• il y a 9 mois
L'amnésie traumatique est une période pendant laquelle une personne n'a pas conscience des violences qu'elle a subies. Le souvenir est rendu inaccessible à cause d'une dissociation. La psychothérapie, écrire ou encore en parler sont des moyens de sortir de cette amnésie. 

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Transcription
00:00 -Votre vie psycho, c'est avec Johanna Rosenblum, notre psychologue clinicienne.
00:03 Bonjour Johanna. -Bonjour Adeline.
00:05 -Ce matin, on voulait parler ensemble de l'amnésie traumatique
00:08 dont il a beaucoup été question ces dernières semaines.
00:10 -Exactement, à l'ère du #MeToo et #MeToo garçon,
00:14 je voulais vous parler de l'amnésie traumatique.
00:16 C'est ce phénomène qui ne permet plus à une victime de se souvenir
00:20 du traumatisme et des violences dont elle a vécu.
00:23 Donc ce n'est pas le cas de toutes les victimes.
00:24 On estime à peu près à 40% le nombre de victimes,
00:28 filles ou garçons, qui souffrent de cette amnésie traumatique
00:33 partielle ou totale.
00:34 Alors qu'est-ce qui se passe dans le cerveau d'une personne
00:37 qui souffre d'amnésie traumatique ?
00:39 Ce qu'il faut savoir, c'est quand on vit une souffrance extrême,
00:43 et c'est ce qui se passe dans le cas des violences sexuelles notamment,
00:46 il y a une espèce de fusion extrême, de décharge extrême
00:50 d'adrénaline et de cortisol.
00:52 C'est la fameuse hormone du stress.
00:54 La personne ne peut plus se débattre,
00:56 elle ne peut plus se détacher de la situation, se sauver.
01:00 Il y a une forme de dissociation qui se forme
01:03 pour protéger la victime d'une forme d'explosion
01:06 émotionnelle et physique.
01:08 Donc cette décharge, qui est finalement extrêmement dangereuse
01:12 pour la victime, est canalisée par une décharge d'endorphine
01:16 qui a vocation à dissocier, à couper la victime
01:20 de ses affects, de ce qu'elle ressent psychologiquement
01:23 mais aussi physiquement.
01:24 C'est un court circuit en fait.
01:25 C'est un court circuit, exactement, une coupure, une disjonction
01:28 pour que la personne victime qui ne peut plus s'échapper
01:31 puisse survivre aux violences qu'elle subit.
01:34 Donc le corps vit l'épreuve, l'esprit et les émotions sont coupées.
01:39 C'est pour ça que certaines victimes, quand elles recouvrent la mémoire,
01:43 parlent d'un sentiment de déréalisation,
01:44 comme s'ils étaient un petit peu en dehors de la situation.
01:47 - Je me sentais au-dessus ou à côté de mon corps.
01:49 - C'est exactement ça.
01:51 Elles sont témoins, elles ont quelques souvenirs de ce qui se passait
01:54 mais il n'y a pas les odeurs, il n'y a pas les émotions,
01:56 il n'y a pas la souffrance corporelle.
01:58 - Et c'est ce qui explique qu'elles mettent du temps à parler.
02:01 - Exactement, c'est ce que j'allais vous dire.
02:03 L'amnésie traumatique peut durer quelques semaines
02:05 mais elle peut durer aussi des décennies.
02:07 10 ans, 20 ans, 30 ans.
02:09 Et vous comprenez du coup l'intérêt de ces délais de prescription à rallonger
02:13 parce qu'une victime qui ne parle pas,
02:15 ce n'est pas une victime qui n'a rien vécu.
02:17 C'est une victime qui a dû se dissocier
02:19 pour supporter l'épreuve extrêmement douloureuse
02:22 dont elle a été victime dans l'enfance.
02:24 C'est ça l'amnésie traumatique.
02:26 - Mais dans le cerveau, il n'y a plus rien.
02:27 Quand on dit amnésie, c'est-à-dire qu'on ne se souvient de rien.
02:31 Donc puisqu'on ne s'en souvient plus, pourquoi est-ce qu'on en souffre ?
02:34 - Alors en fait, on ne se souvient plus du souvenir précis.
02:37 On n'est pas capable de dire qu'on a vécu une violence
02:40 ou qu'on a été victime de violences sexuelles
02:42 mais le corps continue de parler.
