• il y a 7 mois
Cette directive européenne fixe de nouvelles normes et obligations de reporting extra-financier et introduit la notion de double matérialité.
Mais comment collecter la donnée nécessaire ? Les ETI sont-elles prêtes aujourd’hui techniquement ? Quels investissements cela suppose-t-il ? À la fin des fins, est-ce une contrainte ou une opportunité ?

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Transcription
00:00 *Musique*
00:06 Et pour commencer cette émission, j'ai le plaisir de recevoir Anne-Catherine Husson-Traore, bonjour.
00:10 Bonjour.
00:11 Vous êtes la directrice générale de Novetic et je voudrais peut-être reposer le cadre avec vous Anne-Catherine,
00:16 parce que c'est vrai que ce sigle CSRD reste encore assez obscur finalement pour pas mal de gens.
00:20 Qu'est-ce que c'est que cette directive ?
00:22 Alors ce qui est intéressant déjà, qu'est-ce qu'il y a derrière CSRD ?
00:26 C'est Corporate Sustainable Reporting Directive.
00:29 Donc c'est l'idée que ça pose le cadre de ce qui est quand même une révolution en fait.
00:33 C'est comment l'entreprise, quel type de données et quel type d'informations elle doit donner
00:38 pour comprendre à la fois quels sont ses impacts environnementaux et sociaux, là maintenant,
00:44 et aussi surtout vers quoi elle va.
00:46 Si on prend le climat par exemple, c'est bon, à l'instant T, quelles sont ses émissions de CO2 sur tous les scopes,
00:53 c'est-à-dire ses émissions directes, ses émissions alimentées par le mode d'énergie qu'elle a,
00:58 et puis aussi indirectes.
01:00 Par exemple pour un centre commercial, les émissions les plus importantes, c'est celles des voitures, des clients qui viennent.
01:06 Donc ça c'est un scope 3 et au premier air on peut se dire "oui mais ils ne sont pas responsables".
01:11 Bah oui et non, parce que par exemple selon le choix d'implémentation de son magasin,
01:16 si c'est dans un centre commercial excentré où on n'accepte que par un parking, par définition,
01:21 là on va avoir plein d'émissions de CO2.
01:23 Si on le met par contre en plein centre ville juste à côté d'un métro, là on va réduire cette empreinte de scope 3.
01:29 Donc c'est un exemple parmi d'autres du fait que c'est une révolution de la façon dont l'entreprise doit évaluer son business model.
01:35 Quels sont ses impacts positifs et négatifs, il y en a toujours,
01:38 et est-ce qu'il y a plus d'impact positif que d'impact négatif,
01:41 et surtout quels sont les investissements, les stratégies à mettre en place pour réduire les impacts négatifs et maximiser les impacts positifs.
01:49 Donc derrière ce signe un peu barbare, il y a en fait l'idée de changer de modèle.
01:53 Alors ça induit un nouveau concept qui est celui de la double matérialité,
01:58 est-ce que là aussi vous pouvez peut-être donner quelques éléments d'explication ?
02:00 Alors ce qui est très important et là où ça va être réussi, parce qu'on va avoir 4-5 années de déploiement,
02:06 c'est vraiment que les entreprises comprennent bien non pas à faire une fixette sur les potentiels 1000 data points
02:13 qu'on est censé pouvoir leur demander, mais sur la première étape qui est de définir son analyse de double matérialité.
02:18 Alors ça veut dire quoi ? Ça veut dire à la fois mesurer ses impacts directs d'une part, et en quoi ils peuvent impacter financièrement.
02:27 Je vous donne un exemple, une entreprise qui fabrique un produit et qui a besoin de beaucoup d'eau,
02:31 si elle est dans une région atteinte par la sécheresse, ça a un impact financier, c'est la matérialité simple.
02:37 C'est-à-dire qu'à un moment elle va devoir s'arrêter de produire ou produire beaucoup moins, donc par définition moins de chiffre d'affaires, etc.
02:43 En revanche la double matérialité c'est de se dire, est-ce qu'elle aggrave le problème, c'est-à-dire quel est l'impact du métier de l'entreprise sur le problème dont on parle ?
02:51 Par exemple l'approvisionnement en eau. Si effectivement elle a des machines extrêmement consommatrices d'eau,
02:56 et qu'elle a zéro plan pour diminuer la consommation d'eau, et bien par définition elle a une analyse de double matérialité extrêmement à risque.
03:04 Parce que la double matérialité c'est que ses impacts négatifs vont aller crescendo.
03:08 Donc ça veut dire qu'aujourd'hui elle a, j'espère que je ne vous ai pas perdu, un modèle économique qui la met en elle-même à risque.
03:15 Puisqu'en fait si elle n'anticipe pas maintenant sur la sobriété, un, elle va avoir un problème parce que de toute façon elle ne va pas pouvoir tourner,
03:22 il va y avoir des arrêtés d'utilisation d'eau, etc. Donc elle va devoir s'arrêter, elle va avoir un impact sur son chiffre d'affaires.
