Témoins de l'actu - 27/03
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00:00 Il est 8h -10, venez nous dire, quels sont vos souvenirs de l'année 1989 ?
00:04 On vous pose la question ce matin, on le rappelle à l'occasion du Festival Récidive
00:08 qui se tient cette semaine à Orléans au Cinéma des Quarts mais à l'Atelier Canopée.
00:12 Festival qui est consacré à cette année 89 justement.
00:16 Venez nous raconter ce que vous retenez de cette année-là.
00:18 Et le principe du Festival, Marie, c'est, on le rappelle, de revenir avec des films et des conférences
00:24 sur une année marquante de l'histoire.
00:26 Et avec nous ce matin, pour en discuter, nous accueillons le directeur du Cinéma des Quarts
00:30 mais un étudiant en études cinématographiques à l'ENS je crois.
00:34 Oui c'est ça. Bonjour Michel Ferry.
00:35 Bonjour.
00:36 Bonjour Augustin Claroux.
00:37 Michel Ferry, après 1968 l'année dernière, pourquoi avoir choisi de mettre en avant 1989 cette année ?
00:44 Il y avait une sorte d'évidence, c'est-à-dire que le 89 c'est une année extrêmement riche historiquement.
00:52 Ça commence, on va dire, le premier signe des tremblements, c'est la fatwa de Khomeini contre Roujdi.
00:58 Et puis ça se termine avec la chute du mur, le procès de Ceausescu.
01:04 Entre-temps il y a eu Tiananmen, l'invasion du Panama, le retrait des troupes soviétiques d'Afghanistan.
01:11 Enfin bref, c'est une année absolument monumentale.
01:13 Et en termes de cinéma, qu'est-ce qui se passe en 89 ?
01:16 C'est marrant parce qu'à chaque année on choisit une année et puis après on se dit,
01:19 bon on espère qu'il y a des films. Et là on commence à creuser sur les films et c'est époustouflant.
01:24 Il y a une très très grande année de cinéma et en même temps c'est intéressant parce que,
01:28 même si à proprement parler, les films ne parlent pas de 89, évidemment,
01:35 on sent bien que c'est une année charnière, c'est un passage de flambeau.
01:39 C'est-à-dire qu'on voit bien, hier on projetait un des meilleurs films de Spike Lee,
01:44 "Do the Right Thing", qui est vraiment le film qui le fait sortir du lot.
01:49 Et en même temps on voit bien que c'est l'année, avec "Milou en mai",
01:54 ou "La vie est rien d'autre", de Tavernier,
01:58 ce sont des films de cinéastes déjà établis, qui sont dans la continuation de leur carrière.
02:05 Et là il y a à la fois plein de films à découvrir, plein de cinéastes à redécouvrir,
02:09 à voir comment ils ont émergé.
02:11 Tout à l'heure on va projeter "Un monde sans pitié", film d'Éric Rochand,
02:14 qui a été un film extrêmement marquant à l'époque.
02:17 Il y a Hippolyse Girardot qui viendra signer un livre à ce moment-là.
02:20 Et c'était un film qui racontait extrêmement bien son époque.
02:25 Et donc on a découvert que c'était une année formidable de cinéma.
02:28 - Augustin Claroux, vous êtes étudiant en études cinématographiques à l'ENS,
02:32 "1989", c'est essentiellement des films politiques,
02:35 on peut penser ça effectivement avec tous les événements qui se sont passés dans les années d'avant aussi ?
02:40 - Oui, et en même temps selon moi, c'est dur de faire une généralité,
02:44 mais selon moi il y a une nouvelle génération en 1989 qui est peut-être moins,
02:50 pas moins politique, mais en tout cas moins militante.
02:52 Et donc on a des films qui explorent le monde différemment.
02:57 Et notamment je pense à un film de Idrissa Ouedraogo, un film Burkinabé,
03:03 qui un peu marque Yahaba en 1989,
03:06 qui un peu marque cette nouvelle génération de cinéastes africains,
03:08 même s'il est un peu réducteur de parler de cinéastes africains,
03:11 qui ne font plus du cinéma ouvertement ou explicitement militant,
03:16 mais qui en tout cas explorent et qui ont quand même un pouvoir de transformation qui leur soit propre.
03:22 - Un film que vous allez présenter ? - Oui.
03:24 - Et qui parle de quoi en quelques mots ?
03:26 - Qui parle d'une sorcière dans un village qui est rejetée par les membres de la communauté,
03:32 et c'est comment cette grand-mère qu'on dit Yahaba va nouer des liens d'amitié avec deux enfants.
03:39 Et donc c'est des histoires intimes et familiales qui veulent dire beaucoup de choses selon moi.
03:46 - En 1989, on pense évidemment, on vous demandera vos souvenirs tout à l'heure,
03:49 mais on pense évidemment à Chute du Mur,
03:51 il y a eu beaucoup de films sur la guerre froide de manière générale en 1989, ou pas spécialement ?
03:56 - Non, c'est marrant parce que, enfin, à ce moment-là, non très peu,
04:01 je me souviens qu'il y avait un film dont le titre m'échappe,
04:04 sur des gens qui essayent de s'échapper d'Allemagne de l'Est en avion,
04:08 il y a eu un remake il y a quelques années.
04:11 C'est marrant, on constate bien, une fois sorti de l'époque militante,
04:17 c'est-à-dire, et 68 était assez marquant là-dessus,
04:21 c'est-à-dire qu'une fois qu'on sort d'une époque où on a des cinéastes qui clament leur désaccord,
04:28 qui font des films contre ou pour, etc., on a besoin de certaines années de recul.
