Depuis deux ans, Reflets, Blast et StreetPress enquêtent sur l’empire de Patrick Drahi à partir des DrahiLeaks. Ces 450.000 documents internes au groupe Altice nous ont permis de publier plus d’une vingtaine d’enquêtes et de nombreuses révélations. Résumé de cette enquête hors-norme.
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00:00 C'est l'un des hommes les plus puissants de France, propriétaires de médias comme BFM ou RMC,
00:04 mais aussi d'entreprises de télécom à travers le monde comme SFR. Patrick Drahi est un homme riche, très riche.
00:11 Le Media Challenge estime sa fortune à près de 11 milliards d'euros.
00:15 C'est un homme très endetté aussi. Altice son groupe a aujourd'hui 60 milliards d'euros de dettes.
00:21 Mais officiellement ça ne l'inquiète pas.
00:23 Je dors beaucoup plus facilement avec 50 milliards de dettes qu'avec les premiers 50 000 francs français.
00:29 De dette que j'ai contracté quand j'ai créé mon entreprise en 1991.
00:33 Ce milliardaire discret n'aime pas qu'on mette le nez dans ses petites affaires.
00:37 Il ne donne que très rarement des interviews et ses montages financiers sont particulièrement complexes et opaques.
00:43 Je m'appelle Mathieu Mollard, je suis journaliste à Street Press et depuis plus d'un an avec des journalistes de deux autres médias indépendants,
00:50 Reflet et Blast, nous enquêtons sur cet homme d'affaires.
00:53 Nous avons mis la main sur des centaines de milliers de documents comptables piratés par des hackers russes.
00:58 Nous les avons baptisés les dry leaks.
01:01 Grâce à eux, nous pouvons dévoiler certaines magouilles du milliardaire.
01:04 La Suisse où il s'est installé l'accuse d'avoir fait semblant de quitter sa femme et lui réclame plus de 7 milliards d'euros.
01:11 Il ne paye pas d'impôts, mais il paye des millions d'euros à des cabinets fiscalistes pour ne pas payer ses impôts.
01:17 C'est une industrialisation du montage financier.
01:20 Les dry leaks, c'est aussi une plongée dans le quotidien d'un ultra riche.
01:24 L'homme d'affaires aux cinq passeports sillonne la planète dans son jet privé ou en yacht.
01:29 Il s'est offert des villas aux quatre coins du monde et collectionne les tableaux de maître.
01:34 Ce qui ne poserait pas de problème si cet empire, il ne l'avait pas constitué au détriment des autres.
01:39 Je vais vous raconter comment il s'est débarrassé de plus de la moitié des salariés des CFR,
01:44 tout en piochant des milliards dans les caisses de l'entreprise.
01:47 Mais tout ça va t'il s'arrêter un jour ?
01:49 Peut-être, car l'empire de Patrick Drahi vacille et pourrait s'effondrer.
01:53 Patrick Drahi a fait sa fortune dans les télécoms.
02:01 D'abord en investissant dans les réseaux de câbles Internet en France,
02:04 puis dans la téléphonie en rachetant notamment SFR en 2014 et Desmédias,
02:09 L'Express qu'il a revendu, Libération, BFM, RMC et I24 News.
02:14 L'homme essaye d'être discret.
02:16 Il ne donne presque aucune interview aux médias.
02:19 Il n'est sur aucun réseau social, sans doute parce qu'il a des choses à cacher.
02:23 Regardez l'architecture de son empire représentée dans ce document confidentiel tiré des DrahiLX.
02:29 Le montage est complexe.
02:30 On a des sociétés, propriétaires de sociétés, propriétaires elles-mêmes de sociétés, et ainsi de suite.
02:35 L'argent circule de l'une à l'autre, change de pays, jusqu'à ce qu'on perde le fil.
02:40 Et c'est justement le but.
02:44 Les DrahiLX, c'est environ 450 000 documents qui ont été dérobés par des pirates russes,
02:53 probablement un groupe de ransomware qui s'appelait Hive,
02:57 et qui a dérobé ces documents qui appartiennent au départ à la société Altice,
03:04 et qui les a ensuite publiés sur Internet parce que Altice n'a pas souhaité payer la rançon qui était demandée.
