Apolline de Malherbe reçoit dans "Face-à-Face" Elsa Vidal, rédactrice en chef de la rédaction en langue russe de RFI sur BFMTV et RMC, ce vendredi 15 mars.
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00:00 [Générique]
00:04 BFM TV face à face.
00:06 Apolline de Malherbe.
00:08 Il est 8h32 et vous êtes bien sûr à AMC BFM TV.
00:12 Bonjour Elsa Vidal.
00:13 Bonjour Apolline.
00:14 Merci d'être avec moi ce matin pour nous expliquer ce que l'on doit retenir hier d'Emmanuel Macron vu de Russie.
00:20 Il ne s'adressait pas qu'à nous, qu'à nous français.
00:23 Il ne s'adressait pas qu'à l'opposition ou à ses troupes.
00:26 On imagine évidemment que Vladimir Poutine scrutait attentivement ce qu'il disait.
00:31 Et pour preuve, je voudrais qu'on commence par regarder ces images.
00:34 Je vais les décrire évidemment pour ceux qui nous écoutent sur RMC.
00:37 Ça se passe dans des bureaux de vote, des bureaux de vote à Moscou.
00:41 Et on voit sur les écrans, sur les écrans de télévision à l'intérieur des bureaux de vote,
00:47 diffusés donc en Russie, sur les télévisions russes,
00:52 ce qui est retranscrit, eh bien, retransmission de l'interview d'Emmanuel Macron au moment même où les Russes votent.
01:01 Ça veut dire quoi ça ? Les Russes nous écoutent.
01:04 D'une part, les Russes nous écoutent, mais quand nous parlons des Russes, il faut considérer plusieurs catégories d'entre eux.
01:10 Donc tout d'abord, Vladimir Poutine lui-même, avant le scrutin, a réagi à la prise de parole d'Emmanuel Macron du 26 février
01:19 pour la repositionner. L'intervention du 26 février, je rappelle simplement pour ceux qui nous écoutent,
01:23 c'est ce moment où Emmanuel Macron a eu cette phrase, il a dit "nous n'excluons pas l'envoi de troupes au sol".
01:28 Absolument. Et donc Vladimir Poutine, première chose, a été contraint de réagir à cette prise de position de la part de la France,
01:35 ce qui signifie clairement, sans l'ombre d'un doute, qu'elle a porté un coup à la position du président
01:42 puisqu'il a dû s'exprimer publiquement pour la minorer, pour la faire passer pour un mouvement d'humeur de la part d'un chef d'État étranger,
01:52 manière de la priver de sa capacité à faire du mal à la position russe.
01:57 Ça, ça témoigne très clairement qu'il a fallu combler la perte de capital diplomatique,
02:02 le changement de position de la France a entraîné pour le leader du Kremlin.
02:08 Maintenant, pour les Russes, il ne fait aucun doute que cette prise de position de la France peut être tout à fait recyclée en matière de propagande
02:16 pour justifier à la fois deux choses. D'une part que la Russie est revenue au centre du jeu international
02:23 puisque désormais même le président français doit tenir compte de la menace posée par la Russie.
02:29 Et ça, c'est peut-être paradoxal, mais les Russes y sont sensibles. On le voit dans les sondages d'opinion.
02:35 Ils sont plutôt satisfaits de ce climat de tension qui leur redonne un rôle prépondérable.
02:40 Vous allez nous expliquer tout ça parce qu'évidemment, on veut aussi comprendre ce que vivent les Russes dans ce moment.
02:46 Et je le disais encore une fois, évidemment, ces bureaux de vote que l'on voit, c'est parce que ce sont les élections présidentielles
02:52 qui ont donc commencé hier soir. Les premiers bureaux de vote ont ouvert cette nuit et qui se terminera dimanche
02:59 avec les résultats qui seront donc annoncés dimanche soir, qui font assez peu de doute. On y reviendra.
03:03 Précisément, quand Emmanuel Macron s'adresse à la télévision française, aux Français, hier soir à 20h,
03:10 il sait tout ce que vous venez de dire. Il sait que Vladimir Poutine l'écoute. Il sait que Vladimir Poutine va réagir.
03:16 Il sait que l'opinion publique russe même, peut-être qu'il ne l'imaginait pas à ce point que son intervention serait diffusée partout.
03:24 Mais il sait qu'il est écouté. Comment est-ce que Vladimir Poutine, on va essayer de se mettre dans sa tête,
03:29 a pu réagir hier soir aux propos d'Emmanuel Macron ?
