Bernard Senet sur la question de la fin de vie
Ancien médecin généraliste en Vaucluse, Bernard Senet réagit sur le futur projet de loi sur la fin de vie dévoilé par Emmanuel Macron le 11 mars 2024.
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00:00 Un texte en avril, c'est l'annonce d'Emmanuel Macron sur le sujet de la fin de vie.
00:04 Le président de la République qui ouvre donc la porte à une aide à mourir sous conditions strictes.
00:09 Qu'en pensent les associations ? On va voir ça Romain Bercher avec Bernard Senet, c'est l'invité du 6.9 France Bleu Vaucluse.
00:14 Bonjour Bernard Senet. Bonjour. Merci beaucoup d'être avec nous. Vous êtes médecin, ancien médecin généraliste en Vaucluse,
00:20 également membre de l'association "Choix Citoyens pour une mort choisie".
00:24 Près d'un an après la fin des travaux de cette convention citoyenne sur la question de la fin de vie,
00:29 Emmanuel Macron lève enfin le voile sur ses intentions.
00:32 Que dites-vous ce matin ? Est-ce que cela valait le coup d'attendre ?
00:36 Non, puisque la convention citoyenne s'était largement prononcée en faveur d'une légalisation.
00:42 Je crois qu'il fallait aller vite. Le problème c'est qu'on a perdu un an et on va encore perdre a priori un ou deux ans
00:48 d'après la présidente de l'Assemblée Nationale.
00:51 Ils n'ont pas l'air très pressés de voter la loi.
00:55 Pendant ce temps-là, il y a des gens qui malheureusement ont des maladies évolutives, des maladies graves et qui vont
00:59 soit se débrouiller clandestinement, soit être obligés d'aller en Suisse ou en Belgique.
01:04 Le parcours parlementaire devrait se terminer assez tard et on parle d'une mise en application de la loi en 2025.
01:11 On parle de 2025 mais bon on est habitué au retard parlementaire.
01:14 Que dites-vous tout de même de ce texte des propositions du président ? C'est un texte au rabais ?
01:18 Alors c'est un texte au rabais pour nous mais c'est tout de même mieux que rien. Il faut bien que ça avance un petit peu.
01:23 Ça pourrait être un texte un petit peu plus clair, c'est-à-dire que je crois qu'il faut appeler un chat un chat.
01:27 On va légaliser quelque part le suicide assisté et puis l'euthanasie
01:32 sous certaines conditions.
01:34 Je pense que ce serait bien que ce soit écrit clairement.
01:38 Êtes-vous pour ou contre la mise en place d'une aide à mourir ? Vos témoignages donc les bienvenus au 04 94 04 04
01:46 sujet que nous évoquons ce matin avec Bernard Senet, ancien médecin défenseur d'une aide active à mourir.
01:52 Et justement je vous le disais il y a quelques instants, on voulait entendre l'avis sur cette question de Claudie qui nous rejoint depuis Vaison-la-Romaine.
01:57 Bonjour Claudie. Bonjour Claudie. Bonjour. Et vous êtes contre ?
02:01 Je suis contre
02:03 une aide active à mourir, contre l'euthanasie et contre le suicide assisté.
02:07 Je pense qu'il faudrait développer davantage les soins palliatifs
02:11 qui y en est dans tous les départements français parce qu'il y a des départements où il n'y a pas encore de soins palliatifs.
02:17 Il faut également développer les soins palliatifs à domicile et que les soins palliatifs soient
02:22 pris bien plus tôt, c'est à dire qu'une personne lorsqu'elle sait qu'elle est atteinte d'une maladie incurable
02:28 devrait pouvoir en bénéficier bien à l'avance et pouvoir
02:32 retourner chez elle lorsqu'elle va mieux et aller en soins palliatifs lorsque c'est nécessaire, lorsqu'elle souffre beaucoup.
02:37 Mais actuellement il y a la loi CRES-Léonetti qui permet de soulager la douleur.
02:43 Donc il y a la sédation qui peut aller jusqu'à la sédation profonde et ce qui permet aux personnes de beaucoup moins souffrir qu'auparavant.
02:50 Merci Claudie de Vaison-Larmel. On va poser la question justement à notre invité Bernard Seney.
02:54 La partie soins palliatifs est évoquée d'ailleurs par le président qui promet un milliard d'euros.