04:34 Et du coup, c'est pour ça qu'on a choisi un certain nombre de films,
04:37 "Goodbye Lénine" par exemple, qui illustrent 89, mais qui ont été faits après.
04:43 Et c'est vrai qu'après, sur des périodes aussi complexes,
04:46 j'imagine que les cinéastes ont besoin d'un temps de réflexion, d'analyse,
04:51 il y a toute une théorie qui a été développée à l'époque,
04:52 qui s'est démontrée fausse, dont on parlait tout à l'heure sur la fin de l'histoire...
04:58 - En 1989, marqué la fin de la guerre froide...
05:01 - Oui, c'est ça, la fin de la guerre froide, on va arriver...
05:04 Parce qu'à Malte, cette même année, Gorbatchev annonce la fin de la guerre froide.
05:09 C'est énorme.
05:10 C'est-à-dire que tout le monde se dit,
05:13 toutes ces gens, tout le monde, ont vivé avec cette idée de la possibilité d'une guerre nucléaire,
05:20 très annoncée par Reagan, et tout à coup on sort de ça,
05:25 et on s'imagine qu'on va arriver vers une ère de paix.
05:30 - Et vous, qui nous écoutez, qui nous regardez,
05:33 venez nous dire quel souvenir vous gardez de 1989 ?
05:36 On vous pose la question à l'occasion.
05:37 On le rappelle Marie du festival Récidiv' qui a commencé hier à Orléans,
05:41 et qui propose de voir les plus grands films de cette année-là au cinéma Les Karmes à Orléans, entre autres.
05:46 Michel Ferry, 1989, là comme ça, ça vous évoque quoi ?
05:50 - Je me souviens très précisément de la stupéfaction au moment de la fatwa contre Rougedie.
05:57 C'est-à-dire que, un, je ne connaissais absolument pas Rougedie à l'époque,
06:01 ça l'a fait connaître, c'est l'aspect positif de l'affaire,
06:04 mais c'était juste stupéfiant de se dire que quelqu'un pouvait être condamné à mort,
06:10 juste pour ce qu'il avait écrit,
06:12 les Versets sataniques, vous vous souvenez,
06:16 qui était un livre, finalement, un livre de comédie,
06:21 c'est un livre satirique,
06:24 et on n'avait pas vu ça depuis le 15e, 16e siècle, j'ai envie de dire.
06:28 Après, il y a évidemment la chute du mur, je me souviens de rentrer chez moi,
06:31 tard le soir, j'allume la télé en passant, j'avais une toute petite télé à l'époque,
06:36 et tout d'un coup je vois tous ces gens sur le mur, c'était énorme !
06:40 - En train de le démolir, c'était incroyable !
06:42 Augustin Claroux, vous vous étiez pané en 1989,
06:45 ça fait partie, effectivement, on imagine la chute du mur,
06:48 de ce qu'on apprend dans les livres d'histoire,
06:50 et ce qui vous marque quand vous pensez à cette année-là.
06:53 - Oui, c'est le premier événement qui me vient à l'esprit,
06:57 et après, Tiananmen, et tout ce qui se passe un peu à travers le monde,
07:01 même la fin de l'apartheid qui arrive un ou deux ans après,
07:06 mais donc ça évoque beaucoup de choses.
07:09 - L'occasion du festival, c'est aussi d'avoir des conférences sur l'année,
07:13 qui est mise en avance, c'est pas que le cinéma,
07:16 et justement on imagine que ces conférences, Michel Ferré,
07:18 vont être plutôt ancrées sur les événements politiques, sociétaux, historiques.
07:22 - Absolument, alors aujourd'hui, par exemple, à 13h30,
07:25 il y a une table ronde autour de la chute du mur,
07:29 de ce qui s'est passé avec Nicolas Hofenstadt et Mathilde Arel,
07:34 juste après il y aura une conférence sur l'hostalgie,
07:39 et qu'est-ce que c'est que l'hostalgie justement ?
07:44 La nostalgie du bloc Est-Ouest,
07:49 je fais ça, Nicolas Hofenstadt racontera ça beaucoup mieux que moi,
07:54 mais c'est marrant parce que ça nous donne,
07:57 c'est extrêmement intéressant parce que c'est une lecture,
08:00 ça nous redonne une lecture de l'actualité,
08:02 c'est-à-dire que tout ce qu'on a été,
08:05 enfin moi j'ai vécu mon enfance structurée dans le bloc Est-Ouest,
08:09 dans cette guerre froide qui n'en finissait pas,
08:12 on voit bien qu'il y a des réminiscences maintenant,
08:15 peut-être que Poutine est un grand nostalgiste,
08:18 j'en sais rien, mais il y a quelque chose de très actuel.
08:23 - Rapidement, à tous les deux, si je vous demande,
08:25 un film de l'année 89, ou en tout cas qui est présenté au festival,
08:28 que vous retenez très rapidement.
08:30 - Pour moi c'est "Route 1 USA" de Robert Kramer,
08:34 qui est quand même, je pense, magnifique.
08:37 - Et Michel Ferré ?
08:38 - Alors là, il y en a tellement,
08:40 je pense tout d'un coup à "Miss Daisy et son chauffeur",
08:46 qui est un film sur le racisme au quotidien qui est formidable.
08:49 - On va aller le découvrir.
08:50 - Ce sera les recommandations de la journée.
08:52 Merci beaucoup à tous les deux d'avoir été avec nous,
08:54 bonne fin de festival qui vous soutient jusqu'à dimanche à Orléans.