03:32 D'une part, en pensant qu'il a une opportunité pour le futur de dire à ses concitoyens, chers concitoyens russes,
03:41 l'Occident et la France nous attaquent, ils nous prennent pour des ennemis, première chose. On ne peut pas sortir de cette position.
03:48 C'est la position dans laquelle le Kremlin s'est mis seul. Et c'est une position dont nous serons toujours victimes,
03:54 quel que soit le ton que nous emploierons. C'est-à-dire que Vladimir Poutine utilisait déjà cette rhétorique
03:59 quand nous, nous étions prêts au dialogue. Et donc, on ne peut pas, seul, faire en sorte que Vladimir Poutine cesse de dire
04:07 que l'Occident veut l'attaquer.
04:09 Ça veut dire que quoi qu'on dise, quand Emmanuel Macron prend le temps hier de distinguer adversaire et ennemi,
04:14 et de préciser, non, la Russie n'est pas notre ennemi, la Russie aujourd'hui, d'ailleurs il ne dit pas Vladimir Poutine,
04:21 il dit la Russie est notre adversaire. Comment vous comprenez cette distinction ?
04:26 Moi je la trouve très fine au sens où il ne faut pas donner plus d'arguments du côté de Vladimir Poutine
04:32 dans les propos du chef de l'État français pour justifier un sentiment de forteresse attaquée de la part du Kremlin.
04:39 Donc c'était très important. Un adversaire, on lutte contre lui, on a un différent. Un ennemi, on lui fait la guerre
04:45 et nous on doit le détruire. Donc c'est toute la différence et c'était très finement joué de la part de notre dirigeant.
04:51 Néanmoins, on ne peut pas sortir de ce cadre-là. On ne peut pas faire la paix avec Vladimir Poutine seul
04:58 et on ne peut pas rétablir le dialogue seul. Il faut être ferme, il faut être ferme publiquement,
05:02 ce qui n'empêche pas, je dirais même, ce qui permet la négociation diplomatique, loin des caméras.
05:07 Ce que je trouve très intéressant quand on vous écoute, et c'est vraiment la raison pour laquelle je voulais vous entendre ce matin,
05:12 Davidal, c'est que, évidemment, nous on entend tout ça avec un regard y compris politique.
05:17 Et d'ailleurs, les oppositions se sont engouffrées dans la brèche en en faisant immédiatement un bras de fer.
05:23 Il y a eu cette phrase, vous le disiez, le 26 février dernier, sur les troupes au sol, qui a inquiété les Français.
05:30 On va revenir aussi sur la question nucléaire. Mais au fond, quand on dézoome, j'ai envie de dire,
05:34 et quand on regarde ce qu'il se passe sur la scène internationale, le dialogue à distance entre Vladimir Poutine et Emmanuel Macron,
05:41 on comprend que nous ne sommes qu'une partie de cette question-là.
05:46 Elsa Vidal, sur la question du dialogue, il a été interrogé hier, Emmanuel Macron, sur le fait qu'il continue à parler, ou non, avec Vladimir Poutine.
05:53 Il a dit "non, aujourd'hui, je ne lui parle plus, je voudrais qu'on écoute ses mots".
05:57 Je lui ai parlé à chaque fois que c'était nécessaire. Je lui ai parlé, évidemment, des centaines d'heures avant février 2022,
06:06 longuement entre février et avril 2022, pour essayer d'arrêter cette guerre et de négocier la paix.
06:12 Mais à partir du moment où lui-même n'a plus respecté aucun cadre, la discussion n'avait plus de sens.
06:18 Les discussions, je suis tout à fait prêt à les mener, à tout moment.
06:22 Mais encore faut-il qu'on ait face à nous quelqu'un qui dit la vérité et dont l'intention est de faire la paix.
06:27 Et ça n'est pas le cas aujourd'hui.
06:28 Peut-on encore parler aujourd'hui avec Vladimir Poutine ? Et d'ailleurs, le souhaite-t-il ?
06:32 Je ne pense pas que Vladimir Poutine le souhaite à l'heure actuelle, puisque son régime s'est établi dans une posture
06:38 où c'est désormais la guerre qui le soutient, c'est la guerre qui lui a rapporté l'unité de sa population autour de la figure présidentielle
06:46 et c'est la guerre qui dope l'économie russe.
06:49 À l'heure actuelle, on voit mal pourquoi il négocierait. De lui-même, il se mettrait dans une position de faiblesse.
06:56 Ce n'est pas un homme à faire ça.
