Martine Gayraud, présidente de l'association femmes solidaires de Nîmes, invitée de France Bleu Gard Lozère.
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00:00 - Bonjour Martine Guéraud, merci d'être avec nous.
00:02 Les sénateurs ont donc dit oui hier à l'inscription de l'IVG dans la Constitution.
00:06 D'abord, vous avez réagi comment en apprenant ce vote du Sénat ?
00:11 - Avec bonheur, parce que c'est une victoire pour le mouvement féministe, pour les femmes en général.
00:18 Ce libre choix de devenir maire, sa liberté de disposer de leur corps, de leur vie,
00:23 sera donc inscrite dans la Constitution.
00:25 C'est vraiment très très important pour nous.
00:27 C'est une revendication qui a été longtemps portée par les féministes.
00:31 Donc oui, j'étais heureuse hier soir, j'étais heureuse ce matin.
00:36 - Il y a presque un clin d'œil Martine Guéraud,
00:38 c'est qu'il intervient ce vote presque 50 ans après le vote de la loi Veil, c'était en 1975.
00:45 Ça vous inspire quoi ?
00:47 - Et bien que des fois, pour faire avancer des choses dans la société, c'est long.
00:51 Mais en même temps, on progresse.
00:53 Pour moi, c'est un progrès.
00:55 Donc, ce n'est pas parce qu'une loi a été votée il y a 50 ans,
00:58 qu'on ne peut pas continuer sur le chemin pour que cette loi ne soit plus simplement une loi,
01:05 pas simplement non plus une liberté protégée, mais bien un droit protégé.
01:10 Et inscrire dans la Constitution, c'est ça que ça veut dire.
01:13 - Il faut quand même rappeler que ce n'est pas encore fait.
01:15 - Non, non, non, bien sûr.
01:17 - Il faut rappeler qu'inscrire l'IVG dans la Constitution reste un processus très compliqué.
01:21 - Oui, bien sûr.
01:22 - Le congrès qui se réunit lundi prochain est convoqué par Emmanuel Macron.
01:27 - Oui, tout à fait.
01:28 Mais quand même, on est déjà satisfaites parce que ce n'était pas gagné non plus.
01:32 Le Sénat est à majorité de droite.
01:34 Donc, il y avait peut-être des difficultés à passer au Sénat.
01:38 Ça aurait encore rallongé la procédure.
01:40 Donc oui, nous sommes satisfaites.
01:41 - Effectivement, ce qui a pu poser problème à certains sénateurs,
01:44 et on a entendu d'ailleurs Vivette Lopez il y a quelques minutes,
01:49 c'est entre autres l'utilisation du terme de "liberté garantie".
01:54 Le fait de faire de l'IVG une liberté garantie.
01:57 Pour vous, ça, ça veut dire quoi d'abord ?
01:59 - Déjà, rien que le fait qu'elle ait...
02:01 J'ai entendu ses propos.
02:03 Rien que le fait qu'elle ait dit ces propos qui, après tout, la regardent,
02:07 et ce sont ses convictions personnelles...
02:09 - Oui, Vivette Lopez a mis sur le même plan un petit peu la peine de mort et l'avortement.
02:12 - Oui, oui, alors là c'est terrible.
02:13 Franchement, c'est terrible.
02:15 C'est choquant.
02:16 - En faisant référence, je précise quand même jusqu'au bout,
02:17 en faisant référence notamment à Robert Van Ater,
02:19 à qui on a rendu hommage évidemment il y a peu de temps, puisqu'il est décédé.
02:24 - Moi j'ai écouté les débats hier au Sénat, j'ai entendu aussi Stéphane Ravier,
02:28 bon bref, on peut toujours...
02:31 Voilà, les anti...
02:32 C'est-à-dire que les menaces sur l'avortement,
02:35 il ne faut pas faire comme si elles n'existaient pas.
02:36 Elles existent bien, y compris dans notre pays.
02:39 Il y a des forces anti-avortement qui expriment des choses.
02:43 CNews d'ailleurs, la dernière fois, avec son émission, l'a démontré.
02:48 Et puis les propos aussi que l'on entend ici ou là,
02:51 ou tout à l'heure à votre antenne.
