Bruno Le Maire attaque l'État providence, "qui accumule les dépenses et ne revient jamais dessus"

  • il y a 6 mois
À 8h20, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, est l'invité du Grand Entretien. Il sort un nouveau livre, "La Voie française", le huitième écrit depuis son entrée au gouvernement. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-lundi-18-mars-2024-1078761

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00:00 Et avec Léa Salamé, nous recevons ce matin le ministre de l'Economie et des Finances.
00:04 Il publie « La Voix Française, Voie V-O-I-E » chez Flammarion en librairie, mercredi.
00:10 Questions, réactions au 01 45 24 7000 et sur l'application de France Inter.
00:17 Bruno Le Maire, bonjour.
00:18 Bonjour Nicolas Demorand.
00:19 Bonjour.
00:20 Bonjour Léa Salamé.
00:21 Et bienvenue à ce micro.
00:22 Surprise du chef, ce livre qui n'était pas annoncé dans les programmes des maisons d'édition
00:26 nous est parvenu au bureau du 710 à Inter la semaine dernière.
00:30 Alors qu'est-ce que ce livre ? On se l'est demandé avec Léa, tant il diffère de vos
00:35 précédents ouvrages, plus romanesques, plus intimes.
00:38 Là, ça n'a rien à voir.
00:39 C'est un livre politique, c'est un livre programme qui décline point par point de
00:45 grand levier de réforme pour la France de ces toutes prochaines années.
00:49 Bruno Le Maire, pourquoi ce livre a deux mois et demi des européennes ? Pourquoi faire
00:54 entendre votre voix VOIX aujourd'hui et de cette manière là ?
00:59 Tout simplement parce que le monde a changé, que la France a changé, que nous sommes dans
01:03 un contexte totalement différent, géopolitique, la guerre en Ukraine, financier, l'argent
01:09 est devenu cher et économique et technologique avec le surgissement de l'intelligence artificielle.
01:16 Donc j'ai éprouvé le besoin d'abord de faire le bilan de ce que nous avons fait avec le
01:20 président de la République depuis maintenant près de sept ans.
01:22 Et puis le besoin surtout de rester en mouvement, de rester à l'offensive, de dire voilà
01:28 où nous pouvons aller et voilà les cartes que la France peut jouer dans ce monde qui
01:32 a radicalement changé en l'espace de quelques mois.
01:35 Où peut-on aller ? C'est ce que vous demandez ce matin.
01:38 On peut voir où on peut aller.
01:39 Mais c'est vrai qu'en lisant votre livre, Bruno Le Maire, on se dit lui, il va en 2027.
01:44 C'est, je défie quiconque, même un enfant de 10 ans, de ne pas voir en lisant votre
01:49 livre.
01:50 Et tout le monde vous le posera et tout le monde vous posera cette question.
01:53 Est-ce que ce livre-là est un livre-programme qui ressemble à d'autres livres-programmes
01:57 qu'on a pu lire avant des présidentielles ? Révolution d'Emmanuel Macron, L'Avenir
02:01 en commun de Jean-Luc Mélenchon.
02:03 C'est-à-dire un livre très précis où on donne les pistes de ce qu'il faut faire,
02:08 de ce que je ferais si j'avais le pouvoir véritablement dans trois ans.
02:13 Quand je fais un livre-programme, il m'est arrivé d'en faire un, il fait plus de 1000
02:17 pages.
02:18 Donc celui-là en fait à peine 130.
02:19 Donc vous voyez que ce n'est pas un livre-programme.
02:22 Oui, c'est une profession de foi dans la France, ça je vous le confirme.
02:24 La deuxième chose, c'est que je parle principalement d'économie, de situation économique, de
02:30 création d'emplois, de réindustrialisation, ce qui est dans mon champ de compétences.
02:34 Donc pour toutes ces raisons, je veux vraiment, je me doutais de cette remarque, mais ça
02:39 n'est pas un livre-programme.
02:40 C'est un livre qui dit voilà où nous en sommes, voilà ce que nous avons déjà fait
02:45 et voilà le chemin qui reste.
02:46 Ce n'est pas une manière de dire voilà…
02:48 Je vous le dis très simplement, Léa Salamé, je ne suis pas candidat.
02:51 Je suis ministre de l'économie et des finances.
02:54 Je vois le temps qui nous reste devant nous.
02:56 Je vois la nécessité d'accélérer les changements de notre modèle économique et
03:01 de notre modèle social au niveau national comme au niveau européen.
03:05 Je vois une Europe qui est coincée entre une Chine interventionniste et des États-Unis
03:09 de plus en plus protectionnistes et qui le resteront après l'élection de novembre.
