Le Nouveau Passé-Présent : Bonaparte au siège de Toulon, aux origines de la légende

  • il y a 8 mois
C'est lors du siège de de Toulon de septembre à décembre 1793 que Napoléon Bonaparte a déployé son génie militaire pour la première fois et offrit à la jeune République française un succès décisif dans sa lutte contre les ennemis de la Révolution. Cet épisode fondateur de la légende napoléonienne nous est raconté par Philippe Bornet, auteur d'un passionnant et fort bien documenté roman historique écrit comme un thriller : "Qui veut tuer Bonaparte ?", éditions Via Romana. Il nous livre une analyse du rôle décisif de Bonaparte face à la coalition de quatre nations qui tentent de rétablir Louis XVII sur le trône. Bonaparte pense le plan qui mène les troupes à la victoire, déjoue les pièges des services secrets et compense les manquements de ses chefs.

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Transcription
00:00 *Musique épique*
00:02 *Musique épique*
00:04 *Musique épique*
00:06 *Musique épique*
00:36 Bonjour à tous !
00:37 Qui a tué Napoléon ?
00:39 Moi je sais, c'est Ridley Scott.
00:40 Notre invité du jour, lui pose une autre question.
00:43 Qui veut tuer Bonaparte ?
00:44 Et il y répond dans son livre,
00:46 un passionnant roman historique,
00:47 un roman stratégique même,
00:49 qui a pour cadre le siège de Toulon
00:51 de septembre à décembre 1793.
00:54 Épisode des guerres de la Révolution
00:56 qui propulsa Napoléon Bonaparte sur le devant de la scène.
00:59 Aujourd'hui, dans "Passé-présent",
01:02 l'émission historique de TVL, réalisée en partenariat
01:05 avec la Revue d'Histoire Européenne,
01:07 nous recevons Philippe Bornet.
01:09 Philippe Bornet, bonjour !
01:10 Merci d'avoir répondu à notre invitation.
01:13 Très bien, comme je souhaitais le dire en commençant,
01:16 je suis honoré, moi qui ne suis qu'un romancier,
01:18 d'être invité dans une émission d'histoire.
01:21 Eh bien, nous allons voir ça,
01:22 parce que votre roman, lui, flirte vraiment
01:24 avec le livre d'histoire, comme nous allons le voir.
01:27 Donc vous êtes historien d'ailleurs,
01:28 spécialiste reconnu de Napoléon Bonaparte,
01:31 plus particulièrement durant la période révolutionnaire.
01:34 Et vous avez déjà publié "La furia Bonaparte" en Italie,
01:38 chez France Empire, puis "Sultan Bonaparte"
01:41 chez E. Pundit en 2008,
01:44 et en 2021, "Un Napoléon et Dieu",
01:47 dans lequel vous vous interrogez sur les liens
01:49 entre Napoléon Bonaparte et la religion,
01:51 et celle, je le souligne, qui fut préfacée par Jean Tullard.
01:54 Et enfin, tout dernièrement, en 2023,
01:57 "Qui veut tuer Bonaparte", un roman historique
02:01 qui a pour cadre "Le siège de Toulon",
02:03 qui va, comme nous allons le voir, propulser le jeune officier
02:06 sur le devant de la scène, non seulement militaire, mais politique.
02:10 Et je précise par ailleurs que vous êtes médecin,
02:13 un clinicien, comme vous aimez le préciser,
02:15 et ceci a son importance contre votre manière d'aborder l'histoire.
02:20 D'ailleurs, avant d'entrer dans le vif du sujet,
02:22 "Le siège de Toulon",
02:23 je voudrais que vous nous disiez un mot de ce genre littéraire
02:27 que vous maîtrisez avec talent,
02:30 le roman historique, mais plus précisément le roman stratégique.
02:32 Alors, qu'est-ce que le roman stratégique ?
02:34 - Ah, alors, le roman stratégique a été inventé par un Français
02:40 dont le nom de plume est Denrith.
02:42 Denrith, c'est en fait l'anagramme de Drian.
02:46 Et je pense que beaucoup de gens connaissent sinon le colonel Drian,
02:49 du moins les plaques émaillées qui florissent un peu partout en France,
02:55 rue du colonel Drian.
02:56 Donc, Drian était un militaire, un chasseur à l'origine.
03:00 Il avait épousé la fille du général Boulanger.
03:04 Il a été l'auteur de nombreuses dystopies historiques
03:08 qui avaient pour but de galvaniser l'enthousiasme de la jeunesse
03:13 et de lui expliquer comment allait se passer un conflit
03:16 qu'on sentait déjà poindre dans les années 1890
03:20 et qui était la première guerre mondiale,
03:22 première guerre mondiale où d'ailleurs Denrith va périr.
03:25 Et puis, le genre va être repris, mais par les Anglo-Saxons, bizarrement.
03:28 On ne voit plus de Français, c'est triste.
03:30 Donc, par exemple, Cécile B. Forrester,
03:33 qui est connue pour avoir écrit, par exemple, "Le Canon",
03:37 un très beau roman qui se passe pendant les guerres napoléoniennes en Espagne.
03:41 Ou encore Alexander Kent, qui a écrit de nombreux romans maritimes.
03:46 Ou encore, plus proche de nous, Tom Clancy.
03:49 Et donc, il était nécessaire qu'un Français se remette à écrire dans ce genre.
03:53 - Donc, du roman stratégique.
03:54 Quelle est la nuance, en quoi diffère-t-il vraiment du roman historique ?
03:59 - Le roman historique, c'est un roman...
04:00 - Un roman stratégique est un roman historique.
04:02 - Oui, oui, oui, on peut dire ça.
04:03 C'est inclus à l'intérieur.
04:04 Je pourrais le définir comme un "Kriegspiel littéraire".
04:08 C'est-à-dire, c'est un jeu de guerre, c'est une partie d'échecs commentés.
04:10 Donc, c'est destiné essentiellement à des lecteurs
04:15 qui s'intéressent au genre qu'on appelle en Angleterre "militaria".
04:19 Et donc, dans ce livre, avec une grande minutie,
04:22 on reconstitue tous les mouvements qui ont eu lieu autour de Toulon.
04:26 On ne se contente pas de dire "Napoléon était un artilleur".
04:28 Enfin, Napoléon Bonaparte, puisqu'il n'est pas encore Napoléon.
04:31 Bonaparte était un artilleur et donc il a pris Toulon à lui tout seul.
04:35 Non, on rentre dans le détail, on montre comment il y est parvenu.
04:38 Alors, c'est aussi un roman historique,
04:40 mais là encore, il a une petite particularité.
04:43 Je m'excuse de me trister courant, mais...
04:45 - Mais non, mais c'est horrible d'être là pour ça.
04:47 - C'est très rare que le personnage historique soit le héros principal.
04:51 C'est très rare parce que, lorsque le romancier fait ce choix,
04:54 il se met sur les bras un cahier des charges impossible.
04:57 C'est-à-dire qu'il doit suivre strictement la réalité des faits
05:02 et lorsqu'il rajoute sur la trame historique le fil de la fantaisie,
05:08 c'est toujours un personnage inventé,
05:10 mais dont les efforts et l'action ne vont pas pouvoir faire dévier le cours de l'histoire.
05:15 Sinon, il y aurait tricherie.
05:16 Et donc, mon personnage principal, la Comtesse Vendramine,
05:20 qui est sortie de mon imagination,
05:22 va se heurter à Napoléon Bonaparte et elle va essayer de le faire échouer.
05:28 - Alors, en quoi d'ailleurs ? On parlait de votre métier,
05:31 de médecin clinicien.
05:33 En quoi est-ce que là, vous avez les qualités nécessaires du clinicien
05:37 pour écrire ce genre, pour étudier la stratégie ?
05:40 - Alors, je suis chirurgien, chirurgien ophtalmologiste,
05:44 et la chirurgie, c'est l'intelligence tridimensionnelle.
05:51 On la retrouve dans d'autres métiers, architecte, plombier, pilote de chasse,
05:56 ce sont des métiers où il faut réfléchir en trois dimensions.
05:59 Et c'est aussi le propre du chirurgien.
06:02 Donc, ça me crée peut-être quelques facilités pour appréhender la stratégie
06:06 et les mouvements de troupes.
06:08 Et puis, il y a aussi un autre point commun,
06:11 c'est que, qu'on soit chirurgien ou militaire,
06:14 il faut réfléchir en entendant siffler les balles.
06:17 Les balles au sens figuratif, évidemment, en ce qui me concerne,
06:24 mais on a parfois, dans les blocs opératoires,
06:27 des situations extrêmement stressantes
06:30 qui nécessitent d'avoir les idées claires au milieu de la tempête.
06:35 - Alors, nous allons revenir sur le théâtre des opérations.
06:39 Nous sommes en 1793.
06:41 Pour résumer, les députés girondins sont mis en accusation
06:45 par Robespierre et ses amis.
06:46 Et il y a une série d'insurrections qui éclatent à travers tout le pays.
