Retrouvez "Pascal Praud et vous" sur : http://www.europe1.fr/emissions/pascal-praud-et-vous
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00:00 - Lajman Kadar, pardonnez-moi, vous avez écrit avec Dominique Rouche "Croire en la vie", c'est un récit, le témoignage bouleversant d'une survivante du massacre du 7 octobre.
00:08 Vous êtes là avec nous, mais le 7 octobre vous avez vécu l'indicible.
00:15 - Oui, le 7 octobre,
00:19 mon mari et moi et nos amis étaient au Nova Festival.
00:22 Nous étions là-bas depuis le 5 octobre pour le Unity Festival qui avait pris place avant le Nova Festival.
00:30 Et à 6h30 du matin, quand on était en route vers la piste de danse,
00:34 en sortant de ma caravane, je vois tout le monde en train de regarder le ciel, je n'ai pas trop compris pourquoi.
00:40 Et en regardant, en levant la tête et en regardant le ciel, je vois des bombes, des roquettes qui explosent au-dessus de notre tête.
00:47 Et
00:50 ça a pris encore quelques secondes pour qu'ils coupent la musique.
00:54 Parce qu'en fait ce qui se passe, on est dans une forêt. Dans une forêt, il n'y a pas d'alarme qui sonne quand il y a des roquettes,
01:00 il n'y a pas d'abri non plus. - Vous n'êtes pas toute seule ?
01:02 - Non, on n'est pas tout seul. - Vous êtes avec des amis, puis proches, et puis autour de vous il y a beaucoup de gens.
01:07 - Exactement, on était
01:09 3500, 3700 personnes dans ce festival.
01:11 Donc le DJ explique que c'est une attaque de roquettes, il demande à tout le monde de sortir en dehors du festival et s'allonger par terre.
01:20 Parce qu'en fait les instructions sont, quand il n'y a pas d'abri, de s'éloigner de ce qui peut prendre feu
01:24 et de s'allonger par terre pour avoir le moins de risques
01:27 qu'il vous arrive quelque chose.
01:30 Maintenant dans notre réalité en Israël, c'est des choses qui arrivent.
01:33 Donc on a peur, on est mal à l'aise, on n'a pas d'abri, mais on n'est pas hystérique.
01:37 On voit des gens qui essayent, à la première seconde qu'ils ont compris ce qui se passe, ils démarrent la voiture, ils essayent de partir.
01:45 Et je dis à mon mari "bon c'est beaucoup plus dangereux de rouler pendant qu'il y a des roquettes,
01:48 il vaut mieux passer en terre, un quart d'heure, 20 minutes, ça se termine et on rentrera à la maison".
01:53 C'est seulement après une quarantaine de minutes qu'on commence à comprendre qu'il y a quelque chose d'un peu bizarre, que les roquettes ne
01:59 terminent pas en grande quantité
02:01 et on décide d'essayer de rentrer à la maison pendant que les roquettes continuent.
02:05 En montant dans la voiture
02:08 on entend déjà quelque chose qu'on pense que c'est des coups de feu,
02:13 on se dit qu'on s'imagine que c'est peut-être loin, c'est un champ ouvert, donc ça doit être à des kilomètres et on entend simplement
02:20 comme on est dans un endroit ouvert.
02:23 Et là c'est le moment que quelqu'un vient et nous dit "est-ce que vous avez entendu, Aboa Chraff s'est fait tirer dessus".
02:29 Aboa Chraff c'est un ami musulman comme on entend bien, qui travaillait avec nous au festival
02:34 et était parti chercher à manger pour tous les employés. En rentrant
02:39 dans les champs, il y a une station d'essence
02:43 et il s'est fait tirer dessus là-bas.
02:45 Une copine m'appelle, elle me dit "Laurent on peut pas prendre la route, il y a des terroristes à droite à gauche partout dans
02:52 la forêt, on peut pas prendre la route". Je dis "ok on se gare, viens te garer à côté de nous
02:57 et on va voir ce qu'on fait".
02:59 Et là on commence à voir des blessés et on comprend que c'est une partie des gens qui se sont quittés au premier moment,
03:07 se sont fait tirer dessus par des terroristes en sortant sur la route
03:13 et une partie ont réussi à faire demi-tour,
03:15 sont revenus dans le festival parce qu'ils pensaient que c'était un endroit sécuré et il y aura de l'aide, on pourra les aider.
03:20 Et quand on voit les blessés et on commence à comprendre que ce qu'on entend c'est des armes automatiques,
03:29 c'est le premier moment que j'ai compris qu'on est en danger de mort et qu'il y a vraiment quelque chose qui se passe.
03:36 Et je prends mon mari de côté et
03:41 on essaye de réfléchir
03:43 et je lui dis "écoute
03:45 j'ai plus peur des roquettes,
03:47 les roquettes c'est beaucoup moins dangereux, il y a des terroristes qui vont arriver, ils sont en route, on les entend".
03:52 Il y avait un rassemblement de gens à côté des urgences et je lui dis "ils sont tous ensemble, ils sont rassurés mais
04:00 il n'y a aucune arme ici, il y a deux
04:05 policiers avec des pistolets, ils ne vont pas nous sauver la vie avec des pistolets, j'entends des armes automatiques,
04:12 ça sert à rien d'être là avec tout le monde, dans deux minutes il y aura des terroristes ici, personne ne va pouvoir les aider.
04:19 Et c'est une immense forêt, ça sert à rien de courir, on va pas se cacher derrière un arbre.
04:24 La caravane, c'est la meilleure idée que j'ai en tête, on va se cacher dans la caravane.
04:31 Et là, dans mon livre je le fais minute par minute, alors à 8h moins 2,
04:36 on décide d'entrer dans la caravane, on appelle nos amis,
04:39 et là commence un cauchemar de 6 heures dans la caravane.
04:44 En rentrant dans la caravane, on baisse les rideaux, on ferme la caravane à clé, mais vous pensez bien c'est une caravane donc la fermeture est en plastique.
04:54 Et ça prend peut-être
05:00 deux minutes, on entend des hurlements, on entend les gens crier, on entend les terroristes débarquer en hurlant à la wakbar,
05:08 on entend des quantités de coups de feu,
05:11 de bombes qui explosent, de grenades pardon,
05:18 et peut-être pendant une quarante minutes
05:22 c'est simplement des hurlements, on n'arrive pas vraiment à comprendre ce qui se passe dehors, on comprend qu'il y a un massacre,
05:29 On ne comprend pas les quantités.