Le Jour où tout a basculé. À l'audience - Arnaque en couple - EP29

  • il y a 5 mois
Le Jour où tout a basculé. À l'audience - Arnaque en couple - EP29
Transcript
00:00 Cette femme, Nadesh Berdile, est accusée par son amant d'être la commanditaire d'une
00:10 escroquerie à la carte bancaire.
00:11 Elle m'a parlé de cette idée débile d'escroquerie à la carte bancaire.
00:16 La jeune femme n'y l'est fait.
00:19 Je n'ai jamais tenté d'escroquer qui que ce soit.
00:21 Mais un autre homme la désigne aussi comme la seule responsable.
00:25 Moi, je devais faire des achats.
00:26 Elle, elle portait plainte.
00:27 Elle se faisait rembourser par son assurance.
00:29 Alors, où est la vérité?
00:31 C'est faux.
00:32 Il ment.
00:33 Mais pourquoi tu mens?
00:34 Qu'est-ce que je t'ai fait?
00:35 Je suis désolé, mais je n'irai pas en prison pour toi.
00:36 Vous voyez bien qu'il invente tout.
00:37 Nous verrons bien qui ment dans ce dossier, mais sans cri et sans insulte.
00:42 Tous les ans, la justice française rend plus de 400 000 jugements en correctionnel.
00:48 L'audience est ouverte.
00:49 Voyez vous asseoir.
00:50 Conflits, escroqueries, drames familiaux.
00:52 Derrière chacune de ces affaires, des victimes, des coupables, des innocents.
00:56 C'est à moi d'en juger à moi seul.
00:58 Mais où est la vérité?
00:59 C'est au juge de tranchée.
01:00 Bonjour, je suis le juge Beaulieu.
01:09 Dans les affaires assez courantes en correctionnel, il y a le faux vol de carte bancaire et l'arnaque
01:15 à l'assurance.
01:16 Cette combine est beaucoup plus courante qu'on ne le croit.
01:18 Et il est très difficile d'apporter la preuve de l'escroquerie.
01:21 Je dis d'ailleurs très souvent à mes étudiants, il ne faut jamais se fier aux apparences.
01:27 Nous sommes au tribunal de grande instance.
01:31 Cette femme s'appelle Nadej Berdile.
01:39 Elle a 34 ans.
01:41 Elle comparaît pour tentative d'escroquerie à la carte bancaire.
01:43 Nadej Berdile serait la tête pensante d'une arnaque organisée avec la complicité de
01:49 son amant, Jumien Légnan.
01:51 Et du meilleur ami de ce dernier, Barthélémy Lesbourg.
01:56 Si cette mère de famille est reconnue coupable des faits qui lui sont reprochés, elle encoure
02:03 cinq années de prison et 45 000 euros d'amende.
02:06 - Ça y est, vous ?
02:12 C'est le juge Beaulieu qui préside les débats.
02:15 - L'audience est ouverte.
02:17 Madame Berdile, présentez-vous à la barre, s'il vous plaît.
02:24 Nadej Berdile est mère d'une petite fille et elle est en instance de divorce.
02:27 - Madame la présidente, je tiens à préciser que ma cliente nie catégoriquement les faits
02:31 qui lui sont reprochés.
02:32 - Pourtant, le dossier me paraît solide, voire très solide.
02:35 Est-ce vraiment votre position, madame Berdile ?
02:38 - Oui.
02:39 Je comprends rien à cette histoire.
02:41 J'ai jamais tenté d'escroquer qui que ce soit.
02:42 On m'a volé ma carte bancaire, c'est tout.
02:45 Moi, j'ai été portée plainte quand je m'en suis rendue compte.
02:46 On avait passé la journée à l'hôtel avec Julien.
02:51 C'était la quatrième ou la cinquième fois que ça nous arrivait.
02:53 Quand je pense que je commençais à tomber amoureuse.
02:56 Au moment de partir, j'ai découvert mon portefeuille sur le sol.
03:05 Je ne comprenais pas comment il avait pu tomber.
03:06 - Julien, on a volé ma carte bancaire.
03:12 - Vous êtes sûre ?
03:13 Vous avez bien vérifié ?