03:13 Mais qu'est-ce que veut faire et qu'est-ce que peut faire la France et l'Europe dans
03:17 cette situation ?
03:18 Alors, point par point, c'est un livre qui appelle à une refondation de certains des
03:22 piliers du modèle français.
03:24 Vous voulez par exemple en finir avec l'État-providence, vous voulez réformer en profondeur l'assurance-maladie,
03:31 l'assurance-chômage.
03:32 Sur le plan des idées, sur le plan idéologique, assumez-vous que c'est un livre au libéralisme
03:38 décomplexé ?
03:39 Ah ben pas du tout.
03:40 Pas du tout, parce qu'au contraire, je condamne dans les pages, quand je rappelle ce que j'ai
03:43 fait comme ministre de l'Agriculture, le libéralisme décomplexé.
03:46 Je pense que le libre-échange sans règles et sans équilibre est une folie.
03:51 Je rappelle que lorsque j'étais une fois encore ministre de l'Agriculture, j'ai combattu
03:54 Marianne Fischer-Bowles qui à l'époque était commissaire à l'agriculture, qui voulait
03:59 importer tous nos bovins du Brésil en disant "ils sont moins chers là-bas".
04:02 Je dis "ben oui, peut-être, mais ils sont meilleurs chez nous, ils sont produits dans
04:04 des conditions environnementales satisfaisantes, ils protègent nos paysages, ils protègent
04:08 notre activité sociale, donc il n'est pas question d'avoir un libre-échange débridé,
04:13 pas question d'avoir une ouverture de nos frontières débridées".
04:15 Je plaide exactement pour l'inverse.
04:17 Oui mais en France, vouloir en finir avec l'Etat-providence…
04:20 Ah ben ça c'est autre chose.
04:21 Ah ben si, c'est aussi la base de notre contrat social.
04:25 Vous dites "quoi ce matin ? L'Etat-providence est obsolète, il a fait son temps, il n'est
04:30 plus efficace, voire c'est un élément bloquant du développement du pays".
04:33 Oui bien sûr, c'est ce que je crois.
04:35 Je crois en un Etat qui protège.
04:36 Je crois en notre modèle social.
04:38 Je crois en l'hôpital public.
04:40 Je crois en l'école publique.
04:41 Je crois en la nécessité de protéger les plus faibles.
04:43 Je crois qu'il serait bon, on rembourse aujourd'hui les fauteuils roulants.
04:46 Je pense qu'il serait bon de rembourser tous les fauteuils roulants de ceux qui n'ont
04:49 pas d'autre choix que d'avoir des fauteuils qui sont faits sur mesure et qui vont coûter
04:53 6 000, 7 000, 8 000 euros.
04:55 Voilà ce à quoi je crois.
04:56 En revanche, je ne crois pas à l'accumulation de dépenses année après année qui deviennent
05:00 des acquis sur lesquels on ne bouge pas.
05:02 Quand nous mettons en place, avec le Président de la République et le Premier ministre,
05:05 un bouclier de protection tarifaire contre la flambée des prix du gaz et de l'électricité,
05:10 le jour où la flambée des prix du gaz et de l'électricité a fini, on retire ces
05:15 aides.
05:16 C'est ça la différence entre un Etat providence qui accumule les dépenses et qui ne revient
05:20 jamais dessus.
05:21 D'ailleurs, aucune opposition n'a voulu revenir sur le bouclier tarifaire sur le gaz
05:25 ou sur l'électricité, là où nous avons pris la responsabilité de le retirer, et
05:29 un Etat protecteur qui lui protège quand c'est nécessaire face au Covid, face à
05:33 l'inflation, et je suis fier de la protection que nous avons portée à ce moment-là.
05:37 Et lorsque la situation revient à la normale, nous rétablissons les comptes pour que l'Etat
05:41 puisse continuer à vous protéger.
05:42 Vous suggérez Bruno Le Maire de faire évoluer le régime de remboursement des soins pour
05:46 le concentrer sur les personnes les plus vulnérables, les plus âgées.
05:50 Ça veut dire quoi ? Que les soins seraient à terme remboursés en fonction des revenus
05:56 des malades ? Est-ce que clairement vous voulez tourner la page de la sécurité sociale
06:01 dont on est très fiers en France, qui s'est ouverte après la seconde guerre mondiale,
06:06 et vous dites là maintenant, ça y est, c'est caduque ?
06:08 Mais certainement pas, Nicolas Demorand, je vous rassure.
06:10 Expliquez-nous !
06:11 Expliquez-nous, parce qu'il y a quand même des lignes et des pages qui sont…
06:14 Je ne suis pas une caricature.
