Sénégal : le drame de l’émigration clandestine

  • il y a 6 mois

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Transcript
00:00 Un sujet qu'on aborde ici dans Derrière l'image aujourd'hui, c'est la question de l'émigration des Sénégalais.
00:05 On parlait des jeunes, beaucoup sont toujours tentés de rejoindre l'Europe.
00:09 Le président Makissa a ordonné en novembre des mesures d'urgence pour endiguer ce flux en pleine expansion.
00:15 Derrière l'image, ça arrête donc aujourd'hui sur le sujet avec vous Charlotte Auberti.
00:18 Bonjour Charlotte. Vous êtes journaliste pour la rédaction Info Migrants et donc vous nous avez...
00:22 Vous êtes partie en reportage récemment, vous avez couvert le départ des migrants vers les îles des Canaries.
00:28 Cet archipel espagnol situé au large des côtes marocaines.
00:31 Vous avez choisi pour aborder le sujet aujourd'hui un cliché, une photo. On va le regarder et puis on va l'expliquer aussi.
00:37 Oui bien sûr. C'est le dernier naufrage en date au large du Sénégal.
00:41 Il est survenu le 28 février au large de Saint-Louis.
00:45 On a reçu ces images, ce sont des images amateurs. On a aussi une vidéo qui montre le chaos de la Seine.
00:51 Donc on voit une embarcation surchargée d'environ 300 personnes qui s'échoue, qui est en train de prendre l'eau,
00:57 qui est en train de s'enfoncer dans l'eau, tout proche du rivage.
01:01 Ce n'est pas très étonnant parce qu'on sait que quand les personnes partent du Sénégal vers les Canaries,
01:05 ils longent dans un premier temps les côtes ouest-africaines jusqu'au niveau du Maroc.
01:10 Et à ce moment-là, quand il reste à peu près une centaine de kilomètres, qu'ils prennent le large vers les Canaries.
01:15 Donc ce n'est pas très étonnant qu'ils aient été proches du rivage.
01:18 Mais le fait qu'ils soient si proches n'a pas empêché la mort d'au moins 28 personnes dans ce drame.
01:23 On sait que beaucoup de personnes qui prennent place dans ces embarcations ne savent pas nager.
01:27 Ce qui explique bien sûr aussi la survenue régulièrement de drames sur cette route migratoire.
01:33 On ne meurt pas forcément au large, au loin en mer, mais parfois tout près des côtes.
01:38 Les drames sur cette route sont fréquents. Vous les couvrez chaque jour pour Info Migrant.
01:42 Est-ce que vous pouvez nous parler de ce trajet et des conditions de traversée ?
01:44 Oui, ce trajet, il est particulier parce qu'il est colossal.
01:48 Il y a environ 1500 kilomètres qui séparent le Sénégal des îles Canaries, la porte d'entrée vers l'Union Européenne.
01:54 1500 kilomètres, si tout se passe bien, ça représente entre 5 et 7 jours de navigation.
02:00 Dans un océan, à bord d'une embarcation qui n'est autre qu'une grosse barque.
02:05 Ce ne sont pas réellement des bateaux, ce sont des grosses barques qui sont destinées initialement à la pêche au large du Sénégal.
02:11 Elles sont faites pour stocker des poissons. Elles ne sont pas faites pour stocker des centaines d'hommes, de femmes et d'enfants.
02:16 Souvent, il y a des enfants. Je suis montée sur l'une d'elles. On voit les images.
02:20 Ce sont vos images qu'on aperçoit derrière vous.
02:22 C'est ça, c'était à Barney, dans une ville à 30 kilomètres de Dakar, la capitale.
02:26 Je suis montée sur cette pirogue qui était encore sur le sable et que son propriétaire tentait de vendre pour faire passer des migrants vers les Canaries.
02:34 Donc, elle fait 22 mètres de long. On se rend compte un peu de la grosseur de cette embarcation.
02:41 Et on peut écouter Makodu, qui est le vendeur dont je parlais, qui nous explique la répartition à bord.
02:46 Les cales que tu vois là, il y a des personnes. En bas, on met des chaises.
02:53 Derrière, on met le carburant. Il y a les cales qui sont derrière là. Au milieu aussi, il y a des personnes.
