• il y a 9 mois
Agnès Canayer (LR), rapporteure de la commission des lois, a pris la parole ce 28 février 2024 lors de la discussion générale sur le projet de loi constitutionnelle sur l'IVG.
« La commission des lois a considéré que les incertitudes rédactionnelles ne pouvaient pas retarder l’adoption d’un texte conforme » à celui de l’Assemblée nationale, a-t-elle indiqué.

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Transcription
00:00 Madame la Présidente, Monsieur le Ministre, Monsieur le Président de la Commission des Lois, mes chers collègues,
00:07 nous voici réunis pour la troisième fois en moins de 16 mois pour examiner l'inscription dans la Constitution
00:13 de l'interruption volontaire de grossesse.
00:17 Légalisé depuis 1975 grâce à l'engagement fort de Simone Veil, le droit de recourir à l'IVG est reconnu aujourd'hui
00:26 comme une liberté fondamentale de la femme.
00:30 Près de 50 ans plus tard, le débat qui nous anime n'est pas de savoir si nous sommes favorables ou non à l'IVG.
00:38 La question est tranchée.
00:40 Le consensus politique et démocratique extrêmement clair sur notre attachement à cette liberté fondamentale
00:47 n'ont remis en cause aujourd'hui en France.
00:51 Près de 50 ans plus tard, la question posée est « Faut-il modifier la Constitution pour y inscrire à l'article 34
00:59 « La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté garantie à la femme d'avoir recours à une IVG ? »
01:08 Cette question, a priori simple, soulève de nombreuses interrogations sur ses conséquences tant juridiques que politiques.
01:17 Depuis 1975, le législateur n'a cessé de renforcer l'accès à l'IVG.
01:22 Allongement successif des délais, élargissement au sage-femme de la possibilité de les pratiquer,
01:28 remboursement à 100%, suppression du délai obligatoire de réflexion et du consentement d'aide adulte pour les mineurs.
01:36 Mais malgré cela, des difficultés persistent.
01:40 L'accès à un centre de santé sexuelle, le développement de l'éducation auprès des jeunes,
01:46 la faible valorisation des actes médicaux restent des freins connus.
01:51 La Commission des affaires sociales a confié au sénateur Alain Milon une mission d'information destinée à évaluer
01:57 la mise en application des lois IVG sur l'ensemble du territoire français.
02:01 Ces réformes relèveront de la loi, du règlement, mais non de la Constitution.
02:06 L'élément déclencheur des nombreuses initiatives parlementaires de constitutionnalisation de l'avortement vient des États-Unis,
02:13 et plus précisément de l'arrêt de la Cour suprême du 24 juin 2022 d'Obs vs Jackson.
02:19 Or, l'inscription dans la Constitution française de la liberté de recourir à l'avortement ne peut se faire en réaction
02:26 à l'importation d'un débat étranger qui, de plus, n'est pas transposable en France.
02:32 Cependant, nous ne devons pas rester sourds à ce qui se passe dans d'autres pays, notamment européens.
02:40 Aujourd'hui, l'ensemble des 27 pays de l'Union européenne autorise désormais l'IVG.
02:46 Dans 24 pays, l'avortement est autorisé sous conditions proches de celles de la France.
02:51 Seuls deux pays, Malte et la Pologne, fixent des conditions très restrictives.
02:56 Et la Hongrie a imposé en 2022 l'obligation pour la femme souhaitant avorter d'écouter les battements du cœur du foetus.
03:04 Dans le reste du monde, la situation est plus contrastée. L'avortement est autorisé dans seulement 77 pays et complètement interdit dans 22.
03:12 Mais aucun État ne fait explicitement référence à l'IVG dans sa Constitution, sauf pour l'interdire.
03:20 Aujourd'hui, aucune contestation du droit à l'IVG n'est portée en France dans le débat politique,
03:25 comme le reconnaît le gouvernement dans l'exposé de ses motifs.
03:28 Aucun parti politique, aucun groupe parlementaire ne s'oppose à cette liberté fondamentale.
03:34 Et le vote massif et transpartisan à l'Assemblée nationale en faveur de la constitutionnalisation en est la preuve.
03:42 Cependant, les effets juridiques de cette constitutionnalisation seront plus que limités.
03:48 Cette inscription ne sera qu'une consécration constitutionnelle symbolique,
03:53 comme l'affirme le Conseil d'État dans son avis du 7 décembre dernier.
03:57 L'inscription noir sur blanc dans la Constitution permettra donc de consacrer la liberté de recourir à l'IVG.
04:06 Celle-ci acquièrera certes une place éminente dans l'ordre juridique, mais ne sera nullement sanctuarisée.
04:13 Sa suppression nécessitera une révision constitutionnelle,
04:17 mais notre loi fondamentale a déjà été révisée 24 fois et un changement de régime n'est jamais impossible.
04:25 La consécration constitutionnelle n'apportera donc aucune garantie juridique absolue, et encore moins une protection renforcée.
04:34 Depuis 1975, le Conseil constitutionnel a toujours protégé avec force et constance le droit à l'avortement en France.
