• il y a 8 mois
Mardi 26 mars 2024, le médecin légiste Philippe Boxho a tenu une conférence « Place à l’info » au sein des bureaux de Sudinfo.
Transcription
00:00 Merci d'être là ce soir, Philippe, bienvenue.
00:02 Alors je ne sais pas très bien comment on dit, on dit "bonsoir docteur", on dit "bonsoir
00:06 professeur", on dit "bonsoir Philippe".
00:09 Alors ça va, c'est cool et c'est bonne franquette, venez on s'installe et on discute un peu.
00:13 Alors évidemment il y a une partie des histoires qui seront puisées ce soir dans vos deux
00:16 livres, "Les morts ont la parole" et puis "Entretien avec un cadavre".
00:20 Avant de se plonger directement dans une histoire, moi je voudrais connaître la réalité de
00:23 votre travail, puis on parlera de comment vous y êtes venu.
00:26 Un médecin légiste aujourd'hui, ça travaille plein temps, plein temps, vous faites des
00:30 dizaines d'autopsies par jour, un peu comme dans les films, on voit que c'est un flux
00:33 continu.
00:34 Ça c'est chez les Américains, ils travaillent comme ça.
00:37 On nous a toujours dit quand je fais un stage à New York, ne t'endors pas sur un banc,
00:42 tu risques de te retrouver autopsié.
00:43 Parce qu'ils ont un turnover qui est vraiment très impressionnant.
00:46 En Belgique c'est très différent, on n'autopsie pas beaucoup.
00:49 D'abord parce qu'on n'a pas la mortalité de New York, soyons clairs.
00:55 C'est plutôt une bonne nouvelle en soi, je vous sens un peu déçu au niveau de la pratique,
00:58 mais c'est une bonne nouvelle quand même.
01:00 Et d'un autre côté parce qu'on autopsie que lorsqu'on a vraiment un doute, ou lorsqu'on
01:04 n'en a pas justement, quand on est sûr que c'est un meurtre, on va l'autopsier nécessairement.
01:07 Ou alors il faut un gros doute.
01:08 Mais de toute façon, la mentalité belge, de ma façon générale, n'est pas à l'autopsie.
01:14 Elle est au respect du corps, au sens où le toucher c'est presque le désacraliser,
01:20 tu vois.
01:21 Ah oui, on en a encore là, c'est pas la technique.
01:22 La science qui prend le pas, on a encore ces croyances.
01:25 On ne se prend pas quand c'est nécessaire.
01:26 Mais si ça ne paraît pas nécessaire, on ne va pas le faire.
01:30 On va préférer qu'il reste intact.
01:31 Moi, je préfère qu'on me découpe.
01:33 Si un méchant qui m'a buté, je m'entends qu'on le trouve et qu'on l'envoie au trou
01:38 pour longtemps, tu vois.
01:39 Je trouve que c'est le dernier service à rendre à un mort, c'est de l'examiner, de
01:44 l'autopsier, puis de pouvoir rendre un avis qui soit cohérent.
01:46 Alors pourtant, c'est la réalité.
01:47 Donc vous allez nous expliquer les gestes très précisément ce soir.
01:50 J'espère qu'il n'y a pas trop de sensibles dans la salle.
01:53 Il n'y a pas de photo déjà, c'est un bon début.
01:54 Voilà, ça laissera place à l'imaginaire.
01:58 Plongeons totalement au hasard dans une des histoires que vous avez croisées, qui sont
02:02 dans vos bouquins.
02:03 Moi, j'ai appelé ça le dossier Mylène.
02:04 Vous êtes là un jour et on vous amène à un pied qui a été trouvé dans une poubelle.
02:07 Et ce qui est intéressant avec ce pied, ce n'est pas la notion de puzzle, puisqu'on
02:10 comprend que le corps a été découpé.
02:12 C'est que parmi vos amis, il y a un gars qui est capable de dire avec une précision
02:16 énorme quel est l'objet tranchant qui a été utilisé pour couper un pied.
02:20 Donc votre niveau de connaissance va jusqu'au type d'objet qu'il coupe.
02:23 La sienne, c'est pour ça que je l'aime bien.
02:25 C'est parce qu'il a des connaissances que je n'ai pas.
02:27 On ne peut pas être compétent en tout.
02:30 Lui, ce qu'il a toujours passionné, il s'appelle Gérald Quatrom.
02:33 C'est l'ancien.
02:34 Maintenant, il est pensionné depuis deux ans.
02:36 Professeur de médecine égale de l'université de Nice.
02:38 Il était passionné pour ce qu'on appelle l'anthropologie, c'est-à-dire l'étude
02:41 des os.
02:42 Alors quand on étudie les os, forcément, on étudie les dépeceurs.
02:45 Il y a toujours bien quelqu'un qui, quelque part, va découper un cadavre avec un instrument
02:49 exigré que vous êtes.
02:50 Il y a une dame qui a découpé son marais avec une hache.
02:52 Là, il en a eu d'autres.
02:54 Et en fonction des coups qui sont donnés, en fonction de la façon dont l'os est coupé,
02:59 il arrive à dire de quel instrument il s'agit.
03:01 Alors, il s'était entraîné, évidemment, sur des os pas humains, des os animaux.
03:04 Et grâce à ses entraînements, il a une espèce de banque de données dans laquelle,
03:10 en fonction du dessin qui apparaît sur l'os, il peut te dire quel est l'instrument qui
03:14 a été utilisé.
03:15 C'est complètement génial.
03:16 Et c'est lui qui nous a aidés.
03:17 Donc, c'est très révélateur aussi de votre métier.
03:18 On s'imaginait qu'il y a un légiste, que vous avez forcément des corps complets.
03:22 Dans ce dossier-là, vous recevez, désolé pour les mots, vous recevez les corps, les
03:27 éléments de corps petit à petit.
03:29 Quand vous avez ce pied, par exemple, vous le légiste, vous êtes capable de déterminer
03:32 quoi ? Vous dites qu'il y a du vernis, donc c'est sans doute une femme.
03:34 Mais un vernis, ça ne dit pas encore que c'est une femme.
03:37 Oui, enfin, ça, tu serais fort étonné.
03:41 Donc voilà.
03:42 Moi, je suis dans le camp de ceux qui doutent.
03:45 Le journaliste doute.
03:46 Je regarde plutôt les poils que le vernis.
03:49 Et le poil dit homme ou femme ?
03:51 D'habitude, c'est plutôt homme.
03:53 Je l'espère pour les dames.
03:55 Ça, c'est une chose.
03:57 La deuxième chose qu'on regarde, c'est la pointure.
03:59 On regarde comment le pied est conformé.
04:03 Si la personne marche plutôt sur le côté droit externe du pied, côté interne, plutôt
04:07 devant, plutôt derrière.
04:08 Tout ça, on sait le voir en observant le pied.
04:11 Alors, il y a moyen aussi de radiographier le pied pour vérifier s'il y a déjà des
04:14 départs d'arthrose ou pas.
04:16 Pour voir s'il a été opéré ou pas.
04:17 S'il a été opéré, il y a peut-être une plaque.
04:19 S'il y a une plaque, on a peut-être dessus un numéro.
04:21 S'il y a un numéro et qu'on connaît la firme, on saura à quel hôpital la plaque
04:24 a été donnée.
04:25 Et l'hôpital pourra nous dire à quel individu on l'a placée.
04:28 Donc, on peut identifier quelqu'un avec son pied.
04:29 Oui, donc on a quand même déjà pas mal de matière.
04:32 Il y a énormément d'éléments attirés de n'importe quelle partie du corps.
04:35 Mais il faut quand même qu'il y ait quelques particularités.
04:38 Sinon, objectivement, on pourrait juste dire qu'il est normal.
04:41 Alors, comment le formuler ? Est-ce que c'est un travail extrêmement créatif ? Parce que
04:43 qui est votre donneur d'ordre ? C'est le juge d'instruction qui vous dit "Monsieur
04:47 le légiste, là il y a un pied, cherchez-moi ça, ça, ça ou ça" ou c'est à vous de
04:51 créer ce que vous allez devoir chercher ?
04:53 Mais ils ne savent pas ce qu'on peut trouver.
04:54 C'est-à-dire que les juges d'instruction nous disent "faites votre job".
04:57 En fait, ils nous font confiance.
04:59 Les juges d'instruction, bregueux de droit, ils nous disent "je vous donne l'autorisation
05:04 ou je vous requière pour faire l'examen extérieur, pour faire une prise de sang,
05:08 pour faire une prise d'urine, pour autopsier".
05:10 Mais c'est à nous de savoir comment on fait notre dossier parce qu'on est compétent
05:14 pour le faire.
05:15 Donc ce n'est pas lui qui va venir me dire "non, non, le foie, vous ne me le découpez
05:19 pas comme ça s'il vous plaît, ce n'est pas comme ça qu'on fait".
05:21 Alors on va replonger dans un des dossiers dans une seconde pour voir réellement ce
05:24 que vous faites et bien comprendre la réalité du métier.
05:27 Mais d'abord, le début de l'histoire.
05:29 Philippe Boxot, je me demandais si on vous disait "bonjour docteur" ou "professeur"
05:32 parce qu'au départ, un médecin légiste, c'est un médecin.
05:35 Ça veut dire que vous faites les mêmes études que votre médecin, que notre médecin
05:39 généraliste.
05:40 Vous avez fait ce parcours-là au départ ?
05:41 Oui.
05:42 En fait, je voulais être prêtre.
05:43 Ah oui ? J'essayerai de faire un lien psychanalytique après mais…
05:48 Essayez, essayez.
05:49 Je voulais être prêtre et j'avais rencontré l'évêque de Liège à Lourdes et on avait
05:53 discuté longuement, une bonne heure.
05:56 Et au terme de cette discussion, il m'a dit "écoutez, à votre place, moi j'irais
06:00 d'abord faire des candidatures".
06:01 Candidatures, pour les petits jeunes, c'est les bacs d'aujourd'hui.
06:04 Et j'hésitais entre le droit et la médecine.
06:06 Donc je me suis présenté à l'inscription et à l'époque, c'était en 1983, il n'y
06:11 avait pas d'ordinateur.
06:12 On inscrivait encore avec des papiers, des bics et des gens qui inscrivaient.
06:15 Et l'université engageait des étudiants pour faire ça.
06:18 Il y avait une fille qui inscrivait pour la médecine, il y avait un gars qui inscrivait
06:21 pour le droit.
06:22 Il venait à tour de rôle, toutes les facs, il y avait les autres facs aussi, il venait
06:25 à tour de rôle dans la salle d'attente.
06:26 On était quelqu'un pour ingénieur, quelqu'un pour… et voilà, tu te levais, tu y allais.
06:31 Moi, ça faisait une heure que j'étais là et j'hésitais entre le droit et la médecine,
06:34 je ne sais pas quoi faire.
06:35 J'ai joué à pile ou face.
06:36 Mais tu sais, plus tu joues à pile ou face et plus tu as 50/50.
06:39 Donc finalement, ça ne sert à rien.
06:40 Attendez, je vais vous les antécéder en familiaux.
06:42 Il y a des médecins chez vous, il y a des juristes chez vous ?
06:44 Non, non, non.
06:45 Mon père, il voit une goutte de sang, il tombe dans les pommes, donc non.
06:49 Donc ça ne vient pas de lui ?
06:50 Ça ne vient pas de lui.
06:51 Le sang-froid ne vient pas de lui ?
06:52 Mon grand-père était avocat, oui.
06:54 Mais je ne l'ai pas connu.
06:55 Donc je ne peux pas dire qu'il m'a beaucoup influencé.
06:57 Donc clairement, je me trouve là, j'attends une heure, deux heures.
07:02 Je me dis à un moment, il faut que j'y aille.
07:03 Si je reviens demain, je serai dans le même état.
