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La bande de "Julie jusqu'à minuit" réagit à l'annonce de la prise de parole de la comédienne et réalisatrice qui a porté plainte pour viol sur mineure contre les cinéastes Benoît Jacquot et Jacques Doillon

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Transcription
00:00 C'est Coline Royale, à vous de prendre le pouvoir, vous vouliez nous parler ce soir de Judith Gaudrèche,
00:03 elle est devenue en quelques jours le visage de la lutte contre les violences sexuelles dans le cinéma.
00:08 Je rappelle le contexte, à 51 ans, elle brise le silence sur sa relation à l'époque avec le réalisateur Benoît Jacot,
00:15 contre qui elle a déposé plainte pour viol sur mineurs, elle avait 14 ans au moment des faits.
00:19 Elle accuse aussi dans la foulée Jacques Doyon, autre réalisateur d'agressions sexuelles,
00:23 et elle doit s'exprimer sur scène demain lors des Césars.
00:26 Et ça, je trouve ça formidable, qu'enfin ce problème non seulement émerge,
00:32 non seulement la parole des femmes se libère, mais en plus l'institution du cinéma semble enfin accorder de l'importance à la parole des femmes.
00:41 Il faut espérer qu'à partir de là, toutes les voies vont se libérer et toutes les sanctions vont venir.
00:48 Ça a mis trop de temps ?
00:49 Ça a mis énormément de temps, il y a plusieurs dizaines d'années déjà.
00:53 Mais comme tous ces milieux un peu fermés, le milieu du sport, c'était la même chose, c'est la même chose.
00:57 Les voies sont étouffées.
00:58 Donc tous ces milieux qui sont très hiérarchisés, où les jeunes ont un espoir fou de réussir dans des procédures difficiles,
01:07 où ils sont accompagnés par aînés, entre guillemets.
01:11 Voilà ce qui se passe.
01:12 Et je pense que la loi française est trop faible.
01:15 On le voit aussi avec les féminicides.
01:16 Il y a encore eu des féminicides atroces ces derniers jours.
01:20 Et quand on regarde par comparaison ce qui vient de se passer en Espagne,
01:23 où un footballeur célèbre vient d'être condamné à 4 ans de prison ferme pour un viol avec de la prison préventive,
01:30 et qu'on se rend compte qu'aujourd'hui, tous les coupables des viols et des agressions sexuelles,
01:34 même ceux qui ne contestent pas les faits, sont tranquilles chez eux,
01:39 même pas de garde à vue, de prison préventive, rien.
01:42 Rien qui est en avance sur nous, sur ces questions de violence entre les femmes.
01:48 On a vu Julie de Godrej va secouer les Césars.
01:50 C'est Zapatero qui avait fait ça.
01:52 Vous vous souvenez des lois de Zapatero ?
01:54 Il y avait des affichages dans toute l'Espagne,
01:55 "Zéro tolérance sur les violences faites aux femmes".
01:57 Ça a fini par porter ses fruits.
01:59 Alors qu'en France, il n'y a que 5% des viols qui sont sanctionnés.
02:02 Avec beaucoup d'argent aussi qui a été mis sur la table pour les associations.
02:06 Et la situation du pays était quand même très grave.
02:07 On a vu Julie de Godrej va secouer les Césars.
02:09 On se souvient aussi d'Adèle Haenel, qui avait poussé un gros coup de gueule à les femmes.
02:15 Elle avait été méprisée.
02:16 Elle avait dû quitter la salle en pleurant.
02:19 Alors que là, ce qui est nouveau, c'est qu'il y a une réhabilitation,
02:22 une institutionnalisation de la parole des femmes qui s'est libérée.
02:27 C'est une révolution, pour le coup, on peut le dire.
02:30 Ma seule crainte, probabilité infime,
02:35 c'est que quelqu'un de mal intentionné porte un jour une accusation fallacieuse
02:39 et discrédite tout le mouvement.
02:40 Comme finalement, ça fonctionne, à juste titre.
02:44 Et qu'un jour, il y ait un règlement de compte, peut-être abusif,
02:47 et qu'il y ait une accusation portée, dont on puisse révéler qu'elle n'est pas fondée,
02:51 le mal aurait été fait, parce qu'on sait que la sanction est malgré tout immédiate.
02:55 Et du coup, ça risquerait de discréditer ce mouvement essentiel des femmes.
02:58 Donc restons très, très vigilants.
03:02 Vous savez, l'être humain reste l'être humain, homme ou femme.
03:05 Donc pour peu qu'on puisse comprendre qu'il peut y avoir instrumentation d'une tragédie,
03:09 et Dieu sait si c'est une conquête essentielle.
