Jean-Jacques Hublin est l'un des plus grands paléoanthropologue français. Il a découvert le plus vieux fossile d’Homo sapiens au Maroc. Il date d’environ 300.000 ans. Ses travaux permettent de repenser l’histoire de l’humanité.
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00:00 Le Grand Entretien, ce matin avec Marion Lourdes.
00:02 Nous avons le bonheur de recevoir l'un de nos grands scientifiques, titulaire de la
00:07 chaire de paléo-anthropologie au Collège de France.
00:11 Il est auteur de nombreux travaux sur l'évolution d'Homo sapiens, la création, la naissance
00:18 de l'homme moderne.
00:19 Il était le lauréat l'année dernière du très prestigieux prix Balzan.
00:24 Et c'est un grand scientifique qui essaye de comprendre les origines d'Homo sapiens
00:30 qui est avec nous dans ce studio.
00:32 Bonjour Jean-Jacques Hublin.
00:33 Bonjour.
00:34 Et bienvenue.
00:35 On va d'abord commencer par des choses extrêmement simples.
00:39 Il faut d'abord dire qu'il y a quelques années, vous avez découvert, c'est une
00:42 découverte absolument majeure, le plus vieux fossile d'Homo sapiens connu à ce jour.
00:48 Vous l'avez découvert au Maroc, dans une montagne qui s'appelle Jebel Hiroud.
00:54 Il date d'environ 300 000 ans.
00:57 Si on devait, Jean-Jacques Hublin, faire un portrait d'Homo sapiens, il y a 300 000
01:03 ans, nous sommes chacun d'entre nous Homo sapiens, à quoi est-ce qu'il ressemblait ?
01:09 Il était bipède ? Il était petit, grand, mince, trapu ?
01:13 Il était plutôt grand et plutôt costaud.
01:16 Et en fait, si vous le croisiez dans le métro, je pense qu'il ne vous surprendrait pas
01:23 énormément parce que c'est justement du côté de la face qu'il nous ressemble
01:28 le plus.
01:29 Alors maintenant, à l'intérieur, il est quand même un petit peu différent.
01:34 Et en particulier, on sait qu'au cours de ces 300 000 ans qui nous séparent de l'Homme
01:39 de Jebel Hiroud, il y a eu une évolution assez importante, notamment du cerveau, qui
01:44 est en fait l'organe qui a le plus évolué au cours de cette période.
01:49 Parce que quand on parle d'Homo sapiens, on parle d'un être sage, l'être humain
01:55 sage.
01:56 Pourquoi sage ?
01:57 Alors, le terme « sage » contient aussi la notion de connaissance.
02:05 C'est vrai que l'Homme se distingue du reste des mammifères par ses capacités cognitives.
02:11 Maintenant, penser que les hommes du passé ont été beaucoup plus sages que ceux du
02:17 présent, je pense que c'est un vœu pieux.
02:20 Mais ce qui est passionnant avec vous, comme avec les paléo-anthropologues, c'est qu'on
02:26 essaye de remonter aux origines de l'humanité, d'essayer de deviner, je ne sais pas si
02:31 c'est possible d'ailleurs, à quoi ressemblait le premier homme.
02:35 Il ne ressemblait certainement pas à Adam et Ève ou aux représentations qu'on s'en
02:40 fait.
02:41 Un exercice de définition, quand on dit paléo-anthropologue, qu'est-ce que ça veut dire ? Quel est votre
02:47 métier Jean-Jacques Hublin ?
02:48 Alors, le paléo-anthropologue s'intéresse à l'évolution humaine.
02:53 Alors, quand on dit humain, ça couvre 7 millions d'années.
02:57 Donc, 7 millions d'années, il s'est passé des choses et les êtres qui vivaient il y
03:04 a très longtemps ne nous ressemblaient pas beaucoup.
03:06 Et donc, dans la paléo-anthropologie, il y a une dimension biologique, mais il y a aussi
03:13 une dimension comportementale, parce que dans le fond, justement, l'homme se distingue
03:20 de beaucoup d'autres mammifères par la complexité de son comportement et puis la culture.