07:05 Ça ne sert à rien.
07:06 Et je me suis dit, allez, ça va, le prochain qui vient, droit ou médecine, j'y vais.
07:09 Ils sont arrivés en même temps.
07:10 Et très poliment, le gars qui est inscrivé pour le droit a laissé passer la fille qui
07:15 est inscrivée pour la médecine.
07:16 J'ai fait la médecine.
07:17 Et ça tient à ça ?
07:18 Oui.
07:19 Ça tient à ça ?
07:20 Je comprends que vous ne lanciez pas au hasard, parce qu'il y avait quand même une envie.
07:23 Mais à un moment, il faut aller au bout de la pratique.
07:26 Mais l'envie, elle est venue.
07:27 C'est-à-dire qu'au cours des études, pas la première année, la première année, c'est
07:30 casse-pieds.
07:31 C'est de la chimie, de la physique, de la biologie.
07:32 J'aimais bien la biochimie.
07:33 J'adorais.
07:34 Mais la physique et la chimie, je ne voyais pas trop l'intérêt.
07:37 Enfin, ça se discute.
07:38 Et puis, et les maths en plus.
07:40 Ça, c'était pire que tout.
07:41 Et puis, au bout de cette année-là, t'es en deuxième candide.
07:44 Et là, biochimie, biologie, anatomie, physiologie.
07:49 Donc, comment fonctionne un corps, c'est juste passionnant.
07:52 Et là, je tombe amoureux de la médecine.
07:54 Mais ça vous donne pas envie d'être généraliste, de soigner.
07:57 Parce que là, vous êtes en médecine légale.
07:59 On est très loin de ceux qui soignent.
08:00 Je suis parti.
08:01 À l'époque, on avait encore le service militaire.
08:03 Je ne sais pas quel âge tu as, mais tu es plus jeune que moi, clairement.
08:05 Je suis arrivé juste après.
08:06 On ne va pas avoir une très grande différence.
08:08 On ne peut pas demander aux jeunes filles.
08:10 Lui, j'ose.
08:11 Vous êtes à quel âge, Monsieur Boxo ?
08:12 J'ai 59 ans cette année.
08:13 OK.
08:14 Je suis un petit 10 ans en dessous de vous.
08:15 Mais j'ai loupé le service.
08:16 Donc, tu n'as pas fait le service militaire.
08:18 Je l'ai loupé.
08:19 Ah ben, t'as raté ça.
08:20 Donc, j'ai fait mon service militaire.
08:21 Et là, j'étais médecin généraliste.
08:24 Je sortais de médecine.
08:25 J'étais médecin généraliste.
08:26 Ça m'a passionné.
08:27 J'ai adoré.
08:28 Et puis, au bout du service militaire, il faut rentrer dans le civil.
08:30 Malheureusement, c'est comme ça.
08:31 C'est la vie.
08:32 Je retournais dans le civil.
08:33 Et là, la médecine générale m'a vraiment pesé.
08:36 Jamais pas.
08:37 Ce n'était plus la même médecine qu'à l'armée, où je faisais une médecine générale.
08:40 J'étais en Allemagne.
08:41 Donc, tu as les familles.
08:42 Tu faisais la pédiatrie, la gériatrie.
08:43 Il y avait de tout.
08:44 Et puis, revenu dans le civil, il faut que tu te construises une patientelle.
08:47 C'est hyper dur.
08:48 Mais j'y arrivais.
08:49 Ce n'était pas un grand problème.
08:51 Mais la façon de construire, de pratiquer la médecine ne me plaisait pas.
08:55 Mais c'est personnel.
08:56 C'est personnel.
08:57 Donc, le prof de médecine égale, quand je suis revenu au service militaire, était
09:01 venu me trouver en me disant écoute, j'ai une place pour toi si tu veux faire la médecine
09:05 égale.
09:06 J'ai écouté.
09:07 Moi, je préférerais faire la médecine générale.
09:10 Il m'a dit, commence ta médecine générale.
09:12 Puis, tu viendras me retrouver.
09:14 Et effectivement, j'étais le retrouvé.
09:15 Et j'ai fait en même temps pendant deux ans de la médecine générale et de la médecine
09:18 égale.
09:19 J'ai dû choisir.
09:20 Et sans regret, j'ai choisi pour la médecine égale.
09:21 Alors, vous êtes devenu aujourd'hui par la force des choses avec les livres, notamment
09:24 Les morts ont la parole, l'entretien qu'un cadavre.
09:27 Vous êtes devenu le médecin légiste le plus principal, le plus connu, le plus visible.
09:32 Vous êtes nombreux en Belgique à faire ça parce que vous êtes devenu leur voix aujourd'hui.
09:36 Et nous, on a les émissions et les feuilletons américains.
09:39 Mais vous êtes nombreux à faire ça.
09:40 On est 12 plus 12.
09:42 Donc, 12 qui sont formés plus 12 en formation.
09:44 Pour toute la Belgique, vous êtes 12.
09:47 Donc, on dit souvent qu'il y a très peu de magistrats ou pas assez de personnel.
09:50 Il y en a pas assez.
09:51 Il y en a pas assez.
09:52 C'est vrai.
09:53 Et en médecine égale, on n'est pas assez nombreux non plus.
09:55 Donc, tu as un ministre qui a eu plusieurs mises à justice.
09:59 J'en ai vu passer une volée.
10:00 Ça fait 20 ans que je suis prof.
10:01 23.
10:02 J'en ai vu passer quand même quelques uns.
10:04 J'avais été avec les collègues flamands.
10:06 On avait trouvé un des ministres, je ne dirais pas qui, en lui disant.
10:10 Voilà, on a besoin d'aide.
10:11 On aimerait bien vous créer des instituts de médecine égale au nord, au sud et au
10:15 centre.
10:16 Mais on a besoin de 2 millions d'euros par institut.
10:18 Vous n'aurez plus d'état d'horaires à payer et on voit tous les morts que vous voulez
10:21 qu'on voit.
10:22 On a tous ce que vous voulez qu'on autopsie.
10:23 Et il m'a dit.
10:24 Vous savez, monsieur Boxo, on n'a pas l'argent.
10:27 Je dis ça.
10:28 C'est mon oeil.
10:29 On a l'argent pour ce qu'on veut bien en Belgique.
10:30 Dites moi plutôt.
10:31 Vous n'avez pas envie.
10:32 Voilà, pas répandu.
10:33 Et puis, il me dit.
10:35 Et ça va nous avancer à quoi?
10:37 Ça veut dire qu'on va pouvoir découvrir des crimes qui, sinon, vont passer inaperçus.
10:41 Et le professeur Boutier de l'ULB a évalué ça aux environs de 70 crimes qui passeraient
10:48 au bleu par an en Belgique.
10:49 Plus ou moins.
10:50 Donc la state vaut toujours aujourd'hui alors.
10:52 C'était une state il y a 4-5 ans.
10:54 Il n'y a pas de raison qu'elle soit très modifiée.
10:55 Et donc, l'idée, c'est ça.
10:57 Et le bonhomme m'a regardé.
10:59 C'était quelqu'un de ministère.
11:00 Il m'a dit.
11:01 Mais monsieur Boxo, mes prisons sont pleines.
11:02 Ça tient à ça.
11:05 C'est fini.
11:06 Moi, je me suis levé.
11:07 Je lui ai dit au revoir.
11:09 J'ai dit écoutez, j'ai déjà vu passer tellement de cabinets de ministériels.
11:12 J'attendrai le prochain.
11:13 Et le gars s'est levé.
11:14 Mathodium a dit.
11:15 Faites ça.
11:16 J'ai trouvé c'était génial.
11:17 Je me suis foutu à rire.
11:18 Et voilà.
11:19 J'ai adoré la réflexion.
11:20 Alors, je vous ramène dans la salle d'autopsie avec un petit effort de mémoire.
11:25 Il y a quelques mois, vous m'avez fait le plaisir de m'inviter dans votre salle d'autopsie
11:29 historique, celle où vous ne travaillez plus aujourd'hui.
11:32 Mais votre salle d'autopsie historique à Liège, je dis historique parce qu'elle
11:34 ressemble vraiment à la salle d'autopsie telle qu'on pourrait l'imaginer dans les
11:37 films avec cette grande table en métal.
11:39 Et ce qui était fascinant, c'était tous les bocaux qu'il y avait autour.
11:43 Donc, moi, je vous demande de me décrire, non pas la table qui était là, mais dans
11:45 votre ancienne salle d'autopsie à Liège.
11:48 Qu'est ce qu'on trouvait dans ces bocaux?
11:50 C'était un musée médico-légal qui existait avant la guerre.
11:54 C'est un musée de l'horreur.
11:55 Mais pas pour moi.
11:56 Il faut le cœur accroché.
11:57 Ça va.
11:58 C'est un musée et il y avait là bas des pièces de démonstration.
12:04 Parce qu'à l'époque, on n'avait pas de dia, on n'avait rien.
12:06 Donc, pour apprendre la médecine légale aux étudiants, on servait des bocaux pour
12:09 leur montrer.
12:10 Aujourd'hui, on a des dia splendides.
12:12 J'ai filmé des autopsies, etc.
12:13 Je représente ça.
12:14 C'est très différent.
12:15 Mais à l'époque, on n'avait pas.
12:16 Donc, ce musée existe.
12:18 On est.
12:19 C'est la Deuxième Guerre mondiale.
12:20 On est à la fin de la Deuxième Guerre mondiale.
12:22 Liège est bombardé.
12:23 Et lors des bombardements, il y a un coup de vent qui va un coup de coup de blast qui
12:28 ouvre la fenêtre, qui la pète.
12:30 Les gens avaient mis les concierges de l'Institut à sécher leur linge dans le musée, ce qui
12:36 n'était pas très malin.
12:37 Le linge s'est emparé du vent comme des voiles et toutes les étagères sont tombées.
12:42 Et ce que tu vois, c'est ce qui reste.
12:44 C'est ce qui reste de la collection qui existait avant.
12:46 Dites-nous ce qu'il y a dans les bocaux.
12:47 On vous couche à vos oreilles si vous êtes mal à l'aise.
12:49 Non, ça va aller.
12:50 Et notamment, il y a un bonhomme qui pensait que son voisin était un vampire.
12:56 Mais ce n'est pas une blague.
12:58 Il pensait que c'était un vampire.
12:59 Et il a tué son voisin, vampire présumé, on est bien d'accord, avec un pieu.
13:05 Et donc, à l'époque, on a pu le faire aujourd'hui.
13:07 Je fais ça, je suis tué, je suis mort.
13:09 Les messagistes de l'époque ont découpé le thorax et on a le pieu qui traverse la
13:15 peau, le thorax, le poumon et qui arrive dans le cœur.
13:19 C'est très beau à voir.
13:20 Moi, je trouve ça très beau.
13:21 C'est assez graphique, esthétique.
13:22 Oui, je ne mettrais pas ça pour décorer chez moi, mais objectivement, ça vaut la
13:26 peine d'être vu.
13:27 On a une main qui a été transpercée par un couteau.
13:30 On a des lésions de personnes qui ont été renversées par des voitures.
13:33 On a des lésions, pas par arme à feu, parce qu'avant 45, il n'y a pas beaucoup de
13:37 meurtres par arme à feu.
13:38 Donc voilà, c'est un petit musée qui persiste encore tout doucement, discrètement,
13:43 à l'Institut de médecine légale.
13:44 Donc, c'était votre visuel.
13:45 Alors, il y a évidemment le visuel et puis il y a l'odeur.
13:47 C'est assez étonnant, ce que vous racontez.
13:48 Vous êtes aujourd'hui tellement habitué à l'odeur de la mort, ça fait partie de
13:51 votre quotidien, que quand on vous appelle, racontez-nous ça, on vous appelle un jour
13:55 sur toute une série de déchets de matière et à l'odeur, sans même trop regarder.
