Pierre Hurmic, maire EELV de Bordeaux
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00:00 Les boulevards à Bordeaux et les communes Limitroff sont aujourd'hui brillants,
00:03 pollués, des lieux de passage où l'on s'arrête peu. Bordeaux Métropole veut
00:07 faire évoluer cette réalité en inventant les boulevards du 21e siècle.
00:11 La concertation est en cours et nous on en parle ce matin avec le maire de
00:15 Bordeaux Pierre Hermé qui répond à vos questions. Marie Roach.
00:17 - Bonjour Pierre Hermé. - Bonjour.
00:18 - Réinventer les boulevards, rive gauche et rive droite, précisons-le, c'est un sacré projet.
00:24 C'est quoi l'idée au coeur de cette concertation en cours ?
00:27 - L'idée c'est de réinventer avec les habitants ce que doit être la rue urbaine du 21e siècle.
00:35 C'est à dire passer d'un ruban bitumé, pollué, à un espace partagé et un espace paysager.
00:48 Et c'est tout le challenge qui est devant nous et que nous voulons partager vraiment avec les habitants.
00:53 Nous allons inventer cette nouvelle façon de concevoir la ville.
00:58 J'ai envie de dire de concevoir l'urbanité. Actuellement on parle beaucoup d'urbanisme,
01:02 moi j'aime bien qu'on parle d'urbanité. L'urbanité ça veut dire quoi ?
01:04 Étymologiquement c'est revenir à la civilité, c'est à dire à la notion de rencontre,
01:09 c'est à dire faire des espaces qui ne sont pas que des itinéraires routiers.
01:15 On a pendant longtemps, c'était la mode dominante, adapté la ville à l'automobile.
01:19 Considère qu'aujourd'hui, nouveau paradigme, c'est de faire l'inverse.
01:23 C'est à dire c'est à la ville, c'est à la voiture, à s'adapter à l'automobile.
01:29 C'est à dire faire en sorte que nos rues ne soient pas que des routes.
01:33 Les boulevards c'est une route. On n'imagine pas que pour Bordeaux par exemple,
01:38 vous avez dans un rayon de 500 mètres autour des boulevards,
01:41 un tiers de la population bordelaise qui habite dans ce rayon de 500 mètres.
01:48 C'est 68 000 emplois. Donc si vous voulez, c'est pas qu'un ruban bitumé,
01:53 c'est aussi un lieu à vivre et il faut rendre aux boulevards ce qu'ils ont été.
01:59 Les barrières, c'est pas que des lieux de passage, c'est des lieux de vie,
02:02 c'est des lieux commerçants, c'est des lieux de rencontres et tout ça.
02:05 Il y a un gros travail qui nous attend.
02:07 Nous avons déjà un peu commencé à le faire.
02:10 Vous savez, moi en début de mandat, j'avais pris une décision un peu à la hussarde,
02:14 ce qu'ont dit mes adversaires et ils avaient raison.
02:16 J'avais décidé qu'une des deux voies devait être désormais dédiée
02:20 au transport collectif et au vélo.
02:23 Et à l'époque, vous n'imaginez pas tout ce que j'ai pu recevoir
02:26 comme tombereau de critiques, d'insultes en disant "mais vous n'y pensez pas,
02:30 c'est une mini-rocade, il faut la garder telle, telle, etc."
02:35 Ça a été fait rapidement, un coup de pinceau suffit.
02:38 Moi je tenais à ce qu'on n'investisse pas, que ça ne coûte pas cher,
02:41 parce que je disais en même temps aux Bordelaises,
02:43 certes je ne vous avais pas consulté avant,
02:45 mais si ça ne marche pas je reviendrai en arrière.
02:47 On appelle ça l'urbanisme tactique, en disant on va tester in situ
02:50 comment est-ce qu'on peut débarrasser un peu ces boulevards
02:53 d'un trafic automobile important et polluant.
