Pluralisme : Roch-Olivier Maistre assure qu'il n'y aura pas de "fichage" des intervenants à la télé et à la radio

  • il y a 6 mois
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00:00 Sonia De Villere, il est 7h48, votre invité ce matin est le président de l'ARCOM, l'Autorité
00:06 de Régulation de l'Audiovisuel et du Numérique.
00:09 Qu'on qualifie familièrement Nicolas de « gendarme de l'audiovisuel » et qui
00:13 semble voué à devenir plus gendarme que jamais.
00:16 Le Conseil d'État a rendu une décision coup de poing, jusqu'à présent on décomptait
00:19 le temps de parole des politiques pour s'assurer que nos radios et nos télévisions respectaient
00:24 le pluralisme.
00:25 Désormais, il faudrait prendre en compte, je cite, « la diversité des courants de
00:29 pensée et d'opinion de toute personne s'exprimant à l'antenne ».
00:32 Bonjour Roc Olivier Maestre, cette décision a été rendue suite à un recours de l'Association
00:37 Reporter Sans Frontières concernant la chaîne d'information CNews.
00:40 Est-ce qu'elle s'applique néanmoins à toutes les télés et toutes les radios ?
00:43 Elle s'applique à toutes les télés et à toutes les radios.
00:46 Il faut rappeler que dans notre cadre juridique, les éditeurs de chaînes de radio et de télévision
00:51 sont soumises à une règle qui est le respect du pluralisme des courants de pensée et d'opinion.
00:55 C'est un principe de valeur constitutionnel, le Conseil constitutionnel a souligné.
00:59 C'était indissociable de la démocratie et du pluralisme.
01:01 On le comprend bien évidemment.
01:03 Elle s'applique déjà la décision du Conseil d'État ?
01:05 Elle s'applique d'ores et déjà.
01:06 Depuis le 13 février date de cette décision.
01:08 Et donc les éditeurs doivent se mettre en ordre de marche pour que l'ensemble de leur
01:11 programme, l'ensemble des intervenants, assurent une pluralité des courants de pensée et d'opinion.
01:16 Alors concrètement, ça veut dire quoi « toutes les personnes présentes sur un plateau » ?
01:19 Ça veut dire que le temps de parole des personnalités politiques, qu'on décomptait déjà, ça
01:23 ne bouge pas ?
01:24 On continue à le faire, y compris en période électorale, bien évidemment, où ce contrôle
01:27 est renforcé, comme vous le savez.
01:28 Est-ce que vous pouvez préciser ce que c'est qu'une personnalité politique ?
01:31 C'est forcément quelqu'un inscrit dans un parti ?
01:33 Le départ, c'est bien évidemment un lien organique avec un mandat électif, un député,
01:37 un maire, un conseiller général, un conseiller régional.
01:39 C'est quelqu'un qui est effectivement encarté dans un parti politique.
01:42 Mais la jurisprudence du Conseil d'État laisse au régulateur un certain pouvoir d'appréciation
01:47 de personnalités qui sont sorties de la vie politique au sens où ils n'ont plus de mandat
01:51 politique ou qui ne sont plus encartés, mais qui néanmoins restent des acteurs politiques.
01:55 Exemple qu'on a eu récemment, Philippe de Villiers n'est plus encarté, n'est plus
01:59 membre d'un parti politique, mais il est présent dans les médias et ses tribunes
02:03 sont considérées comme des tribunes de nature politique.
02:05 Donc, on le continue de ce type de choses.
02:06 D'accord, donc ça c'était déjà le cas.
02:07 À partir de maintenant, est-ce qu'on va cataloguer les chanteurs de droite et les
02:11 chanteurs de gauche, les acteurs de droite et les acteurs de gauche, les historiens de
02:14 droite et les historiens de gauche, les chefs d'entreprises de droite et les chefs d'entreprises
02:18 de gauche ?