14:00 Vous êtes capable de dire que là, on n'a pas affaire à un corps.
14:03 Cette odeur de corps humain, est ce que vous savez la décrire ou elle est indescriptible?
14:07 Je ne sais pas la décrire, mais une fois qu'on l'a senti, on la sent pour toujours.
14:10 On la reconnaîtra à tous les coups.
14:12 C'est une odeur qui est extrêmement dégueulasse, clairement extrêmement lourde aussi.
14:17 Et tu as l'impression qu'elle est épaisse.
14:19 Donc, on la sent et en même temps, on la goûte.
14:22 Ce mélange, elle est salive.
14:23 Donc, on la bien en bouche, on la bien partout.
14:25 Mon patron, à l'époque, m'avait dit, mais il se foutait de moi, évidemment, de mettre
14:30 du Vicks sous le nez.
14:33 Le Vicks a pour effet, quand on se rase, de bien brûler la peau en dessous.
14:37 À un moment donné, on en a marre, on efface le Vicks.
14:40 Oui, mais le nez est bien dégagé.
14:41 Donc, on sent beaucoup mieux les oreilles, elles passent mieux.
14:44 Et en plus, l'odeur de putréfection se mélange alors l'odeur d'eucalyptus.
14:48 C'est une cata.
14:49 C'est une cata.
14:50 A déconseiller alors.
14:51 C'est une souffleture.
14:52 C'est une souffleture.
14:53 Tout à fait.
14:54 À ne pas faire.
14:55 Mais vous lavez encore quand vous autopsiez aujourd'hui un corps ? Vous lavez encore
14:56 quelques heures après ?
14:57 Ce sont des effluves qui se prolongent dans votre soirée et qui s'immiscent dans votre
15:01 vie personnelle ?
15:02 Tant que tu t'es pas lavé, ouais.
15:04 Ah ouais ?
15:05 Elle est là.
15:06 Elle est là.
15:07 Et quand je rentre, j'ai quatre chiens.
15:08 Ils sont tous fous.
15:09 Ils sont tous fous.
15:10 Ils veulent me lécher les godasses, etc.
15:13 On est obligé de les repousser.
15:15 Dès que je vais te voir un cadavre, ils sont ensanglés, ils adorent ça.
15:19 Donc discrètement, en buvant un verre avec Philippe Boxo, vous irez discrètement sentir,
15:23 rûmer pour voir, je vous rassure.
15:24 Non, non, ça va, ça.
15:25 Non, non, aujourd'hui, ça va.
15:26 On est raccord là-dessus.
15:27 Et alors, ce que tu disais, l'odeur du putréfaction, elle est très typique.
15:31 Mais elle est très typique de l'espèce.
15:32 Et donc, des policiers, c'est un flémal, m'appellent en me disant "écoute, il y a
15:36 un sac poubelle et dedans, il y a quelque chose qui putréfie, il se pue trop fort.
15:40 C'est sans doute un bébé".
15:42 Je dis "ok, j'arrive".
15:43 J'arrive, descendre, crime, tout le bazar.
15:45 Et c'était en plein air, le long d'un escalier qui longeait un building.
15:50 Et en arrivant sur le parking, à côté de ces escaliers, c'est pas humain.
15:55 C'est une odeur typique humaine.
15:57 Les autres animaux, j'en sais rien.
15:59 Mais pour l'humain, c'est typique.
16:00 Donc instantanément, c'est un commentaire instantané que vous faites.
16:03 Tu rigoles ? Je dis "bah non, je rigole pas, je te dis que c'est pas humain".
16:06 Écoute, on va ouvrir le sac, on va voir.
16:08 Et c'est un chien.
16:09 C'est l'odeur humaine et spécifique.
16:12 Et je la sens, mais je la sens très, très bien.
16:14 C'est très casse-pieds parce que j'adore la viande.
16:18 Ah oui, écoute, végétarien en métier légal, c'est rare.
16:23 J'en ai pas encore eu.
16:24 Ça pourrait venir, mais j'en ai pas encore eu.
16:26 Et j'ai un pote qui...
16:29 J'ai plusieurs potes...
16:30 Regarde, j'ai plusieurs potes qui sont restaurateurs.
16:34 Et il me dit "écoute, viens, j'ai de la viande maturée, elle est juste excellente, viens".
16:38 Alors, pour ceux qui savent pas, la viande maturée, c'est une viande qui est un peu pourrie.
16:41 Elle a un goût...
16:44 J'ai eu l'impression que je bouffais un de mes cadavres.
16:47 Ah oui, là, vous avez découragé tous les viandeux de la soirée.
16:51 Je me suis excusé, j'ai dit "écoute, non, c'est pas possible, j'ai l'impression de manger
16:54 un de mes cadavres".
16:55 Il m'a fait autre chose.
16:56 Ah oui ? Donc c'est dingue, les gars qui viennent chez vous, vous avez des étudiants, qui passent
16:59 dans la salle d'autopsie, ou des gens du monde judiciaire, qui ont une certaine capacité
17:04 à rester dans une salle d'autopsie.
17:05 Ils y arrivent tous.
17:07 On a l'impression qu'on n'y arrivera pas.
17:10 J'ai connu un magistrat qui a dû sortir, mais en autopsie en enfance, il faut dire.
17:16 C'est pas terrible.
17:17 Mais c'est pas anodin.
17:18 Ah non, c'est pas anodin.
17:19 Même pour nous, c'est pas anodin.
17:20 Donc je comprends que pour quelqu'un qui n'est pas habitué, c'est pas anodin du tout.
17:24 Et j'avais un assistant qui avait un gosse du même âge qu'un enfant que j'étais en
17:27 train d'autopsier.
17:28 Lui, il n'a pas tenu le coup.
17:29 À un moment donné, j'ai vu qu'il n'avait pas bien.
17:31 J'ai dit "écoute, je terminerai, sort".
17:33 Il projetait sur l'enfant qui était là, le corps de son propre enfant.
17:36 Donc, il y a...
17:38 On reste des êtres humains.
17:39 Il y a des choses qui sont faisables, d'autres qui le sont moins.
17:41 C'est ça la difficulté, c'est quand on a des personnages comme ça qui racontent,
17:44 vous racontez dans les livres la réalité, non pas en les romançant un peu, mais en
17:48 travestissant les noms pour que les...
17:50 Je travestis les noms et je travestis aussi l'histoire.
17:53 L'histoire n'est pas exacte.
17:54 Il y a un fond, mais elle n'est pas exacte.
17:56 Par contre, le fond médical légal est tout à fait vrai.
17:58 Donc tout ça est raconté non pas sur le ton de la badinerie, mais de manière un peu
18:01 légère, parce que c'est aussi très agréable à lire.
18:03 C'est ça la performance littéraire des livres.
18:05 Mais vous étiez notamment impliqué dans des autopsies très réelles.
18:08 Les morts de Stécie et Nathalie, juin 2006, vous en étiez.
18:12 Catastrophe rue Léopold à Liège, 14 morts janvier 2010, vous en étiez.
18:16 La tuerie de Nordina et Maragny, on en a.
18:17 En décembre 2011, il y a cinq morts, plusieurs centaines de blessés sur la place Saint-Lambert.
18:22 Ce sont des faits qui ont marqué l'histoire judiciaire, marqué le pays, marqué la région
18:26 légeoise et vous en étiez.
18:27 Alors forcément, dans des bouquins comme ceux-là, vous n'en parlez pas.
18:29 Non.
18:30 Mais ce sont des dossiers qui vous laissent...
18:31 Qui étaient des dossiers comme les autres ou qui sont des dossiers qui ont quand même
18:35 marqué un temps dans votre parcours ?
18:37 Ça marque un temps.
18:38 Ça marque un temps, c'est jamais des dossiers comme les autres.
18:40 Et d'ailleurs, on a l'impression, quand on rentre dans une affaire comme ça, d'être
18:43 hors du temps.
18:44 Tu ne sais plus l'heure qu'il est.
18:45 C'est fini.
18:46 Et en plus, tu es ailleurs.
18:47 Il y a tout le décorum qu'il faut parce qu'il y a les protections policières, il y a la
18:52 descente criminelle.
18:53 Tout le monde est là.
18:55 On attend vraiment ton rapport pour savoir ce qui s'est clairement passé pour les fillettes,
19:00 par exemple.
19:01 Et là, vous avez pression de temps.
19:02 On met une pression horloge.
19:03 J'ai aucune pression.
19:04 Jamais.
19:05 Jamais.
19:06 J'ai le temps que je veux.
19:07 J'ai le temps que je veux.
19:08 Mais la pression est réelle et elle pèse sur tout le monde.
19:11 Dans l'affaire Stéphanie Nathalie, je me souviens, j'étais en salle d'autopsie, il était
19:14 une heure du matin.
19:15 Et je dis à mon assistant, au docteur Lemaire, je lui dis écoute, ne me laisse pas...
19:20 Parce qu'à une heure du matin, tu commences à être crevé, tu as commencé à 10 heures
19:23 du matin.
19:24 Là, on a une journée dans les lattes.
19:26 Je lui dis écoute, ne me laisse pas oublier de regarder les colonnes des gamines parce
19:30 qu'elles étaient un peu laxes.
19:31 Et la laxité, c'est deux choses.
19:33 Ou elle est cassée.
19:34 C'est une cause de décès.
19:36 Ou c'est la putréfaction.
19:37 Parce qu'on les a quand même retrouvées quelques temps après leur disparition.
19:40 Et c'était la putréfaction.
19:45 Il n'y avait rien là-bas.
19:46 Mais alors que j'étais en salle d'autopsie, à une heure du matin, Eric, donc mon assistant,
19:51 va chercher à boire de la flotte.
19:53 Evidemment, il revient.
19:54 Il me dit écoute, tu peux arrêter.
19:57 A la radio, on annonce qu'elles sont mortes toutes les deux d'une fracture des colonnes
20:01 cervicales.
20:02 Je lui avais juste dit ne me laisse pas oublier de le faire.
20:05 C'est passé dans la presse.
20:07 C'est sorti de ma salle.
20:08 Je ne suis pas sorti de la salle, mon assistant non plus.
20:09 C'est sorti de la salle, je ne sais pas comment.
20:11 Alors comment, qui, quoi ? Quelqu'un qui était là et qui avait autorité
20:14 pour y être.
20:15 Police ou autre, je ne sais pas.
20:16 Et c'était passé dans la presse à telle enseigne que le procureur de croix, Thamer
20:20 Bourguignon, m'a téléphoné à 2 heures du matin en disant Philippe, demain, j'ai
20:23 besoin que tu me fasses une petite synthèse.
20:25 Je vais la lire à la presse parce que ce n'est pas admissible ce qui s'est passé.
20:29 Il faut que les gens soient correctement informés en espérant courir une rumeur.
20:32 Voilà.
20:33 Donc on comprend effectivement l'enjeu.
20:35 Alors peut-être pas dans ce dossier là, mais est-ce qu'un moment le légiste doit
20:38 aller vers les familles pour expliquer ? Vous avez ce paravent de la police, du juge d'instruction
20:44 qui va aller voir des familles de victimes en disant voilà ce qui s'est passé.
20:46 Ou vous y allez en frontal ?
20:47 Moi, je suis tenu à deux secrets.
20:48 Un secret médical où je peux raconter une histoire tant qu'elle n'est pas identifiable
20:53 sauf par ceux qui l'ont vécu.
20:54 Pour moi, ça, c'est différent.
20:55 Et je suis tenu par un secret judiciaire.
20:57 Je n'en suis pas le maître, c'est le magistrat.
20:59 Donc je ne peux parler à quelqu'un dans un dossier et identifier le dossier.
21:03 Donc à la famille, ils identifient bien, ils sont là.