03:12 Le journaliste qui a mis la main sur ce trésor, c'est lui.
03:15 Antoine Champagne, rédacteur en chef de Reflet.info,
03:19 un média indépendant fondé par des journalistes et des hackers.
03:23 On suit à peu près en temps réel l'activité des groupes de ransomware.
03:28 Donc on a des espèces d'alertes automatiques qui font que dès qu'un groupe de ransomware
03:33 pirate une entreprise et l'annonce sur son site web, nous on est immédiatement tenus au courant.
03:39 Le lundi 5 septembre 2022, un peu après midi, Reflet va publier le premier article basé sur ce leaks.
03:46 Il y est question du yacht et du jet privé de Patrick Drahi, mais aussi de certaines de ses entreprises.
03:51 Dès la publication, Altice et Patrick Drahi voient rouge. La riposte est immédiate.
03:56 De ces documents, le journaliste a tiré une série d'articles et de procès.
04:01 Il nous a assigné devant, bizarrement, le tribunal de commerce pour atteinte au secret des affaires,
04:09 qui normalement est une loi qui ne s'applique pas à la presse.
04:13 C'est la première fois qu'une entreprise invoque le secret des affaires pour censurer un média.
04:18 Et le pire, c'est que la justice va lui donner raison.
04:20 Dans un premier temps, la justice décide de nous condamner sans nous condamner.
04:26 C'est-à-dire qu'on n'a pas à retirer les papiers qui ont déjà été publiés parce que,
04:30 selon elle, on n'a pas violé le secret des affaires.
04:33 Mais d'un autre côté, elle nous interdit d'en publier de nouveau parce qu'il y aurait un risque potentiel
04:38 qu'à l'avenir, on écrive sur quelque chose qui serait du domaine du secret des affaires.
04:43 Mais plutôt que de baisser les bras face à la pression, Reflet va chercher à renforcer l'équipe.
04:48 Ils font le tour des médias indépendants pour trouver des journalistes prêts à monter au front.
04:53 Nos trois médias indépendants, Street Press, Reflet et Blast,
04:57 ont décidé de joindre leurs forces autour d'un projet commun.
05:01 À partir de là, et pendant plus d'un an, nous serons cinq journalistes à enquêter à partir de ces leaks.
05:07 Mais trouver des infos utiles revient à chercher une aiguille dans une botte de foin.
05:11 Il y a plus de 400 000 documents.
05:13 Parfois, c'est un simple mail, mais dans d'autres cas,
05:16 c'est un document de plusieurs milliers de pages écrits dans une langue ou une autre.
05:20 Pour fouiller dans cette immense bibliothèque, Reflet nous a mis à disposition
05:23 un outil d'aide à l'enquête baptisé Aleph.
05:26 Regardez, c'est comme un moteur de recherche.
05:28 On va taper des noms d'entreprises ou des noms propres
05:31 et ainsi découvrir les contrats secrets de Jean-Jacques Bourdin et Jacques Attali
05:34 ou le petit cadeau du milliardaire à Bernard-Henri Lévy.
05:38 Mais surtout, au fil de cette enquête, nous allons découvrir
05:41 l'une des principales obsessions de l'homme d'affaires.
05:44 Payer le moins d'impôts possible.
05:46 On l'a dit, Patrick Drahi habite en Suisse.
05:51 Peut-être par passion pour la montagne, mais plus probablement
05:54 parce qu'on y paye moins d'impôts qu'en France.
05:56 Mais toujours trop à son goût.
05:58 Pour en payer encore moins, il va faire semblant de vivre séparé de sa femme.
06:02 Et ce n'est pas une mince affaire.
06:03 Le fisc de Genève lui réclame 7,5 milliards d'euros d'impôts et autres pénalités.
06:08 En 2005, son couple bat de l'aile au point de se séparer.
06:15 C'est en tout cas ce qu'ils affirment au service fiscaux Elvette.
06:18 Les Drahi officialisent leur rupture par la signature d'un contrat de séparation de biens.