02:53 Donc il y a bien un recul.
02:54 Il peut y avoir aussi un recul chez nous.
02:56 Elle a dit, je crois, que ce n'était pas menacé.
02:59 Mais si, c'est menacé.
03:00 C'est menacé par de tels propos,
03:02 mais c'est aussi menacé par des choix politiques qui peuvent arriver dans des pays.
03:05 - En tout cas, ce qu'on peut préciser, c'est qu'à l'heure actuelle,
03:08 aucun parti politique ne propose de remettre en question l'avortement.
03:10 - Oui, bon, écoutez, d'accord, mais...
03:13 Franchement, nous, nous discutons avec des femmes européennes,
03:17 des féministes européennes,
03:19 et il y a des endroits en Europe où les femmes ne pensaient pas
03:22 que certaines choses soient remises en cause.
03:23 Et puis elles ont été remises en cause.
03:25 Nos droits sont fragiles en tant que femmes.
03:27 Nous le savons.
03:29 C'est pour ça que nous sommes accrochés,
03:31 posés sur un socle qui fait que nous le défendrons toujours.
03:35 Et là, bien sûr, pour nous, c'est un progrès, un immense progrès.
03:39 - 7h51 sur France Blog, à la réserve, vous êtes toujours avec,
03:41 et nous sommes toujours avec Martine Guérault,
03:43 présidente de l'association Femmes Solidaires.
03:45 - Martine Guérault, je reviens sur le terme qui est utilisé
03:49 pour inscrire l'IVG dans la Constitution,
03:51 c'est celui, on le disait tout à l'heure, de liberté garantie.
03:53 Il y en a qui disent, le risque, avec le fait de dire
03:57 que c'est une liberté garantie,
03:59 c'est d'avoir une liberté qui s'impose à tous,
04:01 notamment aux médecins qui ont le droit de refuser
04:03 aujourd'hui de pratiquer une IVG,
04:05 et aussi peut-être de permettre aux femmes d'avorter
04:08 au-delà du délai légal qui est aujourd'hui de 14 semaines.
04:11 Qu'est-ce que vous répondez à ça ?
04:12 - Non, ce sont des faux prétextes, ce n'est pas vrai.
04:16 D'abord, la clause de conscience pour les médecins,
04:18 elle est là, elle est respectée.
04:20 Moi, je pense qu'il y a plutôt des problématiques
04:22 avec, par exemple, le manque de centres.
04:24 Il y a en 15 ans, 130 centres qui ont fermé.
04:28 Il y a d'énormes disparités territoriales,
04:30 il manque des gynécologues, des médecins,
04:32 on n'est pas suivi de la même façon selon l'endroit où on habite.
04:35 Donc oui, ça c'est menaçant,
04:37 mais ce n'est pas ce qui a été évoqué,
04:39 non, ce sont des faux prétextes.
04:40 - Oui, et d'ailleurs le ministre de la Justice,
04:42 pour l'instant, a mis les choses au clair,
04:43 même si après, il peut toujours y avoir
04:45 ce risque, entre guillemets, de la jurisprudence des juges.
04:48 Qu'ils interprètent la Constitution
04:51 à l'aune peut-être de leurs convictions politiques et idéologiques.
04:54 - Moi, j'avais une question à balancer comme ça,
04:57 qu'est-ce qui fait peur dans la liberté des femmes ?
04:59 Qu'est-ce que c'est qui fait peur ?
05:01 C'est cette question qu'on doit se poser dans la société française aujourd'hui,
05:04 parce que chaque fois que nous parlons de droit et de liberté,
05:07 d'égalité notamment en droit,
05:09 il y a comme des replis,
05:11 qu'est-ce qui fait peur ?
05:13 Est-ce que les femmes font peur ?
05:15 Moi, je crois que ces progressions de la société,
05:17 ça concerne tout le monde,
05:19 et c'est important aussi pour les hommes.
05:21 - L'inscription de l'IVG Martin Guerroux dans la Constitution,
05:25 je le rappelle, c'est une proposition d'Emmanuel Macron,
05:27 qui l'a voulu, notamment,
05:29 pour tenter de diviser le Rassemblement National.