06:17 J'essaye d'avoir une réflexion…
06:19 Le diable est dans les détails, donc expliquez-nous !
06:20 Le diable est surtout dans la caricature.
06:22 Ce n'est pas parce que je viens de la droite que je serai hostile à un Etat qui protège,
06:27 et hostile à la sécurité sociale.
06:28 Au contraire, j'y suis viscéralement attaché.
06:30 Simplement, je suis bien obligé de regarder un fait.
06:33 La démographie de 2024 n'est pas la démographie de 1945.
06:38 Nous faisons moins d'enfants, nous avons un pays qui vieillit, nous avons des coûts
06:43 de santé qui explosent.
06:44 Les infections de longue durée, c'était il y a quelques années 8 millions de personnes.
06:48 C'est 12 millions aujourd'hui.
06:49 Pourquoi ? Parce que nous vieillissons, parce qu'il y a de nouvelles pathologies chroniques
06:53 comme l'asthme, parce qu'il y a plus de personnes qui sont touchées par Alzheimer,
06:56 plus de personnes qui sont touchées par les cancers…
06:57 Mais du coup, quand vous parlez de mirage de la gratuité universelle, ça veut dire
07:01 quoi sur l'assurance-vie, sur la sécurité sociale ?
07:02 Ça veut dire très concrètement que les personnes dont je viens de parler, je veux
07:05 les protéger.
07:06 Je veux que chaque Français qui vieillit ait une vie digne.
07:10 Et je sais que ça va coûter cher.
07:11 Alors comment on fait ?
07:12 Du coup, je dis très simplement à nos compatriotes, si nous voulons protéger les plus faibles,
07:17 les plus fragiles, les personnes qui vieillissent, les personnes en situation de dépendance,
07:22 les personnes qui ont un accident de la vie très grave, il faut que nous tous, sur nos
07:26 dépenses de santé, nous fassions plus attention.
07:28 Quand nous doublons la franchise sur le médicament de 50 centimes à 1 euro, ça rapporte plus
07:32 d'un milliard d'euros.
07:33 Je pense que sur toutes ces dépenses du quotidien, il faut responsabiliser chacun pour pouvoir
07:39 protéger ceux qui en ont le plus besoin.
07:41 C'est la différence entre un État-providence qui finance tout, tout le temps, pour tout
07:45 le monde et l'État auquel je crois, qui protège réellement et totalement les plus
07:50 fragiles.
07:51 Mais quand vous dites qu'il faut transformer de manière drastique notre modèle social
07:54 et notamment l'assurance maladie, et que vous dites qu'il faut concentrer le régime
07:58 des remboursements sur les personnes les plus vulnérables et les personnes âgées, c'est-à-dire
08:03 que qui ne sera plus remboursé si on transforme les choses ?
08:06 Il ne s'agit pas de ne plus rembourser certaines personnes, c'est juste de regarder dans
08:08 nos dépenses de santé.
08:10 Je prends l'exemple des transports médicaux.
08:11 Le débat est sur la table et je pense qu'il est bon que tout le monde le regarde sereinement.
08:16 Nous dépensons plus de 5 milliards d'euros chaque année pour les transports médicaux.
08:20 Est-ce qu'on peut faire mieux pour moins cher ? J'en suis convaincu.
08:24 Et cet argent, il ne s'agit pas d'économiser pour le remettre dans le budget de l'État,
08:28 il s'agit juste de répondre aux besoins criants de financement des hôpitaux publics,
08:32 des services d'urgence et des personnes les plus malades.
08:34 Quelle est votre proposition sur le transport médical ?
08:36 Je dis juste que nous avons identifié des dépenses comme les transports médicaux,
08:43 sur lesquelles j'appelle toutes les oppositions à venir dialoguer avec nous.
08:46 Je les rassemblerai d'ici début avril pour dire au lieu de me faire systématiquement
08:50 des propositions de dépenses nouvelles.
08:52 Faites-moi des propositions de recettes, états protecteurs, pour qu'on puisse mieux
08:57 protéger ceux qui en ont besoin.
08:58 Voici les sujets qui sont sur la table.
09:00 Quelles sont vos propositions là-dessus ? Il y a les transports médicaux et peut-il
09:03 y avoir d'autres choses ? Nous avons été bien seuls quand nous avons
09:06 défendu cette franchise à 1 euro pour les médicaments.
09:09 Je pense que c'était une décision responsable qui permet de garantir la protection de ceux
09:13 qui en ont plus besoin.
