• il y a 9 mois
Anne Bourse reçoit Arnaud Rousseau, Président de la Fédération Nationale des syndicats d'Exploitants Agricoles (FNSEA).

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00:00 Bonjour Arnaud Rousseau, vous avez rendez-vous cet après-midi à l'Elysée. C'est un rendez-vous habituel avant le salon, sauf que cette année, il a lieu dans un contexte particulier.
00:10 Qu'allez-vous dire au président de la République ?
00:12 Oui, vous avez raison, ce rendez-vous à l'Elysée, c'est un rendez-vous important pour le monde agricole. À quelques jours du salon de l'agriculture, c'est un rendez-vous où on veut dire au président de la République
00:22 que tout ce qui s'est passé depuis l'automne doit prendre corps maintenant avec des décisions claires parce que le monde agricole ne veut plus attendre, veut des décisions très concrètes qui changent la vie dans nos exploitations.
00:34 Sur quel sujet précisément ? Vous allez tout rebrosser ?
00:38 Je viens d'écouter votre chronique sur le pouvoir d'achat des Français, évidemment sur comment on construit le prix de nos produits, on protège la production alimentaire française parce que notre objectif, nous, c'est de produire pour nourrir les Français avec une production reconnue comme étant de qualité.
00:51 À un moment où on importe plus d'un tiers des produits que consomment les Français, on veut lui dire que la simplification, ce n'est plus un mot, ça doit concrètement se réaliser dans une exploitation.
01:01 Sur les sujets qui tiennent à l'acte de production, je pense par exemple au sujet du stockage de l'eau, je parle au moyen de production, je parle à l'innovation, je parle de la recherche.
01:08 On aura besoin aussi de parler au président de la République de ce qui va se passer en Europe parce que ce fameux pacte vert, il doit maintenant être vu pour ne plus être décroissant et nous permettre d'être ambitieux.
01:18 - L'autre soir, vous aviez déjà un rendez-vous avec le ministre de l'Agriculture. Justement, vous avez obtenu déjà des garanties, des avancées. Quel est votre état d'esprit ?
01:25 Est-ce que vous êtes optimiste ou il y a encore des actions ce matin des agriculteurs où vous dites vraiment que ce n'est pas du tout réglé ? Et attention.
01:33 - Non, la mobilisation des agriculteurs, elle se poursuit, mais ça, on le dit maintenant depuis plus d'un mois, vous savez, avec ce mouvement sur le terrain qu'on a suspendu pour se mettre au travail
01:40 parce qu'on est conscient qu'il faut travailler et que tout ne s'obtient pas en trois jours. Mais par ailleurs, on a aussi besoin de se projeter.
01:47 Donc les actions, on l'a dit, elles se continuent partout. J'ai effectivement, avec un certain nombre de membres de la FNSA, rencontré les ministres de l'Agriculture, si je puis dire,
01:57 hier soir pour continuer ce travail et prendre les sujets les uns après les autres pour voir ce qui avance. Et puis, ce qui aujourd'hui peut-être est un peu moins proactif,
02:06 par exemple, les sujets de moyens de production, on voit bien que ce n'est pas le bon rythme encore.
02:10 - Ça veut dire quoi, les sujets de moyens de production ?
02:12 - Eh bien, par exemple, comment on stocke mieux d'eau, comment on stocke plus d'eau, comment sur un certain nombre d'arrêtés, on va lever les freins,
02:19 comment entre la décision politique, le financement des projets et la réalisation, on va raccourcir les délais. Il y a le sujet des produits phytosanitaires aussi,
02:27 qui interroge beaucoup les Français et sur lequel nous on dit qu'on veut bien aller plus vite avec mieux de produits pour moins impactés,
02:34 pour autant qu'on ait les financements, la recherche et surtout qu'on ne nous mette pas en distorsion de concurrence avec nos compétiteurs européens.
02:42 - Sur le cas éco-phyto, par exemple, justement, qui prévoit 50% de baisse d'ici 2030, est-ce qu'un accord est encore possible d'ici samedi ? C'était les délais qui étaient engagés.
02:53 - Nous le souhaitons, nous le souhaitons ardemment.
02:55 - Mais on n'y est pas du tout, on est quand même mardi.