02:19 Je suis très clair là-dessus, il n'est pas question de rentrer dans un catalogage,
02:23 dans un fichage, j'ai vu ce mot-ci être utilisé, dans un étiquetage de tous les
02:28 intervenants sur les plateaux de télévision ou sur les antennes de radio.
02:31 Ce n'est pas ce que le Conseil d'État nous demande.
02:33 Le Conseil d'État nous demande d'élargir notre focale, comme on dit en photographie,
02:38 d'avoir un regard plus large sur l'appréciation du pluralisme et effectivement d'avoir un
02:41 regard plus global sur l'ensemble des programmes, l'ensemble des intervenants, pour voir s'il
02:45 n'y a pas un déséquilibre manifeste et durable au principe du pluralisme.
02:50 C'est ça qu'il nous a demandé.
02:51 Ce n'est pas une question de catalogage.
02:52 Vous parlez des invités, parce que par exemple, est-ce qu'on veut savoir ce que vote ou dans
02:57 quel courant s'inscrit Anne-Sophie Lapix qui présente le JT de 20h sur la 2 ou Gilles
03:01 Bouleau, celui du 20h sur la 1 ? Est-ce que ça vaut pour les présentateurs et pour les
03:06 journalistes ?
03:07 Ce n'est pas un contrôle programme par programme qu'il nous a demandé, c'est un contrôle
03:09 dans la globalité.
03:10 On prend un éditeur, on regarde ses programmes, comme pour le pluralisme politique.
03:14 Le pluralisme politique s'apprécie sur le trimestre en période normale.
03:16 Quand vous invitez une personnalité le lundi d'une certaine couleur, vous créez un déséquilibre
03:21 instantané et puis vous le compensez quelques jours après en invitant une personnalité
03:24 d'une autre couleur.
03:25 Là, c'est la même chose.
03:26 On appréciera dans la durée, sur une certaine durée qu'on va déterminer, puisqu'on travaille
03:30 sur le sujet, si les programmes manifestent un déséquilibre, manifeste, durable au regard
03:37 du principe du pluralisme.
03:38 Est-ce que vous allez prendre en compte les éditorialistes par exemple ?
03:41 En d'autres termes, Sonia Devilleur, ce que veut dire cette décision, c'est quoi ?
03:46 On ne peut pas, dans le cadre juridique, en vigueur en France, avoir une chaîne d'opinion,
03:51 ni en radio, ni en télévision.
03:52 C'est ça que veut dire cette décision.
03:55 On ne peut pas avoir un média qui ne développe qu'un courant de pensée.
03:58 Il faut avoir un pluralisme des courants de pensée et d'opinion.
04:01 C'est ça que veut dire la décision et c'est ça qu'on nous demande de vérifier.
04:03 Je ne vous dis pas que le travail va être simple.
04:05 Le Conseil d'État nous laisse six mois, il y a peut-être une raison pour cela.
04:08 Sauf que ce que je ne comprends pas, Président, c'est comment on peut se faire une idée
04:12 globale sans compter ?
04:13 C'est-à-dire comment on peut se faire une idée globale des plateaux de CNews, qui
04:18 est régulièrement accusée d'être une chaîne d'opinion et plus une chaîne d'information,
04:22 sans prendre chacun des éditorialistes qui sont autour de la table et se demander d'où
04:25 ils viennent et au nom de quoi ils parlent ?
04:28 Non, c'est ça qui est difficile dans la mise en œuvre.
04:30 Je ne vous dis pas que ce sera simple, bien évidemment pour le régulateur.
04:33 L'idée, ce sera de prendre un faisceau d'indices sur une certaine durée, quelles sont les
04:38 thématiques traitées, est-ce que c'est traité par une pluralité d'intervenants,
04:44 si vous avez toujours les mêmes intervenants, vous avez une présomption, et quel sens d'expression
04:50 est pris sur telle ou telle thématique dans la durée.
04:53 Y a-t-il un déséquilibre manifeste et durable ou pas ? C'est dans ce sens-là que le régulateur
04:58 va travailler.
