Découvrez « Face aux Territoires », émission diffusée sur TV5 Monde en partenariat avec Le Point. L'invité de ce nouveau numéro : Alain Juppé, ex-Premier ministre français, ex-maire de Bordeaux et actuel membre du Conseil constitutionnel. Il répond aux questions du journaliste Cyril Viguier.
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NewsTranscription
00:00 (Générique)
00:12 Bonjour à tous et bienvenue sur le plateau de Face au Territoire sur TV5Monde en direct et dans 200 pays
00:18 avec Ouest France, avec Nice Matin, avec 20 Minutes, avec nos partenaires de France Antille, du Point et de Géostratégie.
00:23 Aujourd'hui mon invité c'est Alain Juppé. Bonjour Alain Juppé, merci d'être avec nous.
00:27 Nul l'ignore, vous êtes ancien Premier ministre de ce pays et membre du Conseil constitutionnel.
00:32 Alain Juppé, neuf sages nommés décident de ce qu'est le droit dans ce pays face à une opinion publique,
00:38 face aux Français parfois qui, dans leur majorité, ne peuvent pas être d'accord ou ont le droit de ne pas être d'accord.
00:45 Est-ce que c'est l'idée qu'on doit se faire d'une démocratie ?
00:49 La démocratie c'est la séparation des pouvoirs, l'indépendance de l'autorité judiciaire et le respect de l'état de droit.
00:56 Quel est l'office du Conseil constitutionnel ? A quoi servons-nous ?
00:59 Nous ne faisons pas la loi, c'est le Parlement qui fait la loi.
01:03 Et très souvent dans nos décisions nous rappelons que nous n'avons pas le même pouvoir d'appréciation et de décision que le Parlement.
01:10 Notre rôle est à la fois beaucoup plus modeste que cela et en même temps très important.
01:15 Nous vérifions que les lois votées par le Parlement sont conformes à la Constitution.
01:20 Deuxième remarque, nous ne faisons pas la Constitution, c'est le peuple souverain qui fait la Constitution.
01:26 Il est écrit dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen que le souverain c'est la nation.
01:31 Et donc si la nation veut changer la Constitution, nous n'avons rien à y dire.
01:35 Et nous appliquons à ce moment-là la Constitution nouvelle qui est votée éventuellement par le peuple.
01:40 Voilà un peu la répartition des choses.
01:42 Je constaterais que tous les régimes autoritaires qui veulent serrer la vis aux libertés fondamentales
01:49 commencent par s'attaquer aux cours suprêmes et aux cours constitutionnels.
01:53 C'est un peu pareil partout.
01:54 Oui mais sur la loi immigration, sur les retraites, est-ce que vous n'avez pas eu le sentiment à un moment donné,
02:00 à l'intérieur, vous êtes membre de ce Conseil constitutionnel, d'avoir été une forme de caution du gouvernement, de l'avoir aidé ?
02:06 Je pense que le gouvernement s'est un peu servi du Conseil constitutionnel, puisque lui-même considérait,
02:12 et il l'a dit, que certaines dispositions de la loi n'étaient pas conformes à la Constitution.
02:17 C'est quand même assez paradoxal et c'est ce qui nous ouvrait la voie.
02:20 Mais je voudrais insister sur un point où on nous dit mais en quoi est-ce que le Conseil constitutionnel
02:25 peut s'opposer à la volonté populaire ? C'est un sujet très important ça.
02:28 Qu'est-ce que c'est que la volonté populaire ?
02:30 C'est la volonté du moment en tout cas.
02:31 D'abord, est-ce que le peuple a toujours raison ? Est-ce que le peuple allemand a eu raison de porter Hitler au pouvoir ?
02:37 Est-ce que le peuple russe a eu raison d'idolâtrer Staline ? Et ainsi de suite.
02:41 Donc la Constitution, c'est précisément l'ensemble des règles que le peuple se donne à lui-même pour éviter les débordements.
02:48 C'est une sorte de garde-fou et c'est cela qu'il faut absolument respecter.
02:52 On ne nous gouverne pas à partir des sondages.
02:54 On a rendu hommage il n'y a pas très longtemps à Robert Badinter.
02:57 Robert Badinter a fait voter l'abolition de la peine de mort.
03:01 La majorité du peuple français n'était pas favorable à l'abolition de la peine de mort
03:05 et ce n'est pas les sondages qui ont prévalu sur la volonté populaire qui s'exprime au Parlement aussi.
03:10 Voilà je crois un certain nombre de rappels fondamentaux sur ce que c'est qu'une démocratie.
03:15 Vous vous souvenez peut-être de ce qui se passait avant 1789, non ?
03:19 Nous n'étions pas nés.
03:20 C'était la même personne qui faisait la loi, qui conduisait le gouvernement et qui rendait la justice.
03:25 C'était le bon arc. On a fait une révolution pour arrêter ça, pour séparer les pouvoirs,
03:29 pour que le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire ne soient pas dans les mêmes mains.
03:34 Alain Juppé, notre invité, l'ancien Premier ministre, membre du Conseil constitutionnel dans un instant.
03:39 Stéphane Vernet de Ouest-France sur ce plateau.
03:41 [Musique]
03:45 Bonjour Stéphane Vernet, vous êtes directeur délégué de Ouest-France, de la rédaction de Paris.
03:50 Voilà, et on démarre avec vous, avec évidemment le retour, la panthéonisation de Missat Manouchian.
03:56 Oui, bonjour Cyril, bonjour M. Juppé. Je voulais savoir si vous aviez suivi évidemment la cérémonie d'hier au Panthéon.
04:03 Vous y étiez.
04:04 Vous y étiez.
04:05 J'ai été au Panthéon.
04:06 Est-ce que la France a besoin de ce type de moments pour se retrouver, particulièrement en ce moment ?
04:14 Sans doute, sur l'essentiel. Pourquoi est-ce que Manouchian et ses camarades ont donné leur vie pour la France, alors qu'ils n'étaient pas français ?
04:25 Parce que la France incarnait à leurs yeux une valeur fondamentale qui est la valeur de liberté.
04:30 Et je crois que c'est très important encore aujourd'hui de manifester notre attachement à cette liberté fondamentale qui caractérise un peu la démocratie française.
04:38 C'est le sens que le président de la République a voulu donner à cette panthéonisation, comme on dit aujourd'hui.
04:45 Et puis, j'y étais parce que dans ma jeunesse, un de mes moments d'émotion les plus forts, c'était d'écouter "L'Affiche rouge" chantée par Léo Ferré, avec ce texte magnifique d'Aragon.
04:58 La semaine dernière, l'hommage à Place Vendôme rendu à Robert Bannater, lors de cet hommage, il a été très clairement dit qu'il était question de faire entrer Robert Bannater au Panthéon, d'inscrire son nom au Panthéon.
05:10 Dans l'idéal, pour vous, il faudrait le faire sous quelle forme et quand ?