09:14 Sur l'assurance chômage, vous maintenez votre proposition d'aligner l'indemnisation
09:19 des chômeurs de plus de 55 ans, vous détestez le terme de « seigneur » sur le droit commun,
09:25 c'est-à-dire 18 mois pour tout le monde et pas 27 mois pour eux.
09:29 Cette proposition, vous le savez, a heurté les chômeurs de plus de 55 ans qui cherchent
09:35 du travail et auxquels on répond « vous êtes trop vieux ». Comment vous justifiez
09:39 votre proposition ? Par le taux de chômage des seigneurs en France,
09:45 qui est beaucoup trop élevé.
09:46 Par le taux d'emploi des plus de 55 ans, je n'aime pas le mot « seigneur » sans
09:50 doute parce que je vais avoir 55 ans, mais je constate juste que nous avons un taux d'emploi
09:54 des plus de 55 ans qui est un des plus faibles de tous les pays développés.
09:58 Je trouve ça révoltant.
09:59 Quel gâchis de compétences, quel gâchis d'expérience.
10:03 Et vous pensez que si on réduit les allocations, ça boostera le travail des seigneurs ?
10:08 Je ne pense pas que ce soit la seule solution, il n'y a pas de solution miracle.
10:10 Je veux dire, regardons cette solution-là, parce qu'aujourd'hui, quelle hypocrisie.
10:13 En réalité, on vous construit tout un système qui vous met du chômage à la retraite directement
10:19 et on se passe de vous.
10:20 C'est révoltant.
10:21 Donc on peut travailler là-dessus.
10:22 On peut aussi demander aux entreprises de faire davantage sur l'emploi des seigneurs.
10:26 Les entreprises ont une responsabilité majeure pour garder les seigneurs dans leurs équipes.
10:32 Et troisième chose, on peut inventer des dispositifs nouveaux qui existent ailleurs
10:36 en Europe.
10:37 J'ai fait une proposition très concrète.
10:38 Dire à ceux qui ont plus de 60 ans, parce que c'est très coûteux, et qui ont eu un
10:42 travail pénible et donc ils ne veulent pas reprendre un travail à 100%.
10:45 Vous prenez un travail à temps partiel, 80%.
10:48 On vous garantit 90% de la rémunération et 100% des cotisations retraites.
10:53 C'est attractif, c'est bon pour la société parce que ça fait reprendre un travail et
10:57 c'est protecteur des gens parce que vous ne repartez pas à 100% si vous êtes fatigué
11:01 ou en difficulté ou que votre travail était pénible, mais uniquement à 80% de votre
11:06 temps.
11:07 On passe au standard d'inter.
11:08 Pascal nous appelle de Paris.
11:09 Bonjour !
11:10 Oui, bonjour.
11:11 Vous nous dites que vous êtes l'archétype du cadre senior mis à la porte quelques années
11:17 avant la retraite, c'est ça ?
11:18 Exactement.
11:19 J'ai 58 ans.
11:20 Aujourd'hui, j'en ai bientôt 61.
11:23 Après avoir eu le culot de prendre un congé sabbatique, mon employeur m'a fait savoir
11:30 qu'en étant… en gros, je suis trop vieux et malade, on m'a mis dehors.
11:36 J'avais un travail, je n'ai rien demandé à personne.
11:39 Donc, je suis l'archétype du senior qui se retrouve au chômage en pré-retraite.
11:44 A ce titre, je touche M.
11:46 Le Maire de 162 euros par mois.
11:48 Donc, effectivement, je suis en train de gréver gravement le budget de l'État sur
11:53 lequel vous passez votre temps à pernicher.
11:55 Enfin voilà, donc je voudrais comprendre pourquoi M.
11:59 Le Maire s'acharne sur les seniors.
12:01 Pourquoi est-ce qu'il semble découvrir tout à coup qu'il existe un système de
12:07 pré-retraite au chômage ?
12:08 Moi, j'ai plus de 35 ans de carrière et j'ai toujours entendu parler de ça.
12:11 Donc, il faudrait que M.
12:12 Le Maire se réveille.
12:13 Et vous aimeriez retrouver un boulot, tout simplement, Pascal ?
12:17 Non, écoutez, d'après vous, quel projet professionnel je peux avoir à bientôt 61
12:22 ans alors que le monde du travail ne veut plus de moi ?
12:25 Moi, je n'ai rien demandé.
12:26 M.
12:27 Le Maire, attaquez-vous aux employeurs au lieu de taper sur les chômeurs et les seniors.
12:31 Merci Pascal pour cette intervention.
12:33 Bruno Le Maire vous répond.
12:34 Je ne tape contre personne.
12:35 Je tape juste contre une injustice.