03:27 Donc, en fait, l'évolution humaine, ce qui en fait quelque chose de très particulier,
03:34 c'est une interaction permanente entre la biologie et la culture.
03:37 Ce qu'expliquait Ali, c'est que vous avez découvert ce plus vieux fossile d'Homo
03:42 sapiens au Maroc, 300 000 ans.
03:44 Il y a un mois, c'était en Allemagne un fossile d'un homme vieux de plus de 45 000
03:48 ans.
03:49 Donc, finalement, l'Homo sapiens est là depuis encore plus longtemps que ce qu'on
03:53 pensait.
03:54 Ça veut dire qu'il a rencontré l'homme de Néandertal, qu'il l'a fréquenté,
03:57 qu'il l'a peut-être aimé, combattu, même éliminé.
03:59 C'est pour ça que vous dites que c'est une espèce invasive ?
04:01 Oui, il faut bien se rendre compte que quand on remonte dans le passé, l'humanité
04:07 est multiple.
04:08 Aujourd'hui, il y a une seule espèce humaine.
04:11 Il y aurait eu une ligne.
04:13 Heureusement, j'allais dire.
04:14 En fait, c'est une situation exceptionnelle à l'échelle des temps géologiques.
04:20 Pendant des millions d'années, il y a eu plusieurs espèces d'hominines.
04:23 Hominines ?
04:24 Les hominines, c'est nos ancêtres et nos parents proches depuis la séparation entre
04:32 la lignée qui mène au chimpanzé et la lignée qui mène à l'homme actuel.
04:36 Et ce qui est extraordinaire, c'est que l'Homo sapiens s'est imposé et c'est
04:40 la seule espèce qui reste.
04:41 Voilà.
04:42 Donc, même si on remonte pas très loin dans le passé, il y a 50-60 000 ans, vous me
04:47 direz que c'est pas mal, mais c'est pas beaucoup par rapport à 7 millions, on a
04:52 sur chaque continent des espèces différentes.
04:55 En Europe, notamment, ce fameux homme de Néandertal.
04:58 Et notre espèce, c'est une espèce qui est née en Afrique et qui a longtemps évolué
05:05 en Afrique avant de commencer à se répandre sur le reste de la planète, d'abord en
05:10 Eurasie.
05:11 Et donc, au cours de cette dispersion, de cette migration, elle va remplacer, en partie
05:19 absorber toutes les autres.
05:21 Et aujourd'hui, elle occupe absolument toutes les zones habitables de la planète et même
05:28 celles qui sont pratiquement inhabitables.
05:30 Mais ça veut dire que nous sommes en fait le fruit d'une perte de biodiversité.
05:34 On a éliminé d'autres espèces.
05:36 C'est pour ça que j'ai utilisé ce terme d'invasif.
05:39 Alors, on parle souvent d'espèces invasives pour des animaux ou des plantes qui ont été
05:45 introduites par les hommes dans différentes régions et qui ont fait disparaître leur
05:50 équivalent local.
05:51 Dans le cas de l'homo sapiens, il s'est transporté tout seul.
05:55 Mais ça a eu quand même un peu le même effet.
05:59 C'est-à-dire à la fois une disparition d'autres formes dominines, mais aussi un
06:05 impact sur l'environnement, sur la faune, qui est quelque chose d'assez ancien en
06:11 fait, qui ne remonte pas juste à deux, trois siècles.
06:14 C'est quelque chose d'assez particulier à notre espèce.
06:20 Elle a une façon de presser le citron, d'exploiter l'environnement, qui est différente de
06:28 ce qui existait chez les...
06:30 C'est d'ailleurs pour ça probablement qu'elle les a remplacées.
06:32 - D'utiliser des outils.
06:34 Ce qui est assez extraordinaire, Jean-Jacques Hublin, c'est que vous peut-être êtes le
06:39 plus prêt pour répondre à cette question qu'on se pose.