05:13 Ça, ce n'est pas mon problème. C'est le président de la République qui décide. Il a manifesté son intention de le faire.
05:17 Vous savez que tout dépend ensuite de l'accord de la famille. Certaines familles ont refusé, d'autres ont accepté.
05:23 Je pense que Robert Bannater, c'est un point de vue personnel, il y aurait très certainement sa place parce que c'était un homme qui était un homme de conviction,
05:31 qui était capable de se mettre fortement en colère pour défendre ses valeurs fondamentales. On s'en souvient de son discours sur l'abolition de la peine de mort.
05:39 J'ai un autre souvenir plus récent. Je discutais avec lui du recul des valeurs démocratiques sur la scène mondiale.
05:49 Tout le monde ne partage pas notre vision de la dignité de la personne humaine, de la liberté individuelle. C'est un fait.
05:57 Et je lui disais est-ce que nos valeurs sont encore universelles ? Il m'a répondu avec toute la force de sa conviction. Elles ne sont plus consensuelles.
06:04 Les Chinois ne partagent pas, mais elles doivent rester universelles parce que ça c'est un idéal français. Je pense que c'est aussi un message très fort.
06:12 Stéphane Vernet, on va tout de suite regarder. Chonu qui est un dessinateur et un collaborateur de West France, c'est un peu la tradition de cette émission.
06:19 Alain Juppé, il a une question à vous poser sur forme de dessin. On le regarde.
06:23 Alain Juppé, bonjour. Vous êtes né dans les Landes et l'édition du Salon de l'agriculture 2024 risque de se transformer en course landaise sans les boules sur les cornes.
06:35 Pour Jacques Chirac, vous étiez le meilleur d'entre nous. Vous avez pu être témoin de son immense popularité auprès des agriculteurs.
06:45 Alors cette année, l'égérie du Salon est une vache normande qui s'appelle Oreillette. Ça tombe bien. Voici ma question.
06:53 Emmanuel Macron a-t-il bien entendu la détresse du monde paysan ?
07:00 Le Salon de l'agriculture est un grand moment pour tous les politiques. Je me souviens que Chirac y passait 10, 12 heures.
07:05 Moi-même en tant que premier ministre, j'y ai passé beaucoup de temps. Et je me souviens du premier contact que j'avais eu en arrivant à 9 heures du matin.
07:12 C'était l'entrecôte proposée par les producteurs de viande bovine. C'est un moment important.
07:17 Ce qui me frappe aujourd'hui, c'est la sympathie, l'espèce d'osmose entre l'opinion publique et les paysans, et nos paysans, qui sont des gens formidables,
07:26 qui sont des gens qui évoluent avec leur temps, qui se sont beaucoup modernisés au fil du temps et qui vivent aujourd'hui dans des conditions extraordinairement difficiles.
07:33 Alors le président de la République a pris un certain nombre d'initiatives. Comme vous le savez, en tant que membre du Conseil constitutionnel, je ne mêle pas de politique gouvernementale.
07:41 Donc je laisse le soin au président et au premier ministre de négocier ce qui doit être négocié.
07:46 – Une minute, Stéphane. – Et vous pensez qu'il sera bien accueilli quand même ?
07:48 – On verra. En tout cas, moi, je ne suis jamais descendu devant les vachettes landaises dans l'arène.
07:54 – Juste un mot pour terminer sur la Constitution. Il y a beaucoup de gens qui ont envie de la changer en ce moment.
07:59 Notamment, il est question d'inscrire le droit à l'IVG dans la Constitution. L'Assemblée a voté pour à la fin du mois.
08:07 Le Sénat doit se prononcer la semaine prochaine. Est-ce que vous pensez que les deux chambres, cette année, arriveront à un accord sur ce texte ?
08:12 – Je n'en sais rien. Tout dépend, effectivement, vous l'avez dit, du Sénat. Et là-dessus, le Conseil constitutionnel n'a rien à dire.
08:18 Ce n'est pas nous, je le répète, qui faisons la Constitution. Si le peuple constituant décide de le faire…
08:23 Simplement, la Constitution, ça ne se change pas comme ça par un claquement de doigts.
08:26 – Que d'une main tremblante. – C'est un texte essentiel.
08:29 Je ne crois pas que ce soit une très bonne idée d'y mettre des tas de choses.
08:33 Je crois que plus elle est concise, plus elle va à l'essentiel, mieux ça vaut.
08:37 Et surtout, pour la changer, il faut une procédure solennelle. Il faut l'accord des deux assemblées.
08:41 – Complexe, très lourd. – Et puis ensuite, soit le référendum,
08:43 soit le congrès avec la majorité des 3/5e. C'est la loi des lois, comme l'a dit, je crois, le président du Conseil constitutionnel.
08:49 – La une de Ouest-France, Stéphane Vernet. – On parle du Salon de l'agriculture.
08:53 Le Salon de l'agriculture et la volonté du gouvernement d'apaiser les tensions avant d'y aller, samedi.
08:57 – Et bien, maintenant, c'est Denis Carreau qui vous succède. Stéphane Vernet, merci pour Ouest-France.
09:01 Denis Carreau, directeur des rédactions du groupe Nice Matin, sur ce plan.
09:05 [Générique]
09:07 Bonjour Denis Carreau, un état des lieux de la démocratie en France avec des chiffres qu'on ne peut pas imaginer.
09:12 – Eh oui, bonjour Alain Juppé. On entend de plus en plus que notre démocratie est en danger.
09:18 Pour 68% des Français, elle ne fonctionne pas bien.
09:21 C'est le résultat d'une enquête du Cevipov qui a été publiée la semaine dernière. Est-ce que ça vous inquiète ?
09:27 – J'ai vu cette enquête qui montre aussi que l'état d'esprit des Français, c'est majoritairement l'amorosité, la peur, la défiance.
09:36 On est vraiment face à un peuple aujourd'hui qui n'a pas le moral.
09:39 Notre démocratie est en crise. Il faut le reconnaître de façon tout à fait objective.
09:45 Et je vois trois symptômes à cette crise. D'abord, le taux d'abstention.
09:48 Quand je m'exprime devant des étudiants, je leur rappelle que jusqu'à 80% d'entre eux ne vont pas voter lors de certaines élections.
09:56 C'est un signe inquiétant pour la démocratie.
09:58 Ensuite, les grands partis du gouvernement sont un peu incapilotables aujourd'hui.
10:02 Et enfin, ça paraît aussi dans le sondage que vous citiez ou dans l'enquête que vous citiez,
10:06 l'image des hommes politiques est absolument détestable. Ils paraissent tous comme incompétents.
10:11 – 30% des Français ont une bonne image des politiques.
10:13 – Et on ne peut pas continuer à vivre comme cela parce que, comme l'a dit un grand personnage,
10:17 je crois que c'était Winston Churchill, la démocratie représentative est le pire des systèmes à l'exclusion de tous les autres.
10:22 Il faut donc revivifier notre démocratie représentative en y mettant une dose supplémentaire de démocratie participative.