12:38 Et je le dis très clairement à Pascal avec beaucoup de franchise, je ne tape pas contre
12:43 les seniors, je ne tape pas contre les chômeurs.
12:44 Jamais.
12:45 En revanche, je crois au travail.
12:47 Je le dis dans mon livre.
12:48 Je pense que c'est ça qui structure une société.
12:50 Si nous avions le plein emploi aujourd'hui, 5% que toutes les autres grandes nations développées
12:54 ont, je n'aurais même pas besoin de m'occuper des finances publiques.
12:57 Nous aurions réglé quasiment à 80-90% notre sujet de finances publiques.
13:02 Mais qu'est-ce qu'il dit Pascal ?
13:03 Le monde du travail ne veut plus de moi.
13:05 Vous trouvez que c'est une société qui est désirable ?
13:08 Une société, une personne qui a 61 ans, le monde du travail ne veut plus d'elle.
13:12 Donc je fais des propositions.
13:13 Je dis à partir du moment où on laisse les plus de 55 ans trop longtemps au chômage,
13:18 on sait, c'est documenté, que plus une personne âgée reste longtemps au chômage,
13:25 moins elle a de chances de retrouver un travail.
13:27 Donc oui, il faut multiplier les efforts, l'accompagner, lui permettre de retrouver
13:29 un emploi tout de suite, faire des propositions concrètes comme celle que j'ai fait.
13:32 Et là où je rejoins Pascal, je le redis, les entreprises ont une responsabilité.
13:36 Elles ont une responsabilité majeure.
13:37 Vous nous l'avez dit Bruno Le Maire, on vous reçoit depuis que vous êtes ministre
13:41 de l'économie.
13:42 Depuis 7 ans, on a fait des matinales avec vous et on a fait des matinales où on parle
13:46 de ce sujet qui est un peu notre cheval de bataille, de l'emploi des seniors.
13:49 C'est un beau cheval de bataille.
13:51 Oui, parce que c'est quelque chose qui touche.
13:52 Il n'y a pas une personne qui ne connaît pas quelqu'un qui a plus de 55 ans et qui
13:56 galère pour trouver un travail aujourd'hui en France.
13:59 A chaque fois, votre réponse est la même, c'est « il faut que les entreprises prennent
14:03 leurs responsabilités ». Vous le répétez de manière inlassable depuis 7 ans.
14:08 Ça ne change pas ?
14:09 D'abord, je ne le répète pas inlassablement sans prendre de décision.
14:13 On a mis en place des index.
14:16 Moi, je suis favorable à un dispositif de bonus/malus.
14:19 Je pense qu'il est indispensable qu'on protège les seniors.
14:22 Je fais une proposition très concrète ce matin et c'est bien tout le sens du livre
14:26 que je publie.
14:27 C'est de me dire « regardez ce qu'on a fait depuis 7 ans.
14:29 On a créé 2 millions d'emplois.
14:30 Moi, j'en suis très fier.
14:31 On a commencé à réindustrialiser la France, à recréer des emplois d'ouvriers.
14:36 Pour moi, c'est une vraie fierté ce que nous avons réussi à faire sur l'industrie
14:40 et sur les emplois ouvriers.
14:41 On a réussi à réduire le taux de chômage des jeunes de manière très significative.
14:46 L'apprentissage est un vrai succès.
14:47 Pour tout ça, on se dit « on est dans la bonne voie ».
14:50 Il reste un point noir, c'est le chômage des seniors.
14:53 Et l'intérêt du livre, c'est de se dire « ce qu'on a fait là, c'est déjà
14:56 bien, mais il reste encore beaucoup à faire et l'emploi des seniors en est, je pense,
15:00 l'illustration la plus marquante.
15:02 Donc, je fais des propositions.
15:03 Nous aurons un rendez-vous avec les partenaires sociaux dans quelques semaines.
15:05 Qu'est-ce qu'ils proposent ? Qu'est-ce que nous faisons ? Comment est-ce que nous
15:08 avançons pour régler une bonne fois pour toutes ce sujet ?
15:11 Puisque vous êtes dans un discours de vérité dans ce livre, manifestement, et que vous
15:15 n'avez pas peur de casser certains…
15:16 Oui, discours de vérité et de liberté.
15:18 Oui, discours de vérité et de liberté.
15:20 Certains y verront peut-être du libéralisme, mais en tout cas, c'est un discours de vérité
15:23 où vous cassez certains dogmes du système et du modèle français.
15:27 Puisque vous êtes dans un discours de vérité, vous dites aussi que nous n'y arriverons
15:32 pas aux 5% de taux de chômage à modèle social constant.
15:35 On n'arrivera pas au plein emploi.
15:36 Vous le dites clairement.