21:06 Identifier la personne que si le magistrat m'en donne l'autorisation.
21:10 Et ce n'est que dans la mesure où le magistrat me donne l'autorisation, qui peut être restreinte
21:13 aussi, il peut me donner l'autorisation pour parler de certaines choses, mais pas de tout,
21:17 que je peux aller vers la famille.
21:18 Si la famille le demande, je ne m'impose jamais et je vais leur expliquer ce qui s'est passé
21:22 et je ne mens jamais.
21:23 C'est-à-dire que s'ils me posent la question de savoir s'il a souffert, oui, s'il a souffert,
21:25 je dis qu'il a souffert.
21:26 Pourquoi ? Ce n'est pas pour les faire souffrir eux, mais c'est pour qu'ils connaissent la
21:30 vérité.
21:31 Un.
21:32 Deux.
21:33 S'ils apprennent un jour qu'il a vraiment souffert, alors que moi je leur ai dit qu'il
21:36 n'a pas souffert, ils vont penser que j'ai menti.
21:38 Ils ont raison.
21:39 Et ils peuvent imaginer, c'est déjà arrivé, que tous les systèmes judiciaires leur ont
21:42 menti et entrer dans une espèce de complotisme qui ne sert à rien qu'à nuire au travail
21:47 de deuil.
21:48 Donc on ne ment pas.
21:49 Donc c'est un travail qui n'est pas si invisible que ça.
21:51 Si vous êtes en contact avec des familles, ce n'est pas dans le secret de l'alcool ou
21:54 de la salle d'autopsie.
21:55 Vous êtes quand même assez public et en contact.
21:59 On peut.
22:00 Il faut que la famille le veuille et que le procureur de droits ou juge d'instruction accepte.
22:04 À ce moment-là, OK, on le fait.
22:06 Donc oui, on peut être dans le contact.
22:07 Moi, je préfère avoir le contact après qu'avant.
22:09 Avant, tu apprends à connaître la personne.
22:12 Ça veut dire que ce n'est plus juste un objet de travail.
22:14 Je veux qu'il reste un objet de travail tant que je suis dessus.
22:17 Enfin dessus, on s'entend.
22:19 Et puis, alors il peut être personnalisé.
22:22 Alors je peux connaître sa vie à travers l'émotion que la famille transmet.
22:27 Et on est tous des boules émotionnelles.
22:29 On a tous notre carapace, mais c'est une carapace qui a des failles.
22:32 La mienne en a.
22:33 Et je sais que de ressentir l'émotion d'une famille, ça me fait mal.
22:36 Donc j'aime autant ressentir ça après et ne pas trop personnaliser qu'avant.
22:40 Alors sur ce respect aux familles, c'est assez amusant.
22:42 Je vais à la fin de l'histoire.
22:43 Mais vous dites que les corps, une fois que vous les avez travaillés, moi, je le dis
22:46 vulgairement, vous pourriez les laisser là en l'état.
22:48 La vérité est connue.
22:49 Non, on a une obligation qui est quoi ? Morale ou légale de réparer ce corps, de le remettre
22:55 en l'état ?
22:56 C'est venu.
22:57 Je ne sais plus en quelle année c'est venu, cette histoire là.
22:59 Il y a une loi qui nous contraint à remettre les organes en place et à recoudre les corps,
23:06 à les rendre représentables.
23:07 C'est une loi qui permet au procureur de droit et aux instructions magistrales de donner
23:13 l'accès au corps à la famille pour qu'ils puissent le voir.
23:15 C'est le code d'instruction criminelle.
23:17 Je ne sais plus en quelle année a changé.
23:18 Et avant qu'on ne le change, j'avais été invité par la chambre des représentants,
23:23 donc par le Parlement et le Sénat, cette chambre conjointe, à venir présenter l'évolution
23:29 d'un cadavre en post-mortem.
23:31 Alors ça, c'est un grand moment.
23:33 Vous pensez bien que pour aller les voir, j'ai choisi Mediha.
23:36 Et j'en ai des belles.
23:38 Vraiment des trucs, ça casse la baraque.
23:40 Et j'avais été, ils m'avaient invité à 14h30.
23:44 Ils ont été manger à midi.
23:46 C'est l'erreur de débutant.
23:49 Au début, ça allait.
23:51 Et puis arrivé à certaines délits de putréfaction.
23:54 Tu te rends compte quand même qu'il y a du mouvement.
23:56 Il y en a un qui est sorti.
23:57 J'ai entendu qu'il vomissait, mais dans le couloir.
23:59 Il y en a un qui a vomi dans la poubelle qui était à côté de lui.
24:02 Et il y en a un qui a perdu connaissance.
24:04 J'avais fait un strike.
24:05 Vous ne donnez pas les noms.
24:06 C'est ça qui est dommage.
24:07 Je ne sais pas s'ils sont encore politiciens aujourd'hui.
24:10 Ça date.
24:11 Il y a plus de 20 ans.
24:12 Et voilà.
24:13 Ils sont pas forcément fiers de moi, mais je voulais, puisqu'ils devaient rendre une
24:16 loi, qu'ils comprennent, qu'ils leur montrent.
24:19 Voir un mort, c'est une chose.
24:21 Voir un mort qui vient de mourir, ce n'est déjà pas nécessairement très joli.
24:25 Il n'y a plus de tonnerre de visage.
24:27 Il est tout blanc.
24:28 L'aspect est modifié.
24:29 Et il faut parfois faire un petit effort pour le reconnaître.
24:31 Mais au fur et à mesure que la putréfaction avance, ce n'est plus un effort qu'il faut
24:34 faire.
24:35 C'est un acte de foi.
24:36 Parce qu'il ne ressemble plus du tout à ce qu'il était.
24:39 Alors, si il faut remplacer l'image que l'on peut conserver de quelqu'un par une image
24:43 qui va les impressionner, qui va les poursuivre toute leur vie, d'un corps qui est complètement
24:47 désintégré, décomposé, en voie de décomposition, en voie de putréfaction, moi, je trouve que
24:50 ce n'est pas nécessairement une bonne idée.
24:51 Ou alors, il faut prévenir les gens et leur dire écoutez, vous pouvez le voir, mais voilà
24:56 des photos, non pas de lui, mais de l'état dans lequel il est.
25:00 Ce n'est pas lui, mais c'est similaire.
25:02 Est-ce que vous voulez vraiment leur consentement éclairé ? On connaît ça en médecine.
25:06 C'est vraiment leur dire attention, attention, ce que vous allez voir risque de vous poursuivre
25:12 pour le reste de vos jours et qu'ils décident en toute connaissance.
25:14 Parce que quand ils vont voir le cadavre, ils ne vont pas le reconnaître quand même.
25:17 Voilà.
25:18 C'est ça la réalité.
25:19 Catastrophe de la rue de Léopold, les services de secours.
25:23 C'est l'explosion d'une maison, 14 morts, dans une maison de rue de Léopold, plein
25:26 cœur de Liège.
25:27 Exact.
25:28 Il y avait des petits jeunes dans la maison de gauche, pas de problème, ils étaient
25:31 tout à fait visibles.
25:32 Et puis la maison de droite, c'est celle qui avait explosé, celle qui avait brûlé.
25:35 Les corps, on les a sortis au fur et à mesure, mais ils n'étaient pas en bon état.
25:38 Et même à la fin, on m'a sorti des morceaux.
25:41 J'ai fait de l'ADN pour savoir, c'est un morceau de foie, c'était des côtes, c'était
25:45 du muscle, pour savoir si c'était la même personne ou pas.
25:47 On en était là.
25:49 Et le mystère de l'intérieur tenait absolument à ce qu'on présente tous les corps aux
25:52 familles.
25:53 Je me suis dit, mais ça va aller.
25:56 Et je me souviens de la dame qui était là.
26:00 Et qui a eu le dernier mot.
26:01 Vous avez eu le dernier mot là-dessus ? Je l'appelais le canari parce qu'elle était
26:02 habillée en jaune.
26:03 Je lui ai dit, écoutez, choisissez un peu un numéro de 1 à 14.
26:07 J'ai choisi le bon 1.
26:08 Elle m'a dit un numéro.
26:09 Je lui ai dit, OK, venez avec moi.
26:11 Et j'ai été ouvrir le tiroir du numéro X.
26:14 Je ne sais plus quel numéro c'était.
26:16 Et j'ai montré.
26:17 Je vous présente Monsieur Machat.
26:18 Je l'ai identifié, c'est lui.
26:19 Elle m'a dit, mais on ne peut pas montrer ça aux familles.
26:22 Je lui ai dit, on est bien d'accord.
26:23 Et vous avez eu le dernier mot avec l'image, avec le choc de l'image.
26:26 Alors, je reviens aux petites histoires qui font la grande histoire.
26:30 Je reprends, mais c'est totalement au hasard, cette histoire de bouts de corps que vous
26:33 retrouvez dans la meuse.
26:34 Donc, je disais tout à l'heure qu'un pied était apparu.
26:36 Vous l'aviez analysé.
26:37 Puis, il y a d'autres membres de ce corps qui vont réapparaître.
26:39 Et puis, c'est là qu'on voit que le médecin légiste, il a aussi un rôle important dans
26:44 l'enquête.
26:45 C'est qu'à un moment, vous avez la conviction que la tête, qui est sans doute quelque part
26:47 dans la meuse, ne remontera pas.
26:50 Et donc, cette conviction qui va quelque part un peu orienter l'enquête ou ne pas l'orienter,
26:54 elle vous vient d'expliquer pourquoi la tête, à ce moment-là, pour vous, elle ne remontera
26:57 pas des fins fonds de la meuse.
26:59 Les têtes remonteront rarement.
27:00 La tête, c'est un organe plein.
27:03 Il y a le cerveau.
27:05 Enfin, chez la plupart des gens, il y a un cerveau quand même.
27:08 C'est un organe plein.
27:09 Donc, ça veut dire que quand la putréfaction va s'installer, en plus, il y a de l'os.
27:13 Une tête, c'est un kilo et demi.
27:15 Donc, pour faire remonter un kilo et demi à la surface, il faut vraiment du gaz.
27:19 Alors, comment ça marche ? Quand on rentre dans l'eau et qu'on y meurt ou qu'on tape
27:23 un cadavre à la flotte, généralement, il flotte s'il n'a pas respiré de l'eau.
27:27 S'il a respiré de l'eau, il coule.
27:28 Et il ne remontera, une fois qu'il a respiré de la flotte, il ne remontera que parce que
27:34 les bactéries de putréfaction fabriquent du gaz de putréfaction.
27:36 Et c'est le gaz qui le fait remonter un peu comme un ballon.
27:38 Alors, à un moment, il est en deux eaux et souvent, on a des péniches qui passent
27:42 et qui les découpent.
27:43 Mais quand ils arrivent en surface, c'est qu'ils ont plus de 10 jours de flotte.
27:47 Et en général, c'est 10 jours.
27:48 C'est une semaine à 10 jours.
27:49 Pour les enfants, c'est plutôt une semaine.
27:51 Pour les adultes, c'est plutôt 10 jours.
27:52 Mais si la tête est coupée, elle va avoir beaucoup de difficulté à remonter.
27:56 Et on ne l'aura pas.
27:57 Justement pour ça, parce qu'il n'y a jamais assez de gaz de putréfaction pour la faire
28:00 remonter comme un ballon.
28:01 Et au final, vous l'avez retrouvé, cette tête ?
28:02 Je n'ai jamais eu.
28:03 Jamais ? Et donc, ça veut dire que c'est un crime non élucidé alors ?
28:06 C'est un dépeseur lié-joie non identifié.
28:10 On en a eu au moins deux.
28:12 Depuis que je suis là, en tout cas.
28:15 Et potentiellement, le même homme ? Impossible à savoir.
28:18 Ça reste en point d'interrogation.