10:29 Puisque c'est cela qu'attendent nos concitoyens, c'est d'être davantage consultés.
10:33 Dans le sondage aussi, ils ont l'impression que les pouvoirs publics ne les écoutent pas.
10:37 À partir de là, comment on fait ? C'est extrêmement difficile et comme je ne suis pas au pouvoir, je n'ai pas de recette miracle.
10:43 Je pense quand même qu'il faut d'abord rapprocher le niveau des décisions du citoyen,
10:48 c'est-à-dire aller un coup plus loin dans la décentralisation.
10:51 Ensuite, essayer de convaincre les Français que quand on fait des textes et des lois, on veille à leur application.
10:58 C'est ce qu'on appelle l'évaluation. On le voit avec la loi Egalim.
11:01 On va refaire une nouvelle loi Egalim. Est-ce qu'on est capable de faire appliquer la précédente ?
11:06 En convainquant les Français que quand on décide, on fait les choses.
11:10 Et enfin, pardon de terminer, l'autre voie de régénération de la démocratie,
11:15 c'est évidemment de donner la parole directement aux citoyens par le référendum.
11:19 Est-ce qu'on y arrivera ? On a inventé un bidule qui s'appelle référendum d'initiative partagée.
11:24 Je n'ai pas le temps d'entrer dans le détail, qui a été conçu pour ne pas marcher.
11:28 Et le résultat est atteint, ça ne marche pas.
11:30 Et ça marche. Est-ce qu'il faut inventer d'autres formes d'expression démocratique ?
11:34 On a vu notamment les conventions citoyennes sur le climat, par exemple,
11:38 qui a permis d'aboutir à des décisions concrètes. Est-ce que c'est une voie intéressante ?
11:41 C'est une bonne méthode et pour me référer à mon expérience d'élu local, c'est ce que font les élus locaux.
11:46 Un maire, y compris dans une grande ville, sa administration ne marche pas
11:51 s'il n'est pas au contact direct avec un citoyen, avec des conseils de quartier,
11:55 des collectifs associatifs, des groupes de travail, des groupes de riverains.
11:59 Donc il faut trouver le moyen de mieux associer nos citoyens à la préparation des décisions.
12:04 C'est facile dans une ville. Faisable dans une ville.
12:08 Comment on transpose ça au niveau national ? Il y a des pistes que vous avez évoquées.
12:13 Je pense qu'il faut aller plus loin dans cette direction.
12:16 Les avis divergent au sein de l'exécutif sur l'attitude à tenir vis-à-vis du Rassemblement national.
12:22 Est-ce que vous estimez, vous, qu'il fait partie de l'arc républicain ?
12:26 Écoutez, joker, je ne fais plus de politique politicienne.
12:29 Je vous rappelle simplement quelle a été ma ligne de conduite avec Jacques Chirac.
12:33 C'est bien pour ça que je vous pose la question.
12:34 Le temps où nous avons exercé des responsabilités, nous avons considéré que l'histoire,
12:39 les références, la culture de l'extrême droite n'étaient pas la nôtre.
12:43 La défiance des Français vient aussi de la multiplication des affaires concernant les politiques.
12:47 Est-ce qu'Emmanuel Macron a tort de nommer ou de maintenir des ministres mis en examen ?
12:53 C'est le cas notamment de Rachida Dati.
12:55 Écoutez, je pense que parmi les principes fondamentaux de la République,
12:58 il y en a un qui est inscrit d'ailleurs dans la Déclaration des droits de l'homme et des citoyens,
13:02 c'est la présomption d'innocence.
13:04 On se rend compte qu'au terme du processus judiciaire, parfois,
13:08 certaines personnes mises en examen sont blanchies complètement,
13:12 alors qu'elles ont subi une longue période d'attente.
13:15 Je ne suis pas choqué par le fait que la présomption d'innocence soit respectée.
13:19 Une fois que la justice s'est prononcée, il faut évidemment atterrer toutes les conséquences.
13:23 Sur un autre sujet, la maire écologiste de Poitiers, Léonore Monconduit, est enceinte.
13:28 Elle va perdre ses indemnités.
13:30 Est-ce que c'est acceptable en France en 2024 ?
13:34 Et est-ce qu'il faut faire évoluer le statut de l'élu et du maire ?
13:38 Est-ce que le statut de l'élu, question complémentaire, est suffisant aujourd'hui ?
13:41 Grand serpent de maire.
13:43 Depuis que je suis élu, c'est-à-dire que j'ai été élu 25 ans, j'entends parler d'un statut de l'élu.
13:47 Il faut un statut de l'élu, effectivement.
13:49 La question de la retraite, la question du chômage, le cas échéant, lorsqu'on est battu.
13:55 La question aussi taboue, complètement taboue, de la rémunération des élus.
14:00 Vous avez vu le tollé quand Gérard Larcher a voulu augmenter de 700 euros les frais des sénateurs.
14:06 C'est peut-être pas les sénateurs qui sont les plus malnutris.
14:09 Les maires sont très peu rémunérés pour certains, notamment des petites communes.
14:12 Le maire d'une petite commune, il est quasiment bénévole.
14:16 Je crois qu'une mesure a été prise, qui ne concerne pas les élus, mais qui est positive,
14:19 pour les secrétaires de mairie de petites communes, qu'on a de plus en plus de mal à trouver.
14:23 En général, ce sont des gens à la retraite, etc., alors qu'il faut fonctionner les choses.
14:27 Donc la démocratie a un prix, un coût.
14:30 Et je crois que c'est quelque chose qu'il faut intégrer dans le statut de l'élu,
14:33 y compris en ce qui concerne les congés maladie.
14:37 Est-ce qu'on y arrivera ?
14:39 Dès qu'on parle de rémunération des élus, immédiatement,
14:42 la démagogie antiparlementaire et antipolitique joue.
14:46 De quoi se plaigne-t-il ?
14:48 La une de Nice matin, Denis Carreau.
14:50 La une de Nice matin, prudence sur les pistes,
14:53 avec la sécurité dans les stations de sport d'hiver,
14:55 après la mort, la semaine dernière, d'une skieuse dans un accident à Isola 2000.
15:00 Cyril Gouthié, qui est directeur éditorial de France Antille,
15:03 notre partenaire dans cette émission, a une question à vous poser.
15:05 Depuis Fort-de-France, on l'écoute Alain Juppé.
15:08 Bonjour Alain Juppé.
15:10 Dans les mois à venir, plusieurs révisions constitutionnelles sont envisagées.
15:14 Parmi celles-ci, les élus des Outre-mer, mais notamment des Antilles et de la Guyane,
15:17 espèrent bien pouvoir bénéficier d'une adaptation du texte.
15:21 Adaptation qui leur permettrait d'avoir davantage de marge de manœuvre
15:26 pour adapter les textes à nos territoires.
15:29 Pensez-vous que ces adaptations soient utiles
15:32 et fassent partie des priorités pour le développement de nos territoires ?