03:14 Si l'on en croit Nadej Berdile, c'est à ce moment-là qu'elle se serait rendue compte
03:17 que sa carte bancaire avait disparu.
03:20 - Donc pour vous, on vous a dérobé votre carte bancaire dans cette chambre d'hôtel.
03:24 - Au départ, je pensais que c'était quelqu'un de l'hôtel qui avait fait le coup.
03:26 Mais maintenant, je suis obligée de me rendre à l'évidence.
03:28 C'est Julien et son ami qui ont monté toute cette histoire.
03:32 A cause d'eux, à cause de leur mensonge, on est venu m'arrêter chez moi, devant ma fille.
03:38 - En tout cas, dans ce dossier, il y a de nombreux éléments qui laissent plutôt penser
03:41 que vous avez simulé ce vol pour ensuite escroquer votre assurance.
03:45 - C'est faux, madame la présidente.
03:47 Nadej Berdile nie donc les faits.
03:50 D'après elle, elle aurait été la victime d'une machination
03:53 de la part de son amant et de son meilleur ami.
03:56 Il l'aurait manipulée pour se servir de sa carte bancaire et lui faire porter le chapeau.
04:02 Un scénario un peu trop rocambolesque pour le juge Beaulieu.
04:07 - Mère de famille, cadre supérieur, c'est sûr,
04:11 Nadej Berdile n'a pas le profil d'une délinquante.
04:15 Mais dans ce genre d'affaires, on peut s'attendre à tout.
04:17 Curieusement, dans notre pays, voler son assurance,
04:20 eh bien, ce n'est pas tout à fait voler.
04:22 Je n'étais donc pas étonnée de voir une mère de famille irréprochable
04:26 sur le banc des accusés.
04:27 Je vous remercie, vous pouvez aller vous asseoir.
04:29 Monsieur Lesbourg, j'aimerais vous entendre, s'il vous plaît.
04:33 Barthélémy Lesbourg est sans profession.
04:37 Son casier judiciaire est bien chargé.
04:40 Il a déjà été condamné pour plusieurs petites escroqueries.
04:44 Monsieur Lesbourg, vous avez été interpellé par la police le 5 mars dernier.
04:48 Une interpellation qui a permis aux enquêteurs de mettre à jour cette escroquerie.
04:52 Pouvez-vous nous raconter ce qui s'est passé ce jour-là ?
04:54 - Eh bien, c'était donc une idée de Nadej.
04:58 Je l'ai retrouvée dans un café avec Julien.
05:01 C'est Nadej qui m'a donné la carte.
05:06 - N'hésite pas à la faire chauffer.
05:13 - Moi, je devais faire des achats.
05:14 Elle, elle portait plainte.
05:16 Elle se faisait rembourser par son assurance et elle...
05:18 Elle retrouvait la marchandise à la fin.
05:20 - 6 500 euros d'achat en tout.
05:22 Une belle somme.
05:23 Et vous, j'imagine que vous y aviez un intérêt.
05:26 - Je touchais un petit billet de sang.
05:27 Mais c'est parce que Nadej avait insisté parce que moi, je voulais rien.
05:30 - Et que s'est-il passé précisément dans le magasin ?
05:32 - J'étais en train d'acheter un appareil photo et la...
05:34 La vendeuse s'est rendue compte que la carte ne m'appartenait pas.
05:36 - Évidemment, puisque vous utilisez celle de Madame Berdile.
05:40 - Et donc, elle m'a demandé mes papiers et j'ai vu qu'il y appelait un vigile.
05:44 Alors, je suis parti.
05:47 - Et vous êtes immédiatement enfui ?
05:50 - J'ai essayé de courir, mais bon, il m'a rattrapé.
05:52 Et ensuite, il m'a ramené à la boutique et les flics sont arrivés.
05:55 Interpellé dans le magasin, Barthélémy Lesbourg est conduit au commissariat pour y être entendu.
06:01 - Avoue que tu l'as volé, la carte ?
06:04 - Non, c'est pas une carte volée, monsieur.
06:05 Tout ça, c'était pour rendre service.
06:07 - Et le code ?
06:07 Comment tu l'as eu, le code ?
06:09 - Le code, on m'en a donné. Je l'utilise pour rendre service.