04:42 Dans leur décision du 27 juin 2001, les juges constitutionnels ont clairement affirmé que la liberté de recourir à l'IVG
04:49 était une composante de la liberté de la femme qui découle de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
04:57 Le Conseil constitutionnel dispose d'ores et déjà de tous les outils juridiques pour protéger cette liberté fondamentale
05:04 et pour assurer sa conciliation avec les autres libertés que sont la sauvegarde de la dignité humaine et la liberté de conscience des médecins.
05:14 La rédaction proposée par le gouvernement conforte, à notre avis, la recherche d'une simple consécration symbolique dans la Constitution.
05:23 Proche de la formulation adoptée par le Sénat en février 2023, le projet reprend l'inscription de la liberté de recourir à l'IVG à l'article 34 de la Constitution.
05:35 De l'aveu même de nombreux constitutionnalistes auditionnés, aucune place dans la Constitution de 1958 ne permet d'accueillir naturellement le droit à l'IVG.
05:45 Notre loi fondamentale n'a pas été conçue comme un catalogue de droits, mais comme la règle du jeu des institutions.
05:53 L'énonciation des droits et libertés relève avant tout des accessoires à la Constitution, le préambule de 46, la Déclaration des droits de l'homme ou encore la Charte de l'environnement.
06:03 L'inscription à l'article 34 est donc un moindre mal.
06:07 Cet article procédural énumère les matières qui sont du domaine de la loi.
06:12 Le législateur est déjà compétent pour fixer les règles concernant les garanties apportées aux libertés fondamentales dont fait partie l'IVG.
06:21 L'ajout express ne modifie pas les prérogatives du Parlement.
06:25 La formulation retenue par le gouvernement, « La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté garantie à la femme d'avoir recours à une IVG », reprend, vous l'avez dit M. le garde des Sceaux, à 95% celle du Sénat ou à 105% selon la sénatrice Mélanie Vogel.
06:43 La Commission des lois a pris compte dans sa réflexion de cette avancée dans la recherche d'un compromis.
06:49 D'autant plus que le Sénat, par la voix du sénateur Philippe Bas, est à l'origine de cette nouvelle formulation.
06:56 Cependant, deux différences notoires subsistent.
07:00 La première doit pouvoir se résoudre facilement puisqu'elle porte sur l'utilisation du terme IVG au lieu de mettre fin à sa grossesse.
07:09 Cette substitution n'est pas neutre, mais nous le savons, essentielle pour les défenseurs de la constitutionnalisation symbolique de la liberté de recourir à l'IVG.
07:19 C'est le terme de la loi Veil. C'est pourquoi je proposerai au Sénat d'accepter d'inscrire le terme IVG dans la constitution.
07:27 La seconde soulève plus d'interrogations puisqu'elle introduit un nouveau concept de liberté garantie dont les côteurs juridiques sont mal définis.
07:35 Certes, comme vous l'avez dit M. le garde des Sceaux, le terme « garantie » est utilisé à plusieurs reprises dans les textes constitutionnels, dans le préambule de 46 ou encore à l'article 61.1 de la constitution.
07:47 Mais il est surtout inscrit à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui affirme « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminés, n'a point de constitution ».
08:01 Cet article-socle affirme clairement que dès lors qu'une liberté est inscrite dans la constitution, elle est garantie.
08:08 Alors pourquoi le réaffirmer pour l'IVG et non pour toutes les autres libertés fondamentales ? Pourquoi ajouter cet adjectif redondant qui alourdit la rédaction de notre constitution sans renforcer la portée des dispositions ?
08:22 De même, la portée juridique du concept de liberté garantie n'est pas limpide. Est-ce un droit opposable ?
08:29 Est-ce que le Conseil constitutionnel interprétera le concept de liberté garantie afin de censurer une loi qui limiterait les recours à l'IVG ?
08:37 Rien n'est moins sûr, car le Conseil constitutionnel ne s'estime ni lié ni par les avis du Conseil d'État, ni par les débats parlementaires.
08:47 Mes chers collègues, vous l'aurez compris, la Commission des lois du Sénat est favorable à la constitutionnalisation de la liberté de recourir à l'IVG.
08:57 La défense de cette liberté fondamentale est un combat porté par de nombreuses femmes et hommes.
09:04 Nous devons continuer à agir pour que toutes les femmes puissent accéder à cette liberté sur tout le territoire français et s'assurer qu'aucune régression ne vienne en limiter les effets.
09:15 Mais aujourd'hui, nous sommes avant tout constituants. Le texte que vous allez voter n'est pas une simple loi ordinaire, mais un projet de loi constitutionnelle.
09:25 Il définira les termes qui seront inscrits dans notre loi fondamentale. Notre responsabilité est forte.
09:33 Proche du texte adopté par le Sénat en février 2023, ce projet de loi constitutionnelle ne modifie pas fondamentalement les équilibres juridiques.
09:43 C'est avant tout une avancée symbolique. La Commission des lois a considéré que les incertitudes rédactionnelles ne pouvaient retarder l'adoption d'un texte conforme.
09:55 (Applaudissements)
10:01 J'entends les pressions fortes qui pèsent sur chacune des sénatrices et chacun des sénateurs pour constitutionnaliser l'IVG.
10:11 C'est un débat passionnant. Il appartiendra donc à chacun d'entre nous de se déterminer en fonction de ses propres convictions. Je vous remercie.
10:20 (Applaudissements)
10:24 (Générique)

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