:19 Et à ce moment, il faut la fracturer pour créer de la perméabilité, c'est pour ça qu'on fracture pour exploiter le pétrole et le gaz de schiste.
00:14:24 Encore une fois, pétrole et gaz de roche-mer.
00:14:26 Et il se trouve que les Américains ont beaucoup de pétrole et de gaz de roche-mer.
00:14:30 Donc effectivement, cette exploitation puis cette exportation du gaz de roche-mer est quelque chose que les Américains aiment bien faire.
00:14:37 Et chez eux, c'est particulièrement favorisé par le droit minier qui fait que l'État n'intervient pas dans cette histoire
00:14:43 puisque le propriétaire du sol est propriétaire du sous-sol jusqu'au centre de la terre.
00:14:47 Ça ne fait que des contrats bilatéraux. Donc ça va très vite.
00:14:53 Troisième question, c'était...
00:14:55 Du coup, j'ai oublié.
00:14:57 Comment on casse la rentabilité de ce secteur ?
00:15:01 Ah ! Ha ha !
00:15:02 Alors il faut savoir que la rentabilité du secteur oil & gaz, elle se fait pour un acteur comme Total, absolument pas en France.
00:15:09 Un acteur intégré comme Total a trois activités, ce qu'on appelle l'amont, c'est-à-dire l'exploration, production.
00:15:16 Donc j'explore pour savoir où est le pétrole, bon ça, ça lui coûte de l'argent.
00:15:19 Et je le fais sortir de terre.
00:15:21 Donc ça, ça lui en fait gagner beaucoup.
00:15:23 Ensuite, il y a une activité dite de raffinage.
00:15:25 Alors Total a quelques raffineries en France et en Europe.
00:15:29 Et une activité de distribution.
00:15:31 Alors l'activité de distribution et l'activité de raffinage, ça a toujours été les gagnes petits dans le monde pétrolier.
00:15:35 L'activité qui gagne énormément de cash, c'est l'activité de production de pétrole.
00:15:39 Celle-ci n'a pas lieu en France.
00:15:41 Donc en fait, l'essentiel de l'argent que gagne un acteur comme Total et ses concurrents, ça se fait dans des pays étrangers,
00:15:47 là où le pétrole est extrait, et c'est des accords de partage de rente.
00:15:50 C'est-à-dire que sur le baril qui sort, eh bien, on décide que le prix de marché est partagé comme ceci, comme cela,
00:15:56 entre le pays qui possède le gisement et l'opérateur qui l'a fait sortir.
00:15:59 Il y a tout un tas de possibilités d'accords de partage, mais en général, c'est un partage de la rente.
00:16:05 Et il se trouve que la rentabilité sur capitaux investis de cette activité est extrêmement élevée.
00:16:12 20 à 25 %, significativement plus élevée, par exemple, que les activités de développement des ENR,
00:16:19 pour lesquelles, à la belle époque, il y a 20 ans, c'était beaucoup plus élevé, mais aujourd'hui, c'est beaucoup plus bas que ça.
00:16:25 Alors il n'y a pas 253 manières de faire baisser la rentabilité d'une activité qui est extrêmement rentable.
00:16:31 Il faut mettre des charges. Il n'y a pas d'autres moyens de faire.
00:16:36 Alors ça peut baisser tout seul. Si les gisements deviennent tellement petits et les investissements pour exploiter deviennent tellement lourds
00:16:42 que la rentabilité intrinsèque baisse, sinon c'est la collectivité qui doit s'en mêler.
00:16:46 Sauf que l'État français n'a pas la possibilité d'aller taxer des opérations qui prennent place au Nigeria, aux États-Unis ou en Russie.
00:16:55 Ce n'est pas possible.
00:16:57 Donc il n'y a pas tellement de manière directe de faire en sorte que ces activités, en tout cas pas par la fiscalité française, soient considérablement moins rentables.
00:17:09 Cela étant, une indication intéressante que vous pouvez voir en ce moment, économiquement intéressante,
00:17:17 c'est la façon dont tous les opérateurs pétroliers en ce moment rendent le cash à leurs actionnaires.
00:17:22 Ils rachètent des actions, ils font des dividendes monstrueux, etc.
00:17:26 Racheter des actions, c'est rendre le cash aux actionnaires.
00:17:29 Et en général, quand les entreprises font ça, c'est souvent le signe qu'il n'y a plus de projets très rentables dans lesquels investir.
00:17:38 C'est un signe avant-coureur. Enfin, ce n'est pas une démonstration.
00:17:43 Moi, je ne suis pas allé regarder, je ne suis pas un insider, c'est total.
00:17:46 En tout cas, c'est une hypothèse de travail que d'aller regarder ce qui se passe d'un peu près pour voir si on n'est pas en train...
00:17:53 Alors pour moi, ce serait d'autant moins improbable que quand on regarde la production de pétrole dans le monde, le pic à date est en novembre 2018.
00:18:03 Donc on a passé le maximum historique de la production de pétrole dans le monde.
00:18:06 Je parle bien de pétrole brut. Là-dedans, je ne mets pas les liquides de gaz, éthane, butane, propane, qui viennent de champs de gaz et pas de champs de pétrole pour l'essentiel.
00:18:15 Je ne mets pas les agrocarburants. Je mets juste ce qui sort comme pétrole à partir de C8 et les condensats à partir de C5.
00:18:24 Eh bien, la quantité de pétrole qui... C'est les statistiques de l'EIA, l'Energy Information Agency américaine, est passée par un maximum en novembre 2018.
00:18:35 Et aujourd'hui, on est à environ 4 millions de barils/jour en dessous de ce volume-là.
00:18:41 Sur le pétrole strictement conventionnel, donc si on exclut les sables bitumineux du Canada et le pétrole de roche-mer des États-Unis, c'était même 2008 le maximum.
00:18:50 L'Agence internationale de l'énergie l'a publié dans un rapport de 2018. On met un petit moment à lire.
00:18:56 Si c'est ça qui est en train de se passer, c'est-à-dire que si on est au début du déclin de la production de pétrole qui, selon les travaux du Chief Project, doit de toute façon arriver dans la décennie qui se termine en 2030, très vraisemblablement,
00:19:12 à ce moment, de fait, effectivement, il va y avoir de moins en moins de gisements à exploiter, de fait. Donc, il y aura de moins en moins de nouveaux investissements à faire.
00:19:21 Donc, effectivement, le cash existant, on le rend aux actionnaires. Enfin, voilà. Tout ça n'est pas incohérent. C'est peut-être ça qui est en train de se passer.
00:19:33 La dernière question, c'était la vôtre. C'était est-ce que Total fait mieux ou moins bien que ses comparses ?
00:19:39 J'ai envie de dire – ça va peut-être vous étonner – mais quand on le compare aux autres sociétés pétrolières dans le monde, et on a à Carbon for Finance une méthode qui fait ça,
00:19:50 qui fait de la comparaison entre entités d'un même secteur. Alors, pourquoi est-ce qu'on fait ça ? Parce que Carbon for Finance fournit de la donnée aux acteurs du monde financier.
00:20:00 Et les acteurs du monde financier, donc aux investisseurs et aux gestionnaires d'actifs, c'est des gens qui gèrent de l'argent qu'on leur a donné pour faire des investissements,
00:20:10 enfin pour de l'épargne, quoi. C'est donc l'assurance-vie et autres fonds de pension et autres trucs de cette nature.
00:20:15 Et ils ont des règles d'allocations sectorielles qui font que pour l'essentiel d'entre eux aujourd'hui, le secteur énergétique est un secteur d'investissement.
00:20:22 C'est-à-dire qu'ils disent pas « On va sortir les énergies fossiles de nos investissements ». Le fait est qu'aujourd'hui, ils le font.
00:20:33 Et donc, ce qu'on fait, nous, c'est que pour tous les secteurs dans lesquels ces gens-là investissent, on leur propose un classement intrasectoriel des entreprises dans le secteur.
00:20:42 C'est-à-dire qu'on leur dit « Dans le secteur ». Alors, tous les secteurs ne sont pas équivalents, évidemment, pour le sujet climatique.
00:20:47 Donc, il y a des secteurs dans lesquels on peut évidemment pas avoir de très bonnes notes, globalement. Le secteur pétrolier en fait partie.
00:20:54 Mais on peut avoir une note moyenne, une mauvaise ou une très mauvaise note. On va dire que c'est comme ça qu'on peut être classé.
00:21:00 Et Total fait partie des acteurs qui sont plutôt du côté de la moyenne. Donc, en fait, ils sont plutôt du côté des acteurs qui sont mieux notés que les autres.
00:21:09 Dit autrement, globalement, le reste des acteurs cotés sur la planète, c'est plutôt pire. Voilà.
00:21:13 Ça ne veut pas dire que Total soit un saint. Ça veut dire que quand on fait un classement ni un diable, du reste, enfin, c'est pas comme ça qu'on juge,
00:21:20 si on fait un classement relatif avec des critères qu'on essaye d'objectiver, il y a une publication, elle est publique, elle est sur le site de Carbon for Finance.
00:21:28 Donc, avec la méthode qu'on utilise, on trouve que ce n'est pas les pires.
00:21:32 Alors, j'ai plusieurs demandes d'intervention. Je vais vous demander d'être un peu plus bref que lors de l'audition précédente.
00:21:42 Si on peut rester sur une question par personne, ce sera très bien. M. Tissot.
00:21:47 Une question. Ah oui, non, mais il ne faut pas faire des fiches entières. Allez.
00:21:52 Je vais en faire quand même deux, mais rapides. À propos des bombes carbone, quel est votre avis ? Faut-il les... Voilà. Je fais court, là.
00:22:00 Et la deuxième, qui est plus précise, moi, j'aimerais avoir votre regard sur la question de la concurrence entre la production énergétique et la production alimentaire.
00:22:09 On sait que le groupe Total investit dans des projets d'agrivoltaïsme ou de méthanisation en France, en Europe, enfin, à l'étranger.
00:22:15 Et sur la question de l'agrivoltaïsme, un décret est en cours de concertation et pourrait permettre une couverture de 40 % des terres agricoles dans certains cas.
00:22:23 Dans cette perspective de décarbonation de notre énergie, mais également d'évolution de notre modèle agricole, quelle lecture faites-vous de cette situation ? Pour faire plus court.