05:33 Vous ne trouvez pas que la manœuvre,
05:35 cette manœuvre-là, est un peu grotesque ?
05:37 Le but à atteindre, qui est d'inscrire l'IVG dans la Constitution,
05:39 je parle de la manière,
05:41 ou plutôt de l'opportunité de le faire.
05:43 - Ecoutez, nous, en tant que mouvement féministe,
05:47 c'est une belle opportunité pour nous
05:49 de défendre nos convictions sur ce sujet.
05:51 Donc nous n'allons pas rentrer dans ce débat.
05:55 Nous, il nous semble que c'est important,
05:57 c'était important,
05:59 c'est quelque chose que nous avons porté en tant que militantes,
06:01 depuis longtemps, que nous avons défendu.
06:03 Donc ça arrive maintenant, tant mieux.
06:05 Enfin, je veux dire,
06:07 pour les forces militantes féministes,
06:09 ce n'est pas ça, du tout, le sujet.
06:11 Je comprends que le monde politique
06:13 s'affronte sur cette question-là.
06:15 Mais nous, nous n'allons pas nous affronter
06:17 sur cette question, parce que nous sommes
06:19 tout à fait heureuses de voir arriver ça.
06:21 Ça arrive maintenant, ça aurait pu arriver
06:23 à un autre moment.
06:25 Voilà, ce n'est pas le sujet.
06:27 Et de toute façon, là aussi,
06:29 ça éclaircit quand même, pour l'opinion publique,
06:31 un certain nombre de choses.
06:33 On voit bien les positionnements
06:35 des partis politiques,
06:37 des partis progressistes et des autres.
06:39 Donc, c'est aussi un moment
06:41 important de démocratie dans notre pays.
06:43 - Il reste encore quand même beaucoup à faire,
06:45 en termes d'accès, vous avez commencé à l'esquisser
06:47 tout à l'heure. - Oui, bien sûr.
06:49 - En termes d'accès à l'IVG. - Bien sûr, bien sûr.
06:51 - Une dernière petite intervention.
06:53 Martine Guérault,
06:55 l'esprit originel de l'IVG, en tout cas,
06:57 tel que Simone Veil l'avait présenté à l'Assemblée nationale,
06:59 c'était, je la cite,
07:01 "de tout faire pour ne pas encourager les femmes
07:03 à y avoir recours".
07:05 Comment est-ce qu'on fait aujourd'hui ?
07:07 - Oui, bien sûr.
07:09 Comment on fait aujourd'hui ? - Il faut recontextualiser.
07:11 - Oui, bien sûr, les femmes, elles le sont.
07:13 Et d'ailleurs, Simone Veil, c'est un morceau du discours,
07:15 mais Simone Veil a bien dit que c'était
07:17 quand même un choix qu'elles faisaient
07:19 à un moment donné de leur vie.
07:21 Un choix qui avait des conséquences pour elles,
07:23 moralement, physiquement, etc.
07:25 Donc, ce n'est pas un choix en l'air,
07:27 comme ça, comme on prendrait un cachet.
07:29 Ce n'est pas ça du tout. Et c'est beaucoup plus profond
07:31 que ça. C'est une question de liberté,
07:33 de moments aussi dans la vie, de disposer
07:35 de son corps. Tout ça, c'est important.
07:37 Je voudrais juste rajouter quelque chose,
07:39 parce que maintenant, pour les militantes féministes,
07:41 il faut inscrire ce droit dans la Charte européenne
07:43 des droits fondamentaux.
07:45 Pour nous, et pour les militantes
07:47 féministes de toute l'Europe.
07:49 Donc, nous arrivons à un moment où il va y avoir un débat
07:51 sur les européennes, et nous sommes prêtes
07:53 à revenir discuter de ce sujet avec vous.
07:55 - Ce sera avec grand plaisir.
07:57 Martine Guéraud, je vous remercie beaucoup d'avoir été avec nous
07:59 ce matin. Je rappelle que vous êtes la présidente
08:01 de l'association Femmes Solidaires.
08:03 Merci à vous, Martine Guéraud. - Merci.