06:43 Est-ce qu'il y a une nature humaine ?
06:45 - Alors, certainement.
06:48 - Certainement ?
06:49 - Oui, encore une fois, l'homme est un mammifère, c'est un primate.
06:55 On connaît la parenté qu'il peut avoir avec d'autres grands singes par exemple.
06:59 Mais en même temps, il a, si je peux dire, occupé une niche écologique très particulière.
07:07 Il a modifié son environnement pour l'adapter à lui-même plutôt que le contraire.
07:12 Et puis, surtout à cause d'un certain nombre de caractéristiques biologiques et comportementales,
07:19 il a créé tout un système de relations, de réseaux, qui est assez particulier et
07:27 que peut-être on peut définir justement comme cette nature humaine.
07:30 C'est-à-dire la capacité à créer du lien, pas seulement avec des individus qui sont
07:36 juste autour, mais des individus qui sont loin et peut-être qu'on ne connaîtra jamais.
07:43 - Dans votre leçon inaugurale au Collège de France, vous avez employé une expression
07:48 qui fait froid dans le dos, qui est employée par des complotistes et qu'on a du mal à
07:54 comprendre parce qu'en général, on l'entend dans le vocabulaire politique.
07:58 Vous parlez de l'évolution humaine au cours du dernier million d'années et vous dites
08:02 qu'il s'est produit quelque chose comme un grand remplacement.
08:06 Il y a environ 50 000 ans, ça a mis un terme justement à la multiplication des espèces
08:12 des hominines et ça a abouti à la prépondérance de notre espèce sur toutes les autres.
08:17 Quand vous, vous employez le grand remplacement, il y a une forme d'ironie dans cet emploi
08:21 ou pas ? - Oui, c'est un petit peu une provocation,
08:23 mais si jamais il y a un grand remplacement, il a déjà eu lieu il y a très longtemps.
08:29 Et donc effectivement, notre espèce, elle a pris la place d'autres groupes humains.
08:37 - Quand vous dites qu'on a pris la place, est-ce que cette emprise-là, elle s'est
08:40 toujours passée sous la forme de la violence ? De la guerre par exemple ? Est-ce que l'homo
08:45 sapiens a toujours fait la guerre ? - C'est un sujet qui est très débattu.
08:52 Pourquoi ? Parce que je pense que les scientifiques ont souvent tendance à projeter vers le passé
08:58 leurs opinions ou leurs sentiments du présent.
09:04 C'est vrai qu'on aimerait voir le passé comme beaucoup plus pacifique qu'il n'a été.
09:08 Maintenant, cela étant dit, on sait que les hommes de Néandertal qui ont été remplacés
09:15 se sont hybridés en partie avec ces sapiens qui venaient d'Afrique et du Proche-Orient.
09:21 Alors, on peut voir cette hybridation de façon douce.
09:27 Si on a une vision roussoïste du passé, on peut dire qu'ils s'aimaient bien, ils
09:33 échangeaient des partenaires, des individus, d'un bon potage.
09:37 Après, si on a une vision plus négative de l'humanité, on peut aussi considérer
09:43 que de temps en temps, un groupe de Néandertaliens s'est fait massacrer quelque part et les
09:50 sapiens ont gardé deux jeunes femmes avec eux parce que ça peut toujours servir.
09:54 Au bout de quelques générations, le résultat en termes de génome, d'ADN, c'est le même.
10:03 Je pense que les deux se sont passés et la vérité est quelque part entre les deux.
10:08 Vous, Jean-Jacques Humelin, vous avez retrouvé des outils avec les fossiles que vous avez
10:13 détectés.
10:14 On parlait de la capacité à créer des réseaux qu'avait cet homo sapiens.
10:20 Est-ce que finalement, c'est la meilleure espèce, la plus performante qui à la fin
10:25 l'a emporté ? Je ne sais pas si on peut utiliser ce terme.