15:37 C'est-à-dire que la promesse d'Emmanuel Macron d'arriver au plein emploi à la fin
15:40 du quinquennat, dans trois ans, vous n'y arriverez pas.
15:43 Vous le dites honnêtement.
15:44 Oui, je le dis très honnêtement.
15:45 Modèle social constant, je regarde ce qui s'est passé depuis maintenant plusieurs
15:50 décennies, le plein emploi en France, c'est 7%.
15:53 Dans les autres pays développés, c'est 5%.
15:57 Donc, il faut s'interroger, se demander pourquoi est-ce que l'écart est de deux
16:01 points entre le plein emploi en France et le plein emploi dans les autres pays développés.
16:06 Et pour moi, une des raisons, ce n'est pas la seule.
16:08 Il y a des problèmes de formation, il y a des problèmes d'adéquation entre l'offre
16:11 et la demande de compétences.
16:13 Tout ça, nous sommes en train de le régler.
16:15 Et puis, il y a le sujet, effectivement, de l'assurance chômage.
16:18 Nous avons aujourd'hui un dispositif d'assurance chômage dans lequel, au bout d'un délai
16:23 qui est court, deux ans, on peut accéder à la durée d'indemnisation la plus longue,
16:27 18 mois.
16:28 Alors, on peut se dire c'est bien, c'est très protecteur, parfait.
16:31 On peut se dire aussi, ce que je crois, que dans le fond, c'est ce qui entretient un
16:36 taux de chômage à 7% comme niveau le plus bas en France.
16:40 Et moi, je ne m'y résous pas.
16:41 Donc, je pense qu'il faut reprendre cette question de l'assurance chômage.
16:45 Vous êtes pour aller à 12 mois d'indemnisation.
16:46 Gabriel Attal a dit "je suis pour aller encore plus loin".
16:49 Aujourd'hui, c'est 18 mois en moyenne.
16:51 Vous êtes pour aller au doucement ?
16:52 Je partage totalement l'appréciation du Premier ministre.
16:54 Je pense qu'il faut un dispositif d'assurance chômage où on touche à la durée.
16:57 Je dis bien la durée, pas le montant d'indemnisation.
16:59 Je pense que ce serait une erreur de toucher...
17:01 Il veut jouer sur les deux.
17:02 Il dit "je n'ai pas de tabou".
17:03 Je pense qu'il faut d'abord toucher la durée d'indemnisation.
17:06 Et je vais encore plus loin dans le livre.
17:08 Je pense qu'il faut laisser l'État gérer ce sujet.
17:11 Vous voulez nationaliser ?
17:12 Oui, parce que je pense que la responsabilité des partenaires sociaux qui ont un rôle majeur
17:15 à jouer dans notre pays, les syndicats ont un rôle majeur à jouer dans notre pays.
17:18 C'est l'organisation de l'entreprise, c'est la défense des droits des salariés, c'est
17:22 la protection des salariés et des entreprises.
17:24 Et c'est un rôle décisif.
17:25 Mais la gestion des personnes qui n'ont pas d'emploi et qui doivent en reprendre un, pour
17:29 moi c'est à l'État de s'en occuper.
17:30 Il y a des pages, Bruno Le Maire, consacrées à la transition écologique dans votre livre.
17:35 Vous faites la promotion d'une écologie de production.
17:38 Vous rejetez l'idée défendue par le rapport Pisani-Mafous d'un ISF Vert, tac, sur les
17:43 plus riches, pour financer la transition écologique.
17:46 Idée séduisante mais mauvaise selon vous.
17:49 Pour quelle raison ?
17:50 D'abord sur l'écologie de production, pourquoi est-ce que je la défend ?
17:53 Tout simplement parce que produire en France, c'est produire propre, c'est produire mieux.
17:56 Quand vous faites des véhicules électriques, des batteries électriques, des éoliennes
18:00 en France, vous produisez avec moins d'émissions de CO2, puisque nous sommes un des pays développés
18:04 qui émet le moins de CO2 par unité de production réalisée.
18:08 Et donc tout le monde est gagnant.
18:10 L'emploi est gagnant, la société est gagnant et évidemment le climat est gagnant.
18:14 Ensuite sur l'ISF Vert, moi je pense que ce sera à la fois insuffisant et qu'à nouveau
18:21 on cède à cette facilité très française qui est d'augmenter les impôts.
18:25 Face aux défis climatiques et aux financements qui vont être devant nous, moi je plaide
18:30 pour le recours à des financements privés massifs, je plaide pour que pour un euro d'argent
18:36 public, il y ait plusieurs euros d'argent privé qui soient déployés et je plaide pour
18:40 ce que je défendrai demain matin à Berlin devant les patrons allemands.
