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00:00 On trouve Renaud Girard, éditorialiste international au Figaro.
00:03 Vos chroniques paraissent tous les mardis bonjour.
00:05 Aucun réel opposant au régime n'a été autorisé à se présenter.
00:08 L'appel à se rassembler à midi dans les bureaux de vote a-t-il été suivi massivement ?
00:14 Alors, on ne peut pas parler de soutien massif,
00:19 mais il est tout à fait compréhensible que Vladimir Poutine ait écarté tous les opposants dangereux.
00:29 C'est quoi les opposants dangereux ?
00:31 Eh bien, c'est les opposants qui voulaient faire de cette élection une sorte de référendum sur la guerre.
00:39 D'ailleurs, c'était évidemment l'idée d'Alexei Navalny, mais lui, il connaît la prison depuis longtemps.
00:48 Mais même d'un candidat qui était prêt, qui était un ancien député et qui voulait faire campagne sur le non à la guerre,
01:00 eh bien, sur des prétextes, la commission électorale a invalidé sa candidature
01:08 sous prétexte qu'il manquait des signatures ou je ne sais pas quel prétexte ils ont trouvé.
01:12 Et donc, l'élection ne sera pas ce que veut évidemment l'opposition,
01:17 ne sera pas un référendum sur la guerre parce que c'est évidemment la principale question politique aujourd'hui en Russie.
01:26 Vladimir Poutine a décidé seul de cette invasion et il n'est pas du tout certain qu'elle ait été au départ populaire
01:37 puisque les Russes considèrent que les Ukrainiens sont leurs frères.
01:41 Et d'ailleurs, la reconnaissance en 1991 de l'indépendance de l'Ukraine avait été faite sans aucun problème,
01:48 avec des référendums un peu partout, c'était d'ailleurs voulu par le président élu au suffrage universel de la Russie, qui était Boris Yeltsin.
01:57 Et donc, évidemment, entre-temps, il y a eu beaucoup de propagande sur le prétendu fascisme en Ukraine et en Occident,
02:05 mais la réalité, c'est qu'il y a très peu d'enthousiasme en Russie à faire la guerre à leurs frères orthodoxes, slaves, ukrainiens.
02:18 Néanmoins, il semble que cette action, même si on ne connaît pas son importance, elle a quand même eu un écho.
02:23 Elle reste très symbolique. Qu'en pensez-vous ?
02:25 Est-ce qu'elle ne montre pas au moins qu'une opposition à Vladimir Poutine existe ?
02:30 Il y a bien sûr une opposition à Vladimir Poutine, on l'a vu, avec quand même… ce sont des gens extrêmement courageux.
02:36 Il n'y a pas seulement le courage de Navalny, mais vous avez le courage de ceux qui s'expriment à visage ouvert aux télévisions.
02:44 Il y a tous ceux qui sont venus à l'enterrement, avec des fleurs, à l'enterrement d'Alexei Navalny, et dont plusieurs ont été arrêtés.
02:56 Vous savez, les Russes, la qualité qu'ils respectent le plus, c'est le courage, le cran.
03:05 Et c'est pour ça que Navalny va rester, contrairement à ce que pense Poutine, une figure iconique en Russie,
03:12 parce qu'il a montré du courage, du courage physique et du courage intellectuel.
03:16 Et ça, les Russes apprécient beaucoup.
03:18 Et c'est une qualité qu'ont certains Russes et qu'ils démontrent aujourd'hui.
03:23 C'est-à-dire qu'ils prennent des risques pour se dire d'opposition.
03:28 Ça veut dire quoi, se dire d'opposition aujourd'hui ?
03:31 Ça veut dire être opposés à la guerre d'agression contre l'Ukraine.
03:35 On va revenir sur la guerre en Ukraine, mais le fait que les Russes n'aient pas d'autres moyens d'expression,
03:38 est-ce que ça ne confirme pas pour vous que ce régime est une dictature
03:42 et que cette élection est une formalité pour adouber Vladimir Poutine ?
03:46 Alors oui, ça a toujours d'ailleurs été une démocratie.
03:50 Vous n'avez jamais eu de démocratie réelle en Russie.
03:57 Vous avez eu une période avec la démocratie de 1991 à 2000, mais c'était également le chaos.
04:05 Donc ce n'était pas l'avantage de la démocratie,
04:07 parce qu'il y a pire que la dictature politique, il y a le chaos.
04:13 Il y a pire que l'anarchie et le chaos, il y a la guerre civile.
