• il y a 8 mois
Nous avons reçu Eugénie Bastié, journaliste au Figaro ainsi que chroniqueuse dans divers médias (CNews, Europe 1).

Charles Merlin, fondateur de la chaîne Vivremoinscon, qui vulgarise l’actualité.

Célia Khabouri, journaliste et rédatrice en chef de Cerfia.

Thomas Huchon, journaliste et réalisateur, spécialiste du web, des infox et des théories complotistes.

Retrouvez cet échange : https://youtu.be/j6IM-Jkcd90

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Transcription
00:00 Il y a une liberté totale des médias privés en France.
00:02 Au sein d'un média, il y a aussi une ligne éditoriale.
00:05 Et du coup, si je relis la question à quel point un média peut laisser les opinions s'exprimer,
00:12 clairement aujourd'hui en France, toutes les opinions ne peuvent pas s'exprimer dans un média,
00:17 que ce soit d'un côté ou de l'autre, de l'échiquier, on va dire, politique.
00:22 Mais aujourd'hui, on a 90% des médias privés français qui sont détenus par 9 personnes,
00:29 qui sont 9 milliardaires, et qui imposent de manière plus ou moins directe, plus ou moins indirecte,
00:34 une ligne éditoriale, avec des conséquences que l'on connaît sur l'orientation des informations qui sont données,
00:40 le choix des personnes qui sont placées aux directions, le choix des journalistes également, le choix des sujets, etc.
00:47 Pour les médias privés, parce que les médias publics...
00:48 Les médias privés, mais les médias publics aussi, on pourrait y revenir.
00:51 Au terme d'audience, c'est pas la même part de marché.
00:54 Peut-être. On a tous ou pas en tête une citation de Vincent Bolloré,
00:59 qui a dit en 2007, dans un entretien pour la Tribune,
01:02 "Dans mes médias, j'ai le final cut".
01:05 On comprend bien que quelqu'un qui possède un média peut avoir une incidence,
01:11 et généralement c'est le cas, certaine sur l'orientation des opinions qui sont exprimées dans son média,
01:16 et généralement c'est fait pour servir des intérêts économiques,
01:19 puisque généralement ce sont des grands "capitaines d'industrie".
01:24 Donc l'idée c'est aussi de servir ces intérêts économiques,
01:27 et parfois, dans le cas de Vincent Bolloré, encore une fois, c'est de diffuser aussi une idéologie politique.
01:34 Je prends un deuxième exemple, en période de pré-campagne, avant la présidentielle de 2022,
01:39 dans l'émission "Ne touche pas à mon poste" dont on a parlé juste avant,
01:43 45% de TPMP a été consacré à un seul candidat, qui a été Éric Zemmour.
01:49 Et on sait que ces 8 qui diffusent TPMP appartient au groupe Canal+,
01:54 qui appartient au groupe Livre Indie, qui appartient à Bolloré,
01:56 et que Vincent Bolloré soutient Éric Zemmour.
01:58 Ça n'a pas été efficace alors, parce que...
02:01 Il y a des fois, effectivement, ça ne marche pas.
02:02 Si le mot de tracage marchait...
02:04 Oui !
02:04 Non mais pardon, je voudrais juste revenir sur un truc,
02:07 on oublie quand même, pour moi, il y a une liberté totale des médias privés en France,
02:11 c'est simple, ils ont le droit de faire ce qu'ils veulent.
02:12 Si les actionnaires ont envie d'avoir une ligne éditoriale,
02:15 qu'ils arrivent à recruter des journalistes qui vont dans ce sens-là,
02:17 et sont libres, c'est leur argent, ils le dépensent comme ils veulent.
02:20 Par contre, là où ça me dérange un peu plus,
02:22 c'est quand les médias publics,
02:23 qui sont financés par l'impôt de l'intégralité des Français et des contribuables,
02:27 ont une orientation idéologique.
02:30 Là, ça me dérange, parce qu'effectivement, c'est l'impôt de tout le monde,
02:32 c'est l'argent de tout le monde.
02:33 Et quand je vois que sur le service public français,