10:28 C'est-à-dire que toutes ces espèces dont je parle, elles étaient toutes engagées
10:33 dans une espèce d'avancée vers plus de complexité technique, plus de complexité
10:40 sociale.
10:41 Les néandertaliens en particulier, on sait qu'ils faisaient des choses assez compliquées
10:45 en termes techniques.
10:46 Pourquoi sapiens à la fin ?
10:47 Mon sentiment là-dessus, c'est que dans cette espèce d'avancée, j'allais dire
10:55 de course, notre espèce a franchi un seuil un peu avant les autres et ça a suffi.
11:03 J'ai souvent utilisé cette image des casseroles qui sont sur une gazinière avec du lard.
11:11 Le lait est en train de bouillir et il y a une casserole qui déborde.
11:14 Et quand elle déborde, elle éteint le gaz sous les casseroles.
11:18 C'est quoi le seuil ?
11:19 Le seuil, c'est probablement un mélange de capacités techniques.
11:24 Ces sapiens qui arrivent en Eurasie, il y a 45 000 ans, ils viennent d'Afrique, on
11:32 les trouve dans le centre de l'Allemagne, adaptés à un climat qui est celui de la
11:37 Sibérie actuelle, du nord de la Finlande.
11:39 Donc ils ont la capacité de s'adapter au climat, à différentes contraintes.
11:46 Mais encore une fois, je pense que cet aspect de complexité sociale, c'est-à-dire de
11:53 lien, de lien de solidarité j'allais dire, avec d'autres gens, des groupes qui sont
12:01 lointains mais apparentés, c'est probablement quelque chose qui s'est développé plus
12:06 dans notre espèce que dans d'autres.
12:07 Il y a un auditeur qui vous pose la question suivante Jean-Jacques Hubelin, quand Yves
12:13 Coppens découvre le fossile de Lucie, qui est un australopithèque, pour le coup, qui
12:18 n'est pas sapiens, qui vivait il y a plus de 3 millions d'années, il écoutait les
12:22 Beatles, il lui a donné un nom.
12:24 Lorsque vous étiez au Maroc et que vous avez découvert le plus ancien fossile de sapiens,
12:30 qu'est-ce que vous écoutiez comme musique et pourquoi est-ce que vous ne l'avez pas
12:33 baptisé ?
12:34 Parce que je n'écoutais pas de musique justement.
12:36 Le souvenir que je garde de ces fouilles à Djébel Iroud, c'est un sentiment de silence,
12:49 de sérénité dans cet endroit qui est un endroit assez désolé et en étant en contact
12:57 direct, puisqu'ils apparaissaient sous le pinceau des fouilleurs, en contact direct
13:05 avec ces êtres qui ont vécu il y a 300 000 ans.
13:07 Bonjour Frédéric !
13:08 Oui bonjour !
13:09 Merci de participer au grand entretien de France Inter avec Jean-Jacques Hubelin.
13:15 Vous avez une question ?
13:16 Oui, j'ai une question pour M. Hubelin, merci d'accueillir ma question qui est la
13:23 suivante.
13:24 En conséquence, les hominines sont-ils dotées de ce langage qui articule un nombre fini
13:29 de sons pour les combiner à l'infini par une syntaxe qui nous permet d'interroger
13:35 à l'infini de nouveau nos propres interrogations ? Est-ce que les paléoanthropologues ont
13:43 pu dater relativement l'origine de notre langage ?
13:48 De nombreuses questions sur ce sujet d'ailleurs.
13:50 Oui, c'est une question qui agite beaucoup le public et les chercheurs aussi d'ailleurs.
13:55 Il y a deux choses à dire.
13:59 D'abord, comme beaucoup de comportements humains, je crois qu'il faut oublier l'idée
14:03 qu'ils sont apparus comme ça brutalement un jour, c'est-à-dire on ne parlait pas
14:07 et puis un jour on s'est mis à parler.