06:57 En revanche, de notre côté, nous avons fait une bascule totale. Nous sommes vraiment rentrés dans une autre phase historique des relations franco-russes.
07:06 Mais surtout, nous mettons Vladimir Poutine dans une position où il doit prendre la responsabilité des chapitres à venir.
07:14 Nous ne réagissons plus. Nous avons repris l'initiative.
07:18 Nous lui disons bien que nous parlerions volontiers avec lui si cela avait un sens.
07:22 Pour cela, il va falloir qu'il nous donne des raisons de rétablir un dialogue et peut-être des garanties sur la nature de ce dialogue
07:29 puisque pendant des mois, Vladimir Poutine a menti les yeux dans les yeux à de nombreux dirigeants européens.
07:34 Y compris à travers une très longue table. On se souvient évidemment de ces fameuses images d'Emmanuel Macron et de Vladimir Poutine.
07:40 L'une des dernières fois où ils se sont vus à travers cette très longue table, cette position qui est assez humiliante.
07:46 Elsa Vidal, quand vous dites "nous", vous voulez dire quoi ? Vous voulez dire "nous France" ou "nous Européens" ou "nous Franco-Allemands" ? On ne sait plus.
07:55 Non, c'est vrai qu'on ne sait plus. Quand je dis "nous", je pense "nous les Européens" avec désormais en tête de peloton,
08:02 après avoir été plutôt en queue de peloton, désormais en tête de peloton et à l'avant-garde, la France, et je l'espère,
08:08 après le sommet de Weimar aujourd'hui, rejointe, même progressivement, même dans quelques jours, par l'Allemagne.
08:14 Emmanuel Macron, quand vous dites ce sommet, c'est donc aujourd'hui Emmanuel Macron qui se rend en Allemagne, qui va aller voir Olaf Scholz,
08:21 qui donnait le sentiment de s'être désolidarisé, de ne pas avoir compris la fameuse phrase d'Emmanuel Macron sur l'envoi des troupes.
08:27 Alors après, je pense qu'Olaf Scholz ne peut faire que ce qu'un chancelier allemand peut faire. Il est à la tête d'une coalition.
08:32 C'est-à-dire ? Redonnez-nous justement ce contexte allemand.
08:35 Olaf Scholz ne peut parler qu'au nom de la coalition, la coalition jusque-là qu'il représente est contre l'envoi de troupes.
08:42 Je pense très honnêtement que si Olaf Scholz était venu devant cette coalition en disant "Je suis d'accord avec le président Macron",
08:50 il aurait été fort mal reçu, et que si cette initiative un jour doit se concrétiser, il doit d'abord accepter de la soumettre à la coalition,
09:00 et uniquement après validation, il pourra lui donner. Il s'aurait été enterré définitivement cette idée que de l'endosser tout de suite de l'abandonnement de Scholz.
09:07 Autant les Allemands aident, les Allemands aident beaucoup en volume, ils aident davantage que la France.
09:12 En valeur, et politiquement les Allemands ont été dès le début du conflit capables de revenir sur une posture non militariste et de non-intervention
09:21 de manière beaucoup plus radicale que nous. Nous avons mis paradoxalement plus de temps que les Allemands pour faire ce que moi j'avais appelé dans mon livre "la longue marche vers l'Ukraine".
09:30 Mais maintenant, nous y sommes, et nous ne sommes pas seuls, quand bien même ce qu'on peut appeler parfois le "deep west", ce que les pays baltes ou scandinaves appellent le "deep west",
09:39 c'est-à-dire la France, l'Italie, l'Espagne, l'Allemagne, avons du mal à comprendre les inquiétudes des pays frontaliers de la Russie.
09:48 Néanmoins, nous sommes entourés de ces pays baltes et scandinaves, les Polonais sont intéressés, les Tchèques sont intéressés, nous ne sommes pas seuls, c'est une question de temps.
09:56 Le pivot est lancé, c'est un lourd paquebot et je pense que nous allons dans la bonne direction.
10:00 Alors c'est eux qui se sentent en effet les plus vulnérables, de manière immédiate, géographique je dirais.
10:06 Mais Elsa Vidal, il y a un mot qui m'a vraiment étonnée hier, en tout cas qui a attisé ma curiosité, c'est sur le président slovac.
10:15 Emmanuel Macron a laissé entendre qu'au fond cette fameuse phrase sur l'envoi des troupes était arrivée parce qu'il y avait presque un piège qui aurait été tendu par le président slovac.