06:22 Madame conserve la maison de Colony, une banlieue huppée de Genève
06:25 où leurs enfants sont scolarisés.
06:27 Monsieur, lui, déménage à Rolles, une ville située dans le canton voisin de Vaud,
06:31 où il vient justement qu'à l'hasard d'obtenir un arrangement fiscal plus intéressant.
06:36 Car en Suisse, le taux d'imposition n'est pas le même sur tout le territoire.
06:39 Et si on est très riche, on peut même le négocier.
06:41 En 2011, l'homme d'affaires déménage à nouveau.
06:43 Il quitte les bords du lac Léman pour s'installer à la montagne, à Zermatt,
06:47 une station de ski située dans le canton du Valais
06:50 qui lui propose un nouveau forfait fiscal encore plus avantageux.
06:54 Un milliardaire dont le collimateur du fisc Genevois
06:57 et dont le dossier fiscal donnent lieu à un combat entre deux cantons,
07:01 Genève et le Valais, où il bénéficie d'un forfait fiscal.
07:05 Nous avons eu accès à des documents issus d'une fuite informatique
07:08 et qui éclairent sur cette guerre fiscale.
07:11 En résumé, pour le canton de Genève,
07:13 Patrick Drahi vivrait dans la commune huppée de Colony avec son épouse.
07:17 Genève l'affirme dans un document de 200 pages adressé à l'homme d'affaires.
07:21 "Faux", répond ce dernier, qui nous a transmis sa position par la voix de son bras droit.
07:27 Par principe, monsieur Drahi ne commente ni ne confirme
07:30 ou n'infirme les allégations relatives à sa vie privée.
07:33 En clair, Patrick Drahi conteste donc vivre et partager ses revenus avec sa femme.
07:37 Chacun aurait son domicile, ses revenus, et donc chacun paye ses impôts.
07:41 Sauf que c'est faux, grâce au DrahiLix,
07:43 nous découvrons qu'il lui a versé plusieurs millions d'euros
07:45 en dehors de toute pension alimentaire.
07:47 Il lui prête aussi son yacht, son biote privée et ses différentes maisons.
07:50 Mais surtout, de nombreux documents montrent qu'ils continuent à partager un domicile commun.
07:54 Ainsi, madame apparaît sur les contrats d'assurance
07:57 et donne son avis sur le choix du cuisinier ou de la déco.
08:00 Elle l'accompagne sur certains de ses déplacements
08:02 et plusieurs fois par an, ils partent ensemble en vacances.
08:05 Les époux Drahi sont embêtés par cette affaire,
08:07 car le canton Genevois leur réclame près de 7,5 milliards d'euros,
08:11 soit approximativement la moitié de sa fortune.
08:14 Ils vont donc mandater une armée d'avocats et de conseillers
08:17 pour convaincre les services fiscaux que l'homme d'affaires est célibataire.
08:21 Et il y a du boulot.
08:22 Pourquoi Patrick Drahi porte toujours son alliance ?
08:24 Comment se fait-il que le couple ait renouvelé ses voeux
08:27 devant un rabbin 7 ans après la séparation ?
08:29 Ou pourquoi ont-ils créé une fondation 10 ans après ?
08:32 Le dossier n'est toujours pas tranché
08:34 et l'on ne sait pas si Patrick Drahi va devoir payer ses 7,5 milliards d'euros.
08:38 La fausse rupture n'est pas la seule magouille fiscale de l'homme d'affaires.
08:41 Il joue aussi des avantages fiscaux associés à ses nombreuses nationalités.
08:44 La famille Drahi n'a pas moins de 30 passeports,
08:47 5 pour le seul patriarche.
08:49 Il est né au Maroc, d'une famille française.
08:52 Il a donc dès l'enfance ces deux nationalités.
08:55 Il va ensuite s'installer et investir en Israël,
08:58 puis racheter un opérateur téléphonique portugais
09:01 et au passage récupérer la nationalité et les avantages fiscaux qui vont avec.