00:22:33 Alors, sur les bombes carbone, en fait, c'est comme ça qu'on appelle des gisements identifiés de combustibles fossiles,
00:22:47 dont la quantité totale extractible dans le gisement dépasse, si ma mémoire est bonne, 1 milliard de tonnes de CO2 si on brûle la totalité de ce qui est extrait.
00:22:55 Il me semble que c'est ça, le seuil, 1 milliard. Je devrais le savoir parce que la personne qui a fait le site est sur un bureau qui est pas très loin du mien.
00:23:04 Alors, ce qui est sûr, c'est que, nonobstant le fait que la production de pétrole dans le monde a probablement passé son pic ou sinon elle en est pas loin
00:23:14 et va décliner pour de seules raisons géologiques, s'il n'y a pas d'autres raisons de la faire décliner, ça fait encore trop pour qu'on puisse extraire tout ce qui reste extractible
00:23:25 et respecter la barre des 2 degrés. Donc, en fait, on est dans une situation qui est un peu entre deux eaux, qui est, il y en a déjà plus assez pour que, si on ne fait rien,
00:23:35 on puisse compter sur une production croissante, mais il y en a trop pour que le climat ne dérive pas de façon extrêmement dangereuse si on extrait tout.
00:23:43 Et c'est encore plus vrai pour le charbon. En fait, il reste des quantités considérables de charbon sur Terre et on peut absolument pas se permettre d'attendre la limite géologique
00:23:53 en ce qui concerne le charbon. Même si on attend la limite géologique sur le pétrole et le gaz, on dépasse les 2 degrés. Voilà.
00:24:01 Maintenant, ça renvoie un peu à la question qui a été posée tout à l'heure sur "Est-ce que l'État français y peut quelque chose ?"
00:24:08 Dans la mesure où ces gisements ne sont pas situés sur le sol français, l'État français, lui, la seule chose qu'il peut faire, c'est assécher la demande.
00:24:15 Mais il peut pas tellement jouer sur l'offre. Là où Patrick Pouyanné n'a pas complètement tort, c'est que quand... Je crois que c'est l'Ouganda et la Tanzanie, là,
00:24:25 qui ont identifié du pétrole dans le sous-sol. Il dit "Si c'est pas nous, ça sera d'autres". En l'état actuel, il n'a pas tort. En l'état actuel, il n'a pas tort.
00:24:32 Ça ne veut pas dire qu'il est... En l'état actuel, il n'a pas tort. Et ça dépend pas de nous, de toute façon. Ça dépend du gouvernement ougandais.
00:24:38 Et le gouvernement ougandais, il va nous dire "Vous êtes gentils, les Français, là. Mais enfin, nous, on veut des hôpitaux, des routes, etc.
00:24:44 Donc si on sort pas le pétrole du sous-sol, vous nous les payez, les hôpitaux et les routes ?" Et on va dire "Bah non. Nous, on est occupés avec notre inflation alimentaire".
00:24:50 — Comment vous pensez, quand même, sur un port de métro ? Vous poursuivez dans les circonstances ?
00:24:55 — Les routes, c'est sûr. Bah des hôpitaux, un peu quand même aussi. Donc en tout cas, chez nous, ils l'ont été. Donc c'est pas simple.
00:25:08 Moi, encore une fois, je suis pas en train de dire "Toi, t'as la raison de faire ce qu'ils font". Je dis juste "On ne peut pas leur dire.
00:25:16 C'est vous qui avez toutes les cartes en main. Vous êtes maître du monde. Et le monde va évoluer juste en fonction de ce que vous décidez vous".
00:25:23 Ça, c'est une vision simpliste de la situation. C'est bien pour ça que c'est compliqué, du reste.
00:25:30 — Mais il n'y a pas de maître du monde. C'est bien le problème. Ou c'est pas le problème. J'en sais rien. Mais en tout cas, il n'y en a pas.
00:25:39 — Il y a de temps en temps une loi du plus fort. Donc celle-là, elle existe. Elle a existé dans le passé avec l'armée américaine.
00:25:45 Elle existe aujourd'hui avec la monnaie américaine. Donc de temps en temps, il y a une loi du plus fort. Mais il n'y a pas de maître du monde.
00:25:50 — Ça veut dire que la limitation de 1,5°C ou 2°C, c'est de la science-fiction, quoi.
00:25:53 — Alors 1,5°C, c'est mort. De toute façon, ça, c'est mort. Et 2°C, sauf chute de comète, effondrement économique ou etc., c'est parti pour être mort. Oui.
00:26:01 C'est pas ce que je vous ai dit. -5% par an, c'est-à-dire contracter délibérément l'économie de 3% ou 4% par an. Personne n'est candidat. Donc voilà.
00:26:10 — Et sur la question par rapport à la production alimentaire... — Sur la question par rapport à la production alimentaire, oui, évidemment, il y a une concurrence d'usage des sols entre...
00:26:16 Alors en fait, le sol, vous pouvez l'utiliser pour un certain nombre de choses. Vous pouvez l'utiliser pour l'agriculture. Vous pouvez l'utiliser pour la biodiversité.
00:26:24 Donc là, en fait, vous lui fichez la paix. Vous pouvez l'utiliser pour du bois, les forêts. Et vous pouvez l'utiliser pour des matériaux hors bois, du chanvre, du lin, du misquantus.
00:26:37 Et enfin, vous pouvez l'utiliser pour de l'énergie. Ces 5 usages sont évidemment concurrents. Alors aujourd'hui, l'addition de ces 5 usages hors bois dépasse les capacités des sols puisqu'on n'arrête pas de déforester.
00:26:50 Et après, toute la question est de savoir à quel usage vous allez imputer la déforestation. Dit autrement, qu'est-ce que vous considérez comme étant l'usage marginal qui provoque la déforestation ?
00:27:00 Alors les uns disent c'est l'alimentation, c'est à cause des champs de soja, etc. Moi, je vous dis, si ça se trouve, c'est à cause des biocarburants, parce que si on faisait pas de colza en France,
00:27:09 on pourrait à la place faire des pois, des févraux et de la luzerne et on n'aurait pas besoin d'importer du soja. Donc c'est très difficile de savoir à quelle culture vous imputez la déforestation.
00:27:22 C'est une affaire d'organisation globale du système. Et là, l'organisation globale du système, pour le coup, la France a un peu plus la main sur ce qui se passe sur son sol.
00:27:35 Même si on est dans un système européen et que l'agriculture est une compétence européenne, on a quand même un peu plus la main.
00:27:42 Voilà, donc qu'est-ce que je pense des cultures à fin énergétique ? Je pense qu'on peut les considérer comme étant celles qui causent de la déforestation.
00:27:51 C'est une affaire de point de vue. A titre personnel, je pense qu'on aurait été mieux inspiré de limiter drastiquement la consommation des voitures que de mettre tout le colza qu'on cultive dans les moteurs de voitures.
00:28:04 C'est essentiellement à ça que ça sert. C'est marrant parce que le pouvoir politique européen a eu d'une certaine manière un certain courage en disant qu'on allait interdire les moteurs thermiques à partir de 2035.
00:28:17 C'est quand même une petite révolution pour les constructeurs. Mais il a jusqu'à maintenant manqué de courage sur la baisse de la consommation des véhicules neufs,
00:28:24 où entre les normes qui ne correspondent à rien, les émissions de CO2 pondérées par le poids et autres en tourloupe normative,
00:28:35 en fait on se retrouve avec le constat qu'hors véhicule électrique, la consommation du parc en fonctionnement est là extrêmement peu baissée sur les dernières décennies.
00:28:45 Donc là on a raté une marge de manœuvre évidente parce que je pense pas que ce soit une révolution sociale que les gens conduisent des voitures un peu plus petites.
00:28:54 Je pense que c'est pas un monde qui est fondamentalement différent du monde qu'on connaît quand même. Je pense qu'on risque bien pire. Voilà. Là on a raté le coche.
00:29:02 J'avais une question mais vous avez déjà répondu. Moi je voulais surtout profiter de ce moment pour vous remercier de tout le travail que vous avez pu faire ces années pour nous éclairer.
00:29:16 Vous aviez demandé à ce que chacun des élus puisse moins regarder une vingtaine d'heures de vidéos sur ce sujet-là. C'est ce que j'ai évidemment fait.
00:29:26 La difficulté qu'on a c'est qu'on voit bien qu'on a quelque chose d'assez implacable. On voit bien qu'on n'a pas de gouvernement mondial pour essayer de réguler tout ça.
00:29:36 Que personne n'est prêt à faire des efforts aussi terribles pour essayer de baisser notre impact carbone.
00:29:43 Je voulais néanmoins savoir si vous aviez quand même quelques propositions, quelques motifs d'espoir.
00:29:48 Je vais vous poser la question du déclin du pétrole puisque je vois quand même que malgré tout ça devient de plus en plus cher en termes d'investissement pour produire du baril de pétrole.
00:29:57 Donc on peut imaginer que peut-être il se passera quelque chose demain. Moi j'étais avant maire de Cahors et vous aviez dit à l'époque que le bon modèle de ville en termes de densité c'était Carcassonne et Cahors.
00:30:10 Donc c'était évidemment pour moi quelque chose sur lequel j'avais pu m'appuyer. Ça a pas mal joué. Mais y a-t-il au moins une perspective dans le réaménagement de notre...
00:30:20 Oui je préfère ça que le reste. Tu as raison. Y a-t-il néanmoins une perspective dans la baisse de la population puisque on parle de réarmement démographique.
00:30:31 Et moi j'ai envie de dire qu'on a plutôt intérêt à avoir l'inverse aujourd'hui. Y a-t-il un espoir dans le réaménagement aussi de nos villes, de nos espaces puisque on voit bien que les grandes villes fordantes, ce sont celles qui produisent le plus d'émissions de CO2.
00:30:46 Est-ce que vous pourriez quand même essayer de nous fixer quelques perspectives qui nous permettraient en sortant de se dire que tout n'est pas perdu et qu'on a encore une chance de s'en sortir.
00:30:54 Alors des perspectives, on avait essayé d'en dessiner dans le cadre d'un gros travail du chiffre projet qui avait pris place avant les dernières élections présidentielles qui s'appelait le plan de transformation de l'économie française.
00:31:04 Alors qui malgré ses 1500 pages ou 2000 pages n'était qu'une esquisse.
00:31:08 J'avais participé à la décoordination de l'administration, des administrations et des collectivités justement.