06:51 Et à Toulon, les Girondins chassent les montagnards de la municipalité.
06:57 Mais pire, enfin, pire pour les révolutionnaires,
07:00 ce sont les royalistes qui les supplantent.
07:04 Et comme chacun sait, Toulon, c'est un port de guerre important.
07:11 Donc, il y a une flotte importante.
07:13 Comment ça va se passer ?
07:14 Les royalistes, ils arrivent d'où ?
07:16 Avec les bateaux des Anglais ?
07:17 - Les royalistes, ils sont sur place.
07:19 C'est la majorité de la population.
07:21 Et donc, la révolution, en fait, se produit toujours de la même manière,
07:27 mais le fil chronologique est différent suivant les lieux et les époques.
07:30 Et donc, à Toulon, tout s'est passé plus vite,
07:32 avec une réaction, on va dire, thermidorienne,
07:34 qui a devancé celle de Paris.
07:37 Alors, dans cette opposition de droite,
07:40 ce n'est pas un anachronisme,
07:41 puisqu'on dit droite-gauche depuis précisément la Constituante,
07:45 en 1791, la droite a gagné, elle a pris le pouvoir.
07:50 Il y a beaucoup de royalistes parmi leur rang,
07:55 et ils vont embastiller, si j'ose dire,
07:59 les représentants de la Convention, les mettre en prison,
08:05 et proclamer Louis XVII roi régnant sur Toulon.
08:12 À partir de là, il va y avoir un moment d'hésitation,
08:15 parce que la flotte qui est commandée par l'amiral Trogoff,
08:19 en fait, n'est pas acquise, du moins en totalité,
08:23 à la réaction royaliste de Toulon.
08:26 Mais un phénomène va se passer,
08:29 puisque l'armée du général Carteau,
08:31 qui est envoyée et qui descend le Rhône
08:34 pour reconquérir la Provence,
08:36 passe d'abord par Marseille,
08:38 et un certain nombre d'exhastions typiques de la Révolution,
08:42 guillotinades, etc., vont se produire,
08:44 et une colonne de réfugiés va, de nuit,
08:47 marcher au bord de la Méditerranée,
08:48 se réfugier à Toulon.
08:50 Ça va provoquer un choc psychologique énorme.
08:53 Et Trogoff va se persuader, en fait,
08:56 que si jamais Carteau rentre à Toulon,
09:00 il sera immédiatement guillotiné.
09:02 Et donc, perdu pour perdu,
09:06 il se jette côté anglais.
09:10 - Parce que la flotte, par exemple,
09:13 Toulon, c'est le port militaire le plus important de la Méditerranée.
09:16 - Oui.
09:17 - Il y a une flotte française, donc, qui est importante, à cette époque ?
09:21 - Qui est très importante, je donne la liste dans l'ouvrage.
09:23 Donc, il y a des dizaines,
09:25 peut-être même une vingtaine de bâtiments de guerre,
09:29 de toute classe.
09:31 Et le but des Anglais, on va le comprendre un peu plus tard,
09:36 n'est pas tant de débarquer des troupes,
09:38 les troupes de la première coalition,
09:40 qui réunissent, je le rappelle pour nos auditeurs,
09:43 Naples, le Piémont, qu'on appelle le roi de Sardaigne,
09:48 l'Espagne et les Anglais.
09:52 Donc, pour les Napolitains et les Espagnols,
09:56 en fait, l'arrière-pensée, puisqu'ils sont gouvernés par des Bourbons,
10:00 c'est de remettre le chef de famille, Louis XVI,
10:04 qui est évidemment un Bourbon, sur le trône à Paris.
10:06 Donc, pour eux, c'est le préalable à un débarquement.
10:10 Mais pour les Anglais, en fait, le véritable motif,
10:13 c'est la destruction de la flotte française
10:15 qui les a humiliés pendant la campagne d'Amérique.
10:18 Voilà.
10:19 Et donc, il y a un quiproquo, déjà,
10:21 qui s'installe entre les différents alliés
10:23 et les Français, on va dire les Français par opposition aux Toulonais,
10:27 enfin, ils sont Français aussi, les Toulonais,
10:29 mais enfin, disons, les forces fidèles à la Révolution
10:31 vont faire immédiatement le siège de la ville.
10:33 Et pour faire ce siège, en fait,
10:35 ils n'ont pas du tout l'équipement nécessaire.
10:37 Ils ont quelques batteries de campagne,
10:39 deux divisions, une qui est venue d'Italie
10:42 et qui, d'ailleurs, a beaucoup de mal à communiquer
10:44 avec l'armée du général Carto,
10:45 qui se trouve, elle, côté ouest, du côté d'Oliou.
10:48 Et on va improviser un siège
10:51 qui sera difficile à tenir
10:53 parce qu'on a des troupes, mais pas de canons.
10:56 - Alors, les royalistes font appel aux Britanniques
11:00 et puis également aux Espagnols.
11:02 Donc, les navires anglais arrivent,
11:05 ils se positionnent déjà dans la grande rade ?
11:08 - Voilà.
11:09 Alors, à l'époque, il y a une opération extrêmement délicate.
11:13 En fait, quand l'amiral anglais s'engage,
11:15 je ne dirais pas à reculons,
11:17 mais enfin, il est extrêmement tendu.
11:19 Ce n'est pas du tout...
11:20 Il y a une partie de la flotte
11:21 qui est quand même restée fidèle à la Convention.
11:23 Comment tout ça va se terminer ?
11:24 Et en fait, il est en communication avec la ville.
11:29 Il sait parfaitement ce qui se passe.
11:30 Au dernier moment, on s'aperçoit
11:32 que le côté républicain va renoncer à combattre.
11:36 Et toutes les flottes...
11:38 C'est un spectacle étonnant.
11:40 Ça rappelle un peu la bataille de Navarra
11:42 qui aura lieu plus tard.
11:43 Plusieurs flottes, espagnoles, anglaises,
11:45 françaises, napolitaines, vont se retrouver côte à côte
11:49 dans un espace extrêmement réduit.
11:51 Il suffirait d'un coup de pétard
11:54 pour que la déflagration se produise.
11:56 Et ce serait le massacre.
11:58 Et donc, l'amiral anglais a très peur que cela se produise.
12:02 Et finalement, tout se passe bien.
12:04 Et il peut jeter l'encre à côté de la flotte française.
12:07 - Ils sont dans la grande rade ou dans la petite rade ?
12:09 - Je pense qu'ils sont dans la petite rade
12:12 qui est située à l'est.
12:15 - Donc la convention envoie ses troupes.
12:19 Vous dites que c'est Carteau qui commande.
12:21 - C'est Carteau qui commande.
12:23 - Qui est ce Carteau ?
12:24 - Le Carteau dont je parle est un personnage
12:27 qui est en fait un officier politique
12:29 qui a gagné ses galons politiquement parlant,
12:34 parce qu'il a un passé politique très proche de la convention.
12:39 Et le général Carteau d'ailleurs est un ancien peintre de renom.
12:44 Ce n'est pas un méchant homme.
12:46 Par exemple, quand il descend vers le midi,
12:50 avant même de rentrer à Marseille,
12:52 lorsqu'il rencontre des soldats du parti opposé,
12:56 il les fait rentrer dans ses troupes en disant "fermons les yeux".
13:01 Quand il arrive à Marseille et qu'il voit la situation politique,
13:05 il est très pressé d'en partir.
13:07 Il ne veut pas assister à ce massacre qui lui répugne.
13:10 C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles il se dirige vers Toulon.
13:13 Donc il arrive vers Toulon et il est parfaitement incompétent
13:16 en ce qui concerne l'artillerie.
13:18 Il y a quelques anecdotes amusantes dont je peux vous raconter une.
13:20 - Vas-y, par exemple.
13:22 - Il installe ses canons pas loin de Lioules
13:24 et il ouvre le feu, dit-il, sur la flotte anglaise.
13:27 Alors évidemment, le boulet s'enterre à un quart de lieu,
13:30 c'est-à-dire un kilomètre, puisqu'on est beaucoup trop loin.
13:33 Et donc il n'y connaît absolument rien
13:35 et les représentants en mission vont quand même le remarquer,
13:40 s'en apercevoir, sachant que le jeune Bonaparte est là.
13:45 Il remplace un autre officier qui devrait commander,
13:47 qui est le commandant d'Eau-Martin, mais qui a été blessé.
13:50 Donc le commandant en second est devenu le commandant en premier
13:53 et c'est un peu lui l'homme de la situation.
13:55 - Donc Bonaparte est déjà sur place ?
13:57 Il est arrivé avec Carteau ?
13:59 - Il connaît déjà le général Carteau qui lui a confié certaines missions.
14:03 Il n'arrive pas le premier jour du siège, il est un petit peu en retard
14:07 et il va se mettre immédiatement sous les ordres du général Carteau
14:11 et ouvrir la première bataille.