10:26 Il dit voilà "le président slovac avait suggéré que notre plan secret serait d'envoyer des troupes, j'ai donc été interrogé sur cette option, oui ou non sur la table d'un envoi de troupes".
10:38 Et il précise, Emmanuel Macron, que le président slovac, il l'a dit un peu au tour d'une phrase, est un proche de Poutine.
10:44 La Slovaquie, je le rappelle, est membre de l'Union Européenne.
10:48 Quelle est la position de la Slovaquie ? Est-ce qu'elle est avec nous ? Est-ce qu'elle est du côté de Poutine ? Quel est le rôle qu'elle joue aujourd'hui ?
10:54 Elle est ambivalente avec la Hongrie de Viktor Orban et avec certains pays des Balkans.
11:00 Elle est beaucoup plus floue, voire même elle penche vers Moscou.
11:04 C'est un des chevaux de Troie.
11:08 C'est ça, j'allais presque dire que c'est une taupe.
11:10 C'est un cheval de Troie, mais c'est à nous, en Europe, comme nous le faisons avec Viktor Orban, d'amener les arguments.
11:15 Parfois, il s'agit d'arguments pécuniaires pour construire l'unité et l'unanimité s'il le faut.
11:21 Je pense qu'avec Viktor Orban, qui n'a pas d'idéologie mais qui est dépendant de la Russie, nous avons fait très souvent la démonstration que nous y arrivions.
11:29 Il va falloir faire de même avec le président Fitzhaw.
11:33 Et si nous n'y arrivons pas, alors peut-être construire d'autres instruments.
11:36 Mais jusque-là, nous y avons toujours réussi.
11:39 Il n'y a pas de raison que nous ne réussissions pas cette fois-là.
11:42 Je voudrais qu'on revienne sur la menace nucléaire.
11:44 Vladimir Poutine, qui mercredi a dit "les armes existent pour pouvoir être utilisées".
11:49 D'un point de vue militaro-technique, il a ajouté "nous sommes bien sûr prêts".
11:54 Qu'est-ce qu'il faut entendre ?
11:56 Je pense qu'on est revenu dans le cadre classique de la dissuasion.
11:59 Et pour moi, ce long passage sur l'arme nucléaire russe est un passage qui réinitialise la discussion.
12:08 Nous sommes dans un cadre de dissuasion nucléaire très clair.
12:11 Nous l'avons, nous pouvons nous en servir, mais la doctrine c'est que personne ne s'en sert.
12:16 Sauf le nucléaire tactique qui n'a pas vraiment été évoqué dans cette séquence.
12:19 Sauf que d'habitude on dit "on l'a mais on ne s'en sert pas".
12:22 Là il dit "elles existent pour être utilisées".
12:24 Oui, puisqu'il lui-même doit bien dire pour que cette dissuasion fonctionne
12:28 "je suis là, mon arsenal est moderne, je suis en capacité de m'en servir si la nécessité venait".
12:35 Mais il précise bien que la doctrine n'a pas changé
12:37 et que l'usage n'est prévu qu'en cas de menace existentielle pour la Russie.
12:41 C'est-à-dire exactement comme nous.
12:43 Jusque là, nous sommes dans le cadre dissuasif classique.
12:46 Pour moi, c'est plutôt rassurant.
12:48 Elsa Vidal, est-ce que vous vous dites parfois que si l'Ukraine avait conservé ses ogives nucléaires, qu'elle avait,
12:54 cette guerre n'aurait pas eu lieu ?
12:56 Cette guerre n'aurait pas eu lieu.
12:58 C'est terrible, c'est-à-dire qu'a posteriori c'est terrible.
13:01 Oui, c'est la faillite de ce dialogue auquel nous avons cru.
13:04 Je vais préciser les choses. L'Ukraine possédait donc la bombe atomique.
13:08 Le plus gros arsenal de l'ex-Urs.
13:10 Elle y a renoncé à la fin des années 90 ?
13:13 A la demande de la Russie et nous avons consenti dans le cadre d'un...
13:16 Et nous avons tous encouragé l'Ukraine à ce moment-là à se défaire de ces bombes atomiques.
13:22 Oui, nous craignons une forme de dissémination nucléaire et nous avons épaulé la Russie sortie de l'Urs.
13:27 Dans ce sens, c'est encourager les Ukrainiens.
13:29 En contrepartie de quoi, la Russie s'est engagée à respecter et à faire respecter l'intégrité territoriale de l'Ukraine.
13:37 Ce à quoi elle n'a jamais consenti depuis.
