Marie Portolano reçoit sur le plateau de Télématin Emma Férey, journaliste et auteure. Elle publie un livre intitulé Émirage, qui nous emmène à Dubaï, dans l’univers pas toujours très reluisant des influenceurs. Pour ce roman, la jeune femme a mené une véritable enquête. Un sujet qui l’intéresse, « un portrait d’époque » selon elle, qui s’est posée la question suivante : comment ces jeunes vus dans la télé-réalité se sont servis des réseaux sociaux « pour créer un nouveau secteur, qui est celui de l’influence » ? En allant sur place à Dubaï, la journaliste a découvert l’envers du décor et elle explique que « tout n’est pas si rose » dans cet exode « vers un pays dont ils ne connaissent pas les règles ».
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00:00 -Mme Afferay, vous publiez ce roman policier
00:03 qui parle du monde des influenceurs à Dubaï.
00:06 C'est pas un simple roman,
00:08 puisque vous avez longuement enquêté pour ce livre.
00:10 Pourquoi ce milieu-là ? Qu'est-ce que vous racontez ?
00:14 -Écoutez, j'ai 27 ans en 2024.
00:16 J'ai vu l'émergence des réseaux sociaux
00:20 et la dimension qu'ils ont pu prendre
00:23 avec les influenceurs.
00:25 Il y a les créateurs de contenu,
00:27 mais aussi les influenceurs issus de la téléréalité.
00:29 C'est un monde. -Ça vous fascine ?
00:31 -C'est un grand mot. Ça m'intéresse.
00:34 -Pourquoi ?
00:35 -Parce qu'il y a un côté portrait d'époque.
00:38 À quel moment on a vu ces réseaux,
00:42 on a vu ces jeunes ?
00:43 C'est la télévision qui les a faits au départ.
00:46 Comment ils se sont servis des réseaux sociaux
00:49 et comment les agences se sont servies
00:51 pour créer un nouveau secteur, celui de l'influence.
00:54 Je trouve ça fascinant.
00:56 -Vous êtes beaucoup documentée. Vous êtes partie à Dubaï.
00:59 Est-ce qu'il y a quelque chose qui vous a marquée ?
01:02 Qu'est-ce qu'on soupçonne pas, nous, les influençables potentiels ?
01:06 Qu'est-ce qu'on sait pas sur ce monde ?
01:08 -Ça paraît simple comme ça,
01:10 mais en le voyant, c'est tout autre chose.
01:12 Il y a ce qu'on voit à travers le téléphone
01:14 et il y a l'envers du décor, tout ce que ça implique.
01:17 Dubaï n'est pas sur rose.
01:19 -C'est quoi, l'envers du décor ?
01:21 -C'est l'exode de plein de jeunes,
01:25 parce que globalement, ils sont souvent très jeunes,
01:28 vers un pays dont ils ne connaissent pas les règles,
01:32 qui paraît loin de la France, même si c'est que 6 heures d'avion,
01:35 et qui a des codes très particuliers,
01:37 puisqu'il faut respecter la religion,
01:40 une loi qui est extrêmement présente,
01:42 et continuer son business sur les réseaux sociaux.
01:45 -Concrètement, ils partent à Dubaï pour moins payer l'impôt ?
01:48 C'est quand même un avantage fiscal énorme, là-bas, non ?
01:51 C'est pas ça, la base, la première...
01:54 -La raison officielle, c'est qu'il y a plus de sécurité à Dubaï.
01:58 On ne pourra pas leur enlever, parce qu'en France,
02:01 ils vivent des cambriolages, des agressions, du harcèlement.
02:04 C'est un fait, c'est établi.
02:06 En revanche, oui, c'est parce qu'ils ne payent pas d'impôt sur le revenu.
02:10 -On va pas les plaindre ?
02:12 -On va pas les plaindre.
02:13 C'est pas les premiers à le faire, ce ne sera pas les derniers.
02:16 Il faut s'y intéresser, et comprendre pourquoi on n'a pas vu ça venir.
02:21 -Il y a un truc que j'ai jamais compris,
02:23 c'est que dans les vidéos d'influenceurs,
02:25 ils montrent qu'ils rêvent de beaucoup d'argent,
02:28 des voitures, des voyages.
02:30 Pourquoi ? Parce que, concrètement, c'est pas leur vraie vie.
02:33 Vous dites que c'est une vie de surface.
02:36 Pourquoi montrer ce qui n'est pas la vraie vie ?