04:16 Donc au départ, les Russes étaient très contents d'avoir la main ferme du nouveau président Poutine
04:23 pour remettre de l'ordre dans la Russie, ce qu'il a réussi à faire et ce qui a fait à l'époque,
04:29 je parle du début des années 2000, croître considérablement sa popularité,
04:34 dont il s'est servi plus tard pour l'expansion de l'Empire russe ou de la Russie,
04:44 qui est moins partagée, sauf pour la Crimée, par les Russes.
04:50 Mais ce n'est pas, évidemment, c'est une autocratie, mais c'est une autocratie,
04:54 je dirais c'est une démocrature, donc c'était une sorte d'autocratie
04:58 validée quand même par le suffrage universel.
05:01 On écartait à temps les candidats dangereux comme Navalny,
05:05 mais maintenant c'est pire, c'est-à-dire qu'on passe du régime autoritaire au régime totalitaire,
05:14 c'est-à-dire que les conversations peuvent être écoutées,
05:17 vous pouvez être simplement dénoncé parce que vous avez pris telle ou telle position publique,
05:22 même dans votre entourage, même dans votre voisinage, même sur votre lieu de travail,
05:27 et dès que vous écrivez contre la guerre, vous pouvez être jeté en prison,
05:32 ce qui est arrivé de très nombreuses fois récemment.
05:36 Donc c'est une démocrature qui n'en est plus une,
05:42 il n'y a plus rien de démocratique et c'est hélas un régime autoritaire,
05:46 il y a toujours eu des régimes autoritaires avec les Tsars en Russie,
05:49 ça n'a pas changé, il n'y a jamais eu de démocratie en Russie,
05:53 mais là on revient malheureusement, il y a une tendance à revenir à un système totalitaire,
05:59 c'est-à-dire à revenir à Staline, et d'ailleurs il y a une organisation en Russie
06:05 qui a fait un travail formidable d'historien sur les crimes du stalinisme
06:14 et qui vient d'être interdite et dont les organisateurs sont aujourd'hui pourchassés.
06:23 Donc dans cet effort qui ressemble de plus en plus à une guerre totale de la Russie contre l'Ukraine,
06:32 que Vladimir Poutine présente comme une guerre contre l'Occident,
06:37 alors que les Occidentaux n'ont jamais rien eu contre la Russie,
06:43 au contraire je pense qu'aujourd'hui même les Américains ne souhaitent pas que la Russie éclate,
06:47 mais ne veulent pas évidemment que la Russie agresse ses voisins.
06:51 Aujourd'hui, dans cette guerre totale, on a effectivement un régime de plus en plus autoritaire.
06:57 Et est-ce que fort de ce résultat qui va être présenté comme une victoire écrasante par Vladimir Poutine,
07:01 à quoi faut-il s'attendre sur le plan intérieur et sur le plan extérieur
07:05 et sur le plan de la guerre et de l'agression contre les civils ukrainiens ?
07:10 Alors cette victoire totale aurait pu être considérée si ça avait été fait comme l'annexion de la Crimée.
07:20 Si vous voulez, l'annexion de la Crimée a été faite sans violence, avec un référendum en Crimée.
07:25 Et le fait qu'il n'y ait pas eu de violence a donné beaucoup de popularité à Poutine,
07:31 parce que c'est vrai que la majorité des Russes considère que la Crimée, Sébastopol,
07:37 a toujours été un pont russe, qu'ils se sont beaucoup battus pour Sébastopol,
07:40 contre les Français et les Anglais d'abord, et ensuite contre les Allemands.
07:45 Et donc c'est quelque chose qui marchait.
07:50 Mais en revanche, la guerre totale contre l'Ukraine n'est pas populaire.
07:57 Et c'eût été une victoire politique de Poutine s'il avait laissé quand même un opposant,
08:03 je ne dis pas Navalny qui est en prison, mais même un autre,
08:05 un opposant se présenter avec comme programme l'arrêt de la guerre.
08:10 On aurait vu le pourcentage, mais il n'a pas voulu prendre ce risque.
08:15 Et donc on ne peut pas parler aujourd'hui de grande victoire politique de Poutine,
08:23 de victoire intérieure politique de Poutine, alors qu'en 2014,
08:29 son annexion de la Crimée avait été à l'évidence,
08:33 et ça avait été observé par tous les journalistes sur place, avait été très populaire en Russie.
08:40 Merci beaucoup Renaud Gérard pour votre analyse sur France 24.
08:43 Merci d'avoir été avec nous.

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