02:35 effectivement, il y a aussi une certaine idéologie qui est portée,
02:38 notamment, par exemple, France Inter,
02:40 où vous avez évidemment un ton, une tonalité idéologique plutôt à gauche,
02:43 voire même à l'extrême gauche, qui est portée,
02:45 je trouve que c'est effectivement, là, il y a un manque de pluralisme
02:47 qui est inquiétant, parce qu'encore une fois,
02:52 il y a un devoir de neutralité du service public,
02:54 où il n'y a pas de devoir de neutralité des médias privés.
02:56 Je crois qu'on pouvait considérer que l'audiovisuel public
02:59 était plutôt de centre-gauche à une époque.
03:02 Aujourd'hui, ça se droitise de plus en plus.
03:05 On l'a vu avec la mise à l'écart de Charline Vanhoenacker et de son émission
03:11 "C'est encore nous", qui, avant l'été 2023, a été déprogrammée.
03:14 C'était une quotidienne.
03:15 C'est devenu une petite hebdomadaire casée sur la case du dimanche soir.
03:19 Là où je vous rejoins, c'est les processus de nomination
03:22 des présidences de Radio France et de France Télévisions,
03:25 qui sont nommés par l'ARCOM, qui est censé être un organe indépendant,
03:29 qui est composé d'un collège de neuf membres qui sont nommés.
03:32 Il y en a trois qui sont nommés par le président du Sénat,
03:35 trois nommés par le président de l'Assemblée nationale,
03:38 un par la Cour de cassation, un par le Conseil d'État.
03:41 Et le président de l'ARCOM est nommé directement
03:43 par le président de la République.
03:45 Donc, en fait, c'est un organisme qui est éminemment politique,
03:48 qui est très lié au pouvoir.
03:51 Et aujourd'hui, le pouvoir n'est clairement pas de gauche.
03:53 Et quand on voit effectivement les prises de décision des présidences
03:57 de France Télévisions, en tout cas certaines, et de Radio France,
04:00 là, franchement, le fait de dire que l'audiovisuel public
04:02 est de gauche aujourd'hui en France, c'est ne pas bien voir le problème.
04:06 Non, mais vous ne pouvez pas arguer la déprogrammation
04:08 de Charlène Vanhoenacker le dimanche, que l'audiovisuel public en France
04:11 n'a pas une tendance à gauche.
04:13 C'est une évidence.
04:14 Citez-moi un journaliste de droite qui a une présence quotidienne
04:19 sur France Inter, par exemple.
04:20 Il y a des journalistes...
04:21 Oui, il y a des mixeux, pardon, qui parlent d'économie,
04:23 mais que sur le plan économique, pas sur le plan sociétal.
04:24 Non, les capsules "Histoire politique", "L'édito politique",
04:27 il y a des invités de Marianne, du Figaro, etc.
04:29 Mais bien sûr...
04:30 Une minute par semaine, une minute et demie par semaine.
04:32 Vous avez raison, c'est un grand pluralisme.
04:33 Pour moi, c'est une évidence qui saute aux yeux de tout le monde.
04:36 Alors évidemment, ce n'est peut-être pas la France insoumise, effectivement,
04:39 mais c'est plutôt orienté à gauche.
04:40 Je pense qu'il y a un vrai effort, en tout cas d'ailleurs,
04:43 de quantification et d'appréhension du phénomène.
04:46 On devrait pouvoir avoir une vraie évaluation
04:50 de ce qu'est la radio et la télévision publique aujourd'hui,
04:52 de ce qu'elle représente.
04:53 Est-ce qu'elle représente fidèlement les Français ?
04:55 Je n'en suis pas du tout sûre.
04:56 Et pour moi, c'est là où le débat devrait porter.
04:59 La démocratie, ce n'est pas cinq minutes pour les Juifs,
05:01 cinq minutes pour Hitler.
05:02 C'est Godard qui disait ça, il avait totalement raison.
05:05 Et finalement, c'est le rôle d'un journal,
05:07 c'est le rôle d'une rédaction de hiérarchiser les informations.
05:11 La presse française n'a jamais caché qu'elle avait des opinions.
05:15 Tous les principaux quotidiens de ce pays ont une ligne éditoriale