06:11 - Donc, vous expliquez à la police que c'est Madame Berdile qui vous a remis cette carte.
06:16 Et les enquêteurs vous croient.
06:18 - Ouais, mais en même temps, ils étaient obligés parce que quand Julien était arrêté,
06:22 il a confirmé tout ce que je leur avais raconté.
06:24 - Nadège Berdile, c'est la propriétaire de la carte bleue ?
06:27 - C'est elle qui a tout menté.
06:28 Barthélémy a rien fait dans cette histoire, presque.
06:31 En effet, entendu par la police, Julien Laignan confirme la version de son ami Barthélémy.
06:38 Et lui aussi désigne Nadège Berdile comme la commanditaire de cette escroquerie.
06:43 La jeune femme devient alors le suspect numéro un pour la police.
06:50 - Je vous remercie, monsieur Lesbaux, vous pouvez retourner vous asseoir.
06:55 Puisque c'est vous, monsieur Laignan, qui confirmez l'implication de Madame Berdile,
07:01 j'aimerais entendre votre version des faits, s'il vous plaît.
07:03 Julien Laignan a 35 ans, commercial au chômage.
07:07 Il a déjà eu maille à partir avec la justice.
07:09 Mais il sait apparemment à sagi, ancien pickpocket,
07:13 il n'a plus fait parler de lui depuis plus de 10 ans.
07:16 - Monsieur Laignan, votre ami Barthélémy Lesbourg se fait donc arrêter en possession de la carte bancaire de Madame Berdile.
07:24 Et puis, il vous met en cause et vous êtes arrêté à votre tour.
07:27 C'est bien cela ?
07:28 - Oui, madame.
07:29 - Dans les locaux de la police, vous confirmez les déclarations de votre ami,
07:34 à savoir que c'est Madame Berdile qui aurait mis au point toute cette combine.
07:39 - Oui.
07:40 - J'aimerais comprendre votre rôle dans cette affaire.
07:44 Monsieur Laignan, vous étiez l'amant de Nadege Berdile.
07:47 C'est ce que vous avez expliqué aux enquêteurs.
07:49 - Oui, on s'est rencontrés sur un site de rencontre par Internet.
07:53 Et puis, on a tout de suite accroché.
07:55 Donc, après, on a décidé de se voir.
07:57 - Et vous êtes devenu amant.
08:00 - Puis, un jour, elle m'a parlé de cette idée débile,
08:03 d'escroquerie à la carte bancaire.
08:05 J'ai tout de suite essayé d'en dissuader.
08:08 - Arrête, Nadege.
08:10 On ne règle pas tout comme ça.
08:12 Tu crois que tu peux essayer d'arnaquer ta banque comme ça sans prendre de risques ?
08:15 - Ça fait de mal à personne.
08:18 - Sauf qu'elle essaie de me convaincre en utilisant la manière douce.
08:24 - C'est pas un braquage.
08:25 Juste quelques achats avec ma carte bancaire.
08:28 - Non mais tu te rends pas compte, toi ?
08:30 Si ça tourne mal,
08:33 tu vas t'en mordre les doigts.
08:34 Tu sais, moi aussi, j'ai fait de malin à une époque.
08:35 Et je me suis quand même fait choper.
08:36 - Et j'ai craqué, parce que...
08:42 À cause de la gosse.
08:43 - La gosse ?
08:45 - Oui, la gosse.
08:46 Et Léa, sa fille.
08:47 Oui, Nadege m'a dit qu'elle avait plus le choix,
08:50 et donc qu'elle allait peut-être perdre sa garde, justement.
08:52 - T'es vraiment la dernière des ordures !
08:54 Tu mêles ma fille à ça, maintenant ?
08:56 Mais...
08:56 - Tu sais très bien que c'est pour ça que j'ai accepté.
08:59 - T'es un monstre !
09:00 - Madame Berdile, s'il vous plaît,
09:01 ça suffit.
09:02 - Il ment ! Il invente tout ! Vous voyez bien qu'il invente tout !
09:04 - Écoutez, nous verrons bien qu'il ment dans ce dossier,
09:07 mais sans cris et sans insultes.
09:09 - OK. - Merci.
09:10 Poursuivez, s'il vous plaît.