03:00 Les cales que tu vois là, c'est la nourriture et tout ça.
03:05 Voilà, donc les personnes sont entassées de manière catastrophique, dans des conditions catastrophiques, dans ces cales pendant plusieurs jours, parfois une semaine, parfois plus.
03:15 Il y a un détail important pour illustrer la fragilité de ces embarcations, c'est la puissance de leur moteur.
03:21 Donc, cette embarcation qu'on vient de voir à l'écran était équipée de deux moteurs de 60 chevaux chacun,
03:26 ce qui est totalement insuffisant quand on prend en compte le poids de la pirogue, le poids de centaines de personnes, le poids des vivres, la durée du trajet et les forts courants qui sont dans l'océan Atlantique.
03:38 Un titre de comparaison, un ferry d'une même longueur, qui est certes plus lourd, mais qui a une taille similaire.
03:46 Donc, un ferry qui fait la liaison entre le vieux port de Marseille et l'île du Frioul.
03:49 Donc là, on parle d'une mer, pas d'un océan. On parle de 10 km, pas de 1 500.
03:53 Ce ferry peut transporter environ 200 personnes. Il est équipé d'un moteur d'une puissance de 2000 chevaux, donc près de 20 fois la puissance des moteurs de ces pirogues.
04:01 On comprend donc, avec ce que vous nous expliquez, que l'accident est donc quasi inévitable.
04:06 Malgré les dangers, il y a plus de 39 000 migrants qui sont arrivés sur l'archipel en 2023. Pourquoi autant de départs ?
04:13 Il y a plusieurs raisons. Au rang en premier lieu, il y a la pauvreté et le manque de perspective économique au Sénégal, qui ne date pas d'hier.
04:22 Mais aujourd'hui, les pêcheurs, les Sénégalais, fustigent énormément l'État sénégalais pour avoir octroyé des licences de pêche à des entreprises étrangères.
04:31 Il y a des bateaux étrangers qui pêchent massivement au large du Sénégal et ça entraîne une raréfaction des poissons.
04:37 Donc, très concrètement, des pêcheurs perdent leur emploi et ils font d'ailleurs partie de la frange de la population qui migre beaucoup vers les Canaries.
04:45 Il y a aussi le changement climatique. La ville de Barny, dont je parlais tout à l'heure, est victime d'érosion côtière.
04:51 Il y a des personnes qui quittent cette ville pour cette raison-là. On a fait un reportage sur le sujet.
04:57 Et il ne faut pas oublier qu'il y a beaucoup de pression sociale pour les Sénégalais, notamment les jeunes, pour partir en Europe, travailler et envoyer de l'argent à la famille pour se venir aux besoins de sa famille, rester au pays.
05:11 Ajouté à tout cela, on remarque qu'il y a une féminisation des départs ces derniers temps.
05:16 Les femmes de pêcheurs, notamment, qui veulent rejoindre leur mari ou alors des femmes qui travaillaient dans le poisson, qui vendaient les poissons, qui n'ont plus de travail.
05:25 On peut écouter Astou Gaye si on a le temps qui est en ce moment.
05:28 On va l'écouter tout de suite.
05:30 Oui, je suis en train de partir. Je vais partir très vite.
05:34 Je vais aller à la maison de ma mère.
05:36 Mais je ne vais pas y aller plus tard.
05:38 C'est la maman. Elle a 3 ans.
05:41 Je ne vais pas la laisser ici. Je ne vais pas la laisser ici.
05:44 Je vais aller à la maison.
05:46 Voilà, à voir ce que les prochaines élections présidentielles pourraient changer à ce phénomène.
05:50 Voilà, un sujet dont on va continuer à parler avec vous, Charlotte.
05:53 Merci beaucoup.
05:54 Et infomigrant, je renvoie à votre compte TikTok d'infomigrant, infomigrant_fr.
06:00 C'est bien cela.
06:01 Et je vous rappelle également que nous serons, évidemment, mobilisés pendant ces élections présidentielles au Sénégal tout le week-end.
06:07 Retrouvez notre édition spéciale dimanche à 20h depuis Dakar.

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