02:59 J'ai moi-même travaillé en service de soins palliatifs pendant dix ans donc je sais la misère de ces services et l'insuffisance notamment du maintien à
03:06 domicile en état palliatif.
03:08 Je crois qu'il faut vraiment insister là-dessus.
03:10 Un plan de dix ans, moi ça me paraît beaucoup trop long. Je pense qu'il faudrait faire un plan sur trois ans.
03:14 Ça n'empêche que les gens qui sont vraiment en fin de vie doivent bénéficier.
03:21 Vous savez que ça ne représente que 3% des décès dans les pays où c'est légalisé.
03:25 Donc on ne va pas avec une loi ouvrir la boîte de Pandore. On ne va pas se mettre à tuer tout le monde.
03:31 Ce qu'il faut noter tout de même c'est deux choses. Les gens qui sont en soins palliatifs, il y a eu des études qui ont été faites
03:39 sérieuses, maintiennent leur demande d'être actives à mourir même en soins palliatifs.
03:43 Le fait d'être en soins palliatifs, c'est très important, ça améliore la douleur, le confort, la prise en charge globale.
03:49 Mais ça ne change pas leur initiale.
03:51 Et l'autre chose qui est importante c'est qu'il y a des gens qui ne sont pas en fin de vie mais qui sont dans un état
03:57 de grande dépendance. On va penser à Vincent Imbert ou des gens comme ça et qui eux veulent partir
04:03 sans être condamnés à court ou à moyen terme. Moyen terme ça ne veut rien dire.
04:08 Donc en fait je crois que c'est l'état de la personne et sa volonté propre bien entendu.
04:12 Ce qui est très important c'est que ce soit la personne qui décide, pas quelqu'un qui décide pour elle.
04:16 - Claudie justement sur l'idée de la volonté de la personne, on ne vous a pas entendu sur ce sujet, vous avez beaucoup évoqué les soins
04:21 palliatifs. Si la personne veut partir, qu'est-ce que vous répondez dans ce cas-là Claudie ?
04:26 - On a perdu Claudie. - On a perdu Claudie.
04:31 - Merci en tout cas de nous avoir appelé. - Et si vous voulez réagir, 049014 0404.
04:35 - Alors vous demandez justement Bernard Seney que ce soit écrit clairement
04:38 mais on a le sentiment que le président ne le dit pas clairement. Il n'emploie pas le mot euthanasie ni suicide assisté.
04:45 Il emploie le terme aide à mourir. Qu'est-ce que vous comprenez vous ?
04:49 - Aide à mourir, alors faudrait ajouter aide médicalisée à mourir déjà parce que...
04:54 Et puis je crois qu'il faut vraiment dire aide médicalisée à mourir à la demande de la personne.
05:00 C'est pour ça que le suicide assisté,
05:02 on a l'impression qu'on va dire "bon cette personne est dans un mauvais état" et on comprend sa demande,
05:07 on va lui donner une potion pour qu'elle puisse partir et elle va se débrouiller avec ça. Et je crois que
05:13 notre boulot de médecin c'est d'accompagner les gens.
05:16 Et moi je ne me vois pas lâcher la main de quelqu'un en lui disant "je vais te donner une potion pour partir
05:21 et puis tu débrouilles tout seul avec ta famille". Il y a même apparemment dans le texte de loi prévu
05:25 qu'un membre de la famille pourrait aider voire injecter. Ça paraît fou.
05:31 Je veux dire on est dans des situations tout de même très douloureuses de fin de vie. Pas forcément très douloureuse.
05:38 - Le médecin doit garder... la vie médicale doit préempter.
05:41 - La vie médicale doit être là. Alors après il faut qu'effectivement
05:44 les médecins soient des bons accompagnants.
05:47 Il faut qu'il y ait une clause de confiance comme pour l'IVG.
05:52 Et c'est vraiment important qu'on soit présent et qu'on puisse éviter aussi des demandes d'aide à mourir chez des gens dépressifs
05:58 ou dans des cas où la maladie pourrait se rétablir.
06:02 - Claudie de Vaison-Laromène nous parlait de cette fameuse loi Claes-Leonetti qui fait référence encore jusqu'à présent
06:09 sur la sédation profonde et continue. Une loi qui n'est d'ailleurs pas du tout appliquée.