00:31:13 Et donc parce que c'est en fait comme les combustibles fossiles sont à la racine pour moi en tout cas de ce qui a fait la totalité du monde moderne, détricoter ça dans la douceur, même en 2000 pages, on a du mal à y arriver.
00:31:26 Exactement, on a du mal à le décrire. Donc on décrit les grandes lignes, c'est évident.
00:31:30 Donc des choses à faire, oui bien sûr il y en a. Et la première des choses à faire c'est comprendre la nature de ce que nous avons en face de nous.
00:31:38 D'où les fameuses 20 heures que j'évoque partout. Parce que c'est pour le moment, il y a une petite dizaine d'années, j'avais écrit un bouquin dont le titre était "Dormez tranquilles jusqu'en 2100"
00:31:53 et le sous-titre était "Et autres malentendus sur le climat et l'énergie".
00:31:56 Et en fait ce dossier aujourd'hui encore continue à être l'objet d'énormément de malentendus.
00:32:03 Et en particulier dans le monde économique, on n'a encore pas bien compris quel était le rôle absolument fondamental de l'énergie dans la civilisation moderne.
00:32:11 On commence un peu, mais toujours pas. On n'a pas compris que les retraites et le pouvoir d'achat c'était de l'énergie en fait.
00:32:17 Et tous les acquis sociaux c'est de l'énergie. Donc c'est compliqué une fois qu'on a dit ça. C'est absolument évident.
00:32:25 Je ne pense pas qu'on ira très loin... Alors je vais dire ce à quoi je ne crois pas.
00:32:33 Je ne crois pas qu'on ira très loin, et c'est pas une attaque contre vous, c'est une règle de travail,
00:32:40 en prenant les gens pour des imbéciles et en leur racontant pas ce qui se passe, voilà, ça je crois qu'on ira pas très loin comme ça.
00:32:45 Je pense pas qu'on ira très loin en n'associant pas les gens d'une façon un peu large à la création et à la proposition.
00:32:58 On voit que quand on dit aux gens "Prenez-vous par la main et faites-nous des propositions",
00:33:03 ils sont plutôt plus audacieux que ce qu'on pourrait leur imposer, vu d'en haut.
00:33:09 Je ne crois pas qu'on ira très loin en faisant un refus d'obstacle, enfin on peut tenir un certain temps en faisant un refus d'obstacle,
00:33:14 le déni ça permet de marcher un certain temps, mais bon, pas plus longtemps que ça.
00:33:20 Et par contre je crois que comme de toute façon tout le monde va devoir y passer un jour ou l'autre,
00:33:25 c'est plutôt notre intérêt que d'y aller de façon un peu résolue dans cette décarbonation,
00:33:32 même si je suis incapable de vous dire à l'avance que nous avons un plan qui fait que sur les 30 ans qui viennent,
00:33:36 on va faire -5% par an tous les ans. Et ces -5% par an, il ne faut pas les faire sur les émissions domestiques,
00:33:41 il faut les faire sur l'empreinte carbone, parce que ce qui est représentatif du niveau de vie des Français, c'est l'empreinte carbone.
00:33:46 Ce truc-là n'a pas été fabriqué en France, enfin je ne pense pas, et le plastique de cette bouteille ne vient pas de France, ça j'en suis sûr,
00:33:51 parce qu'il n'y a pas de pétrole dans ce pays, même si on fait 3 trocs en Aquitaine, de toute façon ça ne représenterait pas grand-chose.
00:33:57 Donc, il ne faut pas dire que je suis pour, c'est un non-débat sur l'approvisionnement pétrolier de la France, c'est ce que je suis en train de dire.
00:34:05 Et donc, le plan d'ensemble qui permet d'avancer, nous on en a mis un début de plan en proposition au Chiffre-Projet,
00:34:17 parce qu'il y a encore des secteurs pas couverts, il y a des secteurs qu'on a mal couverts, objectivement, et quelque part c'est l'œuvre d'une vie, d'y travailler.
00:34:25 C'est-à-dire que jusqu'à maintenant, tous autant qu'on est, on a l'habitude de raisonner dans un monde dans lequel il n'y a pas de limite et qui est en expansion,
00:34:31 et se dire "on ne raisonne pas dans ce monde-là", c'est un peu l'œuvre d'une vie, parce que tout est à revisiter, à commencer par la loi de finances.
00:34:38 Tout. Donc, je n'ai pas de réponse simple à vous faire.
00:34:45 Monsieur Foliot.
00:34:47 Je peux vous dire pourquoi Cahors, quand même, parce que ça intéressera peut-être vos collègues.
00:34:52 Pourquoi Cahors ? Quand vous regardiez ce qui était le facteur limitant d'une ville avant l'époque de l'énergie abondante,
00:34:58 c'était le surplus agricole qui était dégagé par la zone, qui était accessible à quelques jours de transport, c'est-à-dire avant que les denrées se périment.
00:35:05 A cette époque-là, donc à l'époque du bas Moyen-Âge, à la fin de l'Empire romain, l'UTES faisait 10 000 âmes.
00:35:13 Il n'y avait que Rome qui était capable de faire un million d'habitants, parce que Rome pouvait s'approvisionner par la voie des mers,
00:35:18 en pillant la totalité de l'Égypte, et le blé, le vin et l'huile, ça se conservait assez bien le temps de la traversée de la Méditerranée.
00:35:26 Aujourd'hui, le surplus agricole permis par les énergies fossiles a été multiplié par 10 à l'hectare, ou à peu près, et par rapport à cette époque-là.
00:35:37 Et ce qui est accessible à quelques jours de transport, ou on va dire à quelques jours de transport sans dépérissement,
00:35:43 maintenant qu'on a des transports réfrigérateurs, c'est la planète entière.
00:35:46 Donc en fait, n'importe quelle concentration humaine, n'importe où, peut être nourrie en pratique par la planète entière.
00:35:51 Et vous savez tous qu'aujourd'hui, quand il y a des problèmes de faim dans le monde, c'est des problèmes de disruption de chaînes logistiques,
00:35:56 causés par des troubles politiques, des guerres, etc., qui sont en cause. Ce n'est pas un problème de production mondiale.
00:36:02 C'est ça qui est en cause.
00:36:04 Dans un monde dans lequel l'énergie... En France, vous avez un camion sur trois qui transporte un truc qui se mange, un sur quatre et un sur trois.
00:36:09 Dans un monde dans lequel l'énergie redevient rare, eh bien, on se retrouve avec ce problème, on va se retrouver avec un double problème,
00:36:16 et puis ce changement climatique va se mettre de la partie, on va avoir une baisse des rendements agricoles.
00:36:21 Ça, c'est un premier truc, surtout si on essaye de préserver la biodiversité, ça va la faire baisser encore plus.
00:36:27 Et je ne dis pas qu'il ne faut pas le faire, je dis juste que c'est une contrepartie.
00:36:31 Et par ailleurs, le transport va devenir quelque chose de moins facilement accessible.
00:36:37 Donc ça met en cause, vraiment, la taille maximale des agglomérations qui peuvent être pérennes dans ce genre d'univers.
00:36:46 Et je fais partie des gens qui pensent que de continuer à faire grossir l'île de France aujourd'hui, c'est une ânerie,
00:36:50 la raison pour laquelle j'étais contre le Grand Paris, parce qu'aujourd'hui, les grandes agglomérations sont totalement non durables dans un monde à l'énergie rare,
00:36:58 et ce n'est pas en une semaine qu'on va faire déménager des millions de gens, ni même en une année, ni même en une décennie.
00:37:05 Donc dans nos démocraties court-termistes, il faudrait arriver, je ne sais pas comment, à faire en sorte que l'urbanisme soit pensé à l'échelle du siècle,
00:37:15 parce que c'est ça, son pas de temps, et pour le moment, on n'en prend pas le chemin. Voilà, c'était ça, la petite parenthèse sur Cahors, pardon.
00:37:22 Merci, vous avez pris Cahors, vous auriez pu prendre Albi, Castres, Amtrot.
00:37:28 Merci tout d'abord pour vos propos, pour vos éclairages. Il y a quand même des éléments qui nous font réfléchir,
00:37:40 et j'essaie de se poser la question pour dire finalement comment on peut s'en sortir, notamment par rapport au jeu de décroissance que vous avez mis en avant.
00:37:47 Comment rendre compatible cette décroissance de 3-4% par an avec l'augmentation de la population mondiale, d'une part,
00:37:56 et avec l'aspiration, pas forcément illégitime d'une bonne partie de cette population mondiale, de vouloir sortir de la pauvreté.
00:38:04 Et là, on a une équation avec des connues, des tangentes dont on sait ce qu'il va en advenir, on va aller vers les 10 milliards,
00:38:16 on va avoir la volonté de certaines de sortir de la pauvreté, et le fait d'être pour nous plus raisonnable, plus sérieux dans l'utilisation ne serait-ce que de l'énergie,
00:38:37 est-ce que ça va suffire pour résoudre cette équation ?
00:38:41 Et par rapport à cela, dans ce monde ouvert dans lequel vous dites qu'il n'y a pas de patron, il n'y a personne qui décide pour tout le monde,
00:38:56 on peut considérer que c'est une mauvaise chose, mais aussi c'est peut-être une bonne chose à certains égards,
00:39:01 et que donc, comment, par rapport à la stratégie d'un groupe et du groupe total, rendre tout ceci compatible avec les cadres que vous avez fixés, les objectifs que vous avez fixés ?
00:39:19 Alors, pour essayer de reprendre, si je ne fais pas de trous de mémoire dans l'ordre de ce que vous avez évoqué,
00:39:25 ce qui va se passer dans les 30 ou 40 prochaines années, l'élément crucial, c'est beaucoup plus...
00:39:31 Admettons qu'on reste 8 milliards, ça ne change pas grand-chose, parce que l'élément premier, qui est un facteur de pression à la hausse sur l'utilisation des ressources de toute nature,
00:39:40 c'est l'aspiration des Indiens et des Africains à vivre comme des Européens et des Américains.
00:39:46 Et qu'on soit 8 ou 10 milliards dans 30 ans, ça ne change pas grand-chose face à ça.
00:39:50 Dit autrement, alors, ça change un peu quand même quelque chose sur l'utilisation des terres arables, ça oui,
00:39:57 parce que la pression sur la biodiversité, elle vient beaucoup plus vite avec la population qu'avec le niveau de vie.