09:06 Pour finir, il va s'offrir un passeport de 5 Itzé-Névis,
09:10 un petit paradis fiscal situé dans les Caraïbes.
09:13 Bienvenue dans le monde des ultra-riches.
09:16 Si on en croit la presse, Patrick Drahi a pourtant su rester simple.
09:22 Dans un article publié en 2016,
09:24 le magazine Vanity Fair raconte son quotidien de milliardaire normal.
09:28 Extrait.
09:29 Il se murmure dans les rues du village que l'homme est un peu spécial.
09:32 Il aime prendre le bus.
09:34 Certains l'ont déjà vu patienter à l'arrêt de la ligne A,
09:37 tout sourire, en gin et polo, swatch au poignet.
09:40 À un portrait qui fait sourire Florence Gaillard,
09:42 journaliste pour le média indépendant Blast,
09:45 elle s'est penchée sur le train de vie de l'homme d'affaires.
09:48 Le train de vie de Patrick Drahi, il est tout, sauf modeste.
09:52 Il prend le bus, c'est certainement très exotique pour lui,
09:54 ça lui arrive peut-être une fois ou deux par an, je ne sais pas,
09:57 l'article de Vanity Fair ne le dit pas.
09:59 En fait, ce dont on s'aperçoit quand on regarde tous ces documents,
10:03 et notamment, là je parle de ses avoirs personnels,
10:07 de la façon dont il gère son patrimoine personnel et familial,
10:11 on se rend compte que là on est dans des dimensions
10:15 et avec des chiffres qui pour nous sont complètement inimaginables.
10:18 C'est un autre monde.
10:20 Patrick Drahi a un patrimoine immobilier qui, selon nos estimations,
10:23 dépasse le milliard d'euros.
10:25 Des chalets en Suisse, un immense appartement en plein cœur de Manhattan,
10:28 une résidence en Israël,
10:30 une villa dans son petit paradis fiscal de Saint-Kitts,
10:33 la liste est longue.
10:34 A cet immobilier de loisirs, il faut ajouter des bâtiments professionnels
10:38 qu'il possède en son nom propre.
10:40 Il est par exemple le propriétaire de l'immense immeuble parisien
10:43 qui héberge les sièges de SFR et BFM.
10:46 Une manière de s'enrichir sur le dos de ces entreprises
10:48 qui lui versent un loyer.
10:50 Le système qu'il met en place, c'est qu'il achète un bâtiment
10:53 dans lequel il va installer ses propres sociétés,
10:57 lesquelles vont payer un loyer au propriétaire de ce bâtiment,
11:01 qui est Patrick Drahi.
11:03 Donc ça veut dire que ce que SFR, Drahi, Altis sort de sa poche droite
11:09 pour le loyer,
11:11 Drahi le retrouve dans sa poche gauche
11:14 sous forme de rente de loyer.
11:16 L'enjeu, c'est de gagner toujours plus.
11:19 En l'occurrence, là, il s'enrichit sur le dos de sa propre entreprise.
11:24 Patrick Drahi a aussi investi dans l'art.
11:26 Chagall, Picasso, Kandinsky, Miro.
11:29 Il possède plus de 200 chefs-d'œuvre
11:31 qui ne sont jamais ou presque exposés au public.
11:34 Certains sont accrochés au mur de ses résidences,
11:36 les autres sont enfermés dans un coffre-fort en Suisse.
11:39 Une collection estimée à plus de 750 millions d'euros
11:43 qui n'est plus officiellement la propriété de Patrick Drahi.
11:46 Elles ont été cédées à deux sociétés au nom de ses enfants
11:49 et domiciliées à Saint-Vincent-les-Grenadines,
11:51 un autre petit paradis fiscal des Caraïbes.
11:53 Objectif de ce montage ?
11:55 Échapper aux impôts sur les plus-values en cas de revente
11:57 et aux droits de succession.
11:59 Car, vivant ou mort, Patrick Drahi n'aime pas les impôts.
12:02 Patrick Drahi n'aime pas non plus payer les salaires.
12:08 En septembre 2015, il a expliqué à la presse portugaise
12:12 qu'il souhaite, je cite, "payer le strict minimum".