05:18 qui n'est pas seulement une ligne éditoriale,
05:19 mais qui est aussi souvent une ligne politique.
05:22 Et c'est l'histoire de notre pays qui se reflète aussi
05:24 à travers ces différentes lignes éditoriales.
05:26 C'est très bien qu'elles puissent cohabiter.
05:28 Vous avez parlé tout à l'heure des neufs milliardaires
05:30 qui possèdent 90% des journaux dans ce pays.
05:32 Moi, je n'aime pas trop l'idée de la presse indépendante.
05:34 Je crois que ça n'existe pas.
05:36 Ce n'est pas parce que, par exemple, on est Blast
05:39 ou qu'on est un journal privé qu'on est plus indépendant.
05:43 Et on n'est surtout pas indépendant,
05:45 on est peut-être indépendant des milliardaires,
05:46 mais on n'est pas indépendant de ses propres idéologies
05:48 ou de ses propres biais cognitifs.
05:49 Je trouve ça particulier qu'en France,
05:52 on voit systématiquement cette possession par des milliardaires
05:56 comme un problème fondamental de la presse.
05:59 Aux États-Unis, le principal quotidien,
06:01 en tout cas l'un des plus respectés, c'est le Washington Post.
06:03 Il appartient à Jeff Bezos.
06:05 Ça ne pose de problème à personne.
06:06 Finalement, le Washington Post travaille bien
06:08 parce que c'est un journal qui a pour mission de plaire à ses lecteurs.
06:12 Ça veut dire quoi ?
06:13 De leur fournir la meilleure information possible.
06:16 Je crois qu'il faut arrêter de voir la presse comme un truc idéologique.
06:19 Avant tout, qu'est-ce qu'on est les journalistes ?
06:21 On est des marchands de tapis.
06:23 Il faut arrêter de faire croire qu'on est autre chose que ça.
06:26 Et qu'est-ce qu'on fait ?
06:26 On essaie de fabriquer le meilleur tapis.
06:28 Notre meilleur tapis, c'est la meilleure information possible,
06:31 la plus rigoureuse, la plus vérifiée, la plus travaillée,
06:33 celle qui aura été la plus enquêtée.
06:35 Et c'est pour ça que les gens vont venir acheter notre journal,
06:38 qui vont venir voir nos documentaires,
06:39 qu'ils vont acheter des livres.
06:42 C'est parce que nous travaillons bien que l'on vient vers nous.
06:44 Et c'est dans le problème de la presse française,
06:47 c'est avant tout la gratuité de l'information.
06:49 À partir du moment où il y a la gratuité de l'information,
06:50 cette relation de confiance entre le lecteur ou le téléspectateur
06:54 et celui qui fabrique l'information, elle est brisée.
06:57 Et derrière, c'est là qu'on a un problème.
06:59 Le vrai problème de ces milliardaires,
07:00 ce n'est pas tant qu'ils sont des milliardaires, des capitaines d'industrie,
07:03 c'est qu'ils ne sont pas des entrepreneurs de la presse.
07:05 Ils n'intègrent pas du tout dans leur logique
07:08 cette idée qu'ils doivent fabriquer la meilleure information possible.
07:12 Ils tombent bien souvent dans un piège, idéologique ou non d'ailleurs.
07:17 Mais on parle de Bolloré, on pourrait parler de M.Pillas,
07:19 qui a lui aussi, de l'autre côté de l'échiquier politique,
07:23 été investir dans des médias.
07:25 Moi j'ai travaillé dans plein de médias différents,
07:27 qui étaient possédés par des mecs de droite, des mecs de gauche.
07:30 Quand je bossais chez TF1, ce n'était pas M. Bouygues qui me disait
07:34 ce que je devais faire quand j'ai bossé à l'expansion.
07:36 Dassault ne passait pas tous les matins à nous dire ce qu'on devait penser.
07:38 Il faut aussi un petit peu s'affranchir de cette vision
07:41 des milliardaires qui possèdent la presse.
07:43 Si vous voulez savoir ce qui se passe chez Bolloré,
07:45 achetez le journal de Dassault.
07:47 Si vous voulez savoir ce qui se passe chez Martin Bouygues,
07:48 achetez le journal qui est tenu par la Guerre d'air.

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