00:40:03 Mais par contre, en ce qui concerne le changement climatique et la pression sur les ressources énergétiques et métalliques,
00:40:09 au premier ordre, ce qui compte, c'est vraiment, est-ce qu'il y a une convergence des gens qui aujourd'hui consomment matériellement 10 fois moins que nous, j'ai envie de dire,
00:40:19 et nous, à quel niveau se fait la convergence ? Est-ce qu'il se fait à leur niveau, à notre niveau, quelque part entre les deux, etc.
00:40:24 Et ça, c'est un élément qui est beaucoup plus déterminant dans ce que sera la pression globale de l'humanité sur son environnement hors biodiversité
00:40:31 que le fait qu'on soit 8 ou 10 milliards dans 30 ans. C'est arithmétique, ça, c'est juste arithmétique.
00:40:41 Deuxième remarque. Alors, je vais mettre un peu les pieds dans le plat. La question de la pauvreté est un débat sans fin,
00:40:51 parce que la pauvreté est une notion qui est par définition relative. Les pauvres, c'est ceux qui gagnent moins d'une fraction du revenu médian.
00:41:01 Donc, vous avez deux manières de résoudre le problème de la pauvreté. C'est ne plus appeler à que tout le monde gagne la même chose, voilà.
00:41:12 Mais tant que les gens ne gagnent pas la même chose, tant que vous avez une courbe de distribution des revenus, par construction, vous avez des pauvres,
00:41:20 puisque à la droite de votre courbe de distribution, vous avez des gens qui gagnent moins qu'une fraction du revenu médian.
00:41:27 Donc, en fait, la seule façon de supprimer la pauvreté au sens mathématique du terme, c'est que vous ayez tout le monde qui gagne la même chose.
00:41:35 Au sens mathématique du terme. Après, si supprimer la pauvreté, c'est de se dire, les gens qui aujourd'hui n'ont pas de maison,
00:41:45 ils veulent une maison avec salle de bain, le temps qu'ils y arrivent, si ça se trouve, vous, vous serez pauvre face aux gens qui auront tous un jet privé.
00:41:54 Quand vous regardez aujourd'hui, il y a des gens en France qui se considèrent comme pauvres face aux classes moyennes,
00:42:01 ils restent très riches face à ce qui était un paysan du Moyen-Âge. Donc, la pauvreté est toujours une notion relative.
00:42:05 C'est ça que je suis en train de dire. Donc, ce n'est pas pour faire de la provocation inutile.
00:42:09 C'est juste pour dire qu'il y a un vrai sujet dans cette histoire qui est quel est l'exemple donné par les gens qui ont un mode de vie "ordinaire".
00:42:21 Et à mon avis, il n'y a pas tellement d'autres choses à faire que de travailler là-dessus. Parce que si on dit la première priorité...
00:42:28 Du reste, les pays en développement ne sont pas fous. Je connais très bien Brice Lalonde qui a fait toutes les COP depuis la première.
00:42:36 Et il m'a dit un jour, je me rappelle très bien, il m'a dit "les négociations climat, depuis le début, les pays riches viennent en pensant qu'on va parler climat,
00:42:44 les pays pauvres viennent en pensant qu'on va parler développement et c'est les deuxièmes qui gagnent".
00:42:49 Donc, en fait, c'est vraiment la question de quel est le modèle, j'ai envie de dire.
00:42:54 Et là, ma conclusion, c'est tant qu'on fume 20 cigarettes par jour, c'est compliqué de dire à quelqu'un qui n'en fume que deux que ce n'est pas bien de fumer.
00:43:01 Donc, le seul pari pascalien qui a une chance de passer pour moi, c'est que nous, on fasse des efforts.
00:43:05 Et de compter sur le fait que les hommes étant des animaux sociaux, le mimétisme fera sa part.
00:43:11 Je ne vois pas tellement d'autres paris, de toute façon, je ne vois pas d'autres paris liables.
00:43:14 Et la deuxième chose que je voudrais rajouter, c'est, je vais revenir à mes hydrocarbures et à ma géologie.
00:43:20 On a fait un travail au Chiffre-Projet pour regarder quelle était la production, je dis bien la production,
00:43:25 à venir de pétrole des 16 premiers producteurs mondiaux hors Brésil et Canada, qui sont par ailleurs les 16 premiers fournisseurs de l'Europe,
00:43:32 d'ici à 2050, sous seule contrainte géologique.
00:43:36 On a fait ça en accédant à une base de données non publique, que tous les pétroliers ont par ailleurs,
00:43:41 parce que c'est un truc qui est fait pour qu'ils voient chacun ce que fait leur petit copain, fournie par Hechtat Énergie.
00:43:46 Et on a demandé à trois afrojojos, donc l'ancien patron de l'exploration de Total, l'ancien patron de l'évaluation des gisements de chez Total,
00:43:53 et un ancien analyste pétrole et gaz de l'AIE, de nous dire, avec leur connaissance, sur la base de cette base de données,
00:44:00 ce qu'il nous faisait comme prodostique sur la production future de ces 16 pays, qui encore une fois sont les 16 premiers producteurs mondiaux.
00:44:08 Et la conclusion qu'il nous livre, c'est que d'ici à 2050, leur production, sous seule contrainte géologique, est divisée par deux.
00:44:14 Il se trouve que quand vous regardez des pays ou des zones dont la production est divisée par deux,
00:44:19 leurs exportations, quand c'était des exportateurs, sont divisées par beaucoup plus de deux.
00:44:23 Si vous prenez le Mexique, entre son pic de production, qui a eu lieu en 2004, et 15 ans plus tard, 2020,
00:44:29 leurs exportations sont passées de 50% de la production à zéro.
00:44:32 Prenez l'Égypte, même motif, même punition, en 15 ans. Prenez l'Indonésie, même motif, même punition, en 15 ans.
00:44:39 L'Afrique est aujourd'hui exportatrice nette de pétrole. Au train où vont les choses, dans 15 ans, ça sera fini.
00:44:43 Donc, une production de ces pays-là, donc en gros pas loin d'une production mondiale, divisée par deux d'ici à 2050,
00:44:50 ça veut dire que les importations européennes sont divisées par n'importe quoi entre deux et 50.
00:44:56 Donc, de toute façon, nous, on est dos au mur. De toute façon, on est dos au mur.
00:45:01 Donc, nous, c'est notre intérêt égoïste qui rejoint le pari pascalien que de décarboner aussi vite qu'on peut.
00:45:10 C'est juste notre intérêt égoïste. Parce que, de toute façon, si on ne fait pas ça,
00:45:16 la montée du populisme à laquelle on assiste aujourd'hui, c'est le début de la plaisanterie. Vraiment.
00:45:22 Donc, voilà, on peut craindre bien pire. Donc, je pense aujourd'hui qu'il n'y a pas tellement de plan B en ce qui nous concerne,
00:45:31 ce qui a au moins le mérite de nous éviter les États-dames.
00:45:35 Alors, le nucléaire, dans cette histoire, est une partie intéressante de la solution et très loin d'être la totalité de la solution.
00:45:43 C'est très loin d'être la totalité de la solution parce qu'aujourd'hui, le nucléaire, il ne vous aura pas échappé que ça ne fait que de l'électricité.
00:45:49 Et donc, pour que ça soit une solution à des usages du pétrole, du gaz ou du charbon, ça veut dire qu'il faut électrifier ces usages ou les hydrogéner.
00:45:57 Pour la sidérurgie, ça veut dire les hydrogénés. Mais, par exemple, pour Arcelor, un gros au fourneau à Dunkerque, pour le remplacer, font un réacteur nucléaire.
00:46:06 Ils ont 5 au fourneau. Bon, ils ne sont pas tous de la même taille, mais enfin, quand même.
00:46:10 Donc, ça vous donne une petite idée, quoi. Pour faire l'hydrogène, qui est nécessaire pour faire la réduction directe du minerai hors charbon.
00:46:17 Sur les voitures, ça veut dire qu'il faut électrifier les voitures. Et aujourd'hui, avec la fraction des voitures électriques qu'on a, il n'y a pas de problème de réseau.
00:46:26 Si vous aviez 40 millions de véhicules électriques en France avec 50 kWh de batterie, il y a des moments où vous diriez « ben, la charge, c'est pas maintenant ».
00:46:34 Alors, on n'y est pas. Personnellement, du reste, je ne suis pas favorable à ce qu'on y soit un jour. Je pense qu'on a beaucoup trop de voitures électriques ou pas électriques.
00:46:41 Mais, voilà. Sur les logements, c'est pareil. Il faut passer les chaudières à fuel et à gaz à la pompe à chaleur.
00:46:47 Mais tout ça représente des appels supplémentaires d'électricité par rapport à ce qu'on a aujourd'hui.
00:46:52 Et un réacteur, c'est long à construire. Même les Chinois qui vont vite, ils y mettent quand même 5 ans.
00:46:57 Et nous qui allons particulièrement lentement, on met plutôt 15 ans.
00:47:01 Et reste à savoir du reste, si avec le modèle qu'on a décidé de construire, on ira beaucoup plus vite parce que l'UPR est un truc très compliqué.
00:47:08 C'est un design franco-allemand avec ceinture et bretelles dans tous les sens.
00:47:11 Peut-être que ce n'est pas le cheval le plus optimal si on veut déployer du nucléaire rapidement.
00:47:18 Peut-être que le déploiement du nucléaire rapide, ce serait tout simplement de faire ce qu'on a déjà avec lequel l'UPR n'apporte pas de rupture technologique majeure.
00:47:25 C'est pas... Bon, en disant ça, je dis peut-être des horreurs.
00:47:29 Et le vrai nucléaire durable, de toute façon, c'est celui de la quatrième génération.
00:47:33 C'est celui qui est capable d'exploiter autre chose que l'uranium-235.
00:47:37 Parce que l'uranium-235, il n'y en a pas assez dans le monde pour que le nucléaire remplace de manière durable une fraction significative des centrales à charbon.
00:47:43 Puis on parle un peu d'ordre de grandeur.
00:47:46 Et donc il faut passer le plus vite possible à la quatrième génération.
00:47:49 Donc le nucléaire est intéressant si on passe très vite à la quatrième génération.
00:47:53 Pour le moment, on nous a donné le signal inverse en France.
00:47:56 Et si on est capable de déployer des réacteurs raisonnablement rapidement pour concourir à la production d'électricité décarbonée.
00:48:06 Mais ça n'évitera absolument pas un effort massif de sobriété.