06:16 C'est ce que disait le comité consultatif national éthique en 2022.
06:20 Vous n'avez pas peur que cette future loi promise par le président de la République
06:22 soit en fait une sorte de coquille vide et inapplicable ?
06:26 - Oui ça c'est le gros problème. C'est ce qui s'est passé avec la loi Claes-Leonetti.
06:30 Elle a été mal enseignée, mal diffusée.
06:33 - Est-ce qu'on risque pas de répéter les erreurs du passé au final ?
06:36 - Oui, le fait qu'on fasse cette loi va ouvrir la porte à des discussions.
06:43 Ce qu'on peut espérer c'est que ça se passera comme à Belgique.
06:46 C'est-à-dire qu'ils ont fait une loi, maintenant ils ont 22 ans de recul.
06:49 Au fur et à mesure de l'expérience, ils ont amélioré leur loi.
06:53 C'est-à-dire que la première loi était assez restrictive.
06:57 Et au fur et à mesure, le Parlement belge a ouvert la porte,
07:01 par exemple aux mineurs, ça fait sauter en l'air les gens, ça représente très peu de personnes.
07:04 Elle a ouvert la porte aux pathologies psychiatriques,
07:07 avec l'avis d'un troisième médecin expert.
07:10 Il faut bien encadrer les choses pour qu'il n'y ait pas de dérive.
07:16 - Claudie Aveson, la Romaine, était plutôt contre la mise en place d'une aide à mourir.
07:20 Alors à priori, Angélique serait plutôt pour.
07:23 On va l'accueillir et puis on va lui demander d'argumenter ce matin.
07:26 Bonjour Angélique.
07:26 - Oui, bonjour à tous.
07:28 Merci de me laisser un peu parler entre guillemets.
07:31 Alors oui, je suis pour et je suis d'accord avec ce que vient de dire Bernard Séné.
07:36 On devrait prendre exemple sur ceux qui ont plus de recul.
07:39 Et l'important c'est d'écouter le patient, le malade.
07:43 S'il a envie de partir parce qu'il souffre tous les jours,
07:47 parce qu'il sait que malheureusement il n'y a pas de possibilité de pouvoir vivre normalement,
07:54 il a le droit de partir.
07:57 C'est important.
07:58 J'ai vu des années, pendant des années, je travaillais en soins palliatifs,
08:02 j'ai vu des gens souffrir énormément.
08:04 J'ai vu des gens rentrer sur leurs deux jambes et en deux jours partir très très vite.
08:09 Eux, ils n'ont pas eu le choix.
08:10 On ne leur a pas demandé s'ils voulaient mourir ou pas.
08:14 C'est très compliqué.
08:15 J'avoue, ce n'est pas évident pour la famille, pour le patient,
08:19 pour même les gens qui y travaillent.
08:21 Mais on doit avoir le choix de vivre et de mourir comme on veut et surtout dans la dignité.
08:26 Excusez-moi, pas comme on veut, mais comme on peut, mais dans la dignité.
08:30 Et je trouve ça très important.
08:31 Et si les gens au-dessus de nous ne le comprennent pas,
08:35 le jour où ils le vivront, ils le comprendront peut-être, mais ce sera peut-être trop tard.
08:38 - Merci beaucoup Angélique pour ce témoignage à Avignon.
08:40 Vous nous dites qu'il faut écouter le patient avant tout.
08:43 Merci à vous Bernard Seney d'avoir été notre invité.
08:47 Vous allez suivre évidemment les travaux parlementaires à partir du 27 mai.
08:50 Attentivement.
08:51 - Attentivement, oui.
08:52 Et puis on va continuer à mettre un peu la pression.
08:53 Il faut que les choses avancent un peu vite même.
08:56 Il faut penser à tous les gens qui sont en situation difficile, en attente.
09:00 - Et le oui l'emporte, en tout cas sur nos réseaux sociaux,
09:02 puisqu'on a Corine qui écrit "pour, pour, pour".
09:04 Lydie qui écrit "pour à 100%".
09:06 Michel qui dit "oui, pour".
09:07 Annie également "oui, pour".
09:09 Enfin voilà, la discussion qui se poursuit ce matin sur nos réseaux sociaux.
09:11 Merci d'avoir été avec nous dans le plus de temps possible.