• il y a 7 mois
Le point sur l’éco-innovation dans le domaine des emballages alimentaires, avec Sandra Domenek, directrice de la chaire CoPack (Fondation AgroParisTech) et Juliette Franquet, directrice de l’association Zero Waste France. La chaire a par exemple lancé le projet « Lichen », qui vise à réduire les emballages par le réemploi dans le cadre des circuits logistiques. L'émission revient aussi sur le règlement européen sur les emballages et déchets d’emballages, Packaging and Packaging Waste Regulation (PPWR).

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Transcription
00:00 [Musique]
00:06 Le débat de ce Smart Impact avec Sandra Domenech, bonjour.
00:10 Bonjour.
00:11 Vous êtes directrice de la chaire COPAC à Agro-Paris Tech et Juliette Franquet, bonjour.
00:15 Bonjour.
00:16 Directrice de Zero Waste France.
00:18 Allez, on commence par une présentation de cette chaire COPAC, Sandra Domenech.
00:21 Quand, pourquoi a-t-elle été créée ?
00:24 Merci beaucoup.
00:25 La chaire COPAC est en fait une chaire de mécénat qui est portée par la fondation Agro-Paris Tech
00:30 et qui était née sur un constat que si on voudrait avancer vers l'économie circulaire
00:35 de système de distribution des endroits alimentaires, et notamment de l'emballage,
00:39 c'est le thème qui nous intéresse aujourd'hui, il va falloir qu'on fédère tous les acteurs de cette chaîne de valeurs
00:45 qu'on leur propose un espace neutre pour échanger, afin que tout le monde puisse dire ses contraintes.
00:51 Et donc elle a été créée il y a deux ans avec cet objectif.
00:55 Et l'idée c'est de faire, alors j'ai lu ça, de la recherche pré-compétitive.
00:59 Ça veut dire quoi ça ? Ça veut dire que les résultats seront accessibles à tous ?
01:04 C'est quoi le principe en quelque sorte ?
01:06 Oui, vu que c'est une chaire de mécénat, on a une obligation aussi.
01:11 Donc pré-compétitive, ça veut dire que nos partenaires mécènes n'ont pas le droit d'utiliser les résultats à des fins commerciaux.
01:18 Ils doivent absolument les communiquer au plus grand nombre.
01:23 Donc l'idée c'est vraiment d'innover, de trouver, de chercher des nouvelles solutions, notamment en matière d'emballage alimentaire.
01:30 Juliette Franquet, Zero Waste France, c'est une association qui lutte contre le gaspillage, qui promeut une consommation responsable.
01:36 Votre avis sur les innovations ? Est-ce que c'est vraiment une piste importante pour se passer des emballages ou les rendre plus recyclables, dans cet ordre-là ?
01:46 C'est un vaste sujet, mais nous on craint en tant qu'association de protection de l'environnement des innovations technocentrées qui vont essayer de réinventer la roue.
01:57 On appelle à de la sobriété. Dans le cadre des emballages, on aime toujours rappeler que l'important c'est la réduction.
02:03 Le vrac, la consigne, la réutilisation, ça permettra de réduire l'impact environnemental qui est essentiellement issu de la production de l'emballage.
02:14 Après, il peut y avoir des innovations de procédés, il peut y avoir des innovations sociales, tout dépend de ce qu'on appelle innovation.
02:21 Vous travaillez la suppression des emballages, ça fait partie des pistes de recherche de la chaire COPAC ?
02:27 En effet, on a un projet qui va concerner la suppression des emballages dans le circuit logistique.
02:33 Il faut savoir que quasiment 50% des emballages ne sont pas vus par le client, et donc on a décidé de s'attaquer d'abord à ce gisement-là.
02:42 Avec des premières pistes, parce qu'on en est au début, on a bien compris, ça fait deux ans que cette chaire existe, c'est un peu trop tôt pour le bilan, mais il y a vraiment des pistes intéressantes ?
02:51 On a commencé des instructions sur le terrain, et on s'est rendu compte qu'il y a plein de petits empêchements qui permettent aux acteurs, même s'ils le souhaitent, d'aller plus loin.
03:00 Il y a des problématiques d'ergonomie, par exemple pour les travailleurs dans les entrepôts.
03:06 Il y a des problématiques qu'on n'avait pas vues avant. Typiquement, on a un objet, un carton, et même si ça n'a été écrit nulle part, les travailleurs vont l'utiliser.
03:16 Et si on l'enlève, ils n'auront plus de quoi réaliser la tâche qu'ils avaient prévue.
03:23 Et donc, tous ces petits empêchements-là font que c'est un peu compliqué à avancer, parfois.
03:29 Et ensuite, il y a des grands sujets, je ne sais pas, traçabilité, lavage, transport de retour.