28:20 Il y a des histoires, vous avez peut-être lu, comme ça on évite les redites, mais
28:25 qui dans la salle ce soir a lu le premier livre de Philippe Boxo ?
28:27 Je vois des mains qui se lèvent.
28:30 On est sur une moitié-moitié.
28:31 Il y a cette histoire emblématique.
28:33 Je ne vous raconte pas la fin pour ceux qui ne l'ont pas lu.
28:35 Vous faites attention à ne pas raconter la fin, à ne pas spoiler.
28:37 C'est comme dans les séries policières.
28:39 Il y a la fameuse histoire du cochon.
28:40 Ce voisin qui voit un de ses voisins, sans doute que le fermier d'en face a jeté sa
28:45 femme au cochon.
28:47 Vous arrivez sur le terrain d'opération.
28:48 Cette histoire est très emblématique.
28:50 Tout le monde est à la scène, évidemment.
28:51 Et vous avez directement dans "Les cochons" un coupable.
28:54 Pourquoi vous désignez ce cochon-là en disant que c'est lui qui a sans doute dû manger ?
28:57 Parce qu'il est gros.
28:59 Le gros est le coupable ?
29:00 Tu es gros, tu bouffes.
29:02 Il y a de la logique.
29:04 Et là, les policiers qui sont là autour, ce que dit comme ça on dirait une phrase qui claque.
29:07 Mais les policiers vous disent oui, tu as raison.
29:08 Chez les cochons, c'est pire que ça.
29:10 Il est gros, donc il prend du volume.
29:12 Il prend du volume, donc il est fort.
29:13 Il est fort, donc il passera le premier pour les bouffer.
29:16 C'est tout con.
29:17 Mais les gars vous suivent ?
29:18 Les policiers autour vous suivent ?
29:19 Je ne connais pas mieux les cochons que ça.
29:21 Mais c'est de la logique.
29:22 C'est de la logique.
29:23 Et en plus, le cochon, c'est dangereux.
29:24 Tous les fermiers te diront, il ne faut pas rentrer dans l'enclos des cochons, sans
29:27 être surveillé.
29:28 Tu tombes, but de bouffe.
29:29 Donc ces bestioles-là sont...
29:31 Moi, je les aime bien les cochons.
29:32 Je trouve qu'ils sont sympas.
29:33 Mais voilà.
29:34 Là, c'est un monsieur qui voit son voisin jeter sa femme au cochon.
29:40 Et comme il ne s'aime pas trop, il s'épie.
29:42 Et il prévient la police.
29:44 La police arrive sur place.
29:45 Il n'y a plus de femme.
29:46 Elle n'est pas dans la maison, elle n'est nulle part.
29:48 Sa bagnole est là, ses clés sont là, son portefeuille est là, son GSM, je ne sais
29:51 pas si on avait à l'époque.
29:52 Tout est là.
29:53 Rien n'a bougé.
29:54 Et dans la loge à cochons, il n'y a plus rien.
29:55 Il prévient le procureur de droit qui me téléphone.
29:58 C'est toujours la séquence.
30:00 Et j'ai dit au procureur de droit, écoute, c'est très simple, il faut faire buter le
30:03 plus gros cochon.
30:04 Mais pourquoi le plus gros ?
30:05 Pour ces motifs-là.
30:06 Donc il dit au policier, il faut buter le plus gros cochon.
30:09 Moi, je me mets en route.
30:11 Le procureur me téléphone, il me dit, ils ne veulent pas.
30:14 Je dis, ben oui, écoute, ils ne veulent pas, ils ne veulent pas.
30:17 Pas de problème.
30:18 On laisse digérer le cochon.
30:19 Je vais vous expliquer, mais là, il faut un mandat d'instruction pour dire tu as bain
30:23 à cochon.
30:24 Non, il n'est pas nécessaire.
30:25 Ah non, on peut là.
30:26 OK.
30:27 Et je pense clairement, je dis au magistrat, il n'y a pas de souci.
30:33 Dis au policier que s'ils ne veulent pas buter le cochon, demain, ils reviennent et dans
30:37 la merde des cochons, ils vont chercher les cheveux, les dents de la dame.
30:40 C'est le seul truc que le cochon ne digère pas.
30:41 Donc, ils devront le chercher.
30:43 Ils ont envie de trouver une solution.
30:44 Il y a un de leurs collègues d'une région voisine qui avait été abatteur dans un abattoir
30:50 où ils tuaient du bétail.
30:51 Donc, il est arrivé, le policier, ce n'était pas un problème.
30:53 Il a buté le cochon.
30:54 Et moi, j'ai téléphoné à un de mes copains vétérinaires parce que je ne savais pas où
30:57 étaient les sommes du cochon.
30:58 C'est comme chez nous.
31:00 C'est assez facile.
31:01 J'ai ouvert les sommes, j'ai trouvé des morceaux et ces morceaux, on les a identifiés
31:05 comme étant, grâce à l'ADN, comme étant ceux de la dame.
31:08 Et c'était la femme.
31:09 Et ce cochon, alors tant pis pour le détail, mais vous l'autopsiez sur place ou vous devez
31:12 le ramener dans votre salle d'autopsie ?
31:14 Non, non, je ne vais pas l'autopsier.
31:15 Moi, ce qui m'intéresse, je m'en fous de tout ce qu'il a fait.
31:17 Il a bouffé.
31:18 Ce qui m'intéresse, c'est ce qu'il a bouffé.
31:19 Donc, je vais chercher dans l'estomac.
31:21 Et si je l'ai fait tuer, c'est parce que j'avais un peu peur que les sucs gastriques
31:25 de l'estomac ne digèrent les morceaux de la dame le temps que j'arrive, etc.
31:29 Et puis, comment aller chercher le morceau de la dame et lui ouvrir l'estomac, puis lui
31:33 refermer, peut-être ?
31:34 Je ne sais pas.
31:35 C'est impossible.
31:36 Donc, on l'a buté.
31:37 Cette histoire-là est assez emblématique.
31:38 Alors, il y a l'ADN, évidemment, qui nous fascine.
31:40 On ne l'a pas mangé à propos.
31:41 Je ne veux pas savoir ce qu'il est devenu après.
31:44 Sur l'ADN, on fantasme beaucoup sur l'ADN aujourd'hui.
31:48 L'ADN, qu'est-ce qu'il permet de connaître réellement quand vous faites vos analyses ?
31:51 Est-ce qu'il permet de dire un sexe ? Est-ce qu'il permet de dire une couleur des yeux ?
31:55 Est-ce qu'il permet de dire une couleur de cheveux ?
31:56 Qu'est-ce qu'il vous offre, l'ADN ?
31:59 L'ADN, c'est une molécule qu'on connaît depuis très longtemps.
32:02 On a connu sa structure, etc.
32:04 Ça fait l'objet de prix Nobel pour certains.
32:06 Et puis, à un moment donné, il y a un bonhomme qui s'appelle Alec Jeffries qui imagine que
32:12 l'on pourrait identifier quelqu'un en analysant certains sites sur les chromosomes.
32:16 Au départ, ce n'est pas exactement comme ça, mais c'est devenu ça.
32:20 Et il met cette technique en pratique.
32:22 Et on arrête un bonhomme qui est violé et tué.
32:24 Deux gamines.
32:25 Et ce monsieur s'appelle Colin Pitchfork.
32:27 Il a été libéré de prison en 2022.
32:31 Il est retourné trois mois plus tard parce qu'il n'a rien respecté des normes qu'on
32:35 lui a mises.
32:36 Et ce monsieur vole au trou pour ce motif-là parce qu'on a réussi à l'identifier sur
32:40 le plan génétique.
32:41 À partir de là, ça fait un boom, mais vraiment un boom sur la planète criminalistique.
32:46 Et tout le monde entier s'est mis à vouloir faire de l'ADN pour identifier l'ADN sur
32:52 les scènes de crime.
32:53 Donc, ça a été assez vite.
32:55 En 96, en Belgique, il y avait des laboratoires partout.
32:58 Après, ça a diminué parce que les tarifs ont été réduits et que beaucoup ont fait
33:02 faillite et ont fermé.
33:03 Mais on avait tous ces labos.
33:05 Et ce qu'on fait, c'est identifier quelqu'un.
33:08 Ça veut dire que nous n'avons pas l'autorisation pour l'instant.
33:10 Ça va changer.
33:11 Je vais te le dire juste après.
33:12 Nous n'avons pour l'instant pas l'autorisation d'analyser de l'ADN qui code pour quelque
33:17 chose.
33:18 On est obligé d'analyser de l'ADN qui code pour rien.
33:20 Donc, qui est inutile.
33:22 Dans notre ADN, il y a une grosse partie qui ne sert à rien.
33:25 On ne sait pas à quoi ça sert, en fait.
33:27 Mais en tout cas, on sait que ce ne sont pas des gènes codants.
33:30 Et donc, on pouvait, et on peut toujours, aller dans ces régions-là, choisir un segment
33:36 de chromosomes qui nous intéresse parce que c'est un gène qui est polyallélique.
33:38 Enfin bref, c'est un gène qui nous convient.
33:40 Et on a décidé à travers le monde que l'on analyserait X site 16 sur les chromosomes.
33:46 On utilise partout dans le monde les mêmes pour que ce que l'on fait en Amérique puisse
33:51 être utilisé aux Pays-Bas, ce qu'on fait aux Pays-Bas puisse être utilisé en Belgique,
33:54 en France et ailleurs.
33:55 Comme ça, on peut comparer nos données.
33:56 On a alors accès à des banques de données qui sont non seulement les nôtres, mais aussi
34:00 celles de pays étrangers dans le cas de la grande criminalité.
34:02 C'est vraiment quelque chose d'idéal.
34:04 Donc voilà, on a fait ça.
34:05 Et puis, certains pays sont allés plus loin et se sont dit "oui, l'ADN, ça code quand
34:10 même pour des choses intéressantes".
34:11 Le sexe, ça, on pouvait déjà le faire.
34:13 - Une forme de logique qu'on peut.
34:15 Dire "homme-femme", on peut.
34:16 - "Homme-femme", tu peux.
34:17 Tu as un homogène, tu es limite déjà à 50% de suspect, en clair.
34:21 C'est un homme, c'est pas une femme.
34:23 Quoique aujourd'hui, parfois, il y a moins de doutés.
34:24 Mais objectivement, c'est pour nous le sexe et le sexe génétique.
34:30 Après, les gens font ce qu'ils veulent, on s'en fout.
34:32 - C'est le sexe de naissance.
34:33 - Pour nous, c'est le sexe génétique.
34:35 Point.
34:36 Alors, il n'y a pas moyen de le changer.
34:37 C'est comme ça.
34:38 Et puis, tu as la possibilité, sur certains segments d'ADN, d'aller voir la couleur des
34:44 yeux, la couleur de la peau, la couleur des cheveux, la tendance à la calvitie, la tendance
34:49 à l'obésité.
34:50 Il y a plein de trucs qu'on peut voir.
34:51 Et là, certains pays le font déjà avec succès.
34:55 Et il semblerait, mais voilà, c'est encore en discussion, que la Belgique va se doter
35:00 de cette loi qui nous permettra, normalement, c'est à partir d'avril, elle devrait voter
35:05 de ce côté-là.
35:06 - Donc, à ce stade, vous avez l'ADN, vous avez les outils qui permettraient de faire
35:10 un portrait plus complet.
35:11 - On ne peut pas.
35:12 - Mais vous devez vous abstenir.
35:13 - Oui, mais c'est pas une loi de nous l'interdire.
35:14 - C'est frustrant.
35:15 - Ah oui, c'est pas le contraire.
35:16 C'est très frustrant.
35:17 Oui, parce qu'on pourrait dire qu'on cherche un blond aux yeux bleus.
35:19 Voilà.
