7 MINUTES POUR COMPRENDRE - Guerre en Ukraine: pourquoi Emmanuel Macron n'exclue pas d'envoyer des troupes occidentales face aux Russes?

  • il y a 7 mois
Le président de la République, Emmanuel Macron, n'a pas exclu d'envoyer des "troupes occidentales" face aux Russes, en marge de la conférence de presse en soutien à l'Ukraine.

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00:00 [Générique]
00:05 Avec nous pour en parler le général Jérôme Pellistrandi, consultant défense de BFMTV.
00:09 Patrick Sos et Mathieu Croissando continuent de nous accompagner.
00:12 On est aussi avec Nicolas Kouadou, l'envoyé spécial de BFMTV en Ukraine,
00:16 où vous venez de passer deux semaines.
00:19 Hier soir, à l'issue de cette conférence de soutien à l'Ukraine qui était organisée à Paris,
00:24 Emmanuel Macron a donc eu ses mots sur un éventuel déploiement de troupes occidentales en Ukraine pour aider Kiev.
00:34 C'est une hypothèse qui n'est pas exclue, dit le président. Écoutez-le.
00:38 Il n'y a pas de consensus aujourd'hui pour envoyer de manière officielle, assumée et endossée des troupes de sol.
00:46 Mais en dynamique, rien ne doit être exclu.
00:51 Nous ferons tout ce qu'il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre.
00:54 Beaucoup de gens qui disent « jamais jamais » aujourd'hui étaient les mêmes qui disaient « jamais jamais » des tanks,
00:59 « jamais jamais » des avions, « jamais jamais » des missiles de longue portée, « jamais jamais » ceci il y a deux ans.
01:04 Ayons l'humilité de constater qu'on a souvent eu six à douze mois de retard.
01:07 C'était l'objectif de la discussion de ce soir.
01:10 Donc tout est possible, si c'est utile, pour atteindre notre objectif.
01:15 Oui, sauf que là, on comprend que les soldats, ils restent au contact.
01:19 J'ai l'impression d'avoir Patrick Sos qui l'a surpris tout le monde, le président de la République, ses partenaires européens, j'entends.
01:24 Oui, il suffisait d'entendre Marc Routteux, qui n'est pas que le Premier ministre des Pays-Bas.
01:29 Aujourd'hui, c'est aussi le grand favori pour succéder à Jens Stoltenberg au poste de secrétaire général de l'OTAN.
01:35 C'est-à-dire qu'il a déjà quelques dossiers en tête.
01:38 Et c'est vrai qu'il est sorti dans la cour de l'Elysée en disant « moi, je n'étais pas tout à fait au courant ».
01:42 Emmanuel Macron a dit « moi, j'assume cette ambiguïté stratégique ».
01:45 C'est du vocabulaire macronien, ça. Rien n'est jamais exclu.
01:49 Il l'a dit, mais à toutes les sauces, si je peux me permettre, dans plein de dossiers aussi.
01:53 C'est simplement qu'il y a sans doute un participant qui a émis cette hypothèse que pour rester dans le « et en même temps, oui, là aussi, il peut le faire »,
02:03 il n'a pas exclu tout ça sans jamais vraiment le dire.
02:07 Par exemple, sur l'envoi des Mirages, mais aussi des chars avant.
02:11 Il a toujours dit ça. Rien n'est exclu, mais ce n'est peut-être pas le moment.
02:15 Après, est-ce qu'on n'est pas dans une affaire de dissuasion, peut-être, et de vrai signal, à Vladimir Poutine, avant toute chose ?
02:23 Poutine, il n'a pas peur de grand-chose.
02:25 Il n'a pas peur de grand-chose, mais on est vraiment dans une espèce aussi de ras-le-bol par rapport aux agressions de plus en plus fortes de la Russie en France.
02:35 J'en parlais encore hier en plateau ici sur la guerre hybride, sur la désinformation.
02:40 Mais il y a des choses aussi qu'on ne peut pas forcément dire, qui participent vraiment de l'agressivité quasiment militaire contre l'Europe.
02:47 Parlez-en aux Polonais, parlez-en aux Roumains aujourd'hui. Ils ont vraiment, vraiment peur.
02:52 Nicolas Kouadou, vous êtes sorti d'Ukraine il y a quelques heures.
02:56 Est-ce que ce genre de réponse serait en fait une réponse aux difficultés majeures rencontrées par l'Ukraine depuis plusieurs semaines maintenant face aux Russes ?
03:08 Oui, peut-être. Mais ce qui est sûr, c'est ce que nous expliquent les Ukrainiens, par exemple, par la voix de Volodymyr Zelensky,
03:14 qui s'est exprimé il y a maintenant deux jours lors d'une conférence suite aux deux ans de la guerre en Ukraine.