02:57 - Oui, mais écoutez, ce qu'on dit, c'est simple, c'est qu'on veut traduire dans la loi le pas d'interdiction sans solution.
03:03 Comment on ne permet pas aux producteurs français de produire et on importe ?
03:08 On a pris l'exemple de la cerise qui arrive de Turquie avec des produits qui ne sont pas le meilleur en Europe,
03:11 mais je pourrais vous prendre le sujet du miel, par exemple, je pourrais prendre tout un tas de sujets.
03:15 Donc ça, concrètement, qu'est-ce qui fait qu'en étant le moins impactant possible pour l'environnement,
03:19 en étant précautionneux de nos charges et on y veille beaucoup, on puisse demain avoir des solutions pour que les Français continuent à consommer français
03:27 et on n'importe pas d'ailleurs des produits qui ne respectent pas ni nos normes ni nos standards. C'est assez facile à comprendre.
03:32 - Vous avez déjà des gages là-dessus ?
03:35 - Non, au moment où je vous parle, on a un gage qui est que l'indicateur, c'est un peu technique, soit modifié.
03:40 Et ça, c'est bien, mais ça ne suffit pas. La question, c'est comment on trouve des alternatives,
03:44 comment on les construit ensemble avec les chercheurs, avec des moyens, comment on le fait en européen.
03:50 Parce que le sujet derrière, vous savez, c'est comment on le fait en européen.
03:54 Pour le moment, sur ces sujets-là, on attend des décisions.
03:57 C'est d'où l'intérêt de cette rencontre avec le chef de l'État cet après-midi, mais surtout ce rendez-vous et ces annonces qui sont attendues
04:03 le premier jour du Salon de l'Agriculture, samedi matin.
04:05 - Justement, donc, samedi, Salon de l'Agriculture. Ce salon, vous dites déjà, il ne peut pas se passer dans le climat habituel,
04:12 il ne peut pas se passer, ce ne sera pas seulement la grande fête qu'on a l'habitude de voir ?
04:17 - Chacun comprend que dans le contexte, personne n'imagine que le président de la République déambule dans les allées
04:22 comme ça se passe traditionnellement. On est dans une situation de crise, chacun le sait.
04:27 Et donc, on attend du président de la République qu'il nous apporte des réponses, qu'il réponde aux questions aussi
04:32 que les agriculteurs se posent dans toutes les productions, dans tous les territoires.
04:36 Et donc, on fait bien le distinguo entre ce qui est les rendez-vous politiques et le Salon de l'Agriculture
04:41 est un rendez-vous politique avec l'École. - Là, vous préparez le salon, son arrivée, sa venue au salon, vous la préparez aussi avec lui ?
04:47 - On la prépare, on va en discuter cet après-midi. Moi, je ne sais pas encore dans quel cadre
04:51 le président de la République entend intervenir au Salon de l'Agriculture. Je fais bien le distinguo
04:55 avec ce qui relève du grand rendez-vous agricole. Vous savez, il y a aussi des producteurs qui vont venir vendre leurs produits,
05:00 qui en sont fiers. Vous allez avoir des éleveurs qui vont venir présenter des animaux. - C'est aussi un rendez-vous politique, le Salon de l'Agriculture.
05:05 - Oui, oui, mais c'est pour ça que je distingue bien les deux. Il y a un moment où il y a de la place pour venir rencontrer les producteurs
05:11 sur le sujet politique et c'est ça qui nous préoccupe en ce moment. On a besoin que les choses soient clarifiées
05:16 et personne, encore une fois, ni le président de la République, ni le gouvernement, ni d'ailleurs tous les représentants des partis politiques
05:22 ne seront accueillis sans une discussion préalable sur leur vision de l'agriculture, comment ils entendent construire l'avenir de l'agriculture française.
05:28 - Vous dites pour tous les partis ? Parce que, par exemple, Jordan Bardella est prévu dimanche et lundi au Salon de l'Agriculture.
05:32 - Ecoutez, je crois qu'à peu près tous les partis politiques ont prévu de venir au Salon et donc ça nous intéresse d'entendre
05:38 tous les partis politiques sur comment ils entendent gérer le volet européen qui est un volet central dans la construction agricole,
05:44 comment ils entendent gérer les sujets de réciprocité. Vous voyez, on parlait des importations.