03:11 Voilà, mais je pense qu'en termes de droit, les juristes doivent se poser la question.
03:15 Attention, on a un avocat sur ce plateau.
03:18 Sujet très délicat, on a abondamment parlé dans mon dernier livre.
03:22 Je n'aurai pas le temps de m'exprimer, mais d'abord, c'est faux.
03:24 Les violeurs sont très lourdement sanctionnés en France.
03:27 Garde à vue, détention provisoire, très lourde peine, bien au-delà de 4 ans.
03:31 Ça dépend dans quel milieu ils sont.
03:32 Ecoutez, madame, je peux vous assurer que les magistrats qui doivent vous entendre
03:35 doivent faire une dépression ou se pendre, les policiers, les gendarmes aussi,
03:38 quand on voit le travail colossal qui est fait depuis des années, des années,
03:41 concernant les viols, les violences fétophales.
03:43 - Quel est le pourcentage ?
03:44 - Non, non, je ne veux pas parler de chiffres ridicules qu'on sort,
03:47 ex nihilo, sur des pourcentages qui ne ressemblent à rien.
03:50 Je vous parle de pratiques, de réalité, de vie quotidienne judiciaire.
03:53 Les femmes victimes de violences et les hommes auteurs de violences
03:57 sont très lourdement sanctionnés en France.
03:59 La police à justice est très réactive.
04:01 Par contre...
04:01 - Est-ce qu'ils sont tous vraiment...
04:02 C'est ça le problème.
04:03 Est-ce qu'ils sont tous bien sanctionnés ?
04:05 - Par un bon nombre de cas, il y a très peu de procédures.
04:08 On travaille vraiment de façon remarquable concernant les sanctions.
04:11 Par contre, ce qui devient dangereux, c'est la dérive.
04:13 Moi, ce qui va se passer, c'est cette façon d'exprimer de façon publique...
04:19 - Donc, Julie Gaudrey, je suis au César demain soir.
04:20 - Julie Gaudrey.
04:21 Avant tout procès, avant toute possibilité pour les personnes
04:25 qu'on met en cause de pouvoir se défendre dans un cadre judiciaire prévu,
04:28 d'être cloué au pilori, uniquement par la parole d'une femme,
04:32 d'abord, qui peut mentir.
04:34 Je ne sais pas si ce qu'elle va dire est la vérité.
04:36 Personne ne peut le savoir.
04:37 Personne n'est un détecteur de mensonges.
04:39 Et ce n'est pas parce qu'elle va le dire en accusant des gens,
04:42 des réalisateurs et des acteurs, que c'est vrai.
04:44 Donc, la seule personne, la seule institution habilitée à le faire,
04:47 c'est l'État de droit, c'est la justice.
04:49 Et je trouve que c'est catastrophique de procéder de la sorte.
04:52 C'est un dévoiement judiciaire.
04:54 C'est extrêmement dangereux et toxique pour la société.
04:57 Et c'est une destruction totale de la présomption d'innocence.
05:00 Pourquoi on ne laisse pas trahir la justice ?
05:02 On veut sacraliser la parole des femmes.
05:04 La parole des femmes n'est pas sacrée.
05:05 La seule chose qui me semble devoir être sacrée,
05:08 c'est une enquête sérieuse à l'abri du regard du public,
05:12 sachant que dans des faits, on parlait de l'affaire Abitam,
05:15 je vous assurais que depuis #MeToo,
05:16 il y a un certain nombre d'hommes qui ont été massacrés,
05:19 y compris publiquement, avant tout procès,
05:21 et qui ensuite ont été acquittés.
05:22 Donc vous vous dites, il ne faut pas en parler.
05:25 Il ne faut pas en parler, il faut attendre la décision de la justice.
05:29 Je dis non seulement qu'il faut en parler.
05:31 Je dis qu'il y a tout ce qu'il faut pour en parler dans notre société,
05:33 que l'institution judiciaire est particulièrement vigilante,
05:36 équipée, que les budgets sont là.
05:38 Et je dis que le lieu où on doit en parler, c'est la justice.
05:40 Il faut rompre le silence à un moment, vous êtes d'accord ?
05:43 Il faut rompre le silence à un moment donné.
05:44 C'est Golan Royale.
05:45 Qu'est-ce que vous répondez à ça ?
05:46 L'importance aussi de la présomption d'innocent.
05:48 Non mais d'accord, je comprends bien les raisonnements juridiques.
05:50 Mais comme par hasard, c'est toujours pour les violences faites aux femmes
05:54 qu'on tient ce discours.
05:55 Attention, le mensonge, on ne sait pas, etc.
05:58 Quand vous dites, j'ai été cambriolé, on m'a volé ma voiture.