14:13 - Ce sont les représentants politiques de la convention qui l'imposent, Bonaparte ?
14:16 - Oui, en fait oui. Enfin, il l'impose, il est nommé,
14:19 il a son nom de mission, il doit commander en second.
14:23 Mais il est puissamment appuyé par les représentants.
14:27 Il aura toujours de bonnes relations avec les représentants en mission.
14:31 - En l'occurrence, on abarasse le frère de Robespierre.
14:35 - Oui, oui.
14:37 - Et Salicetti, c'est ça ?
14:39 - Salicetti est un corps qui connaît bien Napoléon Bonaparte
14:42 et qui lui est tout à fait favorable.
14:45 - Mais les qualités... Il est tout jeune, il a 24 ans, il est capitaine.
14:50 - Oui, il arrive capitaine, bien qu'il écrive dans ses mémoires
14:53 qu'il dit "je suis arrivé, j'étais chef de bataillon".
14:55 En fait, ce n'est pas vrai, il est chef de bataillon quand il arrive.
14:58 Après, il va être commandant colonel et à la fin, général de Brigade.
15:01 Et d'ailleurs, c'est un point du film de Ridley Scott qui est assez bien rendu.
15:04 Il franchit 4 grades en 3 mois.
15:08 - Assez rapidement.
15:10 Mais ces qualités militaires ne sont pas encore connues ou reconnues.
15:13 - Non, non, non.
15:14 - Elles sont en potentiel, mais elles vont se révéler très rapidement.
15:18 Elles sont réelles.
15:19 - Et donc, quelles sont ses premières actions ?
15:22 - Alors, ses premières actions, c'est d'abord de mettre...
15:25 - La situation, c'est qu'on a la flotte, comme on vous l'a dit,
15:27 mais également, les Anglais ont débarqué du monde.
15:29 - Oui, mais à l'intérieur de Toulon.
15:31 - À l'intérieur de Toulon, à l'intérieur des fortifications.
15:33 - Voilà, ils ne sont pas à portée de canon.
15:34 Donc théoriquement, quand on fait le siège d'une ville,
15:36 on commence par ouvrir la tranchée.
15:38 On creuse une tranchée qui est calculée de telle manière
15:40 que les boulets ennemis ne peuvent pas parvenir en enfilade,
15:43 ce qui serait un désastre,
15:44 parce qu'un seul boulet tuerait tous les hommes de la tranchée.
15:48 Et on creuse plusieurs tranchées en s'avançant,
15:52 progressant difficilement, de nuit généralement.
15:54 On y fait parvenir tous ces obusiers à tir tendu
15:58 et on fait une brèche avant que l'infanterie ne prenne la ville d'assaut.
16:02 Et donc Bonaparte ne fera rien de tout ça.
16:05 En fait, il a déjà compris que les Anglais,
16:08 et ils l'ont démontré par une attitude timide dès le début de la campagne,
16:12 par exemple, les Anglais auraient dû marcher immédiatement
16:15 sur les gorges d'Olioul, qui sont des gorges étroites
16:19 qui sont très faciles à défendre contre un agresseur.
16:22 Donc les Anglais n'ont pas bouché les gorges d'Olioul
16:26 comme ils auraient dû le faire.
16:27 Ils avaient suffisamment de troupes pour le faire.
16:29 Bonaparte comprend qu'en fait,
16:31 ils n'ont pas la volonté réelle de débarquer.
16:33 Et il se dit que finalement, le meilleur moyen de les faire partir,
16:40 c'est de couper les communications entre le port et la haute mer.
16:44 Et pour cela, il faut, il suffit,
16:47 d'avoir à la portée de ces canons, la totalité des deux rades.
16:54 Et pour cela, il y a trois points qu'on peut occuper,
16:57 mais en pratique, il n'y en a qu'un,
16:59 que les Anglais appelleront plus tard le petit Gibraltar.
17:02 Et donc, il faut se mettre à cet endroit-là
17:04 et arroser les rades d'un tir qui d'ailleurs se fait à ricochet,
17:08 c'est-à-dire que le boulet va rebondir à la surface de la mer,
17:11 comme vous, quand vous vous amusez avec une pierre plate.
17:14 Deux fois, moi, merci.
17:16 - Parce que ce qui est un avantage...
17:17 - Un boulet, ça fait un tir rasant ?
17:18 - Oui, en quelque sorte,
17:19 puisqu'on tire quelques mètres au-dessus de la surface des eaux.
17:22 Et donc, le boulet rebondit,
17:23 et on n'a pas besoin de calculer la direction,
17:25 enfin la portée plutôt,
17:26 on a juste besoin d'avoir la bonne direction pour faire mouche.
17:29 - Pour que nos téléspectateurs se rendent compte,
17:31 les canons de l'époque portent à combien ?
17:33 - À peu près un quart de lieu, c'est-à-dire un kilomètre.
17:36 C'est à peu près la portée utile.
17:37 - Un kilomètre à tir ?
17:39 - Oui, à tir, je ne dirais pas tendu,
17:41 mais on dit...
17:43 Le tir tendu, c'est tirer de but en blanc,
17:45 comme on dit à l'époque,
17:46 avec un canon qui est parallèle au sol.
17:48 Alors là, il y a un angle qui est de 15 ou 20 degrés,
17:52 et qui permet d'augmenter un petit peu la portée des canons.
17:55 - Parce que pour nos téléspectateurs, toujours,
17:56 enfin pour ceux qui connaissent Toulon,
17:57 Toulon est vraiment, je vais le dire,
17:59 encaissé au bord de l'eau et entouré de collines.
18:02 - Oui, entouré de collines.
18:04 - Il n'y en a pas partout non plus.
18:06 - Non, mais d'ailleurs, c'est cette partie...
18:07 - Est-ce qu'on peut dire que c'est une ville qui est assez vulnérable ?
18:10 - Alors, est-ce qu'elle est vulnérable ?
18:11 Elle est quand même très fortifiée, cette ville.
18:13 Elle est entourée d'une ceinture de forts,
18:15 aussi bien à l'est qu'à l'ouest.
18:16 Elle a déjà subi, quelques décades plus tôt,
18:19 un siège victorieux.
18:21 Non, c'est pas facile de faire le siège de Toulon,
18:24 quand on vient de l'extérieur.
18:26 - Et donc, Napoléon a dit que le petit Gibraltar,
18:29 qui est sur une presqu'île,
18:31 et puis, effectivement, il y a le Mont-Faron,
18:33 il y a d'autres collines autour,
18:35 qu'il faut occuper également,
18:36 et qui sont sous le contrôle des Anglais,
18:38 - Qui sont sous le contrôle des Anglais et des Toulonnais, bien sûr.
18:41 Et donc, si on voulait agir de manière classique,
18:44 il faudrait au moins s'emparer d'un point des remparts,
18:46 faire tomber un des forts qui ceinture la ville,
18:48 avant de lancer l'assaut.
18:50 Et tout ça, ça nécessite un matériel qu'on n'a pas,
18:53 des forces qu'on n'a pas, ou en tout cas pas encore.
18:56 Et donc, le plus simple, c'est de dissuader les Anglais de rester,
19:00 en sachant très bien que s'ils doivent se rendre,
19:03 ils devront rendre la flotte intacte,
19:05 et par conséquent, ils y tiennent pas du tout.
19:07 Et donc, ils préfèreront mettre le feu à la flotte française,
19:10 et s'en aller, plutôt que, soit de marcher sur le Var,
19:15 soit de marcher sur Aulioul.
19:18 - Bon, alors les choses ne sont pas encore faites,
19:20 c'est-à-dire que le petit gibranthère,
19:22 c'est le nom donné par les Anglais,
19:24 - Les Anglais, oui.
19:25 - Et ils l'ont fortifié.
19:26 Donc, quel va être le travail de Napoléon,
19:28 ça veut dire de s'implanter autour de la ville,
19:30 comment procède-t-il ?
19:32 - Alors, il a un premier problème à résoudre,
19:34 c'est-à-dire que le feu ennemi, l'artillerie ennemie,
19:37 s'est dispersée sur des pontons,
19:39 c'est-à-dire des radeaux en bois, si vous voulez,
19:41 qui sont ancrés.
19:42 Alors, c'est très difficile d'éteindre le tir ennemi,
19:44 parce que ces pontons peuvent être déplacés.
19:48 Si vous en coulez un, ce qui n'est pas facile,
19:50 puisque le bois a une propension à flotter,
19:52 ce n'est pas comme un navire de guerre avec une coque en bois,
19:54 il faut plusieurs coups au but,
19:57 et c'est commandé par un royaliste, un provençal,
20:00 qui s'appelle Ferrault,
20:01 et qui donne beaucoup de fils à retordre.
20:03 Au début, à Napoléon Bonaparte.
20:05 - Parce que lui, il tire des pontons qui sont sur l'eau.
20:08 - Sur la surface d'une des radeaux.
20:09 - Et lui, il tire sur le camp...
20:11 - Il tire à partir de la terre.