04:59 C'est intéressant parce que ce que vous dites, ce n'est pas seulement qui parle,
05:03 c'est aussi de quoi on parle.
05:04 Est-ce qu'on traite en continu d'immigration, de sécurité, de trafic de drogue ou est-ce
05:09 qu'on parle d'écologie ?
05:10 Tout à fait, mais en rappelant un principe de base, qui est la liberté éditoriale des
05:14 médias.
05:15 Je souhaite le souligner.
05:16 Un éditeur, bien évidemment, est tout à fait libre de choisir les thèmes qu'il
05:19 veut traiter et la façon dont il les traite.
05:20 Il est libre de choisir les intervenants qu'il veut inviter sur ses plateaux.
05:24 Ce n'est pas l'Arkom qui fait les programmes de radio et de télévision, ce n'est pas
05:28 l'Arkom qui choisit les invités sur les plateaux.
05:29 La seule chose, c'est que l'éditeur est tenu de veiller à un certain équilibrage
05:34 dans le traitement des informations, en particulier, qu'il est amené à couvrir sur ses antennes.
05:39 Alors, les Français ne le savent peut-être pas, Olivier Maistre, mais les chaînes de
05:42 télévision émettent grâce à des fréquences qui appartiennent à l'État.
05:46 Et là, il y a 15 chaînes qui arrivent au bout de leur autorisation et de leur fréquence.
05:51 Leur fréquence est remise en jeu.
05:53 Il y a LCI, il y a BFM, il y a W9, il y a TMC, la chaîne de quotidien avec Yann Barthez,
05:57 il y a C8, la chaîne de Cyril Hanouna, il y a CNews.
06:00 Vont-elles être candidate à leur prolongement ou pas ? Allez-vous les y autoriser ou pas
06:06 et qui prendrait alors leur place ? C'est du jamais vu.
06:10 Oui, c'est un épisode inédit puisqu'effectivement, on a 15 chaînes qui arrivent en fin d'autorisation
06:15 en 2025.
06:16 C'est la moitié des chaînes de la TNT et la TNT, c'est très important.
06:18 C'est ce que regardent beaucoup les Français.
06:20 Ils regardent plus de deux heures et demie la télévision en moyenne chaque jour.
06:22 Donc, ça intéresse directement les Français.
06:24 Vous l'avez dit, il faut le rappeler, ces éditeurs occupent le domaine public de l'État.
06:30 Ils occupent des fréquences qui appartiennent à nous tous.
06:32 C'est un bien public qui est attribué après une procédure d'appel à candidature pour
06:36 une durée limitée.
06:37 10 ans la première autorisation qui peut être renouvelée pour 5 ans.
06:40 Et là, on a 15 chaînes qui arrivent en fin d'autorisation.
06:42 Donc, appel à candidature, on verra le 15 mai puisque les dossiers sont attendus pour
06:46 le 15 mai.
06:47 On auditionnera ensuite les candidats présélectionnés au cours du mois de juillet et on choisira
06:53 fin juillet pour ensuite mettre au point les conventions qui vont lier ces éditeurs au
06:58 régulateur.
06:59 Est-ce que le jeu est ouvert ? Je vous pose la question parce qu'il y a deux fréquences
07:02 qui ont déjà été remises sur le marché, celle de TF1 et celle d'M6.
07:05 Xavier Niel était candidat pour reprendre celle d'M6, candidat malheureux.
07:09 Et là, il n'y va pas par quatre chemins.
07:11 Il estime que les dés sont pipés, que vous avez peur de la nouveauté, que vous avez
07:14 peur de la concurrence, que ce sont toujours les mêmes barons, je résume sa pensée,
07:17 qui détiennent les clés de la télé française et que l'année prochaine, fois deux milliardaires
07:21 qui en a marre de prendre des baffes, ce sera la même chose.
07:23 Candidat malheureux, vous avez dit les choses, d'où peut-être certaines expressions.
07:27 C'est un bon exemple.