03:20 C'est que ce qu'il faut, c'est des actes plus que des paroles.
03:23 Deux exemples pour étayer cela. L'Union européenne avait promis un million d'obus, forcée de constater que pour l'instant, elle n'en a livré que 30 %, soit un petit peu moins d'un tiers.
03:32 Volodymyr Zelensky qui a également expliqué que depuis deux ans, les armes promises par l'Occident n'étaient arrivées qu'à moitié.
03:38 Donc, ça illustre bien que l'Ukraine a besoin de cette aide, une aide matérielle en premier lieu.
03:45 Et c'est une situation sur le front qui commence à devenir critique, notamment sur le point de vue des munitions.
03:50 Un chiffre pour étayer cela. Lorsque les Russes tirent entre sept et dix obus, les Ukrainiens n'en tirent qu'un seul.
03:57 Et sur le terrain, les conséquences commencent à se voir de plus en plus. Il y a eu la chute de la ville d'Avivka en banlieue de Donetsk qu'on a vue il y a maintenant quelques semaines.
04:05 Et depuis, c'est la Russie qui avance petit à petit, grignotant des petits villages sur la ligne de front.
04:10 Et l'Ukraine qui reste en situation très défensive et qui a décidément beaucoup de mal à reprendre l'initiative sur la ligne de front.
04:17 Nicolas Quado avec Joao, Alain, Carl, les envoyés spéciaux de BFM TV en Ukraine.
04:21 À l'instant, Emmanuel Macron vient de préciser sa pensée sur X. C'est sur notre continent que se déroule cette guerre.
04:27 Ce qui se joue, c'est notre sécurité comme Européens, c'est notre avenir.
04:30 Général Pélistrandi, est-ce que vous voyez dans ces déclarations d'Emmanuel Macron un changement de pied dans la position française vis-à-vis du soutien à Kiev ?
04:40 En fait, changement de pied et en particulier, comme cela a été dit à l'instant, parce que la Russie est de plus en plus agressive.
04:49 C'est-à-dire que notre sécurité, elle se joue aussi sur les champs de bataille en Ukraine.
04:55 Et que si on laissait tomber en quelque sorte l'Ukraine en disant "bon ça va, on vous a assez aidé",
05:01 et bien en fait, ce ne serait que retarder une échéance terrible parce que la Russie a une vision impérialiste.
05:08 La Russie a des ambitions pour retrouver ce qu'elle considérait comme son espace, celui de l'Union soviétique.
05:14 Et c'est la raison pour laquelle les mots du président de la République hier ont été extrêmement fermes
05:19 et qu'ils traduisent ce durcissement de l'attitude de la Russie pour laquelle il faut pouvoir répondre.
05:24 D'accord Jérôme, mais soyons très pragmatiques.
05:27 Est-ce qu'il est concevable pour vous, le militaire, d'envoyer des soldats européens sur le terrain face aux Russes ?
05:35 Parce que c'est ça que ça veut dire. Et dans combien de temps ?
05:38 Dans un premier temps. Il s'agit de renforcer les capacités de résistance de l'armée ukrainienne.
05:43 Et hier soir, dans trois domaines, les munitions, on l'a évoqué, le système de défense sonnaire,
05:49 la livraison de missiles à moyenne et longue portée pour aller frapper les installations logistiques russes.
05:54 Donc il y a tous ces efforts. Il faut augmenter. Et puis peut-être, effectivement, peut-être qu'il y aura d'autres types d'actions.
06:02 C'est ce que l'ambiguïté stratégique dont parle le président, c'est peut-être davantage de renseignements,
06:08 davantage de guerres électroniques, en tout cas pour empêcher la Russie de progresser.
06:13 On verra comment cela se traduira dans les mois à venir. Mais on voit bien qu'il faut prendre le relais notamment des États-Unis.
06:19 Et que donc on est monté en gradation. Il ne faut pas oublier que Moscou a aussi un objectif,
06:24 c'est d'estabiliser les Jeux olympiques de Paris. Et que si on ne fait rien, ça se passera mal.
06:30 Est-ce qu'on peut envoyer des troupes seules, nous, les Français, tout seuls ?
06:35 Non, mais avec certains de nos partenaires. Par exemple, aux Britanniques, y compris également les Américains.
06:42 Et puis il y a des modes d'action, qu'on va dire hybrides, qui peuvent être utiles.
06:46 Il faut en fait répliquer à ce que la Russie nous inflige. Et donc assurer la sécurité de l'Ukraine, c'est assurer notre propre sécurité.
06:55 Mathieu, pas de consensus, c'est ce qu'a dit aussi Emmanuel Macron hier soir.
06:59 Il n'y a pas de consensus entre les alliés européens sur cette hypothèse d'envoi de troupes ?