15:37 Comme je vous l'ai dit, je ne veux pas entrer dans le débat politique.
15:41 Et Dieu sait si aujourd'hui, la question du statut de la Nouvelle-Calédonie est une question politique.
15:46 Donc les discussions sont en cours, j'espère qu'elles aboutiront.
15:49 La seule chose que je peux dire, c'est que je suis, en ce qui me concerne,
15:52 et ça c'est une tradition chiraquienne, très attaché à nos territoires d'Outre-mer,
15:56 qui sont partie intégrante de notre communauté nationale
15:59 et qui contribuent de manière déterminante au rayonnement de la France.
16:02 Deuxième réflexion, qu'on leur accorde, compte tenu de la spécificité,
16:07 de leur insularité ou de leur éloignement des statuts particuliers, ça va de soi.
16:11 Et d'ailleurs, la Constitution a déjà été modifiée en ce sens
16:14 pour reconnaître l'autonomie d'un certain nombre de nos territoires
16:18 ou de collectivités d'Outre-mer.
16:21 Donc j'espère qu'on trouvera des solutions, en particulier pour la Nouvelle-Calédonie,
16:25 pour la Corse et pour d'autres territoires.
16:27 C'est Alain Juppé qui est avec nous ce matin.
16:29 Face au territoire, l'ancien Premier ministre et membre du Conseil constitutionnel.
16:32 Merci.
16:33 Denis Carreau, qui dirige les rédactions du groupe Nice Matin.
16:35 Dans un instant, Armel Le Goff, directrice adjointe de la rédaction du Point, est avec nous.
16:39 Je ne ski plus.
16:43 Et Alain Juppé disait à Denis Carreau pendant la virgule que vous avez entendu,
16:47 "Je ne ski plus moi-même". Vous ne skiez plus ?
16:49 Non, parce que d'abord j'ai une prothèse du genou et ensuite parce que j'ai peur sur les pistes maintenant,
16:53 avec le temps.
16:54 Mais vous êtes en bonne forme physique Alain Juppé ?
16:56 J'espère en tout cas. Et puis de toute façon, j'ai passé un week-end à la montagne,
17:01 j'étais dans des prairies très vertes. Il n'y avait pas beaucoup de neige.
17:04 Armel Le Goff, directrice adjointe de la rédaction du Point, bonjour.
17:07 Bonjour, bonjour Monsieur Juppé.
17:08 C'est un sujet, le réchauffement climatique, on le voit effectivement avec la saison de ski
17:12 où on a des montagnes vertes et des bandes de neige, des bandes de pistes blanches,
17:16 très peu de neige quand même. On mesure concrètement les effets du réchauffement,
17:20 c'est un sujet qui vous préoccupe ?
17:22 C'est un sujet majeur dans les grands défis qui sont devant nous pour les 20 prochaines années.
17:25 Vous avez été ministre de l'écologie.
17:27 Très brièvement, j'ai été le moins durable des milliers sur les développements du Nord.
17:30 Mais enfin j'y croyais, j'y crois toujours. Je crois que c'est un défi absolument formidable.
17:36 Non seulement le réchauffement climatique, je dirais le changement climatique,
17:40 mais aussi le recul de la biodiversité, le problème des déchets, des pollutions, etc.
17:45 C'est quelque chose à quoi il faut s'attaquer.
17:47 Je voudrais faire juste une remarque juridique, c'est que le Conseil constitutionnel,
17:51 comme beaucoup d'autres cours constitutionnels, a intégré cette dimension
17:55 et nous rendons des jugements en appréciant si la loi votée aujourd'hui
18:02 prend bien en compte les besoins des générations futures.
18:06 Nous essayons de nous projeter sur l'avenir pour intégrer tout cela.
18:09 Donc c'est un sujet majeur.
18:11 Globalement, les lois sont à la mesure des enjeux, les positions qui sont prises, les mesures qui sont prises ?
18:17 Évidemment non. Il faut accélérer. On voit bien que les choses vont dans la bonne direction,
18:20 en particulier en Europe et en France. Mais il faut aller plus loin.
18:23 Avec quand même une difficulté, on le voit aujourd'hui avec la question agricole.
18:26 Je parlais des besoins des générations futures.
18:29 Mais il faut que ce soit acceptable pour les générations actuelles.
18:32 Donc il faut aussi un accompagnement qui rende ces mesures nécessaires,
18:36 acceptables par ceux auxquels elles s'appliquent.
18:39 C'est un art de gouverner assez difficile.
18:41 Un autre sujet sur lequel l'art de gouverner est difficile, c'est Mayotte.
18:44 Aujourd'hui, l'île est complètement bloquée.
18:47 On parle d'une dérive à la Haïti sur l'île de Mayotte.
18:51 La situation est, elle en passe, de devenir intenable.
18:54 Comment analysez-vous la situation à Mayotte ?
18:56 J'étais à Mayotte en 2016 dans le cadre de ma campagne pour la primaire.
18:59 Au retour de mon voyage, j'ai écrit une lettre au Premier ministre de l'époque qui s'appelait Manuel Valls.
19:04 Et je lui ai dit qu'on était sur un volcan, que ça allait exploser en 2016.
19:09 Et les choses ne se sont pas améliorées.
19:11 À partir de là, vous comprendrez que je m'abscienne de tout conseil au gouvernement.
19:16 Que pensez-vous de la solution de mettre un terme aux droits du sol à Mayotte ?
19:19 Et justement, Manuel Valls a pris position sur ce sujet, sur un plan constitutionnel.
19:23 Si cette décision était prise, elle viendrait devant le Conseil constitutionnel.
19:26 Donc vous imaginez que je ne vais pas vous dire aujourd'hui ce que le Conseil constitutionnel dirait.
19:29 Je vous reporte simplement sur le passé.
19:31 Nous avons accepté une loi qui modifiait déjà le droit du sol en Mayotte.
19:38 Puisque désormais, il faut que l'un des deux parents soit en situation régulière sur le territoire national depuis au moins trois mois.
19:44 Donc là aussi, en tenant compte de la spécificité de Mayotte, de l'insularité, de la proximité de l'archipel des Comores,
19:50 il y a des possibilités d'adaptation.
19:52 Mais je n'irai pas au-delà en attendant que nous soyons éventuellement saisis d'une loi.
19:57 Vous ne pouvez pas nous dire, néanmoins, que l'argument de dire que ça pourrait mettre en péril la cohérence territoriale de notre territoire,
20:04 vous ne pouvez pas prendre position sur ce sujet ?
20:06 Je ne serais pas préjugé de ce que serait la décision du Conseil constitutionnel.
20:08 Sur le sujet de l'immigration, sur lequel vous avez dû vous positionner en tant que membre du Conseil constitutionnel,
20:15 comment analysez-vous l'opinion publique française sur ce sujet, à la fois en métropole et sur le sujet de Mayotte ?
20:23 Je comprends la position de l'opinion publique, qui est celle de tous les pays européens, mais pas spécifiquement la question de la France.