07:28 Il y avait deux fréquences disponibles, trois candidats et trois candidatures très intéressantes,
07:33 de qualité et qui d'ailleurs ont fait bouger les choses.
07:35 Puisque le fait qu'il y ait un troisième candidat, qu'il y ait de la concurrence,
07:37 fait que les deux autres candidats ont fait bouger leur offre incontestablement.
07:42 Sur 15 fréquences, on va voir ce qui se présente.
07:44 Mais oui, le jeu est ouvert.
07:45 Le jeu est ouvert, je le dis très simplement.
07:48 Et le régulateur choisit en fonction des critères qui sont posés par la loi.
07:52 D'abord le pluralisme, au sens pluralisme externe, avoir une grande diversité d'opérateurs.
07:57 Et puis bien évidemment l'intérêt du public pour offrir au public une grande palette
08:00 de programmes, des chaînes généralistes, des chaînes d'information, des chaînes thématiques.
08:04 Alors avant chaque autorisation d'émettre, vous venez de le dire, il y a une convention.
08:08 C'est une sorte de cahier des charges que les chaînes doivent s'engager à respecter.
08:12 Ça veut dire que pour les chaînes qui existent déjà et qui veulent simplement continuer
08:17 d'exister, la convention va rester en l'état ou vous allez modifier les conventions ?
08:22 On repart d'une feuille blanche Sonia De Villers.
08:24 L'exemple de TF1 et M6 est intéressant.
08:26 On a revu très sensiblement ces conventions.
08:29 On les a très largement réécrites.
08:31 D'abord parce que le droit a changé depuis le moment où on a autorisé ces chaînes.
08:36 On a pris en compte, et c'est ça les conventions, elles prennent en compte les engagements
08:41 que l'éditeur prend devant le régulateur dans son dossier de candidature, mais aussi
08:45 dans les auditions publiques qui se tiennent.
08:47 Donc c'est des engagements qu'ils prennent devant les Français et qu'on consigne tel
08:51 un notaire dans la convention.
08:52 Et ensuite ce régime, c'est nous qui allons le contrôler.
08:55 Vous avez utilisé l'expression de gendarme.
08:56 C'est en se fondant sur ces textes qu'ensuite on interviendra.
08:59 Mise en garde, mise en demeure ou éventuellement sanction s'il y a manquement.
09:02 C News et C8 qui appartiennent à Vincent Bolloré cumulent 42 procédures depuis 2012,
09:07 dont 6 depuis le début de l'année.
09:09 En février 2023, 3,5 millions d'euros d'amendes ont été infligés à C8 après
09:16 une sortie de Cyril Hanouna.
09:17 Est-ce que ça va peser dans votre décision de renouveler ou non leur autorisation d'émettre ?
09:24 Vous voyez que le régulateur est actif en tout cas.
09:26 Il ne regarde pas passer les trains.
09:28 Il interviendra à chaque fois que c'est nécessaire bien évidemment.
09:31 C'est un critère.
09:32 Ce n'est pas le seul critère, mais c'est un critère.
09:35 Bien évidemment, le respect par un éditeur de ses obligations à l'égard du régulateur,
09:39 bien évidemment c'est un critère que le régulateur prend en compte.
09:41 C News est-elle une chaîne d'information comme les autres ?
09:44 Je vous pose la question, Roque-Livier Maestre, parce que certains candidats aux élections
09:47 européennes refusent d'aller y débattre au motif que justement ce n'est pas une
09:52 chaîne d'information comme les autres.
09:54 C News a été autorisé comme chaîne d'information et dans sa décision du Conseil d'État,
09:58 le Conseil d'État a considéré que C News respectait sa convention.
10:01 Donc elle était bien dans ce format-là.
10:02 Je ne porterai pas de jugement supplémentaire puisque C News fait partie des chaînes qui
10:06 sont dans l'appel à candidature et donc je ne vais pas préjuger bien évidemment
10:10 au regard du principe d'impartialité ce que sera la position du régulateur à l'égard
10:13 ses élites.

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