00:48:10 Absolument pas.
00:48:12 Et qui est la priorité des priorités pour moi aujourd'hui.
00:48:15 Parce que c'est quelque chose qui demande de travailler les esprits de façon beaucoup plus forte que de leur offrir une marge de manœuvre technologique.
00:48:23 La marge de manœuvre technologique, elle ne demande pas un travail sur soi aussi important que le travail sur soi qui est lié aux codes sociaux, aux codes de réussite, etc.
00:48:33 Enfin, je veux dire, changer le fait que la grosse bagnole est un symbole de réussite, c'est un travail qui va être plus difficile que de dire aux gens,
00:48:40 l'électricité vous était amenée par une centrale A et maintenant elle va vous être amenée par une centrale B.
00:48:45 Le travail est quand même moins dur, globalement.
00:48:49 Premier truc, c'est plus compliqué.
00:48:51 Donc je pense que l'urgence des urgences aujourd'hui, elle est bien celle-là.
00:48:55 Alors pour finir sur un petit volet sur la question de la décroissance,
00:48:59 la France est massivement importatrice d'un certain nombre de biens manufacturés.
00:49:05 C'est à la fois une chance et un malheur.
00:49:07 Oui c'est ça, une chance et un malheur. C'est un malheur dans la situation économique actuelle,
00:49:11 sauf qu'à chaque fois que vous remplacez un gros objet importé par un plus petit objet fait localement,
00:49:16 là vous avez la chance d'être dans la configuration dans laquelle vous pouvez gagner à la fois économiquement et carboniquement.
00:49:23 Donc je vais le dire autrement, si on remplace les voitures à essence importée par des vélos électriques fabriqués de A jusqu'à Z en France,
00:49:30 acier, batterie, etc., qui coûteront plus cher que les vélos importés, mais moins cher que les voitures quand même,
00:49:35 et bien là vous êtes dans un contexte dans lequel vous avez à la fois du PIB et de la décarbonation.
00:49:41 Donc il y a quand même des marges de manœuvre dans certains domaines dans lesquels on peut faire des choses.
00:49:47 Très bien, je vous remercie infiniment.
00:49:52 Si vous me permettez, sur le GNL, on est d'accord que ça ne peut pas être considéré comme une énergie bas carbone,
00:50:01 y compris venant des États-Unis, comme une énergie de transition, parce que c'est un des éléments qu'on nous renvoie.
00:50:09 Alors je vais être un tout petit peu taquin. Les premiers à avoir évoqué le gaz comme énergie de transition, si ma mémoire est bonne,
00:50:17 c'était les gens, les antiducléaires qui disaient "on va faire de l'éolien et du gaz et le gaz sera une énergie de transition".
00:50:22 Une fois que la taquinerie a entendu...
00:50:28 On n'a jamais dit que c'était bas carbone.
00:50:30 Ah si, si, bien sûr, ça ne me dérange pas. Là j'ai répondu sur le mot "transition".
00:50:36 C'est absolument pas bas carbone. Du reste, c'est pour ça que cette option, moi, m'a toujours un peu turlupiné.
00:50:41 Et en ce qui concerne le GNL, c'est américain, c'est particulièrement pas bas carbone,
00:50:46 parce que vous avez des émissions fugitives aux Etats-Unis associées à l'extraction et au transport du gaz.
00:50:52 Il y a l'Energy Institute, l'ancien BP Statistical Review, qui a publié des statistiques qui m'ont moi-même éberlué.
00:50:59 Les émissions fugitives et de process liées au gaz représenteraient 4 milliards de tonnes équivalent CO2 par an dans le monde.
00:51:06 Ce qui est absolument considérable.
00:51:08 Et le gaz, par unité d'énergie, si on lui impute ces émissions-là, globalement, il se met au-dessus du pétrole.
00:51:17 Si ces chiffres sont exacts.
00:51:20 Alors, les émissions fugitives, c'est les fuites à l'extraction, les fuites au transport et à la distribution.
00:51:29 Et par ailleurs, vous avez les émissions de liquéfaction, qui sont des émissions significatives,
00:51:33 parce qu'il faut de l'énergie pour liquéfier, pour abaisser très fortement la température.
00:51:39 Et enfin, vous avez également de l'énergie au moment de la regazéification.
00:51:43 Et qu'il y ait des fuites dans les réseaux de gaz, ça se manifeste malheureusement par le fait que de temps en temps,
00:51:47 vous avez un immeuble à Paris qui fait boum.
00:51:50 Et heureusement, tous les réseaux de gaz qui fuient ne font pas boum.
00:51:53 Mais ça fait quand même des fuites de méthane.
00:51:55 Donc oui, le gaz occasionne des fuites.
00:52:00 Et il y avait une publication de Carbon4, du reste qu'on avait faite,
00:52:04 en disant, dont le titre était si malheureusement arrivé, "GNL, tous les crus ne se valent pas",
00:52:08 ou un truc dans ce genre là.
00:52:10 Et où on avait essayé de quantifier les émissions fugitives par nature, par provenance.
00:52:15 Et le Shell Gas, de ce point de vue, comme on multiplie les points d'extraction un peu partout,
00:52:21 on peut légitimement penser que c'est un mode d'extraction du gaz
00:52:24 qui est un peu plus fuyard que les autres modes.
00:52:28 Parce qu'il y a énormément de puits.
00:52:31 Merci infiniment professeur pour cette audition,
00:52:34 qui je le vois passionné, tellement à la secouer.
00:52:38 Donc tout va bien.
00:52:39 Voilà pour cette exposé de l'ingénieur et également président du Shift Project,
00:52:43 association qui milite pour atténuer le changement climatique
00:52:47 et diminuer également notre dépendance aux énergies fossiles.
00:52:51 On va suivre sur le même sujet l'audition de Rémi Rioux,
00:52:54 directeur de l'Agence Française de Développement.
00:52:57 Je vous laisse suivre ces échanges avec les sénateurs et je vous retrouve tout de suite après.
00:53:02 Le mandat du groupe AFD est très exigeant en matière d'environnement et de climat en particulier.
00:53:10 Je n'en connais pas de plus exigeant, à dire vrai, dans le secteur financier.
00:53:15 Et je vais essayer de vous le démontrer.
00:53:17 Il est conforme évidemment à l'ambition de la France pour le climat et pour les droits humains.
00:53:22 Il a été fixé par des textes récents.
00:53:26 La loi du 4 août 2021 votée à l'unanimité,
00:53:30 qui ajoute à la lutte contre la pauvreté, la réduction des inégalités,
00:53:35 la protection des biens publics mondiaux, en particulier la protection de la planète.
00:53:40 C'est le mandat que vous nous avez fixé,
00:53:42 qui a été précisé ensuite dans deux réunions du gouvernement,
00:53:47 une réunion du Conseil présidentiel du développement au printemps dernier,
00:53:52 puis le comité interministériel de la coopération internationale du développement de juillet 2023.
00:53:59 Dans les deux cas, le premier objectif fixé à la politique de développement et donc à son agence,
00:54:04 c'est d'accélérer, je cite, la sortie du charbon et de financer les énergies renouvelables
00:54:09 des pays en développement et émergents pour limiter le réchauffement climatique global à 1,5 degré.
00:54:15 Notre contrat d'objectif et de moyens, qui sera prochainement renouvelé,
00:54:21 que vous serez amené dans cette salle même à examiner,
00:54:25 saisi par le gouvernement, sera aussi très clair sur ce point,
00:54:30 fixant en particulier, c'est le premier indicateur envisagé,
00:54:35 le volume de finances climat à la hauteur des engagements pris par la France. J'y reviens.
00:54:41 J'ajoute le contrôle du Conseil d'administration de l'AFD,
00:54:45 qui a notamment fixé une liste d'exclusions pour les activités du groupe,
00:54:50 qui porte précisément sur les énergies fossiles.
00:54:54 Ça s'est fait en plusieurs étapes. Il y a eu une première étape,
00:54:58 moi je suis le directeur général depuis 2016, il y a eu une première étape en 2019,
00:55:02 où on avait interdit tout lien avec les projets fossiles, sauf dans les pays les moins avancés.
00:55:07 En 2021, cette règle a été étendue à tous les pays d'intervention de l'AFD.
00:55:13 Donc, il est interdit de financer des projets de construction,
00:55:17 extension, rénovation de centrales de production d'électricité à partir d'énergies fossiles.
00:55:22 Il est interdit de financer des infrastructures associées à une unité de production de stockage
00:55:27 ou de transformation de ressources énergétiques fossiles, ou de production d'électricité à base d'énergies fossiles.
00:55:32 Il est interdit bien sûr de financer des projets d'exploration, de production, de transformation,
00:55:37 ou dédiés exclusivement aux transports de charbon, gaz et pétrole conventionnels et non conventionnels.
00:55:42 Donc on a, je crois, une liste d'exclusions qui est la plus forte qui existe.
00:55:46 La seule comparable, je crois, c'est celle que la Banque Européenne d'Investissement a décidée,
00:55:51 à peu près dans le même calendrier, qui nous vaut parfois des critiques d'ailleurs,
00:55:55 puisque nous sommes totalement sortis de tout le secteur des énergies fossiles,
00:56:00 à la différence d'autres banques publiques, y compris de banques multilatérales, qui ont une liste moins stricte.
00:56:06 Et l'objectif, évidemment, de notre conseil d'administration, c'est de faire de l'AFD un acteur exclusif
00:56:11 du secteur des énergies renouvelables pour mobiliser nos financements.
00:56:17 Ce mandat s'est transformé évidemment en volume d'investissement important.
00:56:22 Nous avons financé... Alors l'engagement stratégique dès 2017 a été de s'aligner sur l'accord de Paris.
00:56:29 Moi, j'étais le négociateur finance de l'accord de Paris en 2015, à la COP21, dans les équipes gouvernementales.
00:56:37 Puis je suis passé, juste après, à l'AFD. Et donc dans la foulée, j'ai fait prendre au groupe l'engagement de s'aligner sur l'accord de Paris.
00:56:46 S'aligner sur l'accord de Paris, ça veut dire deux choses. Ça veut dire vérifier que les 40 milliards de financements...
00:56:52 40 milliards de financements ont été octroyés depuis lors qui ont un impact positif pour le climat.