18:44 Il est urgent de mettre en place une union des marchés de capitaux, c'est-à-dire la
18:48 possibilité de lever de l'argent privé, pas simplement à l'échelle de la France,
18:51 mais à l'échelle des 27 États européens.
18:54 Bruno Le Maire, la question de nos finances publiques, vous avez vu le rapport à l'Arment
18:56 de la semaine dernière de la Cour des comptes et ce qu'a dit Pierre Moscovici qui juge
19:01 le site que les finances publiques de la France vont être parmi les plus dégradées de la
19:04 zone euro en 2024.
19:05 Comment vous avez reçu cette phrase ?
19:07 C'est un fait, il n'y a pas à critiquer les faits, il y a à apporter des réponses.
19:12 Ça veut dire qu'on gère mal ?
19:13 Non pas du tout, ça veut dire que nous avons, quand on prend là aussi la durée longue,
19:18 nous avons rétabli les comptes publics de 2017 à 2019 en prenant des décisions difficiles.
19:23 On a supprimé les emplois aidés par exemple, tout le monde a poussé des hauts cris, mais
19:27 ça a été efficace, l'emploi a redémarré et en 2019 nous sommes revenus sous les 3%
19:33 de déficit et nous sommes sortis de la procédure pour déficit excessif.
19:36 J'ai témis des finances, donc je sais rétablir les comptes publics.
19:39 Ensuite, nous avons eu les gilets jaunes, la crise du Covid, la plus importante crise
19:45 économique depuis 1929 et la crise inflationniste la plus importante depuis les années 70.
19:49 Nous avons pris une décision avec le Président de la République.
19:52 C'était une bonne décision.
19:54 Ce que les mêmes aujourd'hui qui me disent, dans une hypocrisie totale, qu'il faudrait
20:00 économiser davantage, sont exactement les mêmes qui pendant la crise du Covid, la crise
20:04 inflationniste, me disaient qu'il faut dépenser davantage pour protéger nos entreprises et
20:07 les salariés.
20:08 Vous parlez de Pierre Moscovici ? Non, je ne parle pas du tout de Pierre Moscovici,
20:11 je parle des oppositions.
20:12 Arrêtons le bal des hypocrites de ceux qui vous disent aujourd'hui que vous avez mal
20:15 géré et qui hier me demandaient de dépenser plus.
20:17 Maintenant que nous sommes sortis de la période de crise, il faut rétablir les comptes publics,
20:21 on va le faire sereinement, fermement et je le dis très clairement, sans rigueur, avec
20:26 simplement de la fermeté et de la constance.
20:28 Vous écrivez que si nous avons évité une dégradation de notre note par l'agence de
20:32 notation Standard & Poor's, nous n'y échapperons pas au printemps 2024, c'est pour préparer
20:38 les esprits ?
20:39 A deux reprises, j'ai eu des discussions avec les représentants de Standard & Poor's
20:45 et j'ai expliqué pourquoi nous avions des finances publiques qui étaient solides et
20:49 que nous savions où nous allions.
20:51 3% de déficit en 2027, sous les 3%, et mon objectif qui est l'équilibre des comptes
20:56 publics en 2032.
20:57 On doit viser cet objectif d'avoir enfin des comptes équilibrés comme ça n'est
21:00 pas arrivé depuis 1974.
21:02 Je ne prends pas ces décisions pour les agences de notation.
21:06 Je les prends, même si elles sont difficiles, pour que le jour où il y a un événement
21:11 grave qui touche la France, ça peut être une nouvelle pandémie, ça peut être une
21:15 situation de sécurité majeure, nous ayons les réserves financières nécessaires pour
21:19 une nouvelle fois protéger nos compatriotes.
21:22 Il nous reste deux minutes, trois petites questions d'actualité, réponse courte s'il
21:25 vous plaît Monsieur le Ministre.
21:26 On ne reviendra pas au prix de 2019, Michel-Edouard Leclerc hier alerte sur une inflation structurelle
21:32 pour les dix prochaines années.
21:33 Il va y avoir de l'inflation pendant les dix prochaines années ? Il a raison ?
21:36 On ne revient pas au prix d'avant 2019, on ne revient pas au salaire d'avant 2019,
21:41 voilà c'est l'avis économique.
21:43 Ce que je constate c'est que j'avais dit que l'inflation serait sous les 3% en début
21:46 2024, elle est sous les 3% et qu'elle va continuer à décliner.
21:48 Mais on ne va pas aller sur une inflation de dix années, pendant dix ans ?