35:20 Et là, on ne peut rien dire du tout.
35:23 - Ça, c'est votre travail.
35:26 Alors, on confond un peu tous les jobs dans ce milieu médico-légal.
35:29 Il y a les experts, il y a le fameux labo, il y a le médecin légiste.
35:32 - Il y a un gars du labo ici.
35:33 Je ne sais pas où il est.
35:34 - Il y a un gars du labo ? - Il est caché.
35:35 Jean-Robert, t'es où ?
35:37 - Ah, il est là, Jean-Robert.
35:38 Il est tout au bout.
35:39 - Voilà.
35:40 Vous pourrez nous dire après si on explique bien les différents métiers.
35:42 Mais quelle est la différence alors entre un Jean-Robert du labo et un médecin légiste ?
35:46 L'ADN, c'est Jean-Robert au labo ou c'est le légiste ?
35:49 - Le médecin légiste est moins gros.
35:50 - Il faudra que Jean-Robert se lève à la fin.
35:54 - C'est là que Jean-Robert va me péter les dents.
35:56 Il est moins barbu et généralement, il est moins comique que Jean-Robert.
36:00 C'est le mec le plus comique que je connaisse dans tous les labos de la police technique
36:04 et scientifique du Royaume.
36:05 En plus, il fait même des pièces de théâtre.
36:08 Il est génial.
36:09 - Monsieur Jean-Robert, levez-vous et que tout le monde retournez-vous parce que c'est
36:10 un mystère de trop.
36:11 Bonsoir Jean-Robert, bienvenue.
36:15 - Et voilà comment je couillonne Jean-Robert.
36:19 - Il vous doit un verre à la fin.
36:21 - Oui, je sais, je sais.
36:23 Je prends les devants parce qu'il m'a déjà fait des coups pareils.
36:26 Donc voilà.
36:27 Les gens du labo sont spécifiquement formés pour recueillir sur les scènes de crime toutes
36:34 les traces et les indices qui peuvent être utilisés.
36:36 Ils doivent les recueillir, les identifier d'abord, les recueillir, les préserver et
36:41 en plus, prendre des photographies.
36:43 Et c'est une mission qui a largement évolué dans le temps parce que quand j'ai embarqué
36:47 en médecine légale, l'ADN n'existait pas.
36:49 C'était avant 96 et l'ADN a existé en 96.
36:52 Et puis, la loi ADN est sortie en 99.
36:54 En 99, on a dû faire des scènes de crime comme on en fait aujourd'hui avec tous les
36:59 prélèvements que l'on voit dans les séries américaines.
37:01 C'est juste comme ça qu'on fait.
37:02 À part qu'on est habillé autrement qu'eux.
37:04 On est habillé en tenue de protection.
37:06 Eux, pas.
37:07 Ils sont habillés mieux que nous.
37:08 Surtout beaucoup plus chers.
37:10 C'est du cinéma.
37:11 Il faut que ce soit beau.
37:13 Et nous, objectivement, habillés comme ça, on est moches.
37:16 Tous.
37:17 Tu ne reconnais pas les gens.
37:18 Ils ont des bonnets, ils ont des masques.
37:20 Tu les reconnais aux yeux.
37:21 Lui, tu le reconnais parce qu'il est gros.
37:22 Mais sinon, les autres, tu les reconnais aux yeux.
37:25 Et la scène de crime se passe comme ça.
37:28 Alors, les indices qui ont été prélevés, les labos avant faisaient les photos et les
37:32 relevés d'empreintes digitales.
37:33 Maintenant, il faut les relever des photos, des empreintes digitales et tout le relevé
37:37 en micro traces.
37:38 Préservation des traces.
37:39 Et puis, alors, on donne à des gens qui font partie de ce qu'on appelle la police scientifique.
37:43 Ce n'est pas nécessairement des policiers.
37:44 Je suis de la police scientifique.
37:46 Ce sont des gens qui ont une capacité, une connaissance, une spécialité dans un domaine
37:50 très précis.
37:51 Experts en incendie, en roulage, en empreintes digitales, en ADN, en médecine égale, en
37:56 informatique.
37:57 On a même eu un expert en parapluie.
37:58 Il y a des experts dans énormément de domaines.
38:01 Et là, je n'ai même pas cité le dixième des experts qui existent.
38:03 Et ces gens-là font partie de la police scientifique.
38:06 C'est eux, du labo, qui prélèvent des traces que nous allons analyser.
38:10 Donc, c'est un boulot qui se fait de façon conjointe, en synergie.
38:15 Et puis, derrière, alors, tu as le magistrat qui reçoit tous les éléments et qui font
38:21 ses convictions.
38:22 Alors, une fois que vous avez tout analysé, puis on reviendra à un cas précis.
38:24 Mais une fois que vous avez tout analysé, est-ce que vous allez au tribunal ? Est-ce
38:28 que le résultat de votre autopsie et vos fameuses diya, en choisissant les bonnes,
38:31 est-ce que vous allez les présenter à des jurés, par exemple, dans un procès d'assises,
38:35 en devant expliquer la culpabilité d'un tel ou d'un tel ? Est-ce que vous allez au tribunal
38:39 ?
38:40 Je n'explique jamais la culpabilité de quelqu'un.
38:41 Moi, je me fous de savoir qui a tué.
38:42 Ça ne m'intéresse pas.
38:43 Mais par contre, ce qui m'intéresse beaucoup, c'est de démontrer que quelqu'un a tué.
38:46 Et le comment.
38:47 Et le comment on a tué.
38:48 Et le comment.
38:49 Donc, c'est comment et quand.
38:52 Et de quoi il est mort.
38:54 Donc, c'est cet ensemble-là qu'on essaie de faire.
38:57 Je dis comment et je distingue la façon de mourir de la cause du décès parce qu'il
39:02 y a parfois plusieurs causes du décès qui coexistent.
39:03 Et surtout, il y a une manière d'amener au décès qui est souvent différente de cadavre
39:07 à l'autre.
39:08 Mais vous édulcorez un peu pour des jurés en progressif ?
39:10 Jamais.
39:11 Jamais, jamais.
39:12 Et des jurés, chic.
39:13 Tu t'en souviendras le reste de ta vie.
39:15 Il n'y a pas de problème.
39:16 Le seul truc, c'est que je ne présente jamais de diya, de photo du corps.
39:20 J'explique.
39:21 Je montre sur moi ou sur celui qui m'accompagne ou je prends un avocat.
39:24 Et je montre sur la personne où elle est allée rentrer, où elle est sortie pour qu'ils
39:28 comprennent bien.
39:29 L'idée, c'est comme quand je donne cours à mes étudiants.
39:31 C'est qu'ils comprennent ce que je suis en train de leur dire.
39:34 Et en général, ça se voit dans les yeux des gens.
39:35 Tu vois vite s'ils pigent ou pas.
39:36 Et tant qu'ils n'ont pas compris, tu répètes.
39:38 Et généralement, j'explique deux fois de deux manières différentes pour être bien
39:41 sûr qu'on comprenne bien.
39:42 Parce qu'il n'y a rien de pire que de condamner quelqu'un quand on n'a pas bien compris
39:47 tout ce qui se passait.
39:48 Et la Cour d'assises est là pour ça.
39:49 Pour que le juré comprenne et qu'en fonction de cette compréhension, il se fonde sa conviction
39:55 et qu'en fonction de cette conviction, il décide.
39:56 Donc, le rôle d'un légiste comme de n'importe qui passe en Cour d'assises est juste très
40:01 important, fondamental.
40:02 Et on ne doit pas jouer sur des affects.
40:04 Donc, je ne joue pas sur les affects.
40:06 En présentant des photos, clairement, tu le montres quasiment comme coupable.
40:11 Il n'y a pas d'effet.
40:12 C'est horrible.
40:13 Les photos sont moi-même quand je les regarde, je me dis que c'est quand même moche.
40:16 Alors que quand je suis dessus, ça me va.
40:18 Pas sur la photo, sur le corps en train de le découper, ça me va bien.
40:22 Je ne vois pas où est le problème.
40:23 Mais parfois, quand je me vois en photo au-dessus d'un cadavre, je me dis "Putain, quand même".
40:28 Pour quelqu'un qui n'est pas habitué, il doit être surpris.
40:30 C'est assez amusant parce que si on devait écrire un article là-dessus, mes collègues
40:33 en bas sont en train de terminer le journal, on constate ce soir que le métier est assez
40:36 complet.
40:37 Ça va du terrain à l'analyse du corps ou de parties.
40:40 Tu vas le voir sur place.
40:41 Tu l'examines sur place.
40:42 C'est très global.
40:43 Tu commences.
40:44 Tu commences à l'autopsie, tu vas aller en reconstitution.
40:46 Et puis là, tu ne sais absolument pas ce qui se passe dans le dossier.
40:48 Tu n'es pas concerné.
40:49 Et puis, tu te retrouves en cour d'assises à expliquer ce qui s'est passé.
40:52 Et la cour d'assises, c'est un drôle de machin.
40:54 Il faut savoir que l'IAG n'est pas une grande ville.
40:57 Objectivement, c'est une petite ville.
40:58 Mais on s'entend bien, on se marre bien.
41:00 Je les connais tous.
41:02 Les magistrats pour certains, je suis parti en vacances avec eux.
41:05 Ce sont des potes.
41:06 Il n'y a pas un qui va m'épargner.
41:08 Même chose pour les avocats.
41:09 C'est pareil, je les connais aussi.
41:11 C'est un jeu de rôle.
41:12 C'est monsieur l'avocat, c'est monsieur le procureur, c'est monsieur le juge, c'est
41:15 monsieur le président ou madame la présidente.
41:17 Mais c'est un jeu de rôle.
41:18 Et leur but, si je ne fais pas dans leur sens, c'est de me foudroyer, évidemment.
41:23 On ne se fait pas de cadeaux.
41:26 C'est la nécessaire impartialité.
41:28 On ne se fait pas de cadeaux.
41:29 Le travail est global, mais ça n'empêche pas quelques passions personnelles.
41:31 Ceux qui ont lu le deuxième bouquin l'ont constaté.
41:34 C'est que vous vous êtes intéressé.
41:35 Alors là, on n'est plus dans du fait divers belgo-belge, mais vous vous êtes intéressé
41:39 à ce qu'on appelle le Saint-Sueur de Turin, qui est donc ce linge qui emballait Jésus.
41:42 Et vous faites un petit travail historique sur, en gros, est-ce que ce linge a vraiment
41:48 entouré, emballé Jésus ? D'abord, c'est une passion personnelle qui est venue pour
41:53 le livre ou une passion que vous aviez depuis longtemps, cette passion d'analyse historique ?
41:56 Non, non, non.
41:57 Je n'ai rien créé pour mettre dans le livre.
42:01 Jamais.
42:02 C'est une passion qui était là déjà.
42:03 Je mets dans le bouquin ce qui m'amuse et ce qui me plaît.
42:04 Sauf les grosses histoires dont on a parlé tout à l'heure.
42:08 Je mets dans le bouquin ce qui m'a amusé.
42:09 Donc, je ne crée pas.
42:12 Mais je me suis intéressé à la mort d'Henri IV.
42:14 Je me suis intéressé parce qu'il a été autopsié.
42:17 Ils ont pratiquement tous été autopsiés, d'ailleurs, sauf Louis XV.
42:19 Louis XV puait tellement qu'il n'y a personne qui osait l'approcher pour l'autopsier.
42:23 Louis XVI, il n'y a pas besoin.
42:24 Objectivement, il s'est handicapé en place publique, donc clairement, on connaissait
42:27 la cause de la mort.
42:28 Mais pour les autres, c'est super intéressant.
42:30 Je me suis intéressé à Napoléon.
42:31 Parce que la cause de sa mort fait toujours débat aujourd'hui.