02:38 -A vendre.
02:39 A vendre, c'est le principe des influenceurs.
02:42 C'est un métier qui est devenu une vitrine.
02:45 C'est des vendeurs, en réalité.
02:47 Il y a tout le principe d'influencer sa communauté.
02:50 Et donc, de montrer ce dont ils rêvent
02:53 et ce qu'ils vont avoir envie d'acheter et de vivre.
02:56 -Les influenceurs ont quand même une très forte...
02:59 Il y a une grande influence sur la jeunesse d'aujourd'hui,
03:03 mais on leur propose des choses qui n'existent pas.
03:06 La vie qu'on leur propose n'existe pas.
03:09 -C'est le principe de l'arnaque.
03:11 C'est bien là que ça coince.
03:13 Alors si, c'est possible de devenir très riche,
03:16 d'avoir une très belle villa et une très belle voiture à Dubaï,
03:19 ça existe. En revanche, à quel prix ?
03:22 Et en passant par quoi ?
03:23 Vous venez de le dire, c'est des jeunes
03:25 qui sont confrontés à ces vidéos, à ces réseaux sociaux,
03:29 et donc, ce sont les premiers clients.
03:31 Et c'est là où c'est un peu dramatique, en réalité,
03:35 parce qu'on fait fantasmer une jeunesse,
03:38 en France, ailleurs, en Europe,
03:39 sur des codes qu'ils ne pourront pas avoir.
03:42 -J'ai l'habitude d'y atteindre.
03:44 Est-ce que vous pensez que l'influence, en général,
03:47 c'est de l'arnaque ? -Non.
03:48 Pas de généralité. Il y a les créateurs de contenu
03:51 qui, eux, se diversifient.
03:53 Il y a presque un côté artistique.
03:55 Ils produisent des contenus, c'est travaillé,
03:58 il y a une DA, ils sont bien encadrés,
04:00 ils respectent la loi.
04:01 C'est vraiment une profession à part entière.
04:04 Il faut absolument pas l'énigrer.
04:06 Et après, il y a ceux qui ont fonctionné
04:08 avec le dropshipping.
04:09 Ca consiste à vendre un produit bas de gamme beaucoup plus cher.
04:13 Donc là, on est sur les premières arnaques
04:15 que la direction de la répression des fraudes
04:18 a commencé à condamner.
04:20 -L'année dernière, il y a eu... -Janvier 2023.
04:22 -Oui, c'est ça. Plusieurs influenceurs
04:25 ont été épinglés.
04:26 Ils sont plus encadrés ?
04:27 -Ils sont encadrés par la loi.
04:29 Ils sont forcés de respecter des codes sur leur story,
04:32 partenariat, rémunéré.
04:34 Certains ont tendance à le mettre en très petit et invisible.
04:37 Mais officiellement, maintenant, il y a des sanctions
04:40 et c'est surveillé.
04:41 C'est peut-être venu un peu tard
04:43 quand on voit les plaintes des collectifs
04:46 qui se sont réunies pour dénoncer les arnaques.
04:49 -Certains influenceurs qui vendent une vie rêvée
04:51 sur leurs réseaux sociaux, une vie rêvée qui n'existe peut-être pas,
04:55 qui viennent aussi beaucoup, vous l'avez dit, de la téléréalité.
04:59 Dans votre livre, on comprend que les candidats de téléréalité
05:02 ont parfois un script avec des personnages
05:04 qui doivent incarner, qui ne sont pas forcément eux,
05:07 avec presque un scénario écrit.
05:09 Tout ce qu'on voit, c'est faux ?
05:11 -C'est du cinéma. -C'est pas de la téléréalité ?
05:14 -Ce n'est plus de la téléréalité.
05:16 Il y a 20 ans, ils avaient encore l'occasion
05:19 d'être "nature-painture", comme on dit,
05:21 et d'être à peu près eux-mêmes
05:25 avec des esclandres, des moments inattendus.
05:28 Aujourd'hui, il y a une feuille de route.
05:30 Et il faut être la bimbo,
05:33 la racaille, le fou, le fêtard.
05:37 -Incarner un perso. -C'est hyper codifié.
05:40 -Si vous voulez vous plonger dans l'univers pas toujours rose
05:43 des influenceurs et des stars de téléréalité,
05:46 "La vie et ma ferrée" sort aujourd'hui.
05:48 C'est chez Albin Michel. Merci.
05:50 -Merci, Marie.