06:01 Personne ne met en cause votre parole.
06:03 Dès qu'il s'agit des violences faites aux femmes, non mais attention, etc.
06:06 Et tous ceux qui ont été acquittés, c'est faute de preuve,
06:09 c'est parole contre parole.
06:10 Non, c'est parce qu'ils sont innocents, Mme Royale.
06:12 C'est faute de preuve, c'est parole contre parole.
06:13 C'est terrible de dire ça.
06:14 Pour une fois, parce que vous n'êtes pas une femme, comme d'habitude,
06:16 c'est un discours d'homme.
06:18 Non mais je suis juriste et je respecte la loi et le droit de l'homme.
06:20 Eh bien écoutez, pour une fois que la parole des femmes est reconnue,
06:22 tous les discours qui risquent de faire régresser
06:25 cette libération de la parole des femmes,
06:26 comme on a vu sur les enfants victimes d'inceste et victimes de violences,
06:30 "Ouh là là, mais non, il ne faut pas porter atteinte à la sacralité de la famille", etc.
06:34 Et donc, il vaut mieux faire taire un enfant
06:36 que de mettre en cause un adulte, bien sous tout rapport.
06:39 On est exactement dans le même cas de figure.
06:41 C'est toujours un rapport de force.
06:43 Et le cheminement de la libération de la parole des femmes
06:45 est encore très, très long à accomplir.
06:49 Donc celles qui ont le courage de parler,
06:51 eh bien il ne faut pas les décourager
06:53 en les soupçonnant une nouvelle fois de mentir.
06:55 Ça suffit.
06:56 Deux, trois remarques en ordre dispersé.
06:58 D'abord un paradoxe, peut-être que les Césars vont récompenser un film,
07:01 "Anatomie du Tchut",
07:02 qui raconte comment un homme peut-être a été tué par sa compagne.
07:05 En tout cas, c'est l'intrigue du film.
07:06 Justine Trist.
07:07 Ça existe.
07:08 Ça existe aussi.
07:09 Deuxièmement, que va dire Judith Godrech ?
07:12 Parce que si elle profite de cette tribune télévisée
07:14 pour son affaire personnelle
07:15 et pour charger quelqu'un qui est présumé innocent,
07:17 ça sera critiquable.
07:18 Si elle dit au milieu du cinéma,
07:19 "Attention, à force de créer des ambiances malsaines
07:22 en pensant que ça fait surgir des chefs-d'oeuvre,
07:24 à force de mettre les jeunes filles,
07:25 mais aussi parfois les jeunes garçons,
07:27 dans des situations ambiguës ou plus qu'ambiguës,
07:29 parce que ça va faire de l'émotion sur l'écran,
07:31 vous avez emmené le 7e art vers des marécages nauséabonds."
07:35 Elle rendra service à son art.
07:37 Et c'est ça qu'on attend.
07:38 Enfin, je ne comparerai pas l'affaire Enel et l'affaire Godrech
07:41 parce que Adèle Enel avait fait un esclandre,
07:44 avait fait un coup de com' aussi,
07:45 parce qu'on récompensait Roman Polanski
07:47 pour un film magnifique, "Dodge sur Dreyfus",
07:50 alors que l'affaire Polanski aux États-Unis,
07:52 elle était terminée.
07:53 Et que la plaignante elle-même de l'époque
07:55 ne voulait pas qu'on la rouvrie.
07:57 Donc ça me semblait abusif de dire
07:59 "Roman Polanski est indigne de cette cérémonie,
08:01 je claque la porte",
08:02 alors qu'au même moment, il y avait un autre réalisateur
08:04 qui avait un passé judiciaire tout aussi contestable
08:06 qui lui était honoré sans que personne ne claque la porte.
08:09 Et là, je pense que c'était assez faux.
08:11 Judith Godrech, si elle peut, par son discours,
08:13 rendre service à cette activité commerciale, industrielle,
08:16 mais surtout artistique qu'est le cinéma,
08:18 pour qu'on soit plus vigilant
08:19 et qu'on ne détruise pas des êtres au profit d'une oeuvre,
08:23 ça sera très bien.
08:24 Je renvoie au livre de Vanessa Schneider
08:26 sur Magna Schneider qui avait été victime d'un tournage
08:31 où elle avait été violentée.
08:33 Alors certes, peut-être pour faire un chef-d'oeuvre,
08:35 mais on n'a pas le droit de détruire une personne
08:36 pour une oeuvre artistique.
08:37 Et on verra donc ce que dit Judith Godrech demain soir.
08:40 C'est des derniers tangos à Paris
08:41 pour ceux qui n'ont pas reconnu le film.
08:42 Lors de la cérémonie des Césars.

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