02:57 Mais je peux vous dire que ça a marché,
02:58 on a réduit la pollution et l'oxydazone de 30%.
03:01 Je peux vous dire quand je discute avec des riverains des boulevards,
03:04 ils me disent "on respire mieux -30%", 8000 vélos sur les boulevards aujourd'hui.
03:08 - Pierre Urmic, puisque vous parlez des riverains et des Bordelais
03:11 et des habitants d'ailleurs des communes limitrophes,
03:13 qui sont eux aussi concernés par les boulevards,
03:15 on leur a demandé ce qu'ils espéraient pour les boulevards.
03:17 On va écouter l'avis de Gisleine qui elle, habite du côté de Bègles.
03:21 - C'est vrai que sur les boulevards, s'il y avait un peu plus de magasins,
03:24 de boutiques, des trucs comme ça, ça serait plus gay déjà.
03:27 Parce que boulevard c'est pas très gay, en plus on a nous les prostituées.
03:31 Après je suis rien contre elles,
03:33 mais avec les enfants c'est un peu compliqué quand on va se promener.
03:38 - Et pourtant sur Facebook on a l'inverse, on veut plus de voitures,
03:41 le retour des voitures.
03:42 On a Eric qui nous dit "faire passer les bus ailleurs,
03:44 remettre les deux voies de voiture,
03:46 interdire aux cyclistes de les emprunter comme toute voie rapide".
03:49 On a Bob qui dit "remettre deux fils auto de bout en bout".
03:52 Et puis Sandrine qui dit "supprimer les voies de bus,
03:54 toujours vides et remettre deux fils pour les voitures".
03:56 C'est pas plus compliqué que ça.
03:57 - On voit Pierre Urmic que votre mesure a eu sort de vous le disiez,
04:01 de créer une voie de bus.
04:02 Évidemment les automobilistes ont encore un peu de mal à s'y faire à cette décision.
04:07 - Certains automobilistes.
04:08 Quand je vois aujourd'hui qu'il y a 8000 cyclistes,
04:10 vous savez, les cyclistes il n'y a pas de génération spontanée cycliste.
04:13 C'est d'anciens automobilistes.
04:15 C'est des gens qui ont réalisé qu'à partir du moment où vous offrez
04:17 un itinéraire sécurisé pour la circulation vélo,
04:20 on circule mieux, plus vite, de façon plus confortable,
04:23 à vélo qu'en voiture sur les boulevards.
04:25 Et on a aussi réduit le temps.
04:27 Contrairement à ce qu'on me disait, on me disait "mais vous allez organiser les bouchons".
04:29 Mais non, on a réduit le temps de parcours automobile
04:32 parce qu'on a dégagé une grande partie de la circulation automobile.
04:35 Ceux-là qui n'ont pas le choix.
04:37 Ceux-là continuent à emprunter les boulevards.
04:38 - C'est la question que j'allais vous demander, Pierre-Romé,
04:40 qu'est-ce qu'on fait de tous ces gens qui ont besoin d'emprunter les boulevards le matin
04:43 pour aller travailler par exemple ?
04:44 - Beaucoup empruntent désormais les boulevards à vélo.
04:47 Je vous dis, quand on dit 8000 vélos, ils ne sont pas sortis du néant.
04:50 C'est d'anciens automobilistes qui ont changé leurs habitudes.
04:53 Vous avez aussi les bûches, vous avez la ligne 9,
04:56 qui autrefois était embouteillée dans les bouchons,
04:58 peu de personnes ne l'empruntaient.
05:00 Mais aujourd'hui, elle a un itinéraire protégé.
05:04 Le temps de parcours a été diminué sur l'ensemble des boulevards de 7 minutes.
05:08 Donc c'est devenu très compétitif par rapport au trafic automobile.
05:13 Moi, mon rôle de maire, c'est de favoriser toutes les mobilités,
05:16 et notamment les mobilités, ce qu'on appelle les mobilités douces,
05:19 c'est-à-dire les mobilités les plus décarbonées.