09:11 - Donc...
09:13 Elle allait perdre la garde de sa fille.
09:15 Oui, parce que depuis son divorce,
09:17 elle arrivait pas à changer son train de vie, évidemment.
09:20 Donc elle s'est retrouvée...
09:21 Avec un gros, gros découvert,
09:24 et peut-être un interdit bancaire.
09:26 Justement, situation dont voulait profiter son mari
09:29 pour remettre en cause
09:30 sa capacité à s'occuper de sa fille, évidemment.
09:32 - Julien Laignan vient d'apporter un nouvel élément au dossier.
09:36 Selon lui,
09:37 Nadege Berdile avait de bonnes raisons
09:39 de chercher à se procurer de l'argent.
09:41 - Monsieur Laignan, c'est donc parce que Mme Berdile
09:46 risquait de perdre la garde de sa fille
09:48 si elle ne rétablissait pas sa situation financière
09:51 que vous avez décidé de l'aider ?
09:52 - Oui, madame.
09:53 Je commençais à être très amoureux, vous comprenez.
09:55 Comment j'aurais pu dire non ?
09:57 - Et c'est donc à ce moment-là que vous avez décidé de l'aider ?
10:00 C'est à ce moment-là que vous avez sollicité l'aide de votre ami
10:02 Barthélémy Lesbourg ?
10:04 - Oui, absolument.
10:05 Oui, au départ, c'était une idée de Nadege.
10:07 Oui, parce qu'elle disait que si on était à l'hôtel
10:10 pendant que quelqu'un d'autre utilisait sa carte bancaire,
10:13 la police et l'assurance...
10:14 Je dirais que la carte avait été volée, évidemment.
10:16 Donc j'ai pensé à Barthélémy...
10:18 - C'est faux ! Il me manque ! Mais pourquoi tu me manques ?
10:19 Qu'est-ce que je t'ai fait ?
10:21 - Tu sais très bien que je mens pas.
10:23 Je l'aime, vous savez.
10:25 J'ai essayé de la mettre en garde.
10:27 Maintenant, elle voudrait que je me taise avec mon casier.
10:29 J'ai essayé d'aider, mais on a planté.
10:31 Je suis désolé, mais j'irai pas en prison pour toi.
10:32 - Monsieur Lesbourg, vous confirmez ?
10:36 - Oui, madame la présidente, c'est Julien qui est venu me voir un soir
10:39 et qui m'a proposé de participer à cette affaire.
10:42 Et comme c'est un ami qui m'a jamais laissé tomber, j'ai dit oui.
10:45 Et puis, la suite, vous la connaissez.
10:47 Quelques jours plus tard, un rendez-vous entre les trois complices
10:50 aurait donc été organisé.
10:52 C'est à ce moment-là que Nadege Berdile aurait confié
10:56 sa carte bancaire à Barthélémy Lesbourg avec son code secret.
11:00 Celui-ci aurait eu pour mission de faire de gros achats
11:04 avant que Nadege Berdile ne déclare à sa banque le vol de la carte.
11:08 Pour éloigner tous les soupçons, Nadege Berdile aurait pensé à tout
11:12 et même à se construire un alibi.
11:14 Passer la journée dans un hôtel avec son amant,
11:17 le temps que Barthélémy agisse.
11:20 - C'est-à-dire que le lendemain, vous faites vos achats,
11:25 vous vous faites arrêter, et vous, de votre côté, M. Laignan,
11:28 vous vous rendez à l'hôtel tel que votre plan le prévoyait ?
11:31 -Oui, c'est ça.
11:32 On est arrivés vers 10h.
11:34 Nadege était tellement contente que j'ai accepté de l'aider
11:37 qu'elle a commandé une bouteille de champagne.
11:38 Alors, tant qu'à être là, on a fait l'amour toute la journée.
11:42 On a quitté l'hôtel à 18h.
11:43 Et ensuite, comme prévu, Nadege est allé au commissariat
11:46 pour porter plainte, comme quoi on lui avait volé sa carte bancaire.
11:49 Le seul truc qu'on pouvait pas savoir, elle et moi,
11:51 c'est qu'au même moment, Barthélémy se faisait arrêter.