14:08 Donc les linguistes eux-mêmes ont proposé le concept par exemple de proto-langues ou
14:15 de proto-langages, des langages plus simples que celui que nous utilisons aujourd'hui.
14:21 Et donc il est probable que nos ancêtres sont passés à travers tout un tas de phases
14:26 de ce genre.
14:27 Ensuite, pour parler, il faut un instrument, donc la voix, les cordes vocales et ça, on
14:33 arrive à reconstituer plus ou moins.
14:36 C'est ça qui est extraordinaire dans le travail du paléontologue ou du paléoanthropologue,
14:41 c'est que vous arrivez à reconstituer à partir de rien, de fragments d'eau, de crânes,
14:46 non mais c'est vrai, des comportements, des mouvements, des gestes, des modes de vie.
14:52 Oui, alors ce que j'allais ajouter, c'est que pour parler, il faut l'instrument, mais
14:59 il faut aussi le joueur, le musicien.
15:03 Et donc ça, c'est beaucoup plus compliqué à reconstituer parce que, évidemment, le
15:08 cerveau, on n'a pas de cerveau fossile.
15:10 Et donc, il y a des gens qui arrivent à jouer des symphonies avec des verres à moutarde.
15:16 Et puis moi, si vous me donnez un violon, même un Stradivarius, je ne sortirai rien
15:20 d'intéressant.
15:21 Donc l'instrument de musique est secondaire de mon point de vue par rapport aux joueurs.
15:27 Et puis, la dernière chose qu'on peut ajouter, c'est que justement, ces sapiens qui arrivent
15:34 en Europe, très vite, on les voit développer un art qui est une expression d'une mythologie
15:44 avec des êtres imaginaires.
15:46 Et quand on représente des êtres imaginaires, ça veut dire qu'on a la syntaxe, le vocabulaire,
15:53 la langue pour parler de choses qui n'existent pas.
15:56 Et peut-être aussi l'accès à la beauté.
15:58 Vous allez présenter un colloque cet été sur, alors, Jeux Olympiques oblige, le mouvement
16:04 des humains des origines aux Olympiades.
16:07 Comment est-ce qu'on étudie le mouvement des humains en paléo-anthropologie ? Et à
16:11 partir de quand est-ce que l'homme a développé sa capacité à jouer ? Puisque vous avez
16:16 prononcé le mot de joueur, Jean-Jacques Hublin.
16:19 Alors, on a des techniques assez, j'allais dire, sophistiquées pour étudier la façon
16:25 dont les contraintes mécaniques modifient la structure des eaux, par exemple.
16:30 Et donc ça, on sait faire.
16:32 On sait reconstituer la biomécanique du squelette de gens qui ont existé il y a des dizaines
16:38 de milliers d'années.
16:40 Et on sait en particulier que dans notre espace, il y a quelque chose qui s'est développé
16:46 de façon très ancienne.
16:48 Je dis dans notre espace, en fait, c'est dans des espaces qui nous ont précédés.
16:51 C'est la capacité à la course et à la course d'endurance sur de longues distances,
16:58 qui était indispensable pour capturer du gibier.
17:02 Et notre espèce, peut-être que tout le monde ne le sait pas, mais est une espèce qui a
17:08 une capacité absolument remarquable par rapport aux autres mammifères à courir sur de longues
17:13 distances.
17:14 Donc toutes ces choses-là, nous voulons en parler parce que dans le sport, il y a un
17:18 aspect ludique, même des jeunes mammifères d'autres espèces jouent, les chimpanzés
17:24 jouent, les petits chiens jouent et les hommes jouent depuis longtemps.
17:29 Mais il y a cet aspect aussi d'adaptation à quelque chose qui, pour nous aujourd'hui,
17:34 est un loisir et qui autrefois était quelque chose de vital et absolument nécessaire à
17:40 la survie.