20:12 - À partir de la terre ?
20:13 - Oui, il est sur le bord de la rade, sur le rivage.
20:15 - D'accord, mais les pontons sont sur l'eau.
20:17 - Les pontons provençaux sont sur l'eau.
20:19 - Ils tirent sur la terre, sur le camp de Bonaparte.
20:21 - Exactement.
20:22 Donc, il y a plusieurs batteries qui sont dressées,
20:26 et le feu français,
20:29 français par opposition à Toulonnet,
20:31 parce qu'on va organiser un tir à boulet rouge.
20:33 Mais un tir à boulet rouge, ça demande des grilles,
20:36 un entraînement des troupes, etc.
20:38 Ça met du temps à s'installer.
20:39 - Vous voulez dire qu'on fait chauffer le boulet.
20:41 - On fait chauffer le boulet avec un soufflet,
20:42 un gros soufflet de forge,
20:44 et une fois que le boulet est porté, devient rouge,
20:48 on tire, ce qui n'est pas facile,
20:50 parce qu'il faut charger le canon.
20:52 Et ça permet, si le coup est réussi,
20:57 de mettre le feu au ponton ou au navire opposé.
21:00 - Donc là, ça commence à porter ses fruits,
21:03 parce qu'au niveau matériel...
21:05 - Alors, il n'a pas de matériel, mais tout se trouve à Marseille,
21:08 Marseille qui est tombée au pouvoir de la Convention,
21:10 et donc dans les arsenaux de Marseille,
21:12 il y a tout ce qu'il faut.
21:13 Mais il faut les faire venir, ça demande du temps, des moyens.
21:16 Il a beaucoup de mal à réorganiser le service du train,
21:21 ce qui deviendra le service du train,
21:24 et ça demande plusieurs semaines
21:27 avant que tout ceci soit au point.
21:29 Et puis, dans un deuxième temps,
21:31 il va s'installer à cet endroit qui sera nommé plus tard
21:34 le petit Gibraltar,
21:36 y mettre ses canons et commencer à tirer.
21:38 Mais les Anglais ont compris l'importance de ce point,
21:41 ils vont en chasser les troupes françaises
21:43 et y bâtir un fort de campagne.
21:45 Ce fort de campagne, malheureusement,
21:47 il va falloir lancer un assaut,
21:49 ce qui sera très difficile et très coûteux en homme,
21:51 pour s'en emparer.
21:52 Et à partir du moment où ce résultat sera obtenu,
21:55 les Anglais partiront, d'autant plus
21:58 que les Français, secrètement,
22:03 ont versé une grosse somme d'or
22:06 aux Anglais, en contrepartie de leur déploiement.
22:09 - Alors, nous n'y sommes pas encore,
22:10 parce que ce qui va m'intéresser maintenant,
22:12 ce sont les rapports entre Bonaparte et son supérieur, Carteau,
22:15 que vous décrivez dans le livre,
22:18 en étant assez tendu.
22:20 - Oui, mais c'est tendu avec tout le monde,
22:22 ça sera la même chose avec Depey,
22:24 et en revanche, avec le dernier général
22:30 qui a donné son nom à une station de métro,
22:34 de Martin, tout se passera bien.
22:36 Et alors, comme il se succède à toute vitesse,
22:38 si vous voulez, en fait, il y a une vacance
22:41 du commandement.
22:43 La convention déplace les généraux comme des pions,
22:48 et aucun ne reste suffisamment longtemps
22:50 pour imposer sa marque.
22:52 Alors que Napoléon Bonaparte, lui, il est là,
22:54 dès le début, sur le terrain,
22:56 et en pratique, c'est lui le véritable,
22:58 enfin, je ne dirais pas que c'est le véritable chef,
23:00 mais il impose ses vues.
23:02 - Et donc, il s'oppose à Carteau régulièrement ?
23:04 - Il s'oppose à Carteau, au point d'ailleurs,
23:06 à certains moments, de lui désobéir.
23:08 Mais il a l'appui des représentants,
23:11 c'est ce qui lui permet, c'est une insolence calculée.
23:14 Napoléon Bonaparte est un général très désobéissant,
23:18 et c'est d'ailleurs pour ça qu'il fera un coup d'état,
23:20 comme tous les généraux, très désobéissant.
23:22 - Et alors, comment est-ce qu'on voit apparaître,
23:27 parce que c'est sa première grande action militaire,
23:29 est-ce qu'on voit poindre déjà le futur chef ?
23:34 Comment se comporte-t-il avec ses soldats ?
23:38 Vous le montrez, vraiment, il est vraiment sur le terrain,
23:42 proche de ses hommes.
23:44 - C'est la vérité. C'est là, d'ailleurs,
23:46 qu'il est vraiment sur le sol, près d'une batterie.
23:50 Il va attraper la gale au contact d'un canonnier contagieux.
23:55 Oui, il est très proche de ses hommes.
23:58 Il sait leur parler, il sait s'en faire aimer.
24:01 C'est ça aussi qui le révèle comme un homme de guerre,
24:06 un peu hors pair.
24:08 - Alors, la technique qu'il va employer,
24:12 on a parlé, lorsqu'on a préparé l'émission,
24:15 vous m'avez dit "la terre est plus forte que la mer".
24:19 - Oui, c'est mon fait.
24:21 - Je voudrais qu'on parle un peu de stratégie,
24:23 de la tactique plutôt, employée par Napoléon Bonaparte.
24:28 - Oui, alors il y a un autre livre que je conseille également,
24:30 qui s'appelle "Les erreurs stratégiques de Napoléon",
24:33 où on peut voir, en effet, que cet éloignement de la flotte de guerre,
24:39 du point qu'ils veulent conquérir et où ils veulent débarquer,
24:44 peut être obtenu relativement facilement
24:47 en croisant des tirs d'artillerie à partir du rival.
24:51 Et donc là, de la même manière que Napoléon Bonaparte
24:54 a réussi à éloigner, va provoquer le départ de la flotte anglaise
24:59 parce qu'elle ne peut plus se ravitailler sans être sous le feu de ses canons,
25:03 de la même manière, il aurait pu faire la même chose à Gibraltar,
25:06 il y a eu un moment, il y a eu une fenêtre historique
25:10 où il aurait pu le faire et ça aurait changé probablement
25:13 la phase des opérations en Espagne.
25:15 Mais comme vous le savez, Napoléon ne s'occupait pas de l'Espagne à plein temps,
25:19 il envoyait surtout ses généraux.
25:22 Quand il était là, tout se passait bien,
25:24 mais quand il est absent, ça se passe moins bien.
25:26 - Alors l'image que l'on a de Napoléon Bonaparte dans votre livre
25:31 n'est pas habituelle, j'ai l'impression qu'on a toujours l'emploi d'une force brute,
25:37 alors que là, finalement, le but n'est pas l'anéantissement de l'ennemi.
25:40 - Non, et c'est une chose assez étonnante,
25:43 alors je crois que Napoléon a été trahi en fait par son fils spirituel qui est Clausewitz.
25:50 Donc Clausewitz fait résider la stratégie, le sommet de la stratégie
25:55 dans une grande bataille d'anéantissement.
25:58 Mais les Anglais, un siècle plus tard, avec Lidl Art,
26:03 vont parler de ce qu'on appelle l'approche indirecte,
26:06 théorie de l'approche indirecte, c'est le titre de l'ouvrage de Lidl Art,
26:10 et là c'est beaucoup plus subtil, il s'agit de rechercher le point de faiblesse.
26:13 Mais attention, le point de faiblesse n'est pas forcément un point du front,
26:16 vous voyez, ça peut être une faiblesse constitutionnelle, un point de rémoral, etc.
26:22 Et donc il faut le rechercher pour abattre l'ennemi à moindre frais.
26:25 Et là justement, à Toulon, on s'aperçoit que le jeune Bonaparte
26:29 va trouver une stratégie très peu coûteuse en homme.
26:32 Il gagne avec ses canons en dissuadement l'ennemi de rester.
26:38 Voilà. Et on n'est pas habitué à voir Napoléon Bonaparte sous cet aspect.
26:44 On le présente généralement, comme vous le savez, comme l'ogre.
26:48 Ça faisait partie de la propagande royaliste sous l'Empire.
26:53 "Qu'il fauche les hommes", disaient certains sénateurs, deux fois par an.
26:57 Alors, les choses ont un peu changé avec l'arrivée de Dugommier qui remplace Carteau.
27:03 Et là Dugommier se rend vraiment compte de la valeur de ce jeune...
27:09 - Oui, il se rend compte de sa valeur. - Il lui fait confiance.
27:13 - Oui, il le remet un petit peu à sa place aussi.
27:15 Parce que bon Napoléon Bonaparte a pris des habitudes d'insolence.
27:18 Donc il le remet un petit peu à sa place, il lui dit "vous êtes gentil, mais enfin bon,
27:21 c'est quand même moi le général qui commande ici, mais j'apprécie beaucoup vos talents.