00:56:57 C'est 62% des financements de l'AFD l'année dernière, en 2023, c'est-à-dire 7,5 milliards d'euros pour la seule année 2023
00:57:06 dont nous mesurons l'impact pour le climat. Ça a aussi beaucoup monté ces dernières années.
00:57:12 Dans notre filiale Proparco, on a atteint l'année dernière 50% de l'activité qui a un impact positif pour le climat chez Proparco.
00:57:22 C'est donc vérifier que les projets ont un impact positif.
00:57:26 Et puis l'autre modalité d'alignement, c'est de vérifier que nos clients sont sur des trajectoires, évidemment de long terme.
00:57:35 C'est leur NDC ou c'est les trajectoires à horizon 2050 qui vont dans la bonne direction.
00:57:41 Et ça, c'est le travail que nous faisons en particulier avec les gouvernements étrangers.
00:57:45 On a toute une gamme d'outils qu'on met à leur disposition, y compris pour faire de la...
00:57:50 C'est Gaël Giraud qui était notre chef économiste qui avait implanté ça, y compris pour faire de la modélisation des trajectoires de développement,
00:57:58 des trajectoires énergétiques pour les optimiser à moyen et long terme.
00:58:04 On le fait d'ailleurs, évidemment, dans un des pays que vous regardez avec une attention particulière, c'est l'Ouganda.
00:58:12 On a ce travail en Ouganda avec l'Agence internationale de l'énergie.
00:58:17 On a appuyé le gouvernement ougandais pour prendre ses engagements de 100% d'accès à l'énergie en 2030,
00:58:22 un pic d'émission en 2045 et une neutralité carbone en 2060, ce qui n'est pas mal pour un pays en développement.
00:58:30 Et puis, bien sûr, on mesure les impacts. 45 millions de tonnes d'équivalent CO2 ont été évitées chaque année par les projets qui sont financés par l'AFD.
00:58:42 Je précise que nous portons la quasi-totalité des engagements pris par la France dans le cadre de l'accord de Paris,
00:58:49 puisque l'année dernière, c'était 85% des 6 milliards de finances climat. C'était en 2022, pardon, qui ont été originés par l'AFD.
00:59:00 J'ajoute un point, évidemment, nous ne faisons plus vraiment de distinction entre climat et biodiversité.
00:59:07 C'est bien un agenda environnemental complet et nous, 30% des projets climat de l'AFD comportent des composantes fondées sur la nature.
00:59:18 Donc, on utilise des technologies qui ont le double avantage de limiter les émissions et de protéger la biodiversité.
00:59:26 41 millions d'hectares de milieux terrestres, côtiers et marins ont bénéficié du programme de conservation et de restauration en 2022.
00:59:35 Dans le seul domaine de la transition énergétique, je vais vite, on a 300 projets en exécution.
00:59:41 17 millions de personnes ont eu vu un accès amélioré à l'électricité grâce aux projets en 2023.
00:59:48 1200 mégawatts de capacité de stockage installés. Je tiens à votre disposition, évidemment, l'ensemble des impacts attendus des projets.
00:59:58 On est aussi partenaire de tous les partenariats pour une transition énergétique juste.
01:00:04 Vous savez, cette grande initiative qui a été lancée, qui est actuellement en place, en cours de mise en œuvre en Afrique du Sud, en Indonésie, au Vietnam et au Sénégal.
01:00:13 La France, via l'AFD, est partenaire des gouvernements de ces quatre pays, avec bien sûr les autres partenaires internationaux concernés,
01:00:23 pour accélérer, là aussi, les trajectoires environnementales de ces pays clés, évidemment, notamment parce qu'ils disposent de ressources charbon particulièrement importantes
01:00:35 et doivent le plus rapidement possible transformer, optimiser leur mix énergétique.
01:00:41 Évidemment, on ne le fait pas tout seul, parce que ces chiffres, évidemment, sont limités, même s'ils sont significatifs compte tenu de l'ampleur des enjeux.
01:00:52 On le fait en essayant d'agir avec les autres acteurs des systèmes financiers.
01:00:57 Je rappelle que l'AFD, en 2014, a été la première institution française à émettre une obligation verte sur les marchés financiers.
01:01:03 Et en 2020, la première à émettre une obligation durable, avec toute une méthodologie alignée sur les objectifs de développement durable des Nations Unies.
01:01:12 C'est aujourd'hui à peu près 50% de notre programme de financement annuel, qui est sous cette forme de titres financiers, verts ou durables.
01:01:23 Ça faisait 4,5 milliards d'euros levés sur les marchés en 2022 à ce titre.
01:01:30 Et puis, on essaye d'engager toutes les banques publiques de développement.
01:01:34 J'ai présidé pendant 6 ans un club qui s'appelle IDFC, International Development Finance Club, qui rassemble les 26 plus grandes banques publiques au monde.
01:01:45 Je pense à la KfW allemande, je pense à la BNDES du Brésil, la DBSA d'Afrique du Sud.
01:01:51 Ce groupe, à lui seul, a investi 1 500 milliards de dollars depuis l'accord de Paris dans des projets dont nous vérifions la qualité, l'impact positif, encore une fois, sur le climat.
01:02:01 Et puis, bien sûr, on travaille avec les banques privées pour, là aussi, leur apporter des appuis techniques et des lignes de crédit pour financer des projets positifs pour le climat.
01:02:12 Ce qui est intéressant, c'est que, comme pour les États, on regarde de plus en plus, nous et les autres banques publiques, au-delà de la qualité des projets eux-mêmes,
01:02:20 pour vérifier la stratégie, la mise en place de processus, de formation, d'outils, pour que ce soit l'ensemble du portefeuille de ces institutions financières publiques ou privées
01:02:31 qui se tournent progressivement vers des investissements verts plutôt que des investissements bruns.
01:02:36 Ça, c'est notre mandat. Les procédures, je vais être plus rapide, pardon, et je peux détailler.
01:02:43 Évidemment, de très nombreuses procédures internes à l'AFD pour vérifier la qualité des investissements.
01:02:50 Parfois, on nous reproche leur nombre et leur durée, qui peut ralentir, évidemment, l'exécution des projets,
01:02:57 même si on fait des projets beaucoup plus rapidement au Sud, parfois, que dans notre propre pays.
01:03:02 On a, bien sûr, sur les droits humains, une liste d'exclusion, là aussi, très stricte,
01:03:07 qui renvoie au principe de l'OIT, au principe directeur des Nations Unies, relatif aux entreprises et aux droits de l'homme.
01:03:15 On a, évidemment, des diligences obligatoires sur tous les projets, alignés sur les standards du groupe Banque mondiale ou les conventions de l'OIT.
01:03:24 On suit la stratégie française pour les droits humains et le développement en cours de mise en œuvre.
01:03:29 On applique, bien sûr, à mesure que ces règles se précisent.
01:03:32 On attend une directive européenne, la loi sur le devoir de vigilance, au-delà, évidemment, des projets eux-mêmes.
01:03:40 Sur la lutte contre la corruption, le blanchiment et le financement du terrorisme,
01:03:44 évidemment, toutes les règles applicables aux établissements financiers s'appliquent à l'AFD très strictement.
01:03:50 Et nous les suivons. Nous avons même une formation obligatoire de tous nos salariés chaque année, qu'on doit refaire chaque année, sur ces règles.
01:03:59 Et puis, sur le développement durable, sachez que depuis 10 ans maintenant, depuis 2014, on a une procédure interne qui s'appelle l'Avis développement durable.
01:04:08 La quasi-totalité de nos projets passe à travers un filtre, où on met une note, à la fois sur la dimension environnementale, la dimension sociale, les différentes...
01:04:20 Il y a six critères qui résument, finalement, les 17 objectifs de développement durable.
01:04:25 Et bien sûr, en fonction de la note qu'a chacun des projets qui nous est soumis, l'AFD décide de les financer ou de ne pas les financer,
01:04:33 ce qui permet in fine de présenter, y compris devant les marchés financiers, un portefeuille qui a une qualité, je crois, élevée.
01:04:42 Ces règles sont étendues à Proparco et à Expertise France pour l'ensemble du groupe désormais.
01:04:48 Et je signale que le groupe AFD a été noté, notamment par Moody's ESG l'année dernière, comme le premier parmi toutes les institutions financières en termes d'ESG.
01:05:03 Donc on progresse régulièrement dans l'ensemble des classements à ce titre, voire nous sommes leaders dans notre catégorie d'institutions suivies par Moody's et par d'autres.
01:05:16 Bien sûr, ça c'est ex-ante, je n'insiste pas sur tous les dispositifs qui existent ex-poste.
01:05:25 On a notamment tout un dispositif de gestion des réclamations environnementales et sociales si des parties prenantes souhaitent un examen.
01:05:34 C'est un dispositif extrajudiciaire, évidemment, on peut aussi aller devant les tribunaux, mais on a une forme de pré-contentieux qui est sous la supervision du conseiller à l'éthique du groupe AFD.
01:05:45 Je précise qu'on a reçu 9 réclamations de ce type en 2022, 0 en 2023, aucune ne concernait un projet en lien avec le groupe Total Energy.
01:05:56 Je termine par nos relations avec les entreprises françaises, puisque plusieurs de vos questions du questionnaire reçu vendredi portaient sur ce point.
01:06:08 Je rappelle d'abord que depuis le 1er janvier 2002, tous les financements du groupe AFD sont dits déliés, c'est-à-dire qu'ils font l'objet d'appels d'offres, de procédures, et ne sont pas réservés aux entreprises françaises.
01:06:24 Donc il faut gagner l'appel d'offres émis par une maîtrise d'ouvrage locale. Nous sommes évidemment ravis et enchantés quand les entreprises françaises gagnent les marchés.
01:06:34 Évidemment, je le précise tout de suite, elles peuvent projeter, présenter, échanger les expertises et les technologies françaises.
01:06:40 C'est le cas évidemment massivement. On emmène beaucoup de bureaux d'études français qui interviennent sur la modélisation, sur la définition des politiques publiques,
01:06:51 sur les cadres réglementaires, sur les politiques tarifaires qu'appliquent les Etats étrangers.
01:06:56 Donc on travaille aussi avec la CRE, on travaille avec l'ADEME, on travaille avec les ministères pour appuyer.
01:07:03 Évidemment, beaucoup d'entreprises gagnent des marchés financiers par l'AFD sur des projets d'infrastructures, dans les énergies renouvelables.