13:40 Je crois qu'on parle aussi de l'opinion publique russe en ce jour d'élection.
13:44 Puisque, on l'a vu dans ces images, effectivement assez surréaliste, de bureaux de vote en Russie
13:51 dans lesquels sont diffusées sur les télévisions l'allocution d'Emmanuel Macron hier.
13:56 Élection donc, élection présidentielle sans suspense.
14:00 Sans suspense, c'est à la fois un pseudo-suffrage avec quand même des éléments inconnus à l'intérieur
14:07 et peut-être que c'est difficile à cerner quand on est un citoyen né et élevé en démocratie.
14:10 Précisément, expliquez-nous Elisabeth Dalle.
14:12 Effectivement, il ne fait aucun doute que Vladimir Poutine va sortir vainqueur de ce scrutin.
14:16 Les candidats autorisés à concourir ont été soigneusement choisis.
14:20 D'ailleurs, ils ne contestent pas la ligne du président actuel.
14:24 Et ceux qui auraient été véritablement des adversaires ont été soit écartés, soit même éliminés.
14:29 Soit écartés, soit éliminés, soit en prison.
14:31 Donc ça, c'est le cadre classique, mais inconnu.
14:34 Le taux de participation, qui on le soupçonne ne sera pas au-delà de 70%.
14:40 Et puis, le numéro 2, on va avoir quand même des indications quant aux candidats qui vont récupérer le plus de bulletins.
14:46 Il y a trois opposants, officiellement.
14:48 Trois candidats. Difficile de les appeler des opposants.
14:50 Et surtout, que va faire la société civile qui a quand même appelé,
14:55 enfin, feu Alexei Navalny, a appelé ceux qui ne sont pas satisfaits par l'ordre des choses
15:00 à se rendre dans leur bureau de vote à midi, ce qui n'est pas interdit,
15:04 puisqu'au contraire, le président les a, par patriotisme, engagé les Russes à venir voter.
15:09 Donc, tous ceux qui veulent manifester à midi russe, dimanche 17,
15:14 à venir au bureau de vote, en masse, et sur place,
15:18 une fois qu'ils y seront, à voter pour n'importe qui d'autre que Vladimir Poutine,
15:22 ou de faire en sorte que leur bulletin soit considéré comme nul.
15:25 Là où maintenant on sent une pression accrue sur la société,
15:28 c'est que les autorités ont fait savoir que cette action, précisément, serait considérée comme non autorisée,
15:33 ouvrant donc le droit à l'arrestation et jugement, etc., de toutes les personnes qui,
15:38 malgré tout, jugeraient bon de s'y rendre.
15:41 Comment vont-ils faire le tri entre les votants habituels et les autres ?
15:44 - D'abord, est-ce que vous faites confiance à ceux qui vont ouvrir ces bulletins de vote ?
15:47 Est-ce qu'au-delà de ce qui a été préparé avant, l'élection en elle-même est régulière ?
15:53 - Non, l'élection n'est jamais régulière depuis plus d'une quinzaine d'années,
15:57 et je dois dire que, dans le passé, nous avons été surpris par la capacité et la vitesse
16:03 avec laquelle, par exemple, Nicolas Sarkozy s'était empressé de féliciter Vladimir Poutine pour sa réélection,
16:09 quand d'autres leaders, comme Angela Merkel, avaient au contraire souligné les nombreuses violations
16:14 de tout le processus électoral auquel on avait assisté.
16:17 Les urnes sont bourrées, on voit très régulièrement des systèmes de bourrage,
16:21 on emmène les fonctionnaires voter de manière forcée,
16:24 on les fait voter parfois plusieurs fois, ce qu'on appelle des carousels,
16:28 et puis surtout, maintenant, il y a un grand système de vote à distance, de vote électronique,
16:31 et de plus en plus, c'est à ce niveau-là que les falsifications interviennent.
16:34 - Elsa Vidal, vous nous avez dit, au tout début de cet entretien,
16:37 que ça galvanisait ou que ça rendait fiers les Russes de sentir qu'ils étaient à nouveau au centre du jeu international.
16:46 Est-ce que ça veut dire qu'il faut, au-delà de la question des élections,
16:49 comprendre qu'une grande partie de l'opinion publique russe, de la population russe,
16:55 est quand même derrière son président ? - Absolument.
16:57 - Sincèrement, je veux dire.
16:58 Alors, sincèrement, c'est une vaste question, mais oui,
17:01 une grande partie de la population russe est sans doute reconnaissante
17:05 du statut central retrouvé dans le discours international,
17:09 et sur la scène internationale, pour la Russie.