11:54 -Et vous êtes, à votre tour, arrêté le lendemain.
11:56 -Oui.
11:58 C'est elle qui a tout menté.
12:00 Barthélémy a rien fait dans cette histoire.
12:02 Je sais que j'aurais jamais dû l'aider, madame la présidente.
12:06 Mais une chose qui est sûre, c'est que Barthélémy et moi,
12:08 on a vraiment rien fait dans cette histoire.
12:10 On a juste été trop gentils.
12:12 -À ce stade du procès, les versions des deux hommes
12:15 et celles de Nadege Berdile sont diamétralement opposées.
12:19 Alors, qui dit la vérité ?
12:23 La parole de messieurs Laignan et Lesbourg était tout de même
12:26 sujette à caution, car ils avaient tous les deux un casier judiciaire.
12:29 Et il paraissait donc évident qu'ils feraient tout
12:32 pour éviter une nouvelle condamnation.
12:34 Mais si ce que monsieur Laignan avait dit était vrai,
12:37 alors madame Berdile avait une très bonne raison
12:40 de vouloir renflouer son compte avec une escroquerie.
12:42 -Madame Berdile, est-il exact que vous aviez un important découvert
12:46 et que vous risquiez l'interdit bancaire ?
12:48 -Oui.
12:49 J'étais divorcée depuis peu.
12:52 J'avais pas l'habitude de faire attention.
12:54 Ça fait pas de moi une criminelle.
12:56 -Et ce que monsieur Laignan affirme, est-il exact ?
12:59 Est-ce que votre mari, pardon, votre ex-mari,
13:02 a essayé de profiter de votre situation
13:04 pour justement obtenir la garde de votre fille ?
13:06 -Il allait me prendre, il est là.
13:08 -Madame la présidente, veuillez excuser l'émotion de madame Berdile,
13:12 mais à cause des accusations de ces messieurs,
13:14 eh bien, elle a non seulement été interdite bancaire,
13:17 mais la banque a porté plainte contre elle.
13:20 De plus, l'audience qui doit statuer sur la garde de sa fille, Elea,
13:23 doit avoir lieu dans 10 jours.
13:25 Donc si ma cliente est condamnée par ce tribunal,
13:28 elle aura tout perdu.
13:29 -Je comprends très bien le trouble de votre cliente, maître.
13:33 Pourtant, si elle est coupable, elle ne pourra s'en prendre qu'à elle-même.
13:35 -L'avocate de Nadege Berdile a joué le tout pour le tout
13:39 en évoquant la garde de la fille de sa cliente.
13:42 Mais le juge Beaulieu est loin d'être attendri.
13:45 -Madame Berdile, d'après vous, messieurs Laignan et Lesgourgues,
13:50 vous aurez dérobé votre carte, c'est bien ça ?
13:52 -Oui, c'est exact.
13:53 -Et ce vol, quand aurait-il lieu ?
13:55 -Je suis sûre que j'avais ma carte le matin,
13:58 donc c'est obligatoirement à l'hôtel que ça s'est passé.
14:01 -Ah oui ? Et comment c'est possible ? On s'est pas quitté de la journée.
14:04 Pas une seule seconde.
14:05 -Vous confirmez cela, madame Berdile ?
14:07 -Oui.
14:09 On a passé la journée au lit et...
14:13 On a fait l'amour, on a déjeuné très tôt et...
14:18 Le seul moment où on a quitté le lit, c'était pour aller prendre une douche.
14:20 Ensemble.
14:22 -OK, on s'est pas quitté, je sais pas comment il a fait.
14:26 -C'est tout le problème, madame.
14:27 -Le juge Beaulieu vient de mettre la prévenue face à un implacable constat.
14:32 Comment son amant aurait-il pu lui voler cette carte bancaire
14:35 et la faire sortir de l'hôtel
14:37 afin que Berdile et Lesgourgues s'en servent,
14:40 puisqu'elle affirme avoir passé la journée au lit avec lui ?
14:46 -Si vous ne vous êtes pas quittées,
14:47 comment Julien Lignan a-t-il pu vous dérober votre carte
14:50 et la remettre à M. Lesgourgues,
14:52 qui a fait des achats avec, tout l'après-midi, ce même jour ?