01:07:10 Et puis, il peut arriver aussi souvent qu'on investisse avec des fonds et des développeurs comme Meridiam, NEOEN, EDF même, dans des projets de cette qualité.
01:07:23 Et on a bien sûr avec chacun et avec les maîtresses d'ouvrage un dialogue sur les normes, les standards, la qualité attendue lorsqu'on a accès à nos financements.
01:07:33 Les chiffres d'accès des entreprises françaises, vous les connaissez, il y a plus de 70% des projets financés par l'AFD dans lesquels il y a une participation d'une entreprise française ou d'un acteur français.
01:07:46 Donc je crois que c'est un bon chiffre. C'est à peu près 2 à 3 milliards d'euros de commandes qui, in fine, arrivent jusqu'à des acteurs français chaque année.
01:07:57 Je termine sur un acteur particulier qui est le groupe Total Energy.
01:08:03 Vous l'avez compris, compte tenu de l'incompatibilité du cœur de métier du groupe Total Energy, les énergies fossiles, et ce mandat de l'AFD que je viens de vous décrire,
01:08:16 aligné sur l'accord de Paris et avec ces règles d'exclusion strictes du secteur des énergies fossiles, les relations entre l'agence et le groupe Total Energy sont, je dirais, très limitées.
01:08:30 Bien sûr, il y a des échanges dans les ambassades, dans les communautés de conseillers du commerce extérieur, dans les pays, évidemment.
01:08:39 Les échanges avec le siège, entre sièges, sont peu réguliers. Le dernier a eu lieu en juillet 2022, voyez, et ce n'était pas à mon niveau.
01:08:50 Je précise que le groupe d'AFD n'est pas impliqué dans aucun des projets qui font l'objet d'accusations spécifiques au Mozambique ou en Ouganda, Tanzanie en particulier, pour les raisons que je vous indiquais précédemment.
01:09:07 J'ajoute que Total Energy est évidemment l'un des plus grands développeurs d'énergie solaire dans le monde et qu'à ce titre, compte tenu des engagements qu'il a pris, il arrive que l'AFD aille en cofinancement avec, en l'occurrence jusqu'à présent, soit Cadran, soit Total Air N.
01:09:31 Je précise qu'aucun projet n'a à ce jour été cofinancé avec Total Energy Renouvelables depuis le mouvement qui a eu lieu à l'été 2023, où Total Air N a été totalement consolidé au sein de Total Energy.
01:09:52 Nous sommes dans l'attente, évidemment, d'échanges sur ce que cette nouvelle configuration peut signifier.
01:09:59 On a en portefeuille 15 projets à ce jour, exclusivement avec Cadran ou Total Air N, qui sont des projets... En général, c'est rarement une réponse à un appel d'offres financés par l'AFD, c'est plutôt via notre filiale Proparco.
01:10:18 Ou s'agissant de l'outre-mer, puisque l'AFD intervient à l'outre-mer via l'AFD elle-même, que nous allons dans des SPV. Donc c'est jamais directement Total, c'est même jamais directement Total Air N ou Cadran.
01:10:30 C'est toujours dans une structure de projets très précise, dans lequel l'AFD pour 10 projets, excusez-moi, 11 projets, 10 outre-mer et 1 au Mozambique.
01:10:50 Ça, c'est les projets en cours. Et Proparco pour 4 projets, viennent en dette dans la structure de projets.
01:10:58 Évidemment, tous ces projets passent, comme je vous l'ai indiqué, au crible de toutes les procédures applicables à l'AFD.
01:11:07 Et nous tenons évidemment à votre disposition le détail. Je répondrai par écrit, bien sûr, avec tout le détail.
01:11:14 Je n'en prends qu'un, puisque je le connais, c'est la centrale photovoltaïque TUTLI, qui se trouve dans la région de Samarkand, en Ouzbékistan.
01:11:22 131 MW, c'est un projet, je crois, tout à fait exemplaire, qui va permettre d'amener l'électricité à 43 000 habitants,
01:11:32 d'économiser 110 000 tonnes de CO2 par an et de créer 2 500 emplois locaux d'ici 5 ans, dans cette partie de l'Ouzbékistan.
01:11:41 Évidemment, les impacts sont mesurés pour chacun des projets, dans lesquels...
01:11:45 Mesurés et exsantés, pour pouvoir être ensuite évalués ex poste dans l'ensemble des projets dont nous sommes l'un des co-financeurs.
01:11:55 Assez souvent, d'ailleurs, TotalRN n'est pas forcément le premier des investisseurs dans ces projets.
01:12:00 Ça peut arriver, ce n'est pas toujours le cas.
01:12:02 Donc, vous voyez, la zone de contact, je dirais, avec le groupe TotalEnergie, c'est vraiment des projets qui sont toujours des projets d'énergie renouvelable,
01:12:09 toujours dans des structures dédiées et toujours, assez souvent, avec d'autres investisseurs et dont les résultats sont mesurés avec le plus grand soin.
01:12:18 Je vous remercie.
01:12:20 Très bien, M. le directeur général. Vous avez déjà donné un certain nombre d'éléments et probablement, d'ailleurs, quelques réponses à nos interrogations.
01:12:32 On a bien compris, donc, que le groupe public AFD, par définition, ne finance pas des projets d'énergie fossile, ni avec les uns, ni avec les autres.
01:12:43 Ce qui serait intéressant, c'est... Alors, vous allez me dire que, comme depuis 2021, vous ne le faites pas du tout,
01:12:51 il n'y a forcément pas d'appréciation immédiate ou, en tout cas, récente.
01:12:56 Mais vous disiez tout à l'heure vous-même que le problème s'était posé, en tout cas jusqu'en 2021, avec ce qu'on ose encore appeler les pays les moins avancés.
01:13:07 Quelle est votre appréciation ? Par exemple, vous dites vous-même que, sur l'Ouganda, vous travaillez avec eux, mais l'objectif neutralité pour 2060,
01:13:19 ce qui, évidemment, n'est pas l'objectif en Europe. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que, forcément, parce que c'est un de nos vrais sujets,
01:13:30 beaucoup de pays disposant de ressources pétrolières ou gazières et n'ayant pas forcément d'autres ressources particulières, ont assez envie de les exploiter,
01:13:43 en se disant que nous, c'est une ressource qui peut nous permettre peut-être soit de développer notre économie, soit d'aller peut-être par la suite sur des énergies renouvelables.
01:13:52 Mais on a sur notre sol du pétrole et du gaz. Comment faire pour avancer ? Puisque vous-même, vous travaillez avec l'Ouganda, Total Energy également,
01:14:03 pas visiblement sur les mêmes sujets, mais comment vous feriez, non pas un lien, mais comment vous feriez une espèce d'équilibre entre qu'est-ce que peuvent faire
01:14:14 les pays disposant de ressources pétrolières et gazières pour aller vers l'objectif zéro, mais qui, dans l'immédiat, souhaitent quand même récupérer la manne que peut représenter
01:14:27 la ressource pétrolière ou gazière ?
01:14:33 Je précise que la décision qu'on a prise en 2019 puis en 2021 de sortir des énergies fossiles, à dire vrai, elle était peut-être compliquée à prendre d'un point de vue stratégique
01:14:48 et vis-à-vis de nos partenaires, elle n'était pas très difficile pour l'AFD, puisque nous avions en vérité déjà cessé de financer des projets fossiles.
01:14:59 Le dernier qu'on a financé, c'était la centrale à gaz d'Azito, en Côte d'Ivoire, qui a eu plusieurs phases successives, et c'était en 2018, je crois, pour la dernière phase.
01:15:12 Mais c'était un projet quasi unique, je dirais, dans l'année 2018. Donc on avait déjà, sans le dire, je dirais, fait ce mouvement après l'accord de Paris,
01:15:23 encore une fois, plutôt en avance par rapport à ce que fait le reste de notre communauté financière.
01:15:31 Ayant dit ça, je ne parle que de l'AFD et de ses 12 milliards d'euros de financement annuel, et les besoins en matière d'énergie renouvelable sont tellement gigantesques
01:15:42 que nous pouvons les employer sans grande difficulté. Là, vous vous placez, M. le Président, du côté des pays eux-mêmes, évidemment, et on est très attentifs à les écouter,
01:15:52 à comprendre et à éviter, bien sûr, de mettre ces pays dans une situation d'interdiction. Ce sont des États souverains qui ont signé l'accord de Paris sur le climat, en décembre 2015.
01:16:10 Et cet accord les engage, nous engage tous, à respecter 1,5 degré ou maximum 2 degrés de réchauffement de la planète, et donc charge à chacun des États de définir à court terme,
01:16:25 ça c'est les NDC, et à long terme, c'est les stratégies de long terme de décarbonation, la meilleure des trajectoires.
01:16:33 Je crois qu'il faut avoir cette discussion progressive, en fait, et d'optimisation, et de réduire au maximum la part des énergies fossiles dans le mix énergétique de ces pays,
01:16:47 y compris l'Ouganda, y compris les pays pauvres. Il y a eu, vous savez, un grand sommet... On entend souvent « le climat, c'est pour les gens du Nord, le développement, c'est pour les gens du Sud ».
01:16:57 Moi, je ne sais pas du tout ce que j'entends, en fait, et ça fait 8 ans que je suis directeur général de l'AFD. Et il y a eu, s'il était besoin de le prouver, Gilles Kletz, à mes côtés, y a participé, au mois d'août dernier,
01:17:08 le premier grand sommet africain sur le climat, qui a eu lieu à Nairobi, à l'invitation du président Routeau. Et dans les conclusions de ce sommet, auxquelles je vous renvoie, il n'est pas du tout dit cela, en fait.
01:17:20 L'Afrique, c'est... Dans certains scénarios du GIEC, l'Afrique de l'Ouest est quasiment totalement inhabitable. Donc les premiers, plus que proportionnellement impactés par le changement climatique,
01:17:32 c'est d'abord les pays de la zone intertropicale. Et ils le savent très bien. Et ils en mesurent les conséquences pour leur population. Je dirais, nous, ça y est, on le mesure.
01:17:41 Eux, le mesurent depuis longtemps. Donc simplement, ils disent « On veut bien optimiser notre mix énergétique, mais apportez-nous des financements. Et apportez-nous des financements de qualité et beaucoup plus abondants qu'aujourd'hui. »
01:17:54 Parce que la vérité, c'est qu'ils sont très rares, les investisseurs de nos pays, qui prennent le chemin de l'Ouganda ou du Mozambique. Et donc, faute de cette alternative, eh bien, que dirions-nous si nous étions à leur place ?