12:15 Ce qu'il faut bien comprendre,
12:17 c'est que quand Patrick Drahi rachète une entreprise,
12:19 ce n'est pas son argent qu'il met sur la table.
12:21 Il fait le tour des banques
12:23 et emprunte la totalité ou presque de la somme.
12:25 Écoutez France 2 l'expliquer en 2015.
12:27 Quand il achète une société comme SFR,
12:30 17 milliards d'euros tout de même,
12:32 Patrick Drahi utilise une technique financière
12:35 qui tient en trois lettres,
12:37 le LBO pour "Leverage Buyout".
12:39 En français, "Achat à effet de levier".
12:42 Rassurez-vous, on n'a pas compris tout de suite non plus.
12:45 Mais heureusement, juste en face de notre bureau,
12:48 on a un spécialiste, notre confrère François Langlais.
12:51 On achète une entreprise sans un fifrelin,
12:54 c'est-à-dire on n'a pas un radis en caisse,
12:56 mais on s'endette.
12:58 Et donc on paye le propriétaire avec cette dette
13:01 et on fait rembourser la dette par la société achetée.
13:04 Pour l'entreprise achetée, une cure de rigueur qui commence
13:07 pour payer les échéances.
13:09 On travaille à réduire ses coûts,
13:12 à augmenter ses bénéfices,
13:14 de façon à dégager suffisamment d'argent
13:16 pour rembourser la dette initiale.
13:18 Comme l'explique le journaliste François Langlais,
13:20 quand une entreprise est rachetée par Patrick Drahi,
13:23 elle est priée de se serrer la ceinture.
13:25 Et SFR, le géant de la téléphonie,
13:27 n'a pas échappé à la cure amégrissante.
13:29 Quand ils rachètent SFR en 2014,
13:31 il y a à peu près 17 000 salariés dans l'entreprise.
13:34 10 ans après, aujourd'hui en 2024,
13:36 ils sont plus que 6 à 7 000.
13:39 Donc en 10 ans, il n'a plus que divisé par deux
13:42 l'effectif de la boîte.
13:44 Il a déjà tout pris à faire des économies
13:46 sur le budget de fonctionnement de SFR.
13:49 Et forcément, ça passe par les salariés.
13:52 Le premier budget d'une entreprise,
13:54 ce sont les salaires.
13:56 Pour continuer à faire tourner sa boîte
13:58 avec deux fois moins de salariés,
14:00 Patrick Drahi a délocalisé une partie
14:02 de ses activités au Maroc,
14:04 et notamment le service client.
14:06 Il délocalise ce service client
14:08 qu'il confie à une boîte marocaine au Maroc,
14:11 avec des salaires évidemment marocains,
14:13 qui ne sont évidemment pas les salaires français.
14:16 Et parallèlement à ça, il prend lui-même
14:18 des participations dans cette boîte,
14:21 qui est censée être une boîte
14:23 de prestations de services pour SFR,
14:26 qui n'est plus une entité SFR,
14:28 qui est une entité indépendante de SFR.
14:30 Mais comme, encore une fois,
14:32 ce qui sort d'une poche
14:34 doit re-rentrer de l'autre,
14:36 et bien lui-même prend des participations
14:38 dans cette entreprise.
14:41 Patrick Drahi ne s'est pas contenté
14:43 de diviser par deux le nombre de salariés de SFR,
14:46 il lui a aussi fait les poches.
14:48 Selon nos calculs, en six ans,
14:50 6,9 milliards d'euros sont sortis
14:52 des comptes de Altice France,
14:54 la société qui possède SFR et BFM.
14:56 Tout le cash généré est en quelque sorte
14:58 aspiré vers le haut,
15:00 et va rejoindre les comptes de sa maison mère,
15:02 basée au Luxembourg.
15:04 Cet argent va ensuite permettre à Patrick Drahi
15:06 de rembourser une partie de la dette
15:08 contractée pour acheter SFR,
15:10 mais aussi financer d'autres acquisitions.