20:32 Et donc il est évident que nous devons mieux maîtriser les flux migratoires.
20:36 Mais la remarque que je ferai, il ne s'agit pas de beauté en touche pour moi, c'est que nous nous attaquons aux effets et pas aux causes.
20:43 Pourquoi y a-t-il des flux migratoires de cette intensité et qui vont encore s'accroître ?
20:47 Parce que les jeunes africains qui, chez eux, n'ont pas de boulot et vivent dans la misère, rien ne les dissuadera de traverser le Sahara ou ensuite la Méditerranée
20:56 pour venir vers l'aldorado européen. Il faut donc s'attaquer sérieusement à la source du problème par un véritable partenariat entre l'Europe et l'Afrique pour investir.
21:06 Mais vous savez que c'est aussi une arme politique l'immigration pour certains pays africains. C'est une façon de peser sur les États européens.
21:13 C'est la bonne raison pour nous de peser vis-à-vis d'eux en leur disant "nous allons participer à votre développement pour garder chez vous cette jeunesse".
21:20 Parce que même s'ils encouragent les flux migratoires, ils sont en train de se priver de leur capitale d'avenir qui est celui de leur jeunesse.
21:27 La une du point, Armelle Le Goff.
21:29 La une du point, c'est français au service de Moscou, journalistes, hauts fonctionnaires, politiques. On publie les extraits d'un livre de Vincent Gevert.
21:37 Qu'est-ce que vous pensez de ce sujet ? Vous avez une observation ?
21:39 C'est un sujet, je dirais simplement que quelque chose que je combats tout à fait.
21:44 C'est une petite musique qu'on entend en France selon laquelle nous serions, nous occidentaux, nous européens, responsables de l'agressivité de Poutine à l'égard de l'Europe.
21:54 Parce que nous l'aurions menacé, encerclé par l'OTAN. Cette thèse est totalement fausse et sans fondement.
22:00 Je peux porter témoignage, j'ai été ministre de la Défense en novembre 2010 au sommet de l'OTAN de Lisbonne.
22:09 Et j'ai vu arriver, bras-dessus, bras-dessous, malgré les différences de taille, Obama, Sarkozy et Medvedev.
22:15 Et nous avions proposé à l'époque à la Russie de l'associer au bouclier antimissile européen.
22:19 Et Medvedev n'avait pas dit non. Vous voyez qu'on a tout fait pour associer la Russie et que nous ne sommes pas responsables de la dérive d'une forme de retour à l'URSS soviétique.
22:28 – Et l'elle, la situation sur le front ukrainien vous inquiète ?
22:32 – Bien sûr, bien sûr, nous devons soutenir l'Ukraine car si Poutine gagne, les conséquences seraient pour l'Europe tout à fait majeures.
22:42 – Vous avez compris que c'est fini. Armel Legov, directrice adjointe de la rédaction du Point.
22:46 Merci infiniment. Dans un instant, Tom Benoît du magazine Géostratégie sur ce plateau.
22:51 [Générique]
22:54 – Bonjour Tom Benoît. Avant de vous laisser à Alain Juppé dans un instant.
22:58 Alain Juppé, on parle d'une succession de Laurent Fabius qui est actuel président du Conseil constitutionnel.
23:02 Ça vous intéresserait de lui succéder comme président du Conseil constitutionnel ?
23:06 – Je vais me positionner aujourd'hui. – Oui, pourquoi pas ?
23:08 – Non, non, Laurent Fabius est un très bon président du Conseil constitutionnel. Je m'entends très bien avec lui.
23:13 – On pourrait vous le proposer ? – Je ne sais rien et en tout cas je ne suis pas candidat.
23:17 Moi je sais très bien où je suis.
23:19 – Tom Benoît, Géostratégie. – Bonjour Thierry Lhuidier, bonjour Alain Juppé.
23:22 – Nous avons 100 milliards de déficit commercial en France.
23:25 J'ai une question précise, vous qui avez été Premier ministre de la France,
23:28 aujourd'hui en 2024, sur quoi, sur quel secteur d'activité, au pluriel, repose l'économie française ?
23:35 – C'est une question à laquelle il est difficile de répondre en trois phrases.
23:39 – En cinq minutes.
23:41 – Je crois que l'un des thèmes qui est sur la table, l'un des objectifs qui est sur la table,
23:45 c'est de réindustrialiser la France parce que nous avons pris évidemment beaucoup de retard
23:49 dans certains secteurs industriels. L'économie française est devenue une économie de services,
23:54 ce qui est bien dans un sens, parce que les services ça compte et c'est lourd,
23:57 et ce sont souvent des services aux entreprises, pas simplement des services aux ménages.
24:01 Mais nous avons négligé, c'est vrai, certains secteurs de production industrielle
24:05 et nous devons y réinvestir.
24:07 – Le gouvernement nous dit pour autant qu'il faut internationaliser l'économie française,
24:11 mais on a le sentiment qu'elle est déjà internationalisée cette économie.
24:14 – Bien sûr qu'elle est internationalisée, heureusement qu'elle est internationalisée
24:16 parce que cette idée… j'aime pas beaucoup le mot de souveraineté économique,
24:21 je trouve que ça ne veut rien dire.
24:22 – Pourquoi ?
24:23 – Parce que ça n'existe pas, la souveraineté ça consiste à pouvoir se passer des autres.
24:26 – Oui ?
24:27 – On peut se passer des autres ? Évidemment non, il faut une autonomie,
24:30 il faut reconquérir une marge de manœuvre nationale, mais dans le cadre d'une banque qui reste ouverte.
24:34 – Vous ne pensez pas l'inviter ?
24:35 – Et d'ailleurs les Français, c'est très intéressant, sur le plan économique,
24:38 dans le sondage qui a été évoqué tout à l'heure, ne sont pas favorables à ce qu'on ferme les frontières,
24:42 ils sont tout à fait conscients que l'ouverture au monde est pour nous quelque chose de très important.
24:47 – Mais sur le sujet purement économique, vous ne pensez pas que l'un des fleurons,
24:51 l'une des ambitions françaises avec EDF, notamment, était de pouvoir se passer des autres ?
24:56 – Non pas du tout, au contraire, on sait tellement peu passer des autres
24:59 qu'on leur vendait notre électricité, donc on en a besoin aussi.
25:02 Non, non, cette idée de se passer des autres n'a pas de sens,
25:04 nous sommes solidaires du marché européen, que nous ayons une marge de manœuvre bien sûr,
25:09 que nous produisions en France des médicaments sans être obligés de les importer et de nous trouver…
25:14 – Il y a des pédiatres médicaments aujourd'hui.
25:16 – Mais dans la solidarité, n'imaginons pas que nous allons fermer nos frontières économiques.
25:20 Nous avons besoin de consommer français en matière alimentaire,
25:24 et nous avons besoin aussi de vendre nos produits.