01:18:11 Ils exploitent les ressources qui sont à leur disposition. Il y a encore 600 millions de personnes en Afrique qui n'ont pas accès à l'énergie. Donc je dirais qu'il n'y a pas de désaccord, je crois.
01:18:24 Et je crois que les Africains et les gouvernements africains sont sincèrement engagés dans l'accord de Paris et sa mise en œuvre. Simplement, ils souhaitent plus de coopération internationale, plus d'investissement international, plus d'action.
01:18:35 Et donc c'est pour ça que quand on a des partenaires qui veulent investir dans ces pays, je crois que c'est la responsabilité de l'AFD d'essayer de les accueillir, de leur expliquer le marché, les interlocuteurs, voire de financer des projets, encore une fois, en vérifiant la qualité de ce que nous faisons très rigoureusement. Donc voilà ma réponse.
01:18:56 — M. le rapporteur. — Merci, M. le Président, M. le directeur général. Merci pour cette présentation. Et vous avez bien montré combien l'AFD avait bougé au fil des années, et notamment ces dernières années, pour se sortir des énergies fossiles. Et c'est une bonne nouvelle.
01:19:20 Peut-être une première question qui prolonge celle du président. On a eu plusieurs intervenants ici dans ces auditions qui ont parlé de la malédiction du pétrole ou – peu importe – qu'on l'appelle « Dutch disease ». Et au fond, quelle est, vous, votre appréciation de cette malédiction ?
01:19:38 Est-ce qu'au-delà de la revendication, puisqu'il n'y a pas de compensation internationale pour non-extraction, non-destruction de l'environnement, quelle est la réalité du lien entre extraire des énergies fossiles et participer au développement à peu près harmonieux de son propre pays ?
01:19:59 Évidemment, vous intervenez dans beaucoup de pays. Vous avez cité la Tanzanie. Et j'aimerais comprendre ce qui peut apparaître comme une coïncidence, mais qui n'en est sûrement pas une.
01:20:13 En Tanzanie, en 2014, il y a 10 ans, vous aviez – si je ne m'abuse – un volume d'intervention de 60 millions d'euros. Une fois que le projet ECOOP a commencé à être lancé, que le trajet a été à peu près fixé,
01:20:34 que les engagements ont commencé à se formaliser, votre engagement auprès de la Tanzanie a plus que doublé. Et une fois qu'il y a eu signature du projet ECOOP, que la présidente de Tanzanie est venue à Paris,
01:20:52 y compris pour valider ce projet avec Total Energy, votre engagement pour la Tanzanie est encore monté à 259 millions d'euros. On peut trouver à peu près la même démarche avec la Papouasie-Nouvelle-Guinée.
01:21:06 C'est-à-dire que vous interveniez peu en Papouasie-Nouvelle-Guinée et le président Macron s'est rendu en Papouasie. Total a signé un des très gros projets extrêmement émetteurs.
01:21:16 Et là aussi, d'un seul coup, votre portefeuille d'action, de projet en Papouasie-Nouvelle-Guinée a explosé. Donc comment vous percevez votre rôle où à la fois vous revendiquez et vous mettez en action la sortie des énergies fossiles,
01:21:33 mais on a parfois l'impression que l'AFD est utilisée aussi comme un outil de diplomatie économique très en lien avec Total ou même en soutien à l'installation de Total dans ces pays ?
01:21:46 Donc comment vous justifiez au fond de cette situation qui, évidemment, n'est pas une coïncidence ?
01:21:53 Et puis un petit point sur la Tanzanie. Alors là, je vous demande clarification. Il y a des rumeurs qui circulent comme quoi l'AFD aurait participé au mapping du tracé du pipeline en Tanzanie.
01:22:09 Est-ce que c'est une mauvaise rumeur ? Est-ce que vous seriez intervenu, y compris dans le champ peut-être de la biodiversité, par rapport à toutes les réserves qui vont être traversées ?
01:22:19 Est-ce que vous pouvez confirmer ou affirmer la contribution de l'AFD à ce mapping ? Merci.
01:22:29 Alors, monsieur le rapporteur, le premier point sur la malédiction du pétrole, c'est un point établi par la macroéconomie. Et je vous renvoie... On publie chaque année maintenant à la découverte.
01:22:47 J'aurais dû l'apporter, pardon, un petit repère parce qu'il n'y en avait pas sur l'économie africaine. Il y avait l'économie européenne, l'économie française, l'économie mondiale.
01:22:55 Il n'y avait pas l'économie africaine. On met tous les mois de janvier maintenant depuis 5 ans dans le débat public un petit document.
01:23:03 Et vous verrez notamment que les économies africaines les plus dynamiques ne sont pas celles qui dépendent des ressources naturelles exclusivement et en particulier des ressources pétrole.
01:23:15 Donc il y a l'effet sur le taux de change. Il y a l'effet de tout ça. Il est bien documenté. Même si on regarde année après année, c'est évidemment... Enfin, évidemment, c'est pas si évident puisque c'est pas ce que les gens ont en tête.
01:23:24 C'est d'abord les économies les plus diversifiées. Il peut y avoir du fossile dedans, mais pour une part relativement limité de leur PIB, qui sentirent le mieux, en fait, même dans les crises.
01:23:35 Donc le chemin, je dirais, de développement des pays, il est assez clairement tracé. Il passe pas par une dépendance totale aux industries fossiles, à l'évidence.
01:23:45 Je note d'ailleurs que la région d'Afrique qui a la plus forte croissance depuis une dizaine d'années, c'est le Sahel. Contrairement peut-être à l'image qu'on a aussi de cette région, par ailleurs très perturbée, mais qui connaît de très forts taux de croissance.
01:24:03 Il y a peut-être une causalité d'ailleurs qu'il faudrait explorer. Et c'est pas lié en l'occurrence, sauf au Sénégal pour le gaz maintenant, qui va impacter pour la première fois le produit intérieur brut du Sénégal cette année même, en 2024.
01:24:18 Mais c'est moins vrai pour les autres pays. Sur la Tanzanie et la Papouasie-Nouvelle-Guinée, non, je crois pas qu'il faille voir de lien de causalité. Je tiens à votre discussion.
01:24:35 Je me suis rendu en Tanzanie, je me suis rendu en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Je n'ai vu aucun lien entre les projets de TotalEnergie et l'action de l'AFD. Ça n'a jamais été mentionné dans aucun des échanges auxquels j'ai participé.
01:24:56 Et par ailleurs, le doublement de l'activité de l'AFD en Tanzanie, c'est le juste reflet du doublement de la taille de l'agence, en fait, depuis 2017.
01:25:06 Et il se trouve que la Tanzanie... En fait, ça peut varier d'un pays à un autre en fonction notamment est-ce qu'un pays est dans une situation macro-financière qui lui permet d'avoir accès à des prêts,
01:25:15 ou est-ce qu'il est comme un certain nombre de pays africains aujourd'hui...
01:25:18 – Vous pouvez rappeler ce qu'était par exemple le budget de l'AFD en 2017 et en 2014 ?
01:25:23 – Alors le mot "budget" est impropre puisque nous sommes une banque et on confond parfois notre activité de prêteur et nos charges qui sont contenues et suivies.
01:25:35 Mais l'AFD, c'était, disons, 7 milliards d'euros à peu près au moment de l'accord de Paris par an d'engagement.
01:25:41 Et nous sommes montés en 2020 à 14. Puis on s'est restabilisés à 12. Et là, on est remontés entre 13 et 14.
01:25:48 Donc c'est un doublement, voilà, disons. Ou quasi-doublement. Après, c'est pas forcément un doublement pays par pays.
01:25:55 Mais je dirais un doublement de notre activité en Tanzanie n'a rien d'étonnant, en fait.
01:26:00 Et là aussi, je peux vous donner le détail de ce que nous faisons en Tanzanie. On vous l'enverra.
01:26:08 Et encore une fois, ma propre expérience, c'est vraiment aucun lien avec. Et sur... Je n'ai pas connaissance que l'AFD était en rien associé au mapping du tracé du pipeline.
01:26:22 En tout cas, personne ne m'a jamais dit ça. Donc je peux faire cette vérification si vous le souhaitez et vous répondre.
01:26:29 Ce n'est pas dans votre questionnaire, je crois, mais peut-être y répondre par écrit. Mais en tout cas, je n'ai pas connaissance d'un tel travail.
01:26:38 Même si, évidemment, le sujet de la biodiversité est un sujet très sérieux. Et donc du tracé, comment optimiser un tracé pour protéger au maximum la biodiversité, c'est un sujet de développement important.
01:26:53 Et sur la Papouasie-Nouvelle-Guinée, là, je pense que ce serait un peu impropre de parler d'un doublement, puisque l'AFD n'intervenait pas en Papouasie-Nouvelle-Guinée, en fait.
01:27:02 Donc c'est un pays que nous découvrons. On y va avec des financements européens pour l'essentiel et sur un sujet unique pour l'instant, qui est la protection de la forêt.
01:27:13 En fait, sur les sujets de forêt et de travail aussi, ça peut être une autre façon un jour d'investissement internationaux et de coopération sur ces marchés carbone ou ces marchés carbone plus, je dirais, de protection de la nature,
01:27:27 qui pourraient permettre aussi plus d'actions et où les banques publiques de développement, à mon avis, ont un rôle beaucoup plus important à jouer qu'elles ne l'ont fait jusqu'à présent,
01:27:35 puisque ces marchés, vous le savez, sont quasi exclusivement privés pour l'instant, avec tous les problèmes de sincérité qui s'attachent à ces mécanismes qui, à mon avis, sont très largement devant nous.
01:27:47 Vous savez que les gouvernements eux-mêmes, selon l'article 6 de l'accord de Paris, peuvent acheter des crédits carbone pour tenir leurs engagements vis-à-vis du climat.
01:27:58 Voilà, c'est tout pour aujourd'hui dans 100% Sénat. Vous pouvez évidemment retrouver ces auditions de la commission d'enquête sur Total sur notre plateforme www.publicsena.fr,
01:28:09 commission d'enquête, qui doit rendre ses travaux au plus tard le 14 juin prochain.
01:28:14 Merci de votre fidélité à Public Sénat et très bonne suite des programmes sur les chaînes parlementaires.
01:28:19 [Musique entraînante diminuant jusqu'au silence]

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