02:44 Et souvent, ces victimes sont des victimes qui,
02:47 toute leur vie, jusqu'à l'âge adulte,
02:49 vont être empêtrées dans des symptômes anxio-dépressifs,
02:53 des troubles du comportement alimentaire,
02:55 des troubles de la sexualité,
02:56 des personnes qui ont un malaise, une souffrance.
02:59 Il y a des signes, il y a des symptômes.
03:00 Et elles vont passer des années à passer de médecin à psychologue
03:04 pour comprendre pourquoi ce trouble du comportement alimentaire,
03:06 pourquoi cette scarification, pourquoi cette souffrance interne.
03:09 Et un jour, à la faveur d'un événement
03:12 ou une situation qui les reconfonte de nouveau à leur bourreau,
03:17 la mémoire remonte à la surface.
03:20 C'est ce qu'on appelle le retour du refoulé.
03:22 Et à ce moment-là, il faut une prise en charge extrêmement précise
03:26 avec des spécialistes qui savent travailler sur l'amnésie traumatique.
03:30 - Et sans qu'elles soient confrontées à cet événement,
03:32 est-ce qu'on peut les aider à s'exprimer ?
03:34 - À retrouver la mémoire ?
03:34 - À retrouver la mémoire et donc à parler.
03:37 - Alors, quand on est en psychothérapie avec un patient
03:40 et qu'on soupçonne des violences sexuelles,
03:42 notamment dans l'enfance,
03:43 on a quelques signaux qui nous indiquent que la personne à refouler
03:47 ne se souvient pas de ce qui lui est arrivé.
03:48 Mais évidemment, en tant que thérapeute,
03:50 on ne peut pas prendre les devants en disant
03:51 « selon moi, il vous est arrivé ci, il vous est arrivé ça ».
03:54 Mais on peut travailler l'histoire de la patiente,
03:56 attirer son attention sur certains symptômes
03:59 pour voir si d'elle-même, les choses ne remontent pas
04:02 et l'aider à travailler cette souffrance.
04:04 Je vous ai listé six outils qui peuvent permettre à une personne
04:09 qui souffre d'amnésie traumatique de travailler son trauma.
04:13 D'abord, évidemment, commencer une psychothérapie
04:15 pour l'aider à faire ressurgir ce souvenir,
04:19 la libérer de tous ses symptômes et de son histoire,
04:21 encadré par un psychothérapeute qui pourra permettre
04:24 un retour du refoulé,
04:25 donc de ce qui a été amnésié pendant des années,
04:28 le moins violent possible.
04:30 Soulager ses souffrances parfois avec un traitement,
04:33 parce que la thérapie traite l'histoire,
04:35 mais il y a souvent des douleurs physiques,
04:37 une souffrance vraiment physique.
04:38 Il y a des adolescents qui souffrent très tard des neurésies,
04:41 par exemple, qui font pipi au lit,
04:43 des adultes qui ont des problèmes cardio-respiratoires,
04:46 des douleurs somatiques, de ventre, de dos et tout ça,
04:48 il faut pouvoir le prendre en charge également.
04:51 Il faut écrire, il faut parler, il faut témoigner.
04:53 C'est pour ça que ce #MeToo et #MeToo garçon
04:56 qui vient d'arriver, il est formidable,
04:58 parce que souvent l'amnésie traumatique,
05:00 elle est aussi le fruit d'une société qui n'entend pas,
05:03 qui n'écoute pas.
05:03 Donc, il faut témoigner pour ça,
05:05 pour sortir de la honte et de la culpabilité.
05:07 C'est extrêmement important.
05:09 Travailler sa confiance et son estime de soi.
05:12 Sortir de la honte et du fait que quand on est une victime,
05:15 on est potentiellement responsable.
05:17 Pas du tout. Une victime est une victime.
05:19 Ensuite, traiter les comorbidités.
05:21 Parfois, il y a des addictions, de l'impulsivité,
05:23 de la dépression, comme je vous ai dit.
05:24 Donc, il faut aussi pouvoir entendre ces souffrances-là.
05:26 - Et puis bien s'entourer.
05:27 - Exactement. C'est la base, Adeline.
05:28 Bien s'entourer, ne pas rester dans un milieu
05:31 qui ne nous est pas favorable
05:32 et qui nous attire systématiquement
05:34 vers notre passé et nos souffrances.
05:36 - Merci infiniment, Johanna.

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