25:26 Si demain nous fermons les frontières, que vont faire les viticulteurs du Bordelais en particulier,
25:30 auxquels je suis attaché, ou les producteurs de cognac ?
25:33 Donc vous voyez qu'on est gagnant-gagnant dans l'ouverture des marchés.
25:36 – Qu'est-ce qui fait très concrètement aujourd'hui que ça ne marche pas,
25:39 et que l'Europe n'est plus dans la course ?
25:41 En PIB, les pays de l'eurozone représentaient 21% en 1999,
25:45 ils représentent 13% aujourd'hui en produits intérieurs bruts.
25:48 Pour les Américains c'est un petit peu différent, ils représentaient 29%,
25:51 ils représentent aujourd'hui 25%.
25:53 Et quant à la France, 4,76% à l'époque, 2,75% aujourd'hui.
25:58 Pourquoi les pays de l'eurozone ne sont plus dans la course ?
26:00 – Mais c'est une évidence absolue.
26:02 Vous avez en tête que la Chine existe, que l'Inde existe ?
26:05 – Mais pourquoi est-ce que ça n'a pas fait autant de mal aux États-Unis ?
26:08 – Nous ne sommes plus le centre du monde, il faut se mettre ça dans la tête.
26:11 Et ce recul relatif de l'Europe, il s'explique naturellement
26:15 par la montée de nouvelles puissances économiques, et ça n'est pas fini.
26:18 L'Inde va devenir peut-être la première, peut-être pas la première,
26:22 mais une grande puissance économique, et démographiquement,
26:24 elle est en train de passer devant la Chine.
26:26 Donc il est normal que les choses se rééquilibrent.
26:29 Ce qui ne veut pas dire que nous n'existons plus sur le plan intérieur.
26:32 L'Union Européenne reste un des principaux acteurs commerciaux sur la scène mondiale.
26:37 – Donc une question qui est corollaire à ce que vous dites,
26:39 Bruno Le Maire a déclaré que nous aurons 284 milliards de levées
26:43 sur les marchés obligataires pour l'année 2024.
26:46 Qui sont les pays qui achètent de la dette publique française aujourd'hui ?
26:49 La Chine essentiellement ? – Il continue, il continue.
26:52 D'ailleurs vous importez la démonstration qu'on n'est pas tout seul au monde
26:54 et qu'on a besoin des autres.
26:55 – Mais pourquoi vont-ils continuer à acheter nos titres obligataires ?
26:58 – Le vrai défi, et je n'aimerais pas être à la place de Bruno Le Maire,
27:00 c'est effectivement de maîtriser nos déficits publics et notre endettement.
27:05 C'est là qu'est le véritable mur devant lequel nous sommes aujourd'hui
27:09 et qui va demander des décisions économiques.
27:11 – Ce que vous êtes en train de dire, c'est que les pays du sud global
27:13 qui achètent encore de la dette européenne et de la dette française
27:15 ne le feront peut-être plus durant les années à venir.
27:17 – Bien sûr, s'ils n'ont plus confiance en nous,
27:19 si nous ne sommes pas capables de rétablir nos équilibres fondamentaux
27:22 et de donner des perspectives d'avenir,
27:24 et bien naturellement nous aurons du mal à en pointer.
27:26 C'est là que la menace principale se trouve.
27:28 – La fin de l'histoire.
27:30 – Pour l'instant ça se passe plutôt bien.
27:32 La grande spécificité d'ailleurs de notre dette,
27:34 c'est que c'est une dette qui est financée par l'étranger.
27:36 Alors que dans d'autres pays comme le Japon,
27:38 la dette nationale est financée par les Japonais eux-mêmes.
27:40 – Absolument, à 90%.
27:42 – Nous avons une mine considérable en France qui l'épargne des Français
27:44 qui se chiffrent par plus de centaines de milliards.
27:46 – 16 000 milliards.
27:48 – Vous avez le bon chiffre, donc c'est peut-être cette épargne-là
27:51 qu'il faut mobiliser pour, non pas payer nos fonctionnaires,
27:54 mais pour investir dans les dépenses d'avenir,
27:56 en particulier sur le changement climatique
27:59 ou sur les technologies d'avenir.
28:01 – La une de géostratégie, magazine Tom Benoît, des éditions La Font-Presse.
28:05 – Israël-Palestine, le choc des civilisations
28:07 et des réflexions également de l'ancien gouverneur du FMI,
28:10 Jacques Delarossière, qui a 95 ans et qui a été reçu d'ailleurs très récemment
28:14 à un sommet de la Banque Centrale Européenne en Allemagne.
28:17 – Alain Juppel, quand vous étiez Premier ministre,
28:19 les questions évidemment Israël-Palestine existaient déjà.
28:22 – Ça a existé il y a quelques années, oui.
28:24 – Déjà, vous pensez qu'il pourra y avoir un jour une solution ?
28:28 – Qu'il pourra y avoir ?
28:29 – Une solution.
28:30 – À quoi ?
28:31 – À ce conflit.
28:32 – Israël…
28:33 – Par le biais de l'ONU, par exemple.
28:35 – Israël-Ou Palestine ?
28:37 Mais vous vous rendez bien compte qu'aujourd'hui que l'ONU est hors jeu.
28:41 Nous sommes dans un monde où le multilatéralisme est paralysé.
28:44 – L'ONU est hors jeu pour vous.
28:46 – Le Conseil de sécurité des Nations Unies est bloqué
28:48 par le jeu des vétos des membres permanents
28:51 et où les décisions de l'Assemblée Générale,
28:53 qui n'ont pas de force contraignante,
28:55 ne sont considérées comme obligatoires par personne.
28:59 Donc nous avons petit à petit laissé se démanteler ce système
29:04 qui avait été construit après la Seconde Guerre mondiale
29:07 et ça c'est un grand sujet de préoccupation.
29:09 Comment mettre un terme à cette fragmentation du monde
29:12 et reconstruire un système multilatéral ?
29:15 Je pense qu'elle va demander beaucoup d'imagination,
29:17 beaucoup de détermination et beaucoup de courage
29:20 de la part des pays européens en particulier.
29:22 Je voudrais simplement terminer sur ce point.
29:25 Je parlais de souveraineté, je parlais des défis qui sont devant nous,
29:29 je parlais de la nécessité de les aborder ensemble.
29:33 Nous avons un rendez-vous très important
29:35 et je sortirai peut-être un tout petit peu de mon devoir de réserve
29:37 dans quelques mois.
29:38 Si l'élection européenne donne lieu à une surenchère
29:41 de dénigrement contre Bruxelles,
29:43 alors nous aurons fortement régressé.
29:47 Il faut au contraire réunir les conditions
29:49 pour que l'Europe puisse aller un coup plus loin,
29:51 notamment dans sa sécurité.
29:53 Imaginons que Poutine gagne en Ukraine, c'est pas impossible.
29:56 Que Trump soit élu en Amérique, c'est pas impossible.
29:59 Cuide de la sécurité européenne.