03:36 Comment est-ce qu'on peut faire organiser le système afin qu'il fonctionne et que l'impact général soit plus faible que ce qu'on avait avant ?
03:43 – Juliette Franquet, c'est vraiment un changement d'état d'esprit, de conception même de ce qu'est la logistique et le commerce, finalement, ce vers quoi on doit aller ?
03:53 – Oui.
03:54 – Parce que revenir au vrac, ce n'est pas si simple.
03:56 – Non, alors il faut rappeler que ça fait seulement quelques décennies qu'on a construit une société du tout jetable.
04:04 – Vous avez raison.
04:05 – Je ne veux pas être passéiste, mais sur l'histoire de l'humanité, ça ne fait pas tant de temps que ça.
04:10 Et c'est par exemple le plastique auquel on pense souvent dans le cas des emballages, ça date des années 50.
04:17 Aujourd'hui, il y a un consensus sur la pollution environnementale catastrophique à la fois du plastique et du tout jetable.
04:24 Donc oui, il faut changer les procédés qu'on a eus depuis quelques dizaines d'années,
04:30 mais c'est une nécessité pour l'impact environnemental.
04:34 Il faut se réorganiser, il faut réorienter les investissements, il faut repenser les choses.
04:39 Mais il y a plein de filières qui sont en train de se construire en France,
04:43 qui développent des emplois locaux non délocalisables.
04:47 Donc c'est aussi une opportunité pour certains acteurs économiques et c'est bien meilleur pour la planète.
04:53 – Vous avez publié, je crois que c'était au mois de février, un bilan de la loi AGEC,
04:57 la loi anti-gaspi pour une économie circulaire.
04:59 On est au cœur des enjeux dont on parle ici.
05:02 C'est moi dont je parle souvent dans cette émission,
05:05 parce que je vois que ça a quand même été un levier de transformation.
05:08 Comment vous évaluez son bilan ?
05:10 – Alors encore une fois, nous, à notre place, on est une association environnementale.
05:13 Donc notre prisme, c'est l'urgence écologique en lien avec les enjeux sociaux et économiques.
05:19 Et on constate que quelques années après, cette loi n'a pas du tout tenu sa promesse.
05:25 Bien entendu, ça a été un peu un premier pas, ça a donné des trajectoires, ça a instauré des obligations.
05:32 – Oui, il y a des filières qui se sont créées.
05:34 – Il y a des filières qui se créent, mais pas du tout assez vite,
05:37 au vu de l'urgence écologique à laquelle on fait face.
05:40 Et donc c'est là où nous, on rappelle qu'il y a certaines lois
05:45 qui ont été un peu sabotées par des décrets moins bien appliqués.
05:49 Il y a certaines industries qui se battent aujourd'hui,
05:51 justement, pour ne pas changer de modèle économique.
05:54 Et du coup, nous, on est face à ces industries,
05:56 pour rappeler que l'intérêt général veut que ces changements se fassent, et le plus vite possible.
06:02 Et après, il y a des lois aussi qui n'avaient même pas besoin de décret,
06:05 qui étaient censées s'appliquer directement,
06:07 qui ne sont pas respectées et il n'y a pas de contrôle.
06:10 Donc là, on tombe aussi dans un enjeu démocratique.
06:13 On se dit, si à partir du moment où on est tous d'accord qu'il faut réduire les déchets,
06:16 qu'on fait des lois pour ça, mais qu'elles ne sont pas respectées,
06:20 qu'elles ne sont pas appliquées, et qu'on continue à produire plein de déchets,
06:23 on va un peu dans le mur quand même.
06:25 – De quelles lois vous parlez ?
06:27 – Là, par exemple, la loi AJEC,
06:30 où on parle souvent de la vaisselle réutilisable dans la restauration.
06:35 Nous, on a fait des enquêtes de terrain, et pourtant, on n'est pas des contrôleurs de l'État.
06:39 On est allé dans 300 établissements fast-food,
06:42 il y en a plus de la moitié qui ne respectent pas la loi.
06:44 – Et qui ne sont pas sanctionnés pour l'instant.
06:46 – Et qui ne sont pas sanctionnés.
06:47 – On verra s'ils le sont dans les mois à venir.
06:48 – Et du coup, ce qui est important, c'est que respecter la loi,
06:51 ça devient un contre-avantage compétitif.
06:54 Et ce qui est malheureux, c'est que cette loi AJEC, justement,
06:57 elle lançait un premier pas, il y a certaines filières qui se créent,
07:00 mais il y a des acteurs aujourd'hui qui disent,
07:02 "En fait, si je ne respecte pas la loi, je n'ai pas d'amende et je continue à vendre."
07:06 – Effectivement, je suis d'accord avec vous.
07:08 – C'est très grave.
07:09 – Il y a vraiment un enjeu démocratique.
07:10 Je reviens aux innovations proposées par la chaire Kopak.