14:54 -Je ne sais pas.
14:55 -Oui, mais...
14:57 Moi non plus.
14:58 Et s'il ne l'a pas volée,
14:59 il n'y a pas 36 solutions, c'est qu'il dise la vérité.
15:02 -Mais non...
15:03 C'est pas moi qui l'ai fait, je vous assure, madame la présidente, c'est eux !
15:07 -Madame la présidente !
15:09 Si ma cliente se trouve devant vous aujourd'hui,
15:11 c'est pour une seule et unique raison.
15:14 C'est parce que l'enquête de police a été menée exclusivement à charge contre elle.
15:17 -C'est-à-dire ?
15:18 -Eh bien, c'est simple.
15:20 Une fois que les policiers ont récupéré les témoignages de ces messieurs,
15:24 ils ont estimé que madame Berdyl était coupable.
15:27 Ils sont donc passés à côté d'éléments très importants de l'affaire.
15:30 -Enfin, je n'en ai pas eu l'impression à la lecture du dossier, maître.
15:32 -Et pourtant, je peux le prouver.
15:34 Faites, mais j'espère que vous n'allez pas faire perdre un temps précieux à ce tribunal.
15:38 -Je vous garantis que non.
15:39 -Maître Langlard paraît déterminé.
15:42 Elle joue gros, car si elle n'apporte pas des preuves incontestables,
15:46 son intervention pourrait coûter encore plus cher à sa cliente.
15:49 -Pouvons-nous appeler monsieur Laignan à la barre, s'il vous plaît ?
15:52 Monsieur Laignan, confirmez-vous la déclaration de ma cliente
16:05 selon laquelle le jour de l'escroquerie, vous ne vous êtes pas quitté ?
16:08 -Pas une seconde.
16:11 -Quelqu'un d'autre est-il entré dans la chambre ce jour-là ?
16:13 -Non. À part le serveur, qui est venu nous apporter le déjeuner.
16:17 -Personne d'autre ? Vous en êtes sûr ?
16:20 -Non, personne.
16:22 -Et le plateau repas, personne n'est venu le chercher ?
16:24 -Non, c'est moi qui l'ai sorti dans le couloir, juste avant qu'on prenne notre douche.
16:40 -Pouvez-vous me dire à peu près vers quelle heure vous avez pris cette douche ?
16:44 -Moi aussi, aux alentours de midi et demi.
16:47 -12h30 ? -Oui.
16:50 -Très bien.
16:51 Et cette douche,
16:54 elle a été longue ? 30 minutes ?
16:57 Où veut en venir l'avocat de la Défense ?
17:02 En quoi, à l'heure de la douche, pourrait-elle innocenter sa cliente ?
17:08 -Un petit peu longue. En fait, c'est juste qu'on n'a pas fait que se doucher, vous comprenez.
17:11 -Merci de nous éviter vos commentaires graveleux, M. Laignan.
17:14 Me serait-il possible, maintenant, Mme la présidente,
17:16 de faire appeler à nouveau M. Lesbourg à la barre ?
17:19 En fait.
17:20 M. Lesbourg !
17:26 Reconnaissez-vous
17:29 ce téléphone ?
17:31 -Oui, c'est le mien.
17:33 C'était le mien, parce que les flics me l'avaient embarqué, celui-là.
17:36 -Effectivement, oui.
17:38 Et d'ailleurs, lors de votre interrogatoire,
17:40 les policiers se sont particulièrement intéressés
17:45 à un SMS que vous avez reçu à 12h30.
17:47 Ce SMS venait de votre ami M. Julien Laignan, et il disait
17:51 "OK, dans 10 minutes".
17:54 Quelle explication avez-vous donné à cela ?
17:58 -Je leur ai dit que c'était le top que j'attendais pour faire mes achats.
18:03 -Ils vous ont cru ?
18:05 -Oui. -Oui, mais pas moi.
18:07 Pourquoi aviez-vous besoin d'un top ?
18:09 Selon votre version des faits,
18:11 vous saviez que Mme Berdyl allait porter plainte le soir même.
18:14 Alors, pourquoi ne pas commencer plus tôt ?
18:16 Pourquoi ne pas commencer à 10h, 11h, 12h40 ?