30:01 Alain Juppé, notre invité ce matin dans un instant,
30:03 Démet Korkmaz, journaliste à la rédaction internationale de TV5MONDE.
30:06 Ça tombe bien. Merci Tom Benoît de Géostratégie.
30:08 Merci.
30:10 (Générique)
30:13 Bonjour Démet Korkmaz.
30:14 Merci d'être avec nous.
30:15 La Cour internationale de justice.
30:17 La Cour internationale de justice examine en ce moment
30:21 la légalité de l'occupation des territoires palestiniens par Israël.
30:24 Les Palestiniens estiment que la politique d'Israël
30:27 s'apparente à un système d'apartheid.
30:30 Quelle est votre appréciation sur ce terme ?
30:33 Là encore, je ne vais pas entrer dans le débat politique.
30:36 Je dirais simplement deux choses.
30:38 La première, c'est que l'agression dont Israël a été victime
30:42 de la part du Hamas est insoutenable, inacceptable, sauvage et barbare.
30:48 Et deuxième chose, il était normal dans ces conditions
30:51 qu'Israël assure sa sécurité et réagisse.
30:54 Troisièmement, cette réaction aujourd'hui, tout le monde le dit,
30:58 tout le monde le pense, même quand on ne le dit pas,
31:01 la réaction est disproportionnée.
31:03 Il faut donc absolument sortir de la logique actuelle,
31:06 qui est une logique de très court terme,
31:08 pour essayer d'envisager le jour d'après,
31:11 essayer de construire une solution.
31:13 C'est ce que dit Dominique de Villepin.
31:15 Pardon ?
31:16 C'est ce que dit votre ancien directeur de cabinet, Dominique de Villepin.
31:19 Il dit souvent des choses très pertinentes,
31:21 peut-être pas toujours dans les mêmes termes que moi.
31:24 Mais alors, la CIG examine la légalité de l'occupation,
31:27 pas du tout l'offensive qui est menée en ce moment par Israël.
31:31 Mais la France et la Belgique se sont exprimées.
31:34 Je rappelle qu'il y a une cinquantaine de pays
31:37 qui délivrent leurs observations.
31:39 La France et la Belgique reconnaissent sans ambiguïté
31:42 le caractère discriminatoire de l'occupation israélienne.
31:46 Aujourd'hui, est-ce que cette position juridique
31:50 doit se traduire en actes politiques avec des décisions ?
31:54 C'est la responsabilité du gouvernement français
31:56 et de notre diplomatie de répondre à cette question.
31:58 Ce n'est pas la mienne.
31:59 Alors, on constate également au cours de ces audiences
32:01 une fracture entre les pays du Sud,
32:04 qui emploient des mots très forts,
32:07 et des pays occidentaux,
32:09 qui paraissent plus gênés aux entournures,
32:13 ne qualifient pas véritablement.
32:16 Est-ce que vous pensez que cette crise israélo-palestinienne
32:20 enfonce un peu plus cette fracture
32:24 entre l'Occident et les pays du Sud ?
32:26 Sûrement.
32:27 Certes, en matière de géopolitique,
32:31 les forces et les phénomènes économiques jouent un très grand rôle.
32:34 On vient de le voir tout à l'heure.
32:35 Mais je pense que les dimensions idéologiques sont très importantes aussi.
32:38 Nous assistons aujourd'hui à un véritable affrontement idéologique
32:42 entre l'Occident, qui n'est plus le centre du monde,
32:45 et je réponds encore à la question sur le point respectif de nos économies,
32:49 nous ne sommes plus le centre du monde,
32:51 et même nos valeurs ne sont plus universellement reconnues.
32:54 Et d'autre part, ce qu'on appelle le Sud global…
32:56 Mais ces pays du Sud se réclament des conventions internationales
32:59 et du droit international pour qu'elles soient respectées.
33:02 Vous parliez tout à l'heure de la crise de la démocratie en France.
33:06 Est-ce que le droit international est aussi en crise ?
33:09 Bien sûr qu'il est en crise.
33:11 La première violation du droit international,
33:13 c'est l'agression de Poutine contre l'Ukraine.
33:15 Et autant que je sache, la Russie fait partie, entre guillemets, du Sud global.
33:19 Donc tout ça est extrêmement compliqué.
33:21 Essayons de ne pas faire le procès des uns contre les autres.
33:24 Le Sud global, c'est un ensemble de pays très hétérogènes.
33:27 Il n'y a pas grand-chose à voir entre le Brésil et l'Indonésie, par exemple,
33:32 mais qui est soudé par une seule idée, c'est le rejet de l'Occident.
33:36 Et ça, c'est un défi qui est devant nous.
33:38 Comment allons-nous réagir à cette confrontation d'idées ?
33:41 Il y a deux solutions.
33:43 La première, c'est de baisser les bras, en disant,
33:45 voilà, nous ne représentons plus une vision majoritaire.
33:49 La deuxième, c'est de dire, OK, nous ne sommes plus le centre du monde,
33:52 mais nous croyons à nos valeurs et nous les défendons.
33:55 Nous les défendons non pas par la force, en essayant d'aller les imposer aux autres,
33:58 mais par la valeur d'exemplarité.
34:00 Où est-ce que les jeunes Africains, je reviens à ça tout à l'heure,
34:03 s'ils étaient libres d'aller s'installer quelque part, rêvent d'aller s'installer aujourd'hui ?
34:08 Il y a des enquêtes qui le montrent.
34:10 Ce n'est pas en Chine, ce n'est pas en Russie, c'est en Europe.
34:14 – Et en Allemagne de plus en plus.
34:16 – Et en Allemagne, et même en France, en Europe en général.
34:18 Pourquoi ? Parce que c'est la liberté.
34:20 Donc ne renonçons pas à défendre cette valeur fondamentale.
34:24 Moi dans mon livre, je le dis, ce qui m'a animé tout au long de ma vie politique
34:29 et ce que j'ai trouvé dans mes grands penseurs, Montesquieu, Tocqueville, Raymond Aron,
34:36 c'est l'amour de la liberté.
34:38 – Merci Démetre Corkmaz, journaliste à la rédaction internationale de TV5Monde.
34:42 Alain Juppé, vous étiez maire de Bordeaux il y a peu de temps,
34:45 jusqu'à votre entrée au Conseil constitutionnel.
34:48 Florelle Hernandez qui est rédacteur en chef de 20 minutes,
34:50 partenaire de cette émission également, a une question à vous poser sur ce sujet.
34:54 On l'écoute.
34:55 – Alain Juppé, bonjour.
34:57 Propreté, circulation compliquée, rénovation thermique de bâtiments,
35:01 comment jugez-vous les 4 premières années de mandat de Pierre Urmic à la mairie de Bordeaux ?
35:06 – Joker !
35:07 – Et avez-vous des bons rapports avec lui ?
35:09 – Je me garderai bien, moi j'ai été maire pendant 24 ans.