42:34 Maintenant, j'ai une conviction que j'ai fondée sur les éléments que j'ai recueillis.
42:36 Je ne l'ai pas autopsié, mais sur les éléments que j'ai recueillis, j'ai le rapport d'autopsie
42:40 fait par un homme marquis.
42:41 Donc, il y a une petite passion.
42:43 Et le sueur de Turin, l'assaut de Turin, en fait, en fait partie.
42:46 Il en fait partie parce que c'est une vraie scène de crime.
42:48 À mon sens, en tout cas, j'en ai la conviction.
42:51 Mais voilà, je ne peux pas vraiment le prouver à 100%.
42:55 - Je prends quelques éléments.
42:56 La main du Christ crucifiée, cruée.
42:59 Quelque chose vous chipote là-dedans.
43:01 Qu'est-ce qui vous chipote ?
43:02 - En 1951, il y a un chirurgien qui s'appelle Pierre Barbet de Paris qui a fait une expérience
43:08 que si moi je fais, je vole au trou.
43:10 Il a pris des cadavres, il les a cloués dans la paume des mains, exactement comme le Christ.
43:15 Il a constaté qu'au bout d'un moment, tous les cadavres se décrochaient.
43:18 Pourquoi ? Parce que dans la main, tu n'as rien pour retenir le clou.
43:21 Donc, le clou ne pouvait pas être posé dans la paume de la main.
43:24 Il l'était nécessairement dans le poignet.
43:26 Il le démontre, il a raison.
43:27 Et sur le sueur de Turin, tu as des clous dans les poignets.
43:31 Ils ne sont pas dans les paumes.
43:32 On va voir les crucifix, c'est rare quand je trouve un qui a des clous dans les poignets.
43:36 Celui auquel je pense, qui a un crucifix vraiment orthodoxe par rapport au sens médico-légal
43:43 du terme, c'est un crucifix qui se trouve sur la façade de la Sagrada Familia à Barcelone.
43:47 Lui, il est vrai.
43:48 C'est à peu près le seul que je connais.
43:49 - Il y a l'autre élément troublant aussi, c'est ce visage qui est imprimé dans le tissu.
43:53 Jusque-là, on pensait, ou certains pensaient au miracle.
43:56 Vous dites non, c'est l'acidité du visage qui va s'imprimer, s'imprégner dans le tissu.
44:01 - Il n'y a pas que le visage, il y a tout le corps.
44:03 Quelqu'un qui meurt en croix, meurt de ce qu'on appelle une acidose respiratoire.
44:07 C'est-à-dire, pour expliquer brièvement, on respire très mal quand on est en croix.
44:12 C'est ce qu'on appelle pour nous une asphyxie posturale.
44:14 La posture fait qu'on ne respire pas bien.
44:16 Et le fait de ne pas bien respirer fait qu'on ne capte pas assez d'oxygène et surtout
44:20 qu'on ne relâche pas assez de CO2.
44:21 Et le CO2 reste dans le sang.
44:23 Le CO2, c'est un gaz qui rend le sang acide, d'où l'acidose.
44:28 Une acidose respiratoire parce que c'est engendré par un défaut de respiration.
44:32 Contrairement à l'acidose métabolique qui vient d'ailleurs.
44:35 Bref, acidose respiratoire.
44:36 Le sang devient acide.
44:37 Il ne tombe pas à pH de 1, mais il est acide.
44:41 Ce qui se produit, c'est que la sueur a le même pH que le sang.
44:45 Donc, la sueur de la personne qui meurt en croix est acide.
44:49 Et ce que l'on a découvert, c'est que la sueur acide est capable de produire une dégradation
44:55 des fibres de lin de la même nature et exactement la même que celle du lin sol de Turin.
45:01 Donc on acte quoi ? Le Christ était vraiment là ?
45:04 Attends, attends, attends, attends, c'est pas fini.
45:06 Moi je veux la fin du rapport de Toczy.
45:08 Je m'en doute.
45:09 Pour savoir s'il est coupable ou pas.
45:10 Qui ? Le Christ ?
45:11 Oui, non mais c'est lui.
45:12 Alors, ah oui, je vois ce que tu veux dire.
45:16 Coupable d'être mort.
45:17 Et donc, on arrive à faire une image, voilà j'y suis, mais on n'arrive jamais à reproduire
45:23 une image aussi claire, aussi nette, aussi belle que celle du lin sol de Turin.
45:27 Alors est-ce que c'est le Christ ? J'en sais rien.
45:29 J'ai pas le code génétique du Christ.
45:30 Si je l'avais, je pourrais te le dire.
45:33 Mais ça c'est l'élément manquant alors.
45:34 C'est le baillon manquant.
45:35 On a sur la sueur, on a des tas de choses qui n'étaient pas connues et qui ne pouvaient
45:40 pas être connues au Moyen-Âge.
45:42 Donc on imagine qu'il a été créé vers 1350.
45:45 C'est ça l'idée de certains.
45:46 On a dans ce morceau de tissu des traces qui ne sont pas connues.
45:53 On ne les connaît pas à l'époque du Moyen-Âge.
45:55 Donc si on ne les connaît pas, on ne peut pas les y mettre.
45:57 Tu vois ? On a des éléments, comme par exemple l'appelé au côté, qui ne peuvent avoir
46:02 été causés que sur un mort.
46:04 Sinon, l'écoulement aurait été différent.
46:07 Donc on sait que le type qui est là-dedans a été mouru.
46:12 Voilà, on peut le dire comme ça.
46:13 Il a été mouru.
46:14 On l'a tué.
46:15 Il a été placé dans l'assol.
46:17 On sait qu'il n'y a pas resté.
46:18 Pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas de liquide de putréfaction.
46:20 On sait aussi qu'il était rigide.
46:22 Pourquoi ? Parce que les jambes sont fléchies.
46:24 Les genoux sont fléchis.
46:26 Et la tête est légèrement relevée.
46:27 Et ça correspond à la mort en croix, qui est une mort qui se fait par une contracture
46:31 complète de tout le corps.
46:32 Je peux t'en parler pendant des heures.
46:34 Est-ce que Rome vous a appelé ? Parce que c'est ça.
46:36 On ne sait pas quel est l'impact du livre.
46:38 Est-ce que Rome, est-ce que l'Église, le Vatican vous a appelé dans la foulée ?
46:41 Non, ils sont foutus.
46:42 Il n'y a pas d'homme d'Église qui a commenté votre travail.
46:44 L'Église n'a pas besoin du Suède de Turin.
46:46 Pourquoi tu veux qu'elle ait besoin ?
46:48 L'acte fondateur de la religion, c'est la foi.
46:52 Celui qui a besoin d'une preuve, c'est saint Thomas.
46:54 C'est moi, saint Thomas.
46:55 Mais celui... enfin, je ne suis pas saint, mais je ne suis pas Thomas non plus.
46:57 Mais c'est l'idée.
46:59 Le gars qui a besoin d'une preuve pour croire, il ne fait plus un acte de foi.
47:03 Il fait un constat.
47:04 Ce n'est pas exactement la même chose.
47:05 Donc l'Église, par rapport à l'assol, a toujours été un portrait,
47:08 intelligemment d'ailleurs, intelligemment.
47:10 Et elle a intérêt à continuer d'ailleurs.
47:12 Parce qu'on a de l'ADN sur le machin là.
47:14 Sur le linceul, il est un peu cassé.
47:16 Mais qui dit qu'on n'arrivera pas à le reconstituer,
47:18 éventuellement cloner.
47:19 Donc bon, méfiance.
47:22 Et... ah oui, il faut que je raconte.
47:24 Je vous en remets bon.
47:26 Ce que l'Église dit, c'est que le linceul est une image.
47:32 Mais ils n'en ont pas besoin pour la foi.
47:33 Alors ce que je voulais te dire,
47:35 c'est que j'ai un ami qui est prêtre à l'opposéïe,
47:36 et on fait cette conférence, on la présente ensemble.
47:39 Lui, il est prêtre, mais scientifique.
47:43 Et donc il a la même approche que moi,
47:44 mais il termine autrement, il termine par un acte de foi.
47:46 Normal, il est prêtre.
47:47 On ne comprendrait pas qu'il ne le fasse pas.
47:48 Donc, moi je suis athée,
47:51 et il me dit toujours "tu es mon athée, je suis ton curé".
47:54 Comme ça on s'entend bien.
47:56 Et je lui dis "écoute, je vais t'embêter".
47:58 Sur le linceul, il y a du sang.
48:01 Hein ?
48:02 Il est un peu cassé, mais il y a du sang.
48:04 Il y a de l'ADN.
48:05 Il est un peu cassé aussi, mais il y a de l'ADN.
48:08 Il dit "si il y a de l'ADN,
48:10 on a donc l'ADN de papa et l'ADN de maman,
48:13 est-ce qu'on aurait l'ADN de Dieu ?"
48:15 Je sais que je suis un vrai salaud en posant cette question,
48:19 mais je lui ai demandé en privé,
48:23 je n'ai toujours pas la réponse.
48:24 Oui, j'allais vous dire "racontez sa réponse".
48:26 J'attends.
48:27 Il faudra un jour qu'on l'invite comme Jean-Robert qui est caché au fond.
48:29 Il est très très chouette, avec une excellente réflexion,
48:32 et quand on se voit, on s'amuse toujours très très bien à parler du linceul.
48:35 C'est notre sujet de conversation privilégiée.
48:38 On s'en voit quand de nouvelles expériences sont faites.
48:40 Je viens de lui offrir le bouquin de Jean-Christian Petitfils
48:43 sur le linceul de Turin où il répare
48:45 une place dans l'histoire qu'il n'avait pas.
48:47 Il y a de très belles choses qu'on fait ensemble et qui valent la peine.
48:50 Vous avez sans doute certainement beaucoup de questions.
48:52 Je jette un oeil sur l'horloge.
48:54 Je vous propose qu'on papote encore entre nous un peu 5-10 minutes
48:56 et puis vous pouvez déjà réfléchir un peu aux questions
48:59 que vous voulez formuler et poser en ligne directe à Philippe Boxon.
49:02 En revenant sur des dossiers peut-être que vous avez lu dans le livre,
49:04 j'essaie volontairement de ne pas aller trop dans les histoires du livre
49:07 pour garder la surprise à ceux qui n'ont pas encore lu.
49:09 Il faut quand même parler de cet incroyable succès littéraire
49:11 parce que vous êtes vraiment légiste au départ.
49:12 Donc, vous n'êtes pas un personnage de télévision qui s'est auto-improvisé.
49:16 Vous êtes légiste à la base et ces livres ont eu un succès incroyable,
49:19 vous emmenant de médias en médias, d'émissions de télé en émissions de télé.
49:24 C'est une nouvelle vie que vous découvrez.
49:26 C'est une vie non pas de conférencier, vous êtes conférencier notamment,
49:28 mais c'est une vie aussi d'intérêt médiatique.
49:32 Vous attendiez un tel attrait ?
49:34 Non, pas du tout.
49:34 Moi, je suis prof, donc j'aime bien expliquer.
49:37 C'est une passion, ça.
49:39 Expliquer aux étudiants qui ne connaissent évidemment rien,
49:42 puisqu'ils ne sont pas médecins légistes,
49:43 de leur expliquer tout ce que je fais, comment je fais.
49:45 J'adore faire ça, j'adore faire ça depuis toujours.
49:47 Et puis, la seule de Turin, les autres conférences que je fais,
49:51 c'est des cours qui sont destinés aux étudiants
49:53 qui suivent les cours d'introduction à la médecine égale et à la criminelle psychique
49:55 pour leur montrer que la criminelle psychique et la médecine égale
49:58 s'étendent à des domaines dans lesquels on ne les attend pas.
50:01 Et en plus, parce que ça me plaît.
50:02 Donc, je ne vois pas pourquoi je serais le seul à m'emmerder,
50:05 autant que jamais aussi.