05:48 On a besoin de continuer à commercer en agriculture. Simplement, il faut le faire dans des conditions qui soient loyales.
05:52 - Est-ce que vous imaginez une sorte de grand débat samedi entre le président de la République et des agriculteurs ?
05:57 Ça pourrait être, par exemple, un format... Enfin, il faut absolument ce débat tout mettre sur la table ?
06:01 - Il ne m'appartient pas d'en décider. Ce qui est sûr, c'est qu'on a besoin que le président de la République,
06:05 un, entende ce que les agriculteurs ont comme colère et ont à lui dire et deux, qu'à un moment, ils nous disent très clairement
06:11 quelle est sa vision. Je l'ai dit, le président de la République s'était exprimé au début de son premier quinquennat à Rungis
06:16 sur un grand discours de vision de l'agriculture. Ce discours de Rungis a vécu. On a maintenant besoin,
06:22 pour le reste de sa mandature et au-delà, de savoir ce que le président de la République veut faire de l'agriculture française.
06:28 Pour nous, c'est essentiel parce que c'est aussi comme ça qu'on préparera l'avenir de nos fermes.
06:32 - Justement, il a beaucoup été question de la souveraineté alimentaire aussi dans cette crise.
06:37 Un rapport devait être publié là avant le salon. Vous avez des nouvelles ?
06:41 - Non, nous n'en avons pas mais la souveraineté alimentaire et agricole française, elle tient au fait qu'aujourd'hui,
06:47 on importe un tiers de notre alimentation, qu'on a perdu près de 20% des agriculteurs entre 2010 et 2020
06:53 et que 50% des agriculteurs ont plus de 53 ans. Donc vous voyez, quoi qu'il arrive, ce schéma, il est clair.
07:00 Et donc pour se projeter, pour construire un avenir, pour attirer des jeunes, on a besoin, un, qu'on soit au clair
07:05 sur les revenus de nos entreprises, qu'on soit au clair sur la volonté politique de continuer à produire pour nourrir en France.
07:11 Et j'ai entendu ce qui a été dit avant, je crois que les Français attendent cette qualité française.
07:15 Et puis ensuite, on aura besoin... - On doit les convaincre d'acheter aussi.
07:18 On entendait la question du pouvoir d'achat, de prix.
07:21 - Vous savez, consommer français et de qualité, ce n'est pas toujours plus cher, malgré ce qu'on veut croire.
07:26 Et même si en France, on a parfois des difficultés et c'est ce qu'on dénonce, produire en France, ça continue à avoir du sens.
07:32 Et importer une alimentation à bas coût, qui ne respecte ni nos standards ni nos normes, c'est finalement à terme se tirer une balle dans le pied.
07:38 Regardez ce qui s'est passé sur l'énergie. Aujourd'hui, elle coûte très cher aux Français.
07:41 Nous, on veut demain continuer à produire avec une alimentation de qualité.
07:44 Mais pour le faire, encore faut-il avoir des perspectives, encore faut-il attirer des talents et des jeunes.
07:49 Et encore une fois, avoir une vision politique claire et stable, ce n'est pas ce que nous avons aujourd'hui, c'est ce que nous réclamons.
07:54 - Il y a la question des revenus des agriculteurs qui est évidemment au cœur de vos revendications.
07:59 La loi EGalim n'a pas tout réglé, loin de là. C'est toujours le pot de terre contre le pot de fer, les négociations avec les industriels.
08:06 On a l'impression que ça fait 40 ans qu'on entend ça.
08:08 - Oui, en tous les cas, nous, on veut protéger la matière première agricole.
08:11 Le fait qu'on ne puisse pas vendre à perte nos produits, ça paraît assez facile à comprendre.
08:15 Et pourtant, ce n'est pas ce qui s'opère puisqu'on a eu très longtemps de la déflation.
08:18 Ça n'est plus tenable. Et donc, on se réjouit de voir qu'un certain nombre de contrôles ont été menés.
08:22 Et ont mené à des sanctions, ce qui signifie aussi qu'un certain nombre de gens s'affranchissent de la loi.