17:12 Sur la sincérité, il n'y a pas de sincérité pour une grande partie de l'opinion.
17:16 On peut dire très vastement qu'à peu près 20% de la population est pour la guerre,
17:21 très fortement, peut-être même d'une manière plus violente que le régime actuel.
17:25 20%, 18 à 20% est définitivement contre.
17:28 Au milieu, ce qu'on peut appeler le ventre mou, qui est plutôt d'accord,
17:32 plutôt conformiste, en réalité, qui cherche avant tout à préserver sa vie
17:36 et la vie de ses proches.
17:37 Mais cette population-là, effectivement, elle est sensible au regain de statut retrouvé.
17:41 Néanmoins, elle est sensible aussi aux attermoiements.
17:44 Et si les autorités venaient à choisir une sortie de crise
17:47 et à créer un nouveau narratif pour la sortie de crise, la sortie de guerre,
17:52 il y a fort à croire que cette population-là les suivrait et s'établirait dans ce nouveau conformisme.
17:57 Donc c'est une population qu'on peut faire évoluer.
17:59 Elzavida, je voudrais revenir sur les propos de Dimitri Medvedev cette semaine.
18:03 Assez immonde, il faut le dire.
18:05 Qui, donc l'ancien président, ancien premier ministre,
18:09 qui a eu donc ses propos, je n'y reviens pas, sur le fait qu'il fallait mettre plusieurs slips
18:14 pour le président Macron, qu'il s'était, je cite, "chié dessus".
18:18 "Pauvre France", ajoute Dimitri Medvedev.
18:22 Ça sort d'où ? Est-ce que ça vous surprend ?
18:25 Nous, ça nous paraît sidérant, un vocabulaire pareil, une adresse pareil, des injures pareilles,
18:30 de la part d'un ancien président russe à l'endroit du président français.
18:33 À quoi il joue, Dimitri Medvedev ?
18:35 À deux choses. D'abord, il s'occupe de sa carrière,
18:37 parce que même si nous sommes choqués par ce type d'itupération,
18:41 ça marche en Russie et il vient de retrouver sa place
18:44 dans le top 10 des personnalités politiques les plus influentes,
18:48 selon la population.
18:50 C'est très intéressant, c'est-à-dire que ce genre d'argument, pour le coup, plaise.
18:53 Parce que la vulgarité et la brutalité dans la parole,
18:56 de la part d'un homme de pouvoir à l'endroit d'un autre homme de pouvoir,
18:59 ça signifie qu'on est le chef, en fait.
19:01 À partir du moment où on est capable de déployer cette violence
19:06 dans la parole et dans le langage, ça signifie qu'on prend l'ascendant
19:10 et qu'on rentre dans une confrontation un peu de mal alpha,
19:15 et c'est précisément ce qui manquait à l'image de Medvedev,
19:18 sur la scène intérieure de la Russie.
19:21 Donc là, il s'adresse plus aux Russes en réalité qu'aux Français,
19:25 ou à Emmanuel Macron.
19:27 Quel est son rôle aujourd'hui ?
19:29 Est-ce que lorsqu'il écrit ce genre de message,
19:31 on peut s'imaginer qu'il le fait avec la complicité de Vladimir Poutine ?
19:36 Avec la complicité, il n'en a pas besoin.
19:39 Et c'est là qu'est la beauté du système.
19:41 Tous les acteurs, les entrepreneurs politiques en Russie,
19:45 qui veulent conserver leur place dans le système ou la croître,
19:48 parce qu'aujourd'hui la guerre permet des progressions de carrière,
19:51 sont obligés de ne plus simplement consentir,
19:54 mais de donner des signes actifs, visibles, audibles,
19:57 et c'est ce que fait Dmitri Medvedev, qu'il suit son leader.
20:01 Et c'est pour ça qu'on voit cette espèce d'hubris,
20:04 d'ivresse et d'escalade langagère.
20:06 Ça ne veut pas dire que les mêmes ne seraient pas capables
20:09 de faire machine arrière si le président le désirait.
20:12 Et d'ailleurs Emmanuel Macron a dit qu'il ne fermait pas la porte
20:15 un jour au fait de reparler.
20:18 Merci Elsa Vidal d'être venue pour toutes ces explications, cet éclairage.
20:21 Je rappelle que vous êtes rédactrice en chef de la rédaction en langue russe
20:24 de RFI, Radio France Internationale.
20:26 Il est 8h52 sur RMC BFM TV.