18:20 -L'avocate de la Défense vient de mettre le doigt
18:22 sur un détail troublant.
18:24 Pourquoi Barthélémy a-t-il attendu un top de Nadege à 12h40
18:29 alors que, selon ses déclarations,
18:31 il était en possession de sa carte bancaire depuis la veille
18:34 et il savait que le couple serait à l'hôtel dès le matin ?
18:38 -Je sais pas, moi.
18:39 Elle demandait lui, c'est elle qui décide.
18:41 -Non, non, non !
18:42 Elle n'a décidé de rien du tout, elle n'était au courant de rien !
18:45 Je vais vous dire à quoi a servi ce SMS.
18:48 Il a servi à vous prévenir que vous pourriez rentrer dans la chambre
18:51 de M. Laignan et de Mme Berdyl à partir de 12h40.
18:54 -Non, c'est là.
18:55 -M. Lesbourg, réfléchissez.
18:58 Il y a quelques instants, M. Laignan nous a dit avoir pris
19:01 une douche fort longue avec Mme Berdyl vers 12h30.
19:06 12h30, oui.
19:08 Une fois dans la douche, vous avez le champ libre.
19:13 -Et j'aurais fait comment pour rentrer dans la chambre ?
19:17 -Eh bien, grâce à une carte magnétique comme celle-ci,
19:23 qui est également une clé de chambre, on me l'a gentiment prêtée.
19:27 -Mais je l'avais pas, cette carte. Comment j'aurais fait pour l'avoir ?
19:30 -J'y viens.
19:31 Figurez-vous, Mme la présidente, qu'une carte comme celle-ci,
19:35 une carte magnétique, a été donnée à Mme Berdyl et à M. Laignan
19:39 à leur arrivée à l'hôtel.
19:40 Au moment de leur sortie, eh bien, cette carte avait disparu.
19:44 Donc, Mme Berdyl est allée s'en excuser auprès du concierge.
19:48 -Ca, c'est la carte qu'on a pommée dans la chambre.
19:50 Enfin, je veux dire, ça arrive, quoi.
19:51 -Ah oui, mais c'est bizarre, on n'a jamais retrouvé cette carte.
19:54 Alors moi, j'ai quand même une autre hypothèse.
19:56 M. Laignan, vous nous avez dit, il y a quelques instants,
19:59 que, avant d'aller prendre votre douche,
20:01 vous aviez déposé le plateau repas dans le couloir de l'hôtel.
20:06 Alors moi, je prétends que vous avez discrètement glissé
20:13 la carte magnétique sous le plateau.
20:17 Et rapidement envoyé un SMS pour prévenir votre complice,
20:23 M. Lesbourg.
20:24 ...
20:32 M. Lesbourg n'avait plus qu'à récupérer la carte
20:35 quelques minutes plus tard.
20:36 ...
20:42 Enfin, ils pouvaient rentrer tranquillement
20:44 dans la chambre de M. Laignan et de Mme Berdyl
20:47 pendant leur douche.
20:48 ...
20:57 Pour dérober la carte bancaire de Mme Berdyl à son insu.
20:59 ...
21:10 La suite, la voici.
21:12 Barthélémy Lesbourg est interpellé.
21:14 Avec son complice, ils ont un pacte.
21:17 Si les choses tournent mal,
21:18 livrera la police un scénario bien rodé.
21:21 Celui où Nadege Berdyl est la coupable numéro 1.
21:24 ...
21:26 Et pour preuve, le dernier texto envoyé à 12h40
21:29 du portable de la jeune femme.
21:32 Les 2 complices auraient donc tout ficelé jusqu'au moindre détail
21:36 pour escroquer la belle rencontrée sur Internet.
21:39 ...
21:40 -Vous pouvez prouver ce que vous dites, là ?
21:43 -Ces cartes magnétiques ont un grand intérêt pour les hôtels.
21:47 ...
21:48 Elles permettent de vérifier les allées et venues du personnel.
21:52 Ce qui veut dire
21:54 que cette carte magnétique est reliée à un système
21:56 qui enregistre toutes les ouvertures de porte,
21:59 chambre par chambre.
22:01 ...
22:03 -Je comprends rien à votre charabia.