50:06 Ça, c'est une chose.
50:07 Et puis, l'autre dimension, elle est toute récente.
50:10 Ça fait à peine trois mois.
50:12 Le premier bouquin est sorti
50:14 en...
50:16 le 1er juin 2022.
50:19 Sorti le 1er juin 2022, c'est Dimitri Kenes,
50:21 donc c'est le patron des éditions Kenes,
50:24 qui est venu me trouver.
50:25 Il avait vu un passage que j'avais fait sur un podcast
50:29 et il s'est dit, tiens, il raconte bien,
50:31 mais est-ce qu'il ne les écrivait pas ?
50:34 Donc, c'est lui qui a eu l'idée, ce n'est pas moi.
50:36 Et je me suis dit, tiens, c'est peut-être une bonne idée
50:37 pour faire connaître la médecine égale.
50:39 Parce que si on veut avoir un impact auprès du politique,
50:42 il faut d'abord qu'on soit connu par la population,
50:44 sinon ça ne sert à rien.
50:45 Et donc, l'idée, c'était ça,
50:47 de faire un peu connaître la médecine égale.
50:48 Et j'ai fait le premier bouquin en me disant,
50:50 je n'en ferai jamais d'autre.
50:51 J'ai donc mis là-dedans plein de trucs,
50:53 mais c'est un concentré d'histoires que je raconte à mes étudiants.
50:57 Et dans toutes ces histoires-là, j'ai des photos,
50:58 je peux les montrer, il n'y a pas de problème.
51:00 Toutes ces histoires sont vraies.
51:02 Donc, rien n'est romancé, rien n'est inventé.
51:03 La contexte, l'histoire autour...
51:07 Contexte, contextualisation.
51:08 Oui, c'est ça, c'est ce que j'ai cherché.
51:11 Elle est inventée, mais sinon, on y est.
51:13 Et le bouquin a connu un succès que je n'attendais pas,
51:16 mon éditeur non plus.
51:18 On ne se l'explique pas, ni lui ni moi,
51:19 ce n'est pas que le bouquin est mauvais,
51:21 mais pourquoi est-ce qu'un livre...
51:22 On se le disait encore hier soir, on était au restaurant ensemble,
51:24 pourquoi est-ce qu'un livre fonctionne
51:26 et qu'un autre ne fonctionne pas,
51:27 alors que sur le plan de la valeur,
51:29 ils s'équivalent certainement ?
51:30 Voir, tu as des bouquins qui sont beaucoup mieux que les miens
51:33 et qui ne fonctionnent pas.
51:34 Pourquoi ? On n'en sait rien.
51:35 C'est comme ça.
51:36 Alors celui-là, on s'était fixé 5 000 bouquins.
51:39 5 000, c'est en Belgique un succès,
51:42 c'est un best-seller en Belgique.
51:43 Mais on n'a pas les chiffres français,
51:44 donc 5 000, c'est énorme.
51:46 Oui, on n'a pas les chiffres français en Belgique,
51:47 5 000, c'est énorme.
51:48 Et pour la Belgique, on en a vendu 40 000.
51:52 Et en France, on en a vendu pour l'instant autant.
51:54 On était à 80 000 pour le premier bouquin.
51:56 Le deuxième, quand il a démarré, c'était en juin aussi,
51:59 mais 2023, mi-juin cette fois-là.
52:01 Et celui-là a réactivé le premier qui s'endormait.
52:06 Et là, on est à 90 000 du deuxième bouquin qui ont été vendus.
52:09 Moi, je suis sur le cul.
52:11 Je pose la question du 3.
52:12 Ça amène un 3, un troisième volume.
52:15 Oui, je suis en train de le faire.
52:16 Je suis au chapitre 10, il m'en faut 15.
52:18 Ça, c'est un scoop de ce soir.
52:20 Il y a un troisième qui arrive.
52:21 Oui, il serait là...
52:22 Attends, le 21 août de cette année.
52:26 Vous pourrez repartir avec un scoop ce soir.
52:29 Je l'apprends aussi.
52:29 Donc, il y a le troisième en prépa.
52:31 Par contre, je le vis.
52:32 Donc, il faut...
52:33 Moi, il me faut une journée pour écrire un chapitre.
52:35 Il faut qu'on me foute la paix.
52:36 Il faut qu'on ne me téléphone pas.
52:38 Et il faut qu'il n'y ait pas d'SMS.
52:39 Il faut...
52:40 Bref, il faut tout.
52:41 N'importe quoi me distrait.
52:42 J'abuse encore un peu de vous ce soir.
52:43 Alors, pas pour les prochaines histoires.
52:45 Vous viendrez les rarenter.
52:46 Et donc, je me suis retrouvé sur les chaînes de télé, etc.
52:49 Et celui qui a vraiment dynamisé l'histoire, c'est Guillaume Pley.
52:52 C'est un...
52:53 Je ne sais pas qui c'était, moi.
52:54 Un animateur français.
52:55 C'est un YouTuber français.
52:57 Et mes enfants passaient à la maison ce jour-là,
53:00 parce qu'ils ne vivent plus à la maison, ils sont tous grands.
53:02 Et ils me disent "Tu t'en vas à Paris ?"
53:04 Je dis "Oui."
53:04 "Tu vas faire quoi ?"
53:05 "Bah, je vais tourner une séquence d'émission, là."
53:08 "Et tu vas où ?"
53:09 "Je ne sais pas, attends."
53:10 "Un gars, je crois qu'il s'appelle Guillaume..."
53:12 "Ma fille, Guillaume Pley."
53:14 Je dis "Oui, je crois que c'est ça."
53:16 "Tu vas voir Guillaume Pley ?"
53:17 Et je me suis rendu compte que c'est quelqu'un d'important pour les jeunes.
53:19 Et le bouquin est sorti chez les jeunes.
53:23 Et c'est les jeunes qui le poussent.
53:25 Donc c'est ça le succès en France.
53:26 C'est que l'art devient succès.
53:27 Je vais à Paris.
53:28 Je vais visiter Versailles.
53:30 J'adore Versailles.
53:31 Et il y avait une visite que je n'avais pas encore faite.
53:32 Et les gens qui vont payer des visites guidées à Versailles,
53:34 ce ne sont pas des jeunes.
53:35 Ils sont plus vieux que moi.
53:36 Donc, on va ensemble, tout en groupe.
53:39 Je dis "Bonjour à tout le monde, on est N'Va Den, c'est bon."
53:42 Personne ne te connaît.
53:43 Pas de problème.
53:44 T'es dans un appartement privé d'accroît, il n'y a personne que le groupe qui visite.
53:47 Pas de problème.
53:47 On entre dans la galerie des glaces, j'étais mort.
53:50 Il y avait un groupe de jeunes.
53:51 Il y en a même une qui avait le bouquin avec elle pour le lire dans le car qui l'emmenait à Versailles.
53:55 C'était fini.
53:56 J'ai fait des selfies, tout ce qu'on veut.
53:57 J'ai perdu mon groupe.
53:58 Ma visite était terminée.
53:59 - Donc à ce stade, est-ce que ça a créé des vocations ?
54:01 Parce que ça, vous le disiez depuis le début, c'est un métier qui n'attire pas tellement.
54:04 En fait, qui est pourtant très emblématique des séries.
54:07 Vous n'êtes pas nombreux, vous l'avez dit tout à l'heure, il n'y a pas non plus 10 000 autopsies par jour.
54:10 Ce n'est pas le métier qui attire le plus.
54:12 Pourquoi ? C'est financier ?
54:14 - Alors, c'est un métier qui est peu séduisant par trois aspects.
54:18 D'abord, il faut supporter le cadavre et dans tous ses aspects.
54:21 Ça, c'est le premier.
54:21 On a déjà parlé de certains aspects un peu désagréables.
54:24 Le deuxième, c'est que c'est un métier qui ne s'exerce qu'à travers la garde.
54:27 Et la garde, c'est en médecine, ce qui est le moins à la mode aujourd'hui.
54:30 Une garde, ça veut dire que tu commences à 8h du matin, tu finis à 8h du matin.
54:33 Pendant 24h, on peut t'appeler n'importe où.
54:35 Pendant 24h, tu es à disposition du parquet.
54:37 Pendant 24h, tu n'as pas de vie, tu es suspendu à un clou.
54:40 Et si ta femme a prévu de faire quelque chose, elle le fera sans toi.
54:42 Parce qu'il suffit de prévoir quelque chose ce jour-là
54:45 pour que le seul cas de la journée tombe une demi-heure
54:47 avant que ne commence quelque chose en question ou en plein milieu.
54:50 C'est le grand classique.
54:52 Quand ma femme fait un truc comme ça, je lui dis "tu vas toute seule".
54:54 Je ne vais même pas, ça ne sert à rien.
54:55 Je vais être emmerdé, ça ne sert à rien.
54:57 Et je reste chez moi, du coup, pas d'appel.
55:00 - Sécurité.
55:00 - Ça s'appelle la loi d'invexation universelle.
55:03 Et donc, la garde n'est pas la mode.
55:07 Troisième chose qui n'est pas la mode,
55:08 c'est que c'est un métier où on ne gagne pas bien sa vie.
55:12 Tu es payé à l'acte.
55:13 Donc, mes assistants sont payés par l'université.
55:16 Tout ce qu'ils font rentre à l'université.
55:18 Mais ce qu'ils font n'est pas suffisant pour payer leur salaire.
55:20 Donc, on a une activité de médecine d'expertise à côté
55:24 qui permet de combler le déficit engendré par la médecine légale et déficitaire.
55:29 C'est d'ailleurs la seule spécialité en médecine en Belgique
55:32 où on soit autorisé à avoir une autre spécialité.
55:35 Et tous les médecins légistes du royaume ont autre chose.
55:37 - On ne peut pas vivre que de ça.
55:39 - Non, ce n'est pas possible.
55:40 Ce ne serait pas.
55:41 Et c'est le vrai problème de la médecine légale.
55:43 Et c'est ça qui fait que j'ai déjà formé 15 personnes à la médecine légale.
55:47 Alors, il y en a trois qui sont restées sur 15.
55:49 Tu vas me dire, tu n'es pas bon.
55:51 Je ne sais pas si je ne suis pas bon.
55:53 Mais eux ont une vie au départ qui termine la vie d'étudiant.
55:58 Tant que dans la vie active, tu es encore un peu étudiant.
56:00 Tu gagnes un peu des sous, tu es content.
56:02 Tu n'as pas beaucoup d'exigences.
56:03 Oui, mais tu vieillis.
56:05 Tu épouses une dame ou tu épouses un homme.
56:08 Tu as des enfants.
56:10 Il faut une maison, il faut des voitures, il faut nourrir l'enfant.
56:12 Tu as besoin de sous.
56:14 Ce n'est pas en médecine légale que tu peux les trouver.
56:15 - Et ça ne marche pas là-dedans. - Et ils s'en vont.
56:17 - C'est assez étonnant au regard des compétences techniques
56:19 que vous avez racontées ce soir.
56:20 Alors, la suite de l'histoire, c'est effectivement,
56:22 si vous voulez revoir une partie de la conférence de ce soir
56:25 dans quelques jours dans les journaux Sudinfo,
56:26 sur sudinfo.be, vous pourrez revoir notre soirée.
56:29 Puisque vous avez encore quelques minutes autour d'un verre
56:32 pour peut-être poser des questions encore plus délicates,
56:34 je vous propose de partager un petit moment
56:36 et d'applaudir surtout celui qui nous a accordé une soirée
56:38 dans un planning très chargé.
56:39 - Merci à vous. - Merci Philippe Boxo
56:41 d'être venu ce soir et bravo pour votre sang-froid.
56:44 Le bar est ouvert, autrement dit. Merci beaucoup.
56:46 (...)

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