08:26 Et ça, on ne va pas l'accepter très longtemps.
08:28 Ensuite, on a besoin pour un agriculteur, évidemment, comme n'importe quel chef d'entreprise,
08:32 fût-il une petite entreprise, on a besoin de revenus.
08:35 C'est facile à comprendre. Il faut qu'à la fin de l'année, il nous reste de quoi investir, transmettre, construire.
08:40 Ensuite, on a besoin de continuer à assurer la transition parce que la décarbonation de l'activité,
08:45 parce que le défi du climat, c'est aussi des sujets...
08:47 - Ça va se négocier à Bruxelles aussi, ça ?
08:49 - Bien sûr. Mais ça, pour le faire, la transition, elle a une condition sine qua nonne.
08:53 C'est qu'on ait les moyens de l'entreprendre.
08:55 Et puis ensuite, il y a le pouvoir d'achat des Français.
08:57 C'est-à-dire qu'il faut aussi qu'on produise une alimentation que les Français achètent.
09:00 Vous voyez, ce triptyque, pour pouvoir le faire, on a besoin à un moment qu'on pose des actions en face.
09:05 Comment on protège la matière première agricole ?
09:07 Comment on donne des moyens de production ?
09:09 Comment on simplifie la vie de l'agriculteur au quotidien ?
09:13 Comment, durablement, on peut stocker de l'eau ?
09:16 On ne fera pas d'agriculture sans eau.
09:18 On sait qu'on a le défi climatique. Est-ce qu'on peut préparer l'avenir aujourd'hui ?
09:21 Est-ce qu'on peut le faire de manière apaisée, dans une relation avec la société,
09:24 qui permet de construire, et pas simplement être dans l'opposition ?
09:27 Voilà ce qu'on demande.
09:28 Et ça, il y a eu les mesures d'urgence il y a trois semaines.
09:31 On a le salon.
09:32 Et après, on veut une loi.
09:33 Parce qu'il faut inscrire dans cette fameuse loi d'orientation agricole.
09:36 Ça, c'est le temps long.
09:37 C'est le temps long.
09:38 Non, c'est dans deux mois ou trois mois.
09:40 Ce n'est pas au calon de grec.
09:41 On a besoin de le faire.
09:42 Et puis, on a besoin qu'en Europe, on rouvre le sujet.
09:45 Parce qu'aussi longtemps qu'on aura une vision d'une Europe naïve,
09:48 qui s'appuie sur les importations de pays qui ne respectent pas nos normes,
09:51 nous n'avancerons pas.
09:52 Or, le volet agricole, c'est le premier budget européen.
09:55 Et puisqu'il y aura les élections européennes,
09:56 et que chacun y va de son commentaire politique,
09:58 moi, je ne fais pas de politique.
10:00 Je dis simplement que si on veut une agriculture européenne qui s'assume,
10:03 si on veut notre souveraineté alimentaire,
10:05 il faut qu'on s'en donne les moyens.
10:06 Et aujourd'hui, le Green Deal ne le permet pas.
10:08 Vous accueillez tout le monde au salon de l'agriculture.
10:10 Est-ce que vous appelez d'ores et déjà au calme les agriculteurs pour samedi ?
10:15 Non, mais attendez, encore une fois,
10:17 là, il y a une colère qui s'est exprimée depuis l'automne.
10:20 Et cette colère, elle attend des réponses politiques au salon de l'agriculture.
10:24 Vous n'appelez pas au calme pour samedi ?
10:26 Non, mais je vous l'ai dit, nous, on veut que ce salon se passe bien,
10:29 parce qu'encore une fois, c'est un rendez-vous avec les Français.
10:31 Mais l'exigence de réponse, elle est toujours aussi claire qu'hier.
10:34 Et la fermeté est toujours aussi forte qu'hier.
10:37 Mais encore une fois, ne mélangeons pas ce qu'est l'accueil qu'on souhaite
10:42 pour l'ensemble des gens qui viennent dans ce salon,
10:44 plus de 600 000 personnes, avec le rendez-vous politique
10:46 sur lequel la fermeté est totale.
10:48 On a compris, vous n'appelez pas au calme les agriculteurs pour samedi.
10:52 Merci, Arnaud Rousseau.

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