03:28 Mais l'autre chose c'est que comme elle continue à avoir des machines qui sont beaucoup trop consommatrices d'eau,
03:32 et qu'elle n'a rien fait, elle n'a pas de plan de transition, elle n'a rien, et bien à un moment elle va devoir s'arrêter complètement parce qu'il n'y aura plus d'eau.
03:37 Et donc c'est tout ce raisonnement-là qu'amène la CSRD, en faisant cette analyse de double matérialité,
03:43 et surtout en le faisant le mieux possible, parce que le pire serait que les entreprises se disent
03:48 "Bon, on va prendre des consultants qui s'y connaissent, on va cocher des cases et ça ira très bien".
03:53 Là où le rendez-vous sera manqué, c'est si elles ne s'emparent pas de ça dans une lecture stratégique.
03:58 Quels sont leurs points faibles, quels sont leurs risques, et quelles sont les opportunités qui vont avec.
04:02 Si je comprends bien, c'est en fait un outil à destination des entreprises pour établir une certaine trajectoire qui serait plus responsable, on va dire.
04:12 Oui, ce qu'il faut avoir en tête c'est que "sustainable" en anglais, ça veut dire durable et soutenable, ou résilient si vous préférez.
04:18 Donc si on a ça en tête, on ne voit pas la directive de la même façon.
04:22 C'est-à-dire que c'est un outil, et des matrices et des référentiels, qui aident à comprendre si face aux risques environnementaux et sociaux qu'on a,
04:30 qui sont déjà là, on est équipé pour les traverser et continuer à être rentable ou pas.
04:36 Et donc c'est vraiment un changement de paradigme sur ça veut dire quoi être une entreprise durable à tous les sens du terme.
04:43 Ça veut dire être capable d'évaluer ses risques au meilleur niveau, on va dire, et mettre en face la stratégie qui va bien.
04:50 Qu'est-ce qu'on risque si par exemple on n'applique pas cette CSRD, ou si on a, il n'y a pas de scoring donc c'est compliqué de le formuler, mais une sorte de mauvaise CSRD ?
05:00 Alors le risque, d'abord il dépend de la façon dont ça a été transposé.
05:04 Donc la France est plutôt très allante sur le sujet, donc elle l'a bien transposé, il y a quand même des sanctions.
05:09 Si jamais il s'avère que, alors tout le monde est clair sur le fait que ça va prendre du temps, je pense que des sanctions éventuelles...
05:17 Ce ne sera pas tout de suite.
05:18 Ce ne sera pas tout de suite. En revanche la première sanction qui va se passer si on passe à côté de ça, c'est qu'en fait,
05:23 alors déjà on va avoir un problème pour s'inscrire comme fournisseur par exemple d'entreprises vraiment mieux disantes sur le sujet,
05:29 mais ça va être vécu comme une alerte de risque y compris pour les financiers, y compris pour les banquiers.
05:34 Parce que si vous n'êtes pas capable d'ici 5 ou 10 ans de donner les données importantes pour qu'on comprenne si vous avez bien une bonne trajectoire climat,
05:43 ou sur l'eau, ou sur d'autres questions sociales, puisqu'il y a beaucoup de métiers où il n'y a pas de ressources humaines nécessaires.
05:49 Donc tous ces sujets là sont en fait des sujets ESG.
05:51 Donc la vraie sanction c'est qu'en fait le modèle s'arrête beaucoup plus tôt que prévu.
05:56 Par exemple si vous cherchez un prêt, vous allez avoir des nouvelles grilles de lecture des investisseurs,
06:01 et s'il s'avère que vous n'êtes pas du tout éligible parce que vous n'avez pas vu le sujet et que ça ne vous intéresse pas,
06:06 là il y a un moment où ça va poser problème. Vous voyez ce que je veux dire.
06:09 Donc les sanctions pénales arriveront, mais honnêtement ce n'est pas le premier vecteur.
06:13 Mais il y a un vrai sujet, on va être encore je pense 2-3 ans dans cette époque un peu flottante,
06:18 où c'est un peu compliqué d'acquérir les bases.
06:21 Mais en fait une fois qu'on saisit l'opportunité que ça peut présenter,
06:25 et du coup que c'est un outil de transformation de l'entreprise, par lequel on n'a pas vraiment de plan B.
06:31 On peut dire que la réglementation c'est épouvantable, etc.
06:34 En vrai de facto, elle vous aide simplement à comprendre dans quel monde vous vivez au sens économique du terme.
06:41 La question des approvisionnements à l'autre bout du monde, on voit bien que avec ce qui se passe sur la logistique,
06:46 les problématiques en mer rouge, en mer noire et ailleurs,
06:48 peut-être le moment de s'interroger sur est-ce qu'on doit continuer comme ça ou pas par exemple.
06:52 Merci beaucoup Anne-Catherine, vous restez avec nous, on va poursuivre cette discussion dans un instant.

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