17:41 Et donc pendant des millions d'années, les ancêtres des hommes ont été façonnés,
17:46 on peut dire, par la sélection naturelle pour courir, pour lancer, pour sauter, pour
17:52 faire des tas de choses qui aujourd'hui s'expriment dans des compétitions sportives,
17:57 mais qui s'exprimaient dans la vie quotidienne des gens et dans la façon qu'ils avaient
18:03 de pouvoir acquérir leur subsistance.
18:06 Et cette histoire, cette évolution des comportements, cette histoire du jeu, cette histoire de notre
18:10 cerveau qui évolue aussi, vous arrivez à la déterminer avec, on le disait, des petits
18:15 fragments, des fossiles, des morceaux d'eau.
18:17 Et puis vous avez mis au point un nouvel outil, c'est la paléoanthropologie virtuelle.
18:22 Alors comment ça marche ça ?
18:23 Il faut bien se rendre compte que les fossiles d'Hominis sont très précieux.
18:30 On parlait de Lucie tout à l'heure.
18:33 Donc voilà, ce sont des objets qui sont conservés dans des musées auxquels on a souvent beaucoup
18:38 de mal à accéder.
18:39 Fragiles !
18:40 Même pour les scientifiques.
18:42 Et donc l'idée que j'ai eue il y a pas mal d'années de ça, ça a été de développer
18:48 des méthodes pour travailler non pas sur les originaux, mais sur des avatars digitaux.
18:54 Et ça, grâce à des méthodes d'imagerie, en particulier au scanner à rayons X, alors
19:00 un peu plus perfectionnés que ceux qui sont dans les hôpitaux pour explorer nos pathologies,
19:07 on peut créer des modèles en trois dimensions qu'on peut explorer, qu'on peut déformer,
19:16 avec lesquels on peut simuler la croissance par exemple d'un individu ou l'évolution
19:22 d'une morphologie au cours du temps.
19:24 Donc voilà, c'est ça qu'on met sous le terme de paléoanthropologie virtuelle.
19:29 Et tous les chercheurs donc peuvent avoir accès à ces choses très précieuses en fait ?
19:34 Oui, alors en théorie oui.
19:38 C'est-à-dire que quand la paléoanthropologie est née, tout le monde s'est dit c'est formidable,
19:43 on va pouvoir avoir accès à tout un tas d'informations qui étaient difficiles à saisir.
19:51 Alors malheureusement le monde n'est pas aussi idéal que ce qu'on aimerait.
19:57 C'est un milieu où il y a une grande compétition quand même.
20:01 Donc l'accès aux données c'est un levier aussi dans cette compétition.
20:08 Qu'est-ce qui reste pour vous le plus mystérieux dans Sapiens ?
20:11 Alors justement ce qui reste mystérieux dans Sapiens c'est ce phénomène assez, comment
20:23 dire, brutal d'expansion et de remplacement à un certain moment.
20:29 Comme je vous ai dit toutes ces espèces, elles allaient un petit peu dans la même
20:32 direction.
20:33 On sait que notre espèce est sortie d'Afrique de façon assez ancienne.
20:38 Il y a certainement plus de 100 000 ans et même très certainement avant puisqu'on
20:44 voit des traces génétiques de contacts très anciens.
20:47 Mais il y a quelque chose qui se passe à un moment donné qui va faire que ces sorties
20:52 d'Afrique qui étaient essentiellement gouvernées par des changements environnementaux, par
20:57 le climat, en gros les gens se dispersaient dans le paysage avec lequel ils étaient familiers.
21:02 À un moment donné il y a quelque chose d'autre qui se met en place et qui fait que ces hommes
21:07 vont se répandre absolument partout.
21:09 Il y a 30 000 ans ils sont sur les bords de l'océan Arctique et ils vont passer en Amérique.
21:16 Ils vont dominer la planète et un jour aller sur Mars.
21:19 Et commencer l'histoire et peut-être un jour aller sur Mars effectivement.
21:23 Merci infiniment d'avoir été notre invitée Jean-Jacques Hublin, c'était passionnant
21:28 de vous écouter.
21:29 Merci d'avoir été l'invité d'Inter et on vous souhaite une excellente journée.