27:25 Et d'ailleurs, vous allez me préparer la prise du petit Gibraltar et du fort anglais,
27:31 ou toulonnais et anglais, qu'ils ont construit.
27:33 Et après, je vous fais confiance, vous aurez la possibilité de couvrir
27:39 la totalité de la rade de votre feu d'artillerie.
27:42 Et donc, on aura gagné.
27:45 Voilà ce que Dugommier va dire en substance au jeune Bonaparte.
27:48 Et c'est exactement ce qui va se passer.
27:50 - Alors, pour bien se rendre compte de ce siège qui va durer,
27:54 donc, du début septembre jusqu'à mi-décembre,
27:58 est-ce que c'est en permanence ?
28:02 Tous les jours, tous les jours, il y a des tirs de canon ?
28:04 - Ah oui, il y a des tirs, ça, il y en a tous les jours.
28:07 Mais des opérations... - C'est pas non plus un feu roulant toute la journée, toute la nuit ?
28:11 - Ah, si, si, si.
28:14 Le feu va aller en augmentant du début à la fin.
28:16 Alors d'abord, c'est le feu contre les pontons,
28:18 après, on essaie de couvrir une partie de la rade.
28:21 Il y a des duels d'artillerie avec certains bateaux de la flotte anglaise.
28:25 Après, on va procéder à une préparation d'artillerie pour prendre le fort Mudra.
28:30 Et puis après, sur la fin, il faudra ouvrir le feu sur la totalité de la rade.
28:34 Ce qui va beaucoup gêner le départ.
28:36 - Et donc, il y a beaucoup de navires anglais qui sont touchés durant ces...
28:39 - Et non, parce que l'amiral anglais est un rusé,
28:41 et donc, il refuse le combat, en fait.
28:44 De temps en temps, il y a un navire qui suit le rivage occidental de la rade
28:49 et qui tire quelques boulets de canon pour essayer de ralentir la construction de nouvelles batteries.
28:54 Mais en gros, si vous voulez, en gros, les anglais ne font rien.
28:58 D'ailleurs, l'amiral anglais...
28:59 - Est-ce que ce sont des cibles faciles ?
29:01 - Très faciles, en raison de...
29:03 - Comment font-ils pour échapper, justement, à la destruction de tous ces...
29:05 - Eh bien, ils exposent le minimum de bateaux.
29:08 Généralement, ils en font sortir un bateau de haut rang.
29:11 Et d'ailleurs, en général, ce bateau, parfois, doit regagner le radaube assez rapidement pour des réparations
29:18 parce qu'il a essuyé un certain nombre de tirs qui sont de plus en plus dangereux.
29:22 - Alors donc, finalement, l'affaire...
29:25 Ah oui, il y a aussi un épisode que vous racontez,
29:28 qui est la capture d'un général anglais.
29:32 - Oui.
29:33 - Donc là, on est vraiment dans la guerre entre gentlemen,
29:37 parce que tout se règle...
29:39 Racontez-nous cette histoire.
29:41 - Alors, le général anglais va tomber aux mains de Napoléon Bonaparte.
29:45 Et on se demande, d'ailleurs, s'il ne le fait pas exprès,
29:47 parce qu'après, il va y avoir une négociation.
29:50 En fait, il traverse les lignes pour aller parler au français, si vous voulez.
29:53 C'est vraiment l'impression qu'il donne.
29:55 Alors, bien sûr, il va être blessé au bras,
29:57 mais Bonaparte est très content
29:59 parce qu'il le ramène fièrement au quartier général,
30:01 ce qui lui vaut, d'ailleurs, un petit barrette supplémentaire.
30:05 Et cet officier anglais va commencer à parler avec le frère de Robespierre,
30:13 puisque Maximilien Robespierre a un frère qui s'appelle Augustin Robespierre.
30:17 - On dit Robespierre le jeune.
30:18 - Voilà.
30:19 Et qui est présent sur place, avec lequel Bonaparte s'entend bien.
30:23 Et ce général anglais va faire valoir qu'on a plutôt intérêt à s'entendre,
30:30 qu'on devrait se parler,
30:32 et que si les représentants français veulent se présenter aux portes de Toulon,
30:36 on lèvera la barrière pour les accueillir
30:39 et discuter d'un éventuel échange de prisonniers.
30:43 Voilà.
30:44 Il faut savoir, par exemple,
30:45 que le général qui commande avec carteau le siège de Toulon
30:52 a son épouse qui est prisonnière à Toulon.
30:55 Ce qui, évidemment, explique beaucoup de choses.
31:00 Voilà.
31:02 Donc, j'ai répondu à votre question.
31:04 En fait, ce général anglais est un officier diplomate
31:10 qui cherche à négocier le départ des troupes anglaises
31:14 contre une contrepartie.
31:15 - Et vous pensez que c'est à ce moment-là que la compensation financière aurait été...
31:19 - Dans les suites immédiates, oui.
31:21 Les Français, dont Augustin Robespierre,
31:23 se sont présentés aux portes de la ville.
31:25 Ils ont été fort bien accueillis.
31:27 On a porté des toasts réciproques.
31:29 On s'est entendu sur l'essentiel.
31:31 On a libéré un officier général français.
31:34 Et une transaction financière semble avoir été réalisée.
31:39 - C'est une chose habituelle, ces transactions financières ?
31:42 - Oui, mais ce n'est pas toujours dans l'histoire glorieuse
31:44 qu'on expose aux générations futures.
31:46 Il est fréquent que les généraux se fassent acheter.
31:48 C'est arrivé des centaines de fois dans l'histoire du monde.
31:51 - Alors, l'affaire va finalement se régler, en dernier lieu,
31:55 par l'assaut sur le petit...
31:58 - Dans le petit Gibraltar.
32:00 - D'ailleurs, comment se comporte Bonaparte lors de cet assaut ?
32:05 - Avec beaucoup de bravoure physique.
32:07 On peut même dire que c'est là où il a été blessé
32:10 le plus gravement de toute sa carrière militaire.
32:12 Il a failli être amputé, en fait.
32:14 Il a reçu un coup d'esponton,
32:17 c'est-à-dire une sorte de lance de la part d'un soldat anglais,
32:21 qui l'a touché au bas de la cuisse
32:24 et qui a failli entraîner la section de l'artère qui passe par là,
32:31 l'artère principale, qui vient, la fémorale basse,
32:33 comme on dit en anatomie.
32:35 Et, heureusement pour lui et pour sa carrière militaire,
32:39 il n'a pas été amputé.
32:41 Il a pu s'en remettre, mais il a gardé jusqu'à la fin de sa vie
32:46 la trace de ce coup, à tel point qu'Antomarchi,
32:50 qui est le chirurgien qui l'a autopsié à Sainte-Hélène,
32:54 dit qu'il y avait là de quoi mettre un point fermé
32:58 dans le bas de la cuisse.
32:59 Il y avait une perte de substance.
33:00 Il avait vraiment laissé une partie de sa chair
33:04 pour conquérir le fort Mulgrave.
33:06 – Donc là, il est vraiment monté à l'assaut.
33:08 C'est un assaut qui se passe comment ?
33:10 C'est de nuit ?
33:11 – C'est un assaut de nuit.
33:12 – Il est montré, on parlait du film de Ridley Scott tout à l'heure.
33:15 Pour vous, c'est une des scènes qui est…
33:17 – Oui, je ne me souviens plus très bien de ce qu'a filmé Ridley Scott.
33:20 Il participe à un assaut qui est très difficile.
33:24 Le fort va être tourné, parce qu'un autre personnage
33:27 de l'épopée napoléonienne qui s'appelle Muiron
33:29 a découvert une manière de tourner le fort,
33:34 de rentrer par derrière, par le côté opposé à l'attaque principale.
33:39 Et tout le monde va être blessé au cours de cette tentative.
33:46 Il y a un très grand nombre de tués et de blessés.
33:48 Et heureusement, toutes les contre-offensives provençales,
33:52 toulonnaises vont échouer.
33:54 Ce qui permettra à ce moment-là de gagner définitivement la partie.
34:00 – Donc une fois que Mulgrave est tombé, les Anglais, là c'est…
34:04 – Les Anglais tiennent un conseil de guerre et disent qu'ils vont partir.
34:07 Alors c'est très difficile à faire.
34:09 – Donc il n'y a pas de réédition pour grand monde parler, ils fichent le camp.
34:11 – Eh oui, ils fichent le camp et l'armée française piétine autour de la ville.
34:15 Parce qu'on a promis aux troupes que ce serait une grande réjouissance.
34:17 En fait, le champ est libre pour piller et massacrer, très clairement.
34:22 Et donc les Anglais vont s'en aller, ce qui techniquement est assez complexe,
34:26 ça demande quand même un petit peu de temps.
34:28 Il faut évacuer ses troupes sans laisser personne en arrière.
34:31 Alors non seulement les Anglais, mais également les Espagnols, les Napoléon, tout le monde s'en va.