07:03 Non, mais il faut savoir qu'Emmanuel Macron, il y a quelque chose qui a changé.
07:07 Quand on a écouté la conférence de presse qu'il a donnée avec Volodymyr Zelensky, c'était il y a 15 jours,
07:12 il a signalé que le contexte avait changé. Il a signalé qu'une nouvelle phase s'ouvre, ce sont ses mots.
07:17 La Russie, tout particulièrement ces derniers mois, a cumulé, durcit toutes les postures agressives,
07:21 pas seulement face à l'Ukraine, mais aussi contre nous. Cette intensification nécessite un sursaut collectif,
07:27 c'est ce que disait le président. Et si la Russie pense qu'elle peut affaiblir nos déterminations ou miser sur notre lassitude,
07:32 alors elle se trompe. Ce contexte a changé, le président a changé aussi.
07:36 Au début, il s'est dit qu'il s'imaginait comme un médiateur, vous vous souvenez, au début du conflit en Ukraine,
07:39 et puis au milieu, il y a un an, il a compris qu'il n'y avait plus rien à attendre de Vladimir Poutine,
07:43 et aujourd'hui la menace vient de Vladimir Poutine. C'est donc un signal qui est envoyé à la Russie,
07:47 au moment où les États-Unis risquent de se désengager, de dire "l'Europe sera là".
07:51 Ce n'est pas "j'envoie des troupes demain sur le sol ukrainien", ce n'est pas ça.
07:55 Ça peut passer d'abord par l'envoi de conseillers militaires, y compris avec tout le matériel qu'on va livrer,
08:00 mais ce n'est pas "on ne va pas envoyer des troupes françaises demain".
08:02 C'est juste dans le continuum qui se présente à nous, avec une Russie qui ne lâche rien et qui est de plus en plus agressive,
08:07 il faut imaginer peut-être un jour qu'on enverra des troupes, et d'une certaine façon, c'est logique.
08:12 Ça sert à quoi de faire rentrer l'Ukraine dans l'Union européenne ?
08:14 Ça sert à quoi, au sommet de Vilnius en 2023, de faire rentrer l'Ukraine dans l'OTAN ?
08:17 Et à un moment, il faut assumer. Si l'Ukraine rentre dans cet espace-là, il faudra assumer une défense.
08:22 Je pense que c'est ce que voulait entendre le président.
08:24 Et ça devient un enjeu de politique intérieure. Regardez ce qu'a tweeté il y a quelques minutes Marine Le Pen.
08:30 Marine Le Pen, peut-on voir le tweet ? Voilà, on va le lire avec vous.
08:33 "Je ne sais pas si chacun se rend compte de la gravité d'une telle déclaration.
08:37 Emmanuel Macron joue au chef de guerre, mais c'est la vie de nos enfants dont il parle avec autant d'intouciance.
08:43 C'est la paix ou la guerre dans notre pays dont il s'agit."
08:46 Oui, ça n'est pas très étonnant. Jean-Luc Mélenchon, lui aussi, a réagi...
08:50 - Par de folie. - ...en faisant un tweet en parlant de folie.
08:53 Ce sont deux partis qui étaient plutôt pro-russes, vous vous souvenez,
08:56 et qui n'ont jamais vraiment été enclins à ce qu'on accueille l'Ukraine dans les institutions.
09:01 Il va plus loin, pardon Mathieu, mais en parlant, il est plus que temps de négocier avec des clauses de sécurité mutuelles.
09:06 Il va beaucoup plus loin, Jean-Luc Mélenchon, en disant "il faut penser aux garanties de sécurité russes".
09:11 Et Jean-Luc Mélenchon, il demande la capitulation de l'Ukraine, tout simplement.
09:13 C'est-à-dire qu'à partir du moment où on négocie la paix aujourd'hui, ça veut dire que l'Ukraine capitule.
09:17 Et ce n'est pas du tout la position du chef de l'État.
09:20 - Est-ce que c'est le bon moment pour faire une telle déclaration de la part du président de la République ?
09:23 - Ce sommet se tenait hier à l'initiative de la France, à Paris, voulu par l'Élysée.
09:27 C'est une réponse à une question, ce n'est pas une déclaration de guerre, ce n'est pas un ordre de mobilisation.
09:32 C'est une réponse à une question qui est revenue plusieurs fois dans les conférences de presse.
09:36 C'est vrai qu'avant, la réponse était toujours non.
09:38 Et puis, Emmanuel Macron le dit, il faut faire preuve d'humilité.
09:40 On a été surpris dans ce conflit, donc ça n'est pas exclu.
09:42 - Merci à tous, en tout cas, d'avoir été avec nous dans ce 7 minutes pour comprendre.

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