07:13 Alors, il y a plusieurs exemples, il y a notamment le projet Océan.
07:18 Vous parlez d'emballage minimaliste, de quoi il s'agit ?
07:22 – Oui, donc c'est un projet qui justement ne se passe pas en Europe.
07:27 On travaille ensemble avec une ONG qui développe une lutte
07:31 contre la malnutrition enfantile.
07:33 Et dans ce cas-là, on est en face d'emballage des aliments en unitose.
07:37 Donc en Europe, on ne connaît pas ce type d'aliments,
07:39 mais ce sont souvent des petits sachets qui sont vendus pour des populations très pauvres.
07:44 Et ce déchet-là, lui, il finira n'importe où,
07:48 parce qu'on est sur des pays qui n'ont pas de traitement de déchets.
07:51 Donc là, on va venir développer quelque chose
07:54 qui peut peut-être ressembler à notre cagette de fruits et légumes.
07:57 Donc ce type d'aliments a deux vies.
08:01 Une vie lors du circuit de distribution, où il faut être protégé.
08:05 Et une deuxième vie chez le client, qui est souvent très très courte.
08:08 Donc l'emballage minimaliste sera celui qui sera donné chez le client.
08:12 Et on va le rendre biodégradable dans un milieu peu contrôlé,
08:17 de manière à ce qu'il ne contribue pas à une pollution déjà ambiante.
08:21 – Autre projet, j'adore les noms de vos projets, le projet LICENE.
08:25 Alors c'est quoi le projet LICENE ?
08:27 – Ça c'était justement notre projet pour réduire l'emballage dans les circuits logistiques.
08:32 – Ah, c'est les circuits logistiques dont vous parliez ?
08:34 – Oui, dont j'avais parlé.
08:35 – D'accord.
08:36 – Le premier cas de figure était là la distribution du pain surgelé.
08:39 – Du pain surgelé.
08:40 Donc ça veut dire que vous êtes vraiment sur des cas d'école très concrets,
08:43 c'est ça ce que je comprends ?
08:44 – Oui, je pense que c'est notre originalité.
08:47 Donc on essaie de trouver avec les acteurs sur le terrain,
08:51 les solutions qui sont adaptées pour eux.
08:54 Parce que chaque terrain, chaque acteur est différent.
08:56 Et c'est ça aussi qui fait un peu la difficulté de cette transition-là.
09:00 Parce qu'elle est faite d'énormément de cas particuliers.
09:03 Et nous on cherche en fait à généraliser, à développer des outils
09:06 pour que tous ces cas particuliers puissent avancer plus vite.
09:10 – On est à deux mois et demi des élections européennes.
09:12 Il y a beaucoup de Français qui pensent que ce qui se passe à Bruxelles ou à Strasbourg
09:15 n'a aucun impact sur notre vie quotidienne.
09:17 Évidemment c'est complètement faux.
09:18 Je vais prendre un exemple.
09:19 Le 4 mars dernier, les États membres de l'UE et le Parlement européen
09:22 ont signé un compromis sur le thème dont on parle, sur les emballages.
09:25 Ils prévoient une restriction de l'utilisation de polluants éternels.
09:29 Alors c'est intéressant parce que si on lit la décision comme ça,
09:32 on se dit "Ah bah tiens, c'est un super progrès".
09:34 Évidemment le Diable se niche toujours dans les détails.
09:36 Qu'est-ce qui manque en fait à cette décision ?
09:39 – Alors en quelques minutes ça va être très compliqué parce que…
09:42 – Une minute même !
09:43 – Une minute ? Alors là, Joker, il manque beaucoup de choses.
09:47 Enfin encore une fois, c'est très bien qu'on s'attaque à ce problème.
09:50 Mais on ne va pas assez loin.
09:53 Et là, le règlement emballage d'une manière générale,
09:57 il aurait dû être sur la réduction,
09:59 et on parle encore beaucoup trop de recyclage, en tout cas à notre goût.
10:03 Et les pollutions, que ce soit sur l'environnement ou sur la santé,
10:06 ne sont pas du tout assez prises en compte.
10:08 – Il y a trop de dérogations, c'est ce que j'ai lu aussi en préparant l'émission.
10:11 – Oui, alors ça fait… c'est une des choses… il y a plein de dérogations.
10:15 Et puis nous on appelle aussi à ce qu'il y ait beaucoup de contrôles.
10:19 Ces polluants éternels, ils sont partout, à la fois à la production et ensuite.
10:24 Et c'est dramatique l'impact qu'il y a pour notre planète.
10:27 – Merci beaucoup.
10:28 Merci à toutes les deux d'être venues nous parler de ces ambitions
10:32 en matière de réduction des emballages alimentaires.
10:35 On passe tout de suite à notre rubrique "Startups et Smart-Idies".

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