34:34 Et une partie de la population veut partir avec eux.
34:38 Donc il y a une foule paniquée qui descend sur le port de Toulon.
34:43 Une grande partie va réussir à monter sur les bateaux de guerre.
34:49 En particulier, il faut signaler que ce sont surtout les Espagnols
34:52 qui sont charitables avec cette population, qui vont embarquer à bord de leur bateau.
34:58 Parce qu'au début, les Anglais ne veulent prendre personne.
35:01 Ou alors ils débarquent plus loin dans une île où ils vont mourir de foie.
35:04 Mais enfin bon, la pression est telle, c'est vraiment une scène de panique.
35:09 La pression est telle que quand même une partie de la population monte à bord des bateaux de guerre.
35:14 Une autre partie se noie d'ailleurs.
35:16 Alors on se bat entre soi pour avoir une place et pour...
35:22 sur une esquive, une frêle esquive qui permet d'aller voir les bateaux de l'autre côté.
35:26 Ça rappelle un peu la chute de Saigon en 1975 avec les hélicoptères.
35:29 - Et même Dakar qui est tout simplement.
35:32 Et à partir de là seulement, les armées françaises vont rentrer dans la ville.
35:39 Et ce sera une suite de...
35:42 - Alors là, est-ce que c'est vraiment une répression très féroce comme on a pu la voir à Lyon ou à Marseille ?
35:46 - Elle a été très féroce et elle aurait pu être encore plus féroce.
35:49 C'est-à-dire que dans un premier temps, on va certes fusiller un certain nombre de personnes.
35:56 Mais surtout, pendant trois jours, surtout le premier jour,
36:00 on va convoquer la population sur la place principale.
36:03 Et le but, avoué des représentants, c'est de fusiller toute la population en masse.
36:10 C'est-à-dire de la mitrailler de ses canons.
36:13 On va aboutir à trois jours où, en quelque sorte,
36:17 les troupes ont le droit de piller, de fusiller, d'ouvrir la porte des maisons,
36:24 d'en faire sortir les habitants, de les molester, de violer les femmes, etc.
36:28 Donc ces scènes atroces vont durer trois jours.
36:32 Alors, elles ne dureront pas plus longtemps parce qu'une partie,
36:36 enfin une grande partie de l'armée réprouve cette manière de faire.
36:40 Donc aussi bien le général en chef que les troupes.
36:44 Et d'ailleurs, un des moyens de sauver la vie de certains civils,
36:47 pour les officiers qui sont rentrés, c'est de demander un billet de logement
36:51 dans telle ou telle maison, ce qui permet en quelque sorte
36:54 de sacraliser au moins une famille.
36:58 Et vous savez aussi que Bonaparte a participé à cette œuvre pieuse
37:06 puisqu'il a aidé une famille qui s'appelle la famille Chabrian,
37:10 qui lui a permis de quitter la ville en secret, dissimulée dans ses caissons.
37:17 - Nous allons en parler parce que c'est là où interviennent vos personnages du roman.
37:22 Finissons d'abord sur l'incidence du siège de l'Ordre sur la carrière de Bonaparte.
37:27 Il s'en tire avec le surnom de capitaine canon.
37:30 - Oui.
37:31 - Ça c'est anecdotique, mais il en sort surtout général.
37:34 - Oui, général de brigade.
37:36 - De brigade. C'est vraiment ce qui lance sa carrière.
37:40 - C'est ce qui lance sa carrière.
37:42 À partir de là, il va être chargé de l'armement des côtes de Provence.
37:45 Et puis il est prévu qu'il commande l'artillerie à l'armée des Alpes.
37:49 Et cette carrière va être interrompue pendant la terreur en 1794,
37:55 parce qu'on lui demande de partir pour la Vendée.
37:59 Et la Vendée c'est une guerre civile, c'est exactement ce qu'il a vu à Toulon.
38:02 Il n'a aucune envie de recommencer.
38:04 Et puis lui, qui est artilleur, on lui propose de commander une brigade ou une division,
38:10 même d'infanterie, et il ne veut pas du tout retourner dans l'infanterie.
38:14 Il est artilleur et il verrait ça un peu comme...
38:20 Ça ne lui plaît pas. Voilà.
38:22 Donc il dit non et il va se retrouver sans solde.
38:26 Et c'est là où il a la fameuse scène où il va tenter de se suicider,
38:29 de se jeter dans la Seine et il est sauvé au dernier moment
38:31 par un de ses amis qui s'appelle Démasis,
38:33 qui lui apporte un secours financier fort bienvenu.
38:37 - Alors à propos d'amis, vous faites apparaître dans votre roman,
38:41 décrit, je le dis, c'est une précision chirurgicale.
38:45 Effectivement, vous avez exploité toutes les sources du siège de Toulon,
38:50 mais en même temps c'est très vivant parce que vous avez une partie dialogue,
38:53 j'imagine, imaginé, mais pas tous.
38:56 - Oui, mais vous qui êtes historien, vous savez très bien...
38:58 - Moi je ne suis pas historien, non, je vous pose des questions.
39:00 - Vous me posez des questions d'historien.
39:02 Depuis l'Antiquité et Thucydide, et avec Jules César également,
39:07 on expose l'Histoire sous forme de dialogues recomposés.
39:10 - Oui, oui.
39:11 - Et donc je n'ai repris qu'un procédé que les historiens eux-mêmes ont inventé.
39:15 - Et donc vous faites apparaître, enfin apparaissent pour de vrai dans l'Histoire,
39:21 toute une série de personnages qu'on va retrouver dans toute l'épopée napoléonienne.
39:26 C'est là où ils rencontrent Masséna, Suchet, Marmont, Victor ou Junot.
39:30 Tous ces jeunes gens sont tous en dégrade subalterne
39:35 et s'attachent déjà au futur empereur.
39:37 - Oui absolument, absolument.
39:39 Ils vont faire partie de l'épopée, ils sont là dès le début.
39:42 A l'exception de Duroc.
39:44 Et il est pratiquement acquis que Duroc à cette époque-là
39:47 est à l'armée des princes avec Condé.
39:50 Et donc vous voyez comme la situation est confuse
39:52 puisque Duroc deviendra un des meilleurs amis de Napoléon et mourra en 1813.
39:57 - Alors vous faites également apparaître dans l'Histoire,
39:59 et là c'est le côté romanesque,
40:01 deux personnages, la sortie de votre imagination.
40:05 Donc c'est bien, il n'y en a que deux finalement.
40:07 Ce qui donne...
40:09 - Je vous laisse le soin de les citer.
40:11 - Alors il y a la comtesse de Van...
40:14 - Annalisa Vandramin.
40:16 - Vandramin et un autre avec un nom italien que je n'ai pas noté.
40:19 - Alessandro Pignatelli.
40:20 - Pignalli, c'est ça.
40:21 Donc ce sont eux qui veulent tuer Bonaparte.
40:24 - Oui en quelque sorte.
40:25 Mais il y a aussi Sidney Smith qui lui est un personnage
40:27 qui n'est pas inventé et qui était présent au siège de tout le monde.
40:30 - Oui.
40:31 - Donc Sidney Smith, on pourrait écrire un livre sur Sidney Smith.
40:33 - Alors racontez-nous, est-ce que c'est parti...
40:36 Parce que je sais que tout au long de sa carrière,
40:40 on a voulu le tuer souvent, surtout quand il était empereur.
40:43 Mais est-ce que là déjà, est-ce qu'il y a une petite sauce
40:46 qui vous a permis, une petite étincelle qui vous a permis
40:49 de travailler sur ce sujet ?
40:51 - Alors la comtesse d'Annalisa Vandramin,
40:53 on la retrouve non seulement dans cet ouvrage,
40:55 mais également dans ceux qui suivent.
40:57 Parce que c'est une trilogie en fait.
40:59 C'est le premier opus d'une trilogie.
41:01 Après, je redonne la parole à la comtesse Vandramin
41:04 pendant le tome 2 qui est "La furia",
41:06 "Les campagnes d'Italie" et dans "Sultan Bonaparte"
41:08 qui sont "Les campagnes d'Egypte".
41:10 Donc c'est une espionne de haut vol.
41:12 Alors j'avais besoin de ce personnage parce que
41:14 écrire un roman, quand bien même ce sera un roman de guerre,
41:17 sans un fort personnage féminin, moi je ne sais pas faire.
41:20 - D'accord.
41:21 - Il y a un contre-exemple, un très beau film
41:24 qui s'appelle "Zoulou", que vous connaissez peut-être,
41:26 qui est un film de guerre qui se passe entre anglais et Zoulou.
41:30 Donc en Afrique du Sud, où il n'y a pas de personnage féminin.
41:33 Mais c'est la seule exception.
41:35 Et moi je ne suis pas assez fort pour m'en passer d'un personnage féminin.
41:38 Donc j'ai créé ce personnage parce que
41:41 j'ai la chance d'avoir une épouse
41:43 que tout le monde prend pour une italienne.