05:22 Et je n'ai pas pour habitude de mettre la poussière sous le tapis,
05:24 comme certains conservateurs me suggèrent de le faire,
05:28 en disant "vous éloignez la circulation des boulevards,
05:30 vous la mettez ailleurs, autant pour le trafic automobile".
05:33 Ça s'appelle mettre la poussière sous le tapis.
05:35 Ce que je veux, c'est réduire, de façon générale,
05:37 c'est une obligation, réduire la pression automobile.
05:40 Et quand je vous dis qu'on a réussi déjà à baisser la pollution du dioxyde d'azote
05:45 sur les boulevards de 30%,
05:47 je peux vous dire que c'est un objectif de santé publique.
05:49 Ça veut dire qu'on respire mieux à bord d'eau,
05:52 et reconnaissez que c'est quand même un objectif intéressant à atteindre.
05:56 - Pierre Romyc, le maire écologiste de Bordeaux,
05:57 notre invité ce matin sur France Bleu Gironde.
05:59 - Au-delà de la mobilité, Pierre Romyc,
06:01 parce qu'il n'y a pas que des voitures sur les boulevards,
06:03 un commerçant de la route de Toulouse nous dit ce matin sur France Bleu Gironde
06:06 qu'il faut peut-être baisser le prix des loyers des commerces
06:09 pour favoriser leur installation.
06:10 Est-ce que le réenchantement des boulevards,
06:12 ça peut aussi passer par ce genre de mesures incitatives ?
06:16 - Vraiment, mais un maire, même si je pense être un maire actif,
06:20 ne peut pas tout faire.
06:21 Là, les loyers, ça dépend des relations entre un bailleur et un locataire.
06:26 La puissance publique intervient peu.
06:28 Si ce n'est que, puisque cette question des loyers était abordée,
06:32 Bordeaux a réussi à être une ville qui encadre les loyers,
06:36 mais ce n'est pas les loyers commerciaux.
06:37 Les loyers commerciaux, c'est une autre législation.
06:39 Les loyers d'habitation à Bordeaux sont encadrés, c'est nouveau.
06:43 C'est nouveau, et pour faire revenir les habitants à Bordeaux,
06:47 ça n'avait jamais été fait dans le passé.
06:48 Il a fallu qu'on obtienne l'autorisation de l'État
06:50 pour encadrer les loyers à Bordeaux.
06:52 Nous l'avons obtenue, donc mon rêve,
06:54 c'est de faire venir des nouveaux habitants à Bordeaux,
06:57 et qui dit nouveaux habitants, dit des commerces qui travailleront.
07:01 Mais je ne peux pas décréter comme ça la baisse des loyers commerciaux.
07:04 Bordeaux, ça dépasse et de loin mes capacités.
07:07 Il y a des empailleurs immenses.
07:08 - Autre sujet d'actualité, Pierre-Émile,
07:10 la colère des agriculteurs qu'on craint de voir ressurgir cette semaine,
07:14 qui est une semaine assez décisive avec la présentation
07:17 en fin de semaine du projet de loi d'orientation agricole.
07:20 La ville de Bordeaux a été prise pour cible par la coordination rurale
07:23 il y a quelques jours, le 11 mars dernier,
07:25 avec du lisier déversé sur le miroir d'eau.
07:27 La ville a porté plainte.
07:29 Est-ce que vous craignez que Bordeaux soit de nouveau prise pour cible,
07:32 visée par de la colère des agriculteurs ?
07:34 - Alors je ne suis pas un maire craintif,
07:36 puis je considère que le droit de manifester
07:38 est un droit ouvert à tous nos concitoyens.
07:42 Par contre, qui dit manifester ne dit pas détériorer.
07:44 Je pense qu'on peut manifester dans Bordeaux
07:46 sans pour autant détériorer l'espace urbain.
07:49 On peut défendre les espaces agricoles
07:52 qui ont besoin d'être défendus comme le font actuellement les agriculteurs
07:55 sans pour autant détériorer l'espace public urbain.