15:12 Pour vous donner un ordre de grandeur,
15:14 avec cet argent, SFR et BFM
15:16 auraient pu payer pendant 22 ans
15:18 les salaires des presque 7000 salariés,
15:20 poussés vers la sortie par Patrick Drahi
15:22 sur la même période.
15:24 Le ciel s'assombrit pour le milliardaire.
15:28 On l'a vu, la Suisse lui réclame
15:30 plus de 7 milliards d'euros,
15:32 au Portugal aussi, son groupe est dans le viseur de la justice.
15:34 Le 13 juillet, la police locale
15:36 a mené simultanément 90 perquisitions
15:38 dans les locaux de la filiale
15:40 portugaise du groupe Telecom
15:42 et chez les cadres de l'entreprise.
15:44 Elle a dans la foulée placé en garde à vue
15:46 Armando Pereira, considéré
15:48 comme le numéro 2 du groupe.
15:50 Il est accusé de fraude fiscale, corruption
15:52 et blanchiment. Patrick Drahi jure qu'il n'était
15:54 au courant de rien, il se dit même victime
15:56 d'une trahison. Mais difficile de croire
15:58 que son bras droit, celui avec qui il construit
16:00 son empire depuis plus de 20 ans,
16:02 puisse agir dans son dos.
16:04 Ils sont voisins en Suisse, ils sont voisins
16:06 à Saint-Quitté-Nevis, ils passent des vacances
16:08 ensemble, ils se connaissent,
16:10 ils font des affaires ensemble, ils ont des affaires
16:12 encore une fois, personnelles, professionnelles,
16:14 ensemble. Mais surtout, ils partagent
16:16 les mêmes comptables. L'affaire pourrait
16:18 mettre en péril l'ensemble du groupe,
16:20 d'autant que la justice française
16:22 se penche elle aussi sur le dossier. Le problème
16:24 n'est pas le montant détourné. La justice
16:26 portugaise évoque une somme autour de 100 millions
16:28 d'euros, ce qui pour un groupe de cette taille
16:30 n'est pas grand chose. Le problème, c'est que
16:32 Patrick Drahi pourrait perdre la confiance des
16:34 marchés financiers, qui se demandent si son groupe
16:36 est bien géré. "Ce qu'on attend, évidemment,
16:38 c'est le succès pour nos investisseurs, avant tout,
16:40 puisqu'ils nous ont fait confiance, donc c'est important
16:42 qu'on leur rende cette confiance." Et l'homme d'affaires
16:44 a besoin des marchés financiers pour survivre.
16:46 On l'a déjà dit, son groupe a près de
16:48 60 milliards d'euros de dettes. Pour
16:50 rembourser en quelque sorte ses mensualités, il n'a
16:52 que deux solutions. Soit emprunter
16:54 à nouveau, c'est ce qu'on appelle "refinancer
16:56 sa dette", mais pour ça, il faut que les marchés
16:58 suivent. Soit vendre tout ou partie
17:00 de ses entreprises, et là, ce serait
17:02 la fin de l'empire Altice.
17:04 Normalement, notre vidéo s'arrêtait
17:06 ici. Mais depuis le tournage,
17:08 le groupe Altice a annoncé la vente
17:10 de son groupe Médias. C'est Rodolphe Saadé,
17:12 le PDG de l'armateur
17:14 CMA CGM, qui s'est offert
17:16 ce groupe, propriétaire de BFM
17:18 et RMC, pour un peu plus
17:20 d'1,5 milliard d'euros.
17:22 C'est la fin de ce numéro de Facts.
17:26 Merci d'abord de nous avoir regardé jusqu'au bout.
17:28 Cela fait plus d'un an
17:30 que nous travaillons sur cette enquête,
17:32 Street Press, Reflet et Blast. Comme
17:34 aucun d'entre nous n'est financé par Patrick
17:36 Drahi, nous avons créé une cagnotte, vous pouvez
17:38 nous faire un don. Le lien est dans la description,
17:40 ainsi que la trentaine d'articles
17:42 que nous avons publiés. Et
17:44 bien sûr, abonnez-vous pour ne pas louper le
17:46 prochain épisode de Facts.