21:51 Il n'y aura pas d'inflation zéro, tout simplement parce que ça rejoint la question
21:54 environnementale.
21:55 Produire en France, ça a un coût, que la transition climatique a un coût et que ça
22:01 pèse évidemment sur les prix.
22:02 Mais nous aurons un niveau d'inflation sous les 3%, nous y sommes déjà en 2024, c'est
22:08 exactement ce que j'avais indiqué, donc ne jouons pas avec les peurs des Français.
22:10 Vous évoquez les extrêmes dans votre livre, l'enquête du Cevipof publiée la semaine
22:16 dernière montre que le vote RN gagne de nouvelles classes de la société, les BAC+2, les cadres
22:22 sup', les personnes âgées et que le socle de la majorité se rétracte de plus en plus
22:28 à un électorat bourgeois et de plus en plus âgé.
22:31 Vous aviez la majorité, vous pouvez compter sur le vote des plus de 60 ans, maintenant
22:35 ce sont les plus de 70 ans.
22:37 Comment l'expliquez-vous ?
22:38 Mes raisons de plus ne sont pas très offensives, je ne suis pas là pour expliquer, je ne suis
22:41 pas politologue, je suis responsable politique.
22:44 Je ne me résignerai jamais à voir le parti de la capitulation, qui est le rassemblement
22:48 national, accéder au pouvoir dans notre pays.
22:50 Et je pense qu'on le combat pas simplement en dénonçant ces contradictions, mais en
22:55 faisant des propositions, en étant offensif.
22:57 Ce livre, le livre que je publie, est justement une réponse aux attentes, aux inquiétudes,
23:04 en disant voilà ce que nous pouvons faire ensemble.
23:06 Avançons des propositions, je pense que c'est ce qu'il y a de plus efficace.
23:09 On pourrait vous dire mais vous êtes ministre de l'économie depuis septembre, Bruno
23:12 Macron, en lisant le livre, que ne l'avez-vous fait ?
23:14 Regardez ce qui est dit dans les pages de ce livre, voilà tout ce qui a été fait
23:19 et voilà tout ce qui reste à faire.
23:20 Il n'y a rien de pire que les responsables politiques immobiles, les bras croisés, être
23:24 ministre, ce n'est pas rester à son bureau en contemplant le temps qui passe, c'est
23:27 prendre toujours des décisions en tenant compte de la situation du pays tel quel est.
23:32 Vous écrivez enfin dans votre livre "La France est sa langue, respectons-la".
23:36 En lisant ça, on s'est dit que vous ne deviez pas être forcément très fan d'Ayana
23:41 Kamoura qui elle, malaxe, transforme, métisse la langue française.
23:45 En "Katiana baby" tu dètes ça, ça vous parle ?
23:49 Oui, je suis fan, je défends la très belle idée de voir Ayana Kamoura chanter Edith
23:56 Piaf, au contraire pour moi c'est profondément français.
23:58 C'est-à-dire un esprit de panache, de l'audace et certainement pas le renfermement sur soi.
24:07 Ayana Kamoura qui chante Edith Piaf, c'est profondément l'esprit français.
24:11 Vous écoutez Ayana Kamoura parfois ?
24:12 Non, ce n'est pas forcément le genre de musique que j'écoute.
24:14 Vous êtes fan mais vous n'écoutez pas ?
24:16 Si, parce que j'ai des enfants, 4, et eux l'écoutent.
24:18 Je trouve que c'est un geste plein de panache.
24:21 C'est un geste très français de demander à une grande star comme Ayana Kamoura de
24:25 chanter Edith Piaf.
24:26 C'est la France qui se réinvente, pas la France qui regarde derrière.
24:28 Comment avez-vous reçu le rachat par l'armateur patron de CMA-CGM, Rodolphe Saadé, du groupe
24:35 BFM TV RMC ? C'est une bonne chose ?
24:37 C'est un investissement privé, je ne commande pas les investissements privés.
24:40 Si l'industrie des finances commence, de l'économie commence à mettre des bons ou
24:43 des mauvais points sur tel ou tel rachat, on ne va pas s'en sortir.
24:46 La voix ordinaire chez Flammarion, librairie mercredi.
24:50 Merci Bruno Le Maire !
24:51 La voix française, si je peux me permettre, qui n'est absolument pas une voix ordinaire.
24:54 Au contraire, c'est une voix exceptionnelle.
24:56 Ce sera même plus de la journée.
25:00 Pour une fois, c'est le journaliste qui l'a fait, pas Bruno Le Maire.
25:04 Il a complètement rien à dire.
25:06 J'ai buggé.
25:07 La voix française chez Flammarion, Bruno Le Maire, merci !

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