07:58 C'est pour ça que je pense avoir été fermé en déposant plainte
08:01 en me disant "mais manifester, ne venez pas détériorer le miroir d'eau".
08:05 Il a été très sérieusement détérioré, endommagé.
08:08 En jetant du lisier, on a endommagé les canalisations souterraines.
08:14 Toutes les interstices de ces canalisations sont bouchées par du lisier.
08:20 Ça demande de gros travaux de remise en état.
08:22 Je ne suis pas persuadé que le miroir d'eau
08:24 pourra être remis en état à la date
08:26 à laquelle nous avions prévu de le remettre en fonctionnement.
08:29 Je trouve que c'est une façon de se faire entendre qui est peu admissible.
08:33 Vous savez, pendant les périodes les plus dures des manifestations agricoles,
08:38 moi j'ai reçu à la mairie de Bordeaux,
08:40 discrètement, je ne voulais pas qu'il y ait de soupçons
08:42 de la moindre récupération politique,
08:44 j'ai reçu des représentants syndicaux agricoles
08:46 et on a discuté et je leur ai expliqué
08:48 en quoi on peut être maire d'une grande ville comme Bordeaux
08:51 et être très ouvert à leurs revendications
08:53 et être prêt à les aider.
08:55 Vous allez me dire "mais comment vous les avez aidés ?"
08:57 Je vais vous dire, des mesures très simples.
08:59 D'abord à Bordeaux, on a eu la chance d'accueillir
09:01 le premier sommet d'agroécologie.
09:03 C'était une première, elle s'est tenue à Bordeaux,
09:05 moi j'ai tenu à l'ouvrir et à discuter avec les agriculteurs.
09:08 Ensuite, nous avons un biais, c'est la commande publique.
09:12 Nous avons à Bordeaux 24 000 repas par jour
09:15 dans nos cantines scolaires, c'est énorme.
09:17 Mais nous avons tenu que ces repas,
09:20 principalement, soient commandés à des agriculteurs locaux.
09:23 Le chiffre c'est à peu près 57% de notre commande
09:27 pour les 24 000 repas se font dans un périmètre restreint
09:31 autour de Bordeaux.
09:32 74% des commandes et des aliments sont bio.
09:37 Je mets également à disposition gratuitement des AMAP
09:40 qui font travailler l'agriculture paysanne.
09:43 La ville les met gratuitement à disposition des associations.
09:48 Donc tout ce qui est entre les mains de la municipalité
09:52 pour aider l'agriculture locale, nous le faisons.
09:55 Il ne faut pas opposer les villes et les campagnes.
09:57 Nos intérêts sont directement liés.
10:00 Je m'efforce de faire passer ce message-là
10:02 auprès des agriculteurs qui nous nourrissent.
10:05 Il ne faut jamais oublier que l'agriculture
10:07 n'est pas là pour produire, elle est là pour nourrir.
10:09 Elle nourrit notamment les habitants des villes.
10:11 Je veux que ce message soit compris par les agriculteurs.
10:16 C'est pour ça que j'avais tenu à discuter avec eux.
10:19 Ils ont franchi une espèce de méfiance initiale
10:21 vis-à-vis d'un maire qui croyait très urbain.
10:23 Ils se sont rendu compte qu'un maire très urbain
10:25 est très ouvert aux problématiques des campagnes
10:27 et surtout au devenir vital de notre agriculture.
10:30 Merci beaucoup Pierre Romyc d'avoir été avec nous ce matin
10:33 en direct sur France Bleu, Gironde-mer de Bordeaux.
10:34 Bonne journée à vous.
10:35 Merci.
10:36 Et l'agriculture française soutenue justement
10:38 par les magasins Gironde 1, Sobio.
10:40 On va en parler après le journal de 8h avec Olivier Cabrolier
10:43 qui se rend dans ses enseignes ce matin chez vous à Pessac.