35:13 Je crois qu'il y a un consensus pour dire que la ville s'est complètement transformée,
35:16 pas simplement par le ravalement des façades,
35:18 mais aussi par la construction d'un réseau de tramway qui est devenu une référence
35:21 et qui marche formidablement bien,
35:23 mais aussi par la réconciliation de la ville avec son fleuve.
35:26 Les quais de la Garonne sont devenus des lieux de convivialité quasiment quotidiennes.
35:30 Donc voilà, la ville a changé, la ville s'est embellie,
35:33 la ville est devenue plus attractive et plus agréable à vivre.
35:36 C'est pour moi un sujet de fierté,
35:38 parce que je pense y avoir contribué avec mes équipes.
35:41 Depuis, une nouvelle équipe est en place, je n'ai pas de jugement.
35:44 – Vous allez à Bordeaux régulièrement ?
35:46 – Je vais à Bordeaux de temps en temps et je rencontre le maire
35:49 avec qui j'ai des relations courtoises.
35:51 – Et quand vous y allez, vous êtes bien accueilli par les gens ?
35:54 Il y a eu ce sentiment à un moment donné que vous les aviez abandonnés
35:57 en partant au Conseil constitutionnel.
35:59 – J'étais décidé à ne pas faire ce qu'avait fait Chaban, c'est-à-dire le mandat de trop.
36:03 J'ai été maire pratiquement pendant 25 ans, 24, j'allais avoir 75 ans,
36:07 donc je m'étais dit j'arrête.
36:08 J'ai arrêté un an plus tôt parce qu'on m'a proposé d'entrer au Conseil constitutionnel,
36:12 mais c'était l'objectif que je m'étais fixé à moi-même, donc je n'ai abandonné personne.
36:17 Simplement, quand je vais à Bordeaux, ce qui me fait chaud au cœur,
36:20 c'est de rencontrer des Bordelais qui me disent "vous nous manquez"
36:23 et je leur réponds "vous aussi".
36:25 – Alain Juppé, est-ce que cet échec au primaire de la présidentielle
36:28 n'a pas beaucoup joué dans la suite de votre vie, vos décisions de quitter Bordeaux ?
36:32 Est-ce que ça a été un choc personnel ?
36:35 – Évidemment, si j'avais gagné, je serais président de la République,
36:38 donc ça a tout changé.
36:40 Non, j'ai fait cette candidature parce qu'elle était dans la logique de ma vie politique,
36:44 j'avais occupé à peu près toutes les fonctions de la République sauf celle-là,
36:48 donc je garde un très bon souvenir de cette primaire
36:51 parce que ça m'a permis de sillonner la France, tous ses départements métropolitains,
36:55 mais aussi tous ses territoires d'outre-mer,
36:57 et d'avoir des contacts très riches, très sympathiques,
37:01 très directs avec la population française.
37:04 Je n'ai pas gagné, je n'ai pas gagné, c'est ainsi, je n'en veux à personne.
37:08 Vous avez observé peut-être dans mon livre que je ne dis du mal de quasiment personne,
37:12 ce qui est assez original dans un livre politique.
37:14 – Est-ce que vous pourriez dire du mal de Gabriel Attal qui est Premier ministre ?
37:17 – Certainement pas.
37:18 – Qui vous succède à Matignon après l'année ?
37:20 – Ni du bien ni du mal, puisque je suis…
37:22 – 34 ans.
37:23 – Ni du bien ni du mal, parce que j'ai fait des serments de neutralité et d'impartialité.
37:26 – C'est une bonne idée.
37:27 C'est bien d'être Premier ministre, on peut être Premier ministre à 34 ans.
37:29 – Vive la jeunesse, oui enfin…
37:30 – On peut ? Vous qui avez expérience de ce poste.
37:32 – La preuve, c'est la preuve, on l'est.
37:34 – Non, il n'a pas encore fait la preuve lui.
37:36 – Sauf qu'il l'est, à la tant que mon estre on peut l'être, oui il l'est.
37:39 – Est-ce que vous considérez, vous les avez bien connus à l'origine de la Ve République,
37:44 comme un baron aujourd'hui ?
37:46 Vous vous rappelez les barons du Goline, Jacques Chabandel,
37:48 Maas, Maurice Cuvvudumur, Ville, Roger Fré, Olivier Guichard.
37:51 Est-ce que vous êtes dans un rôle au fond de baron vous-même ?
37:56 Vous qui avez bien connu cette Ve République.
37:58 – Je ne me sens pas du tout baron et je m'exprime,
38:00 comme vous l'avez pu l'observer, assez rarement.
38:03 J'ai encore quelques contacts avec mes amis politiques,
38:06 mais je ne suis plus membre du parti dont j'ai été un peu l'initiateur dans l'ancien temps.
38:11 Donc voilà, j'ai pris du recul avec la vie politique.
38:13 Ce que je fais au Conseil constitutionnel est passionnant.
38:15 Ça demande beaucoup de travail parce qu'on est amené à aborder les questions
38:19 d'une très grande diversité et ça demande un investissement intellectuel personnel.
38:23 Et puis je pense que c'est utile.
38:24 Le Conseil constitutionnel qui, à l'origine,
38:27 quand le Général de Gaulle a voulu l'inscrire dans nos institutions,
38:30 était là pour surveiller le partage des responsabilités
38:33 entre le gouvernement et le Parlement, est devenu une institution assez différente.
38:37 Aujourd'hui, il est le garant des droits et libertés fondamentales des citoyens.
38:41 Ça, je crois que c'est très important.
38:43 Nous avons la chance, en France, de vivre dans un pays de liberté
38:47 où les libertés et les droits fondamentaux sont respectés,
38:50 en particulier grâce au rôle de la justice constitutionnelle.
38:53 – Vous êtes devenu un peu plus pessimiste pour la France ?
38:58 – Je m'efforce de dire aux jeunes gens et aux jeunes filles
39:01 devant qui je m'exprime souvent dans les universités que ce n'était pas mieux avant.
39:05 Le XXe siècle a été un siècle terrible.
39:07 Je ne vais pas vous faire le récit de tout ce qui s'y est passé.
39:10 Je ne dissimule pas les défis qui sont devant nous.
39:13 Le défi du changement climatique, le défi migratoire,
39:16 le défi technologique, le défi idéologique.
39:20 Mais je leur dis, gardez confiance.
39:23 Gardez confiance en vous-même et cultivez cette petite vertu un peu difficile
39:27 qui s'appelle la vertu de l'espérance.
39:29 – Alain Juppé, merci d'avoir été notre invité.
39:31 Ancien Premier ministre, membre du Conseil constitutionnel
39:34 qui va avoir beaucoup de travail dans les semaines qui viennent.
39:37 Merci à vous et on se retrouve évidemment jeudi prochain
39:40 sur ce plateau, face au territoire, sur TV5MONDE.
39:44 C'est Michel Onfray qui sera notre invité.
39:46 Au revoir à tous et bonne fin de journée.
39:48 [Générique]