41:45 Alors qu'en fait elle est dauphinoise, par sa mère en tout cas.
41:48 Et elle a un physique, elle parle parfaitement italien,
41:51 mais ça n'a rien à voir parce que
41:53 quand je vais avec elle en Italie, tout le monde la prend pour une italienne.
41:56 Et donc ça m'a donné l'idée de ce personnage féminin.
41:59 Qui en fait est l'incarnation de la contre-révolution.
42:03 Elle est la même chose que Bonaparte,
42:06 et en même temps elle est son contraire.
42:08 Et donc il faut qu'elle soit là pour donner le "là",
42:11 pour donner un suspense au roman,
42:14 et pour introduire des hésitations
42:18 entre les deux plateaux du destin.
42:23 Et elle est également la fiancée d'Alessandro Pignatelli,
42:28 qui est donc le frère du Pignatelli,
42:31 qui lui existe bel et bien,
42:33 qui est au siège de Toulon.
42:34 Et il est venu à Toulon avec une arme fatale,
42:37 un mortier de 48 pouces,
42:41 qui est capable théoriquement à lui tout seul
42:44 de faire jeu égal avec toute l'artillerie française.
42:47 – Donc ce mortier a vraiment existé ?
42:49 – Alors il existe ? Non, non il n'a pas existé.
42:52 Mais il aurait pu exister, mais pas avec ce calibre-là.
42:54 – Donc il y a un troisième personnage en Aless ?
42:56 – Je vais vous mettre à l'aise tout de suite.
42:58 Je suis par exemple, quand j'ai visité la cour du Kremlin à Moscou,
43:02 on trouve à l'intérieur un canon, un canon, tenez-vous bien,
43:06 c'est-à-dire que ce n'est pas simplement un obusier,
43:09 un canon qui a ce même calibre dont je viens de vous parler,
43:12 de 48 pouces.
43:13 Donc comme toujours dans mon roman, tout n'est pas vrai, vrai,
43:17 ce qui est rare d'ailleurs que ce soit faux,
43:20 mais en tout cas c'est toujours parfaitement vraisemblable.
43:22 – Et ce personnage de Sidney Smith ?
43:25 – Alors Sidney Smith c'est un personnage historique,
43:27 que j'aime beaucoup, j'aime beaucoup Sidney Smith,
43:30 parce que contrairement à Nelson, c'est pas une brute épaisse,
43:33 c'est un personnage très fin.
43:35 Pour vous donner un exemple, Sidney Smith,
43:39 lorsque l'Empire français sera né,
43:44 va être le premier souscripteur à un livre très connu
43:48 qui s'appelle "La description de l'Égypte",
43:50 qui est en fait le résumé des travaux de tous les savants de l'Institut
43:54 qui ont accompagné Bonaparte en Égypte.
43:56 Il sera le premier souscripteur.
43:58 Et donc comme il est extrêmement gentilhomme dans ses manières,
44:04 eh bien j'ai parlé de lui dans mon roman, il le méritait bien.
44:08 Et d'ailleurs Sidney Smith, qui était très franco-phile,
44:11 est venu habiter à Paris après la chute de l'Empire,
44:14 et si vous le voulez, vous pouvez aller visiter sa tombe
44:17 au cimetière dans le 19ème arrondissement,
44:20 vous retrouverez sa tombe couverte de symboles maçonniques
44:23 puisqu'il était franc-maçon.
44:25 Et c'est une belle visite de dimanche après-midi avec les enfants.
44:32 – Est-ce qu'il a vraiment voulu tuer Bonaparte dans "Les siégeurs de Toulon" ?
44:36 – S'il avait eu la possibilité, il l'aura certainement fait, bien sûr,
44:39 parce qu'on cherche toujours à tuer le commandant ennemi.
44:43 Et donc je raconte tout cela en m'appuyant sur des faits réels
44:48 que je mets en perspective.
44:51 – Et puis en plus ce qui est intéressant, c'est qu'effectivement,
44:53 ça c'est le roman qui permet, c'est qu'on est vraiment des deux côtés.
44:56 On explore le côté français, le côté révolutionnaire,
44:59 et puis on est aussi dans l'intimité du côté…
45:02 – Oui, je n'aime pas le manichéisme, les bons et les méchants,
45:05 je laisse ça aux Américains et à la guerre en Irak,
45:08 ça n'a jamais été comme ça, rien n'est simple.
45:11 – Nous sommes d'accord, mais alors les Anglais finalement,
45:15 bon, ils évacuent Toulon, ce sont les royalistes qui perdent,
45:19 mais les Anglais finalement remportent cette bataille maritime.
45:23 – Ah oui, tout à fait, ils sont très contents, ils ont réussi à détruire…
45:25 – Est-ce qu'ils détruisent l'Arsenal et la flotte ?
45:27 – Oui, pas totalement, pas totalement.
45:29 En fait, les Français vont réussir à sauver quand même une grande partie de la flotte,
45:34 mais enfin, ça fait partie de ces dates qui sont…
45:38 des dates lugubres pour l'histoire de la marine française.
45:41 Donc la marine française, elle était la première au monde,
45:44 après chez Zappik, et elle va être sérieusement amochée,
45:48 d'abord lors du débarquement à Quibron,
45:52 elle l'a été aussi à Toulon, comme vous l'avez vu,
45:55 elle sera abîmée à nouveau avec la défaite d'Abukir,
45:58 défaite maritime en Égypte, et puis malgré l'apport de nos alliés,
46:03 ce sont nos alliés encore, lors de Trafalgar,
46:07 la flotte espagnole, eh bien, comme vous le savez, ce sera l'échec.
46:11 – Mais est-ce que finalement les défaites d'Abukir et de Trafalgar
46:14 peuvent être une conséquence de Toulon ?
46:17 – Parce que la flotte de Méditerranée est quand même bien abîmée.
46:23 – Oui, oui, oui.
46:25 – Et après on va payer les conséquences sur de…
46:27 – On en paiera les conséquences, puisque la flotte qui va suivre
46:29 Bonaparte en Égypte va être constituée en partie de vaisseaux
46:33 qui auraient dû être réformés depuis longtemps,
46:36 mais enfin il y a eu certainement des erreurs du commandement
46:41 au moment de la bataille d'Abukir,
46:43 les bateaux n'étaient pas disposés comme il fallait,
46:45 ils étaient trop loin les uns des autres.
46:47 – L'objet peut-être d'un autre…
46:49 – Oui, il est déjà écrit, puisque c'est Sultan Bonaparte
46:52 dans lequel je vous invite à vous plonger.
46:54 – Vous avez écrit la trilogie dans le désordre ?
46:56 – Oui, un peu comme pour la guerre des étoiles, j'ai écrit au début.
47:03 – Donc le premier roman de la trilogie,
47:08 "Qui veut tuer Bonaparte ?" aux éditions Via Romana.
47:13 – Merci infiniment Philippe Bornet.
47:15 – Merci.
47:16 – Quant à vous, vous allez retrouver maintenant
47:18 la petite histoire de Christopher Lanne.
47:21 Avant, n'oubliez pas de cliquer sur le pouce levé sous la vidéo
47:25 et de vous abonner bien évidemment à notre chaîne YouTube.
47:28 Merci et à bientôt.
47:30 [Générique]
47:45 La campagne de France perdue face à une Europe coalisée contre lui,
47:49 Napoléon abdique le 6 avril 1814 à Fontainebleau.
47:53 Le 12, il signe le traité conclu à Paris avec les puissances alliées.
47:56 Un traité plutôt clément envers sa personne
47:58 qui le voit conserver son titre impérial,
48:00 exilé sur l'île d'Elbe avec pleine souveraineté sur l'île
48:04 et une rente annuelle de 2 millions de francs.
48:06 C'est cet épisode qui va nous intéresser aujourd'hui
48:08 et surtout de savoir pourquoi Napoléon a-t-il quitté l'île d'Elbe.
48:11 Pourquoi ? Pourquoi ?
48:13 Pourquoi l'île d'Elbe tout d'abord ?
48:15 D'après la légende impériale, c'est Napoléon lui-même
48:17 qui aurait choisi son lieu d'exil.
48:19 Appartenant au département de la Méditerranée,
48:21 l'île a pour capitale Portoferraio
48:23 et située au large des côtes italiennes
48:25 à mi-chemin entre l'Italie et la Corse.
48:27 Une localisation stratégique pour Napoléon
48:29 et concernant les alliés,
48:31 c'est une île, c'est plus facile à surveiller,
48:33 donc ça les a rangés aussi.
48:35 Napoléon embarque le 28 avril 1814
48:37 à bord de la frégate anglaise Undaunted
48:39 au port de Saint-Raphaël.
48:41 Le 3 mai, il arrive au port de Portoferraio.
48:43 Sur l'île, personne n'est au courant de rien.
48:45 C'est Druaux qui se charge d'aller annoncer
48:47 au commandant de la place, le général d'Alesme,
48:50 que l'île a un nouveau souverain.