22:05 Ca veut dire quoi ?
22:06 -Ca veut dire que je peux prouver, M. Lesbourg,
22:09 qu'à 12h44, la porte de la chambre de M. Laignan et de Mme Berdyl
22:13 a été ouverte
22:15 par la carte qui a mystérieusement disparu.
22:18 -M. Laignan et Mme Berdyl étaient sous la douche.
22:20 Qui d'autre aurait pu l'ouvrir, M. Lesbourg ?
22:23 -Il faut avouer que l'enchaînement des faits tel que vous le présentez
22:27 est assez troublant.
22:28 Un plateau repas si commodément sorti,
22:31 ce SMS, cette ouverture de porte à 12h44...
22:35 -Tout les accuse et tout y le sent pas cliente.
22:38 ...
22:39 -M. Laignan, venez rejoindre M. Lesbourg à la barre, s'il vous plaît.
22:43 ...
22:46 -Messieurs, je dois dire que les éléments qui viennent d'être portés
22:49 à notre connaissance
22:50 minorent considérablement vos deux témoignages.
22:53 Continuez-vous à accuser Mme Berdyl.
22:56 Réfléchissez vite et bien.
22:59 ...
23:03 -OK.
23:04 ...
23:06 -Moi, j'y suis. -Tais-toi !
23:07 -M. Laignan, vous gardez le silence, s'il vous plaît.
23:10 Vous allez dire quelque chose, M. Lesbourg.
23:13 -J'y suis pour rien, Mme la présidente.
23:14 C'est Julien qui a tout monté.
23:16 C'est vrai que Nadege n'a rien fait. Elle est innocente.
23:19 -Arrêtez !
23:20 -Tu te balances, toi !
23:21 -C'est pas la première fois, d'ailleurs !
23:23 -C'est-à-dire ?
23:24 Calmez-vous, messieurs, s'il vous plaît.
23:27 -Et brusquement, la complicité des deux hommes...
23:30 -Vous revenez à la barre et vous restez calmes.
23:32 -C'est-à-dire ?
23:33 -C'est-à-dire ?
23:34 -Julien s'arrange pour... Il drague des nanas sur Internet.
23:37 Il les fréquente, il s'arrange pour regarder
23:40 leur numéro de carte de crédit.
23:43 Et ils envolent la carte.
23:45 Et lui, il s'occupe de la fille pendant que je fais les achats.
23:48 La plupart du temps, on fait rien de mal.
23:51 Elles sont assurées, ça leur coûte rien.
23:53 -Ça ne leur coûte rien !
23:54 Plutôt que d'assumer les faits !
23:57 Vous avez préféré accuser ma cliente.
23:59 Son mari se sert de cette histoire aujourd'hui
24:02 pour pouvoir récupérer la garde de leur fille.
24:05 Elle a failli être condamnée par la justice et ça ne leur coûte rien !
24:08 -Je suis désolé.
24:09 -Ca suffit, là ! Vos excuses arrivent un peu tard.
24:12 Mme Berdile, je prononce votre relax immédiatement.
24:14 -Merci, madame.
24:16 -Messieurs Lesbourg et Laignan,
24:18 votre jugement est mis en délibéré.
24:20 J'ai besoin de réfléchir à t'être reposée.
24:22 Cette histoire est complètement insensée.
24:25 Vous vous rendez compte de ce que vous avez fait subir à cette femme ?
24:29 L'audience est levée.
24:34 -Deux mois plus tard,
24:37 Julien Laignan a été condamné pour vol, escroquerie
24:40 et dénonciation calomnieuse à 8 mois de prison,
24:44 dont 3 mois fermes et à 4 500 euros d'amende.
24:47 Par Thélémine Lesbourg a, de son côté,
24:50 été condamné à 8 mois de prison,
24:52 dont 1 mois ferme et 4 500 euros d'amende.
24:55 Suite à la relax de Nadege Berdile,
24:58 la banque a retiré sa plainte contre elle.
25:01 Celle-ci a fini par combler son découvert.
25:03 Maître Langlard, qui représente désormais Nadege Berdile,
25:07 est parvenu à repousser l'audience
25:09 concernant la garde de sa fille Eléa.
25:12 ...
25:16 ...