48:52 Le lendemain au matin, l'empereur débarque,
48:54 il est reçu dans la liesse générale
48:56 et lors d'une audience à l'hôtel de ville,
48:58 il impressionne son auditoire par sa connaissance
49:00 méticuleuse de l'île sur laquelle
49:02 il avait pris soin de se renseigner à Fontainebleau.
49:04 Pas fou.
49:06 Avec ses 12 000 habitants, l'île d'Elm
49:08 n'est qu'une modeste sous-préfecture
49:10 avec toutefois un cadre de vie très idéal.
49:12 Le 21 mai, Napoléon s'installe
49:24 dans sa résidence des Moulinies,
49:26 une villa grandiose offrant
49:28 un panorama magnifique sur l'île
49:30 et défendue par le feu croisé de deux forts.
49:32 Sa chambre est au rez-de-chaussée
49:34 et à l'étage, on a aménagé une salle du trône
49:36 qui fait également office de salle de bain.
49:38 Il faut dire que toute une cour miniature
49:40 a été reconstituée.
49:42 Pérus, le trésorier, est ministre des finances,
49:44 le général Bertrand, ministre de l'intérieur,
49:46 Druaux, ministre de la guerre
49:48 et Cambronne commande la place de Portoferraio.
49:50 Dans une ambiance agréable et joyeuse,
49:52 l'empereur n'a pas tardé, fidèle à lui-même,
49:54 à se mettre au travail.
49:56 Il visite les fortifications et les fait renforcer,
49:58 fait construire un hôpital,
50:00 fait irriguer la plaine de Lacona,
50:02 fait construire un réseau routier,
50:04 s'occupe des mines de fer,
50:06 de l'exploitation du marbre.
50:08 Enfin, on retrouve un empereur très concerné
50:10 par sa tâche et par la vie de la population de l'île.
50:12 Écoutez ce témoignage de Pérus.
50:14 Les journées de l'empereur s'écoulent dans les plus douces occupations.
50:17 Aucun de nous ne pouvait assigner le moment où il sortirait de l'île.
50:21 Tout le monde s'y plaisait.
50:23 L'autorité du souverain se faisait à peine ressentir.
50:25 Les contributions foncières rentraient lentement.
50:28 Napoléon m'avait fait connaître son intention de nuser de contraintes
50:31 avec aucun contribuable.
50:33 Tous les autres revenus étaient à jour.
50:35 Notre petite souveraineté était paternellement administrée.
50:39 Nous vivions dans un climat doux et tempéré,
50:41 heureux, satisfaits de lier notre existence à celle de Napoléon.
50:46 C'est mignon !
50:48 L'empereur des Français, le conquérant de l'Europe,
50:50 le vainqueur d'Austerlitz, réduit à la gestion d'une petite île
50:53 comme un vulgaire roi-atelier.
50:55 Est-ce bien sérieux tout ça ?
50:57 Lui, non.
50:58 A la fois, l'empereur est concerné par sa mission
51:00 et par la vie des habitants de l'île,
51:02 comme il l'a toujours été, travailleur et passionné.
51:04 Mais aussi, il faut le dire, il commençait à avoir des fourmis dans les jambes.
51:07 Certes, la bonne humeur régnait,
51:09 mais le roi-atelier et Napoléon, qui offraient de nombreux balles,
51:12 avaient même pris pour devise "Napoléon, un biconc, félix".
51:16 Napoléon, partout, heureux.
51:19 Napoléon a aidé Elba à se tourner vers la modernité.
51:35 Avant qu'il n'arrive, aucun réel axe routier n'existait,
51:38 ni de véritables structures comme les hôpitaux, etc.
51:41 Et donc, pour nous, habitants de l'île,
51:43 ça a été vraiment un moment très important dans notre histoire.
51:46 Mais des nuages se dessinaient à l'horizon.
51:49 Il était en exil, oui,
51:51 mais ça ne veut pas dire qu'il était coupé du monde.
51:53 Il reçoit sans arrêt des nouvelles de la métropole,
51:55 et sous cette façade rassurante
51:57 se cache une inquiétude croissante.
51:59 Car les nouvelles de France n'augurent rien de bon.
52:01 Le gros Louis XVIII n'a pas pu être le roi absolu qu'il voulait être
52:06 et a dû se contraindre au statut de roi constitutionnel.
52:09 Dans la société, les partisans du drapeau tricolore et du drapeau blanc
52:12 s'affrontent et s'entre-déchirent.
52:14 Le gouvernement multiplie les maladresses,
52:16 les émigrés qui sont de retour sont réintégrés,
52:19 parfois de force, ce qui crée de vives tensions,
52:21 surtout dans l'armée.
52:22 Dans l'armée, d'ailleurs, les soldats grognent
52:24 contre la nomination du général Dupont au ministère de la guerre
52:27 et enragent de voir les lices remplacer les aigles.
52:29 Dans les campagnes, les paysans craignent le retour des droits seigneuriaux.
52:33 Cerise sur le gâteau, avec la fin du blocus continental,
52:36 la France est littéralement inondée de produits anglais,
52:39 ce qui crée une concurrence très forte et du chômage qui grimpe en flèche.
52:43 Chômage, tensions, clientélisme,
52:45 en gros c'est un peu la France d'Hollande version 1814.
52:48 En plus, y'a comme un air de famille.
52:50 Hein ?
52:51 Sur place, afin de cueillir le fruit lorsqu'il est mûr,
52:54 Marais organise une intense propagande bonapartiste.
52:57 Ça, c'est pour la situation en France.
52:59 Ça donne des gens envie d'y retourner, non ?
53:01 Sur le plan personnel maintenant,
53:03 l'empereur avait également de bonnes raisons de s'inquiéter.
53:05 Sa femme, l'impératrice Marie-Louise, et son fils, le roi de Rome,
53:08 sont partis à Vienne après son abdication.
53:10 Et malgré plusieurs demandes,
53:12 l'Autriche a toujours refusé de restituer sa famille à l'empereur.
53:15 Plus grave, on a trouvé un amant à Marie-Louise.
53:18 Et autant vous dire qu'il n'aura pas fallu trop la pousser dans ses bras pour qu'elle s'y jette.
53:22 Quelle saucisse de Francfort, cette Marie-Louise !
53:25 Autre déconvenu, Talleyrand, dont l'empereur disait qu'il était de la merde dans un bât de soie,
53:29 fait du lobbying pour déplacer Napoléon plus loin.
53:33 Bien plus loin.
53:34 Sa rente annuelle, qui était stipulée dans le traité de Fontainebleau, n'est pas versée.
53:38 Et on parle désormais de plus en plus de le déporter aux Açores,
53:42 voire en plein milieu de l'Atlantique,
53:44 sur une petite île hostile battue par les vents,
53:46 Sainte-Hélène.
53:47 Face à une situation pourrissante en France,
53:50 à sa situation personnelle compliquée,
53:52 et surtout aux menaces de déportation qui planent sur lui,
53:55 Napoléon, poussé par son entourage,
53:57 décide de partir.
53:59 L'Italie est toute proche, mais les armées ennemies sont nombreuses.
54:21 La Corse, ça ne pourrait être qu'une première étape.
54:24 Ce sera la France.
54:25 Profitant d'un relâchement de la surveillance maritime anglaise,
54:28 et surtout du départ du colonel Campbell,
54:30 le représentant anglais sur l'île, pour Florence,
54:33 Napoléon prend la mer.
54:34 Le 1er mars, à la surprise des douaniers,
54:36 il débarque avec sa petite troupe à Valoris,
54:39 dans le Golfe-Juan.
54:40 Plus rien ne pourra l'arrêter.
54:42 Pas même le 5e de ligne,
54:43 envoyé pour le stopper le 7 mars 1815 à Lafray,
54:47 près de Grenoble.
54:48 Dans cette prairie de la rencontre, baptisée ainsi par Stendhal,
54:51 Napoléon s'avance face aux soldats royaux,
54:54 ouvre sa redingote et s'écrit
54:57 "Soldats du 5e de ligne,
54:59 reconnaissez votre empereur.
55:01 S'il en est un qui veut me tuer, me voilà."
55:04 Personne n'ouvre le feu, la troupe se rallie,
55:07 et l'aigle volera de clocher en clocher jusqu'à Paris,
55:10 où il arrive le 20 mars.
55:12 Évidemment, le 18 s'est enfui avec son scooter.
55:15 Ah non, ça c'est un autre ton.
55:17 C'est le début des 100 jours, qui s'achèveront par...
55:20 Non c'est bon, je préfère pas en parler.
55:22 Je passais... Non non non, je passais une bonne journée jusque là,
55:25 tout va bien, on va s'arrêter là.
55:27 Voilà. Merci à tous d'avoir suivi ce nouvel épisode de La Petite Histoire,
55:30 je vous dis à bientôt pour de nouvelles aventures sur TV Liberté.
55:35 Sous-titrage ST' 501
55:38 ...
56:02 ...

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