"Économie de guerre" : un terme "excessif" pour le général Patrick Dutartre, qui parle de "mobilisation de l'économie"

  • il y a 6 mois

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00:00Dans l'actualité, il y a également cette question, la France va-t-elle entrer en économie de guerre pour pouvoir mieux répondre aux besoins de l'Ukraine ?
00:08C'est en tout cas ce que souhaite Emmanuel Macron, le président français était ces jeudis à Bergerac en Dordogne où il a posé la première pierre d'une usine de poudre pour obus.
00:18Une nouvelle étape, je cite, dans l'économie de guerre qu'il appelle de ses voeux.
00:22A ses côtés, vous le découvrez sur ces images, le ministre de l'économie Bruno Le Maire et celui des armées Sébastien Lecornu.
00:30Bonjour Patrick Dutartre, merci d'avoir accepté notre invitation.
00:33Vous êtes général d'aviation, ancien leader de la patrouille de France.
00:37Selon vous, cette visite d'Emmanuel Macron en Dordogne peut-elle réellement être le début d'une nouvelle ère, le passage de la France en économie de guerre ? On y est ?
00:47Alors on y est. Moi, je n'aime pas trop le terme d'économie de guerre parce que l'économie de guerre, vraiment, dans la définition historique que l'on pense à 14-18,
00:56c'est mobiliser absolument toute énergie, toute économie pour produire des appareils ou des équipements militaires.
01:03En revanche, je parlerais plutôt de mobilisation de l'économie pour faire face à cette guerre terrible qu'il y a actuellement en Ukraine et pour obtenir une autonomie stratégique
01:15en Europe au niveau de l'armement. Et la France doit faire partie des pays moteurs, si vous voulez, pour avoir les moyens, si vous voulez, de répondre à cette agression.
01:27A Bergerac, Emmanuel Macron avait à ses côtés, je l'ai dit, Sébastien Lecornu, le ministre des Armées.
01:31Il y a deux semaines, il avait indiqué ne pas exclure des réquisitions ou d'imposer aux industriels d'accorder la priorité aux besoins militaires.
01:40Le tout, bien sûr, pour accélérer la production. C'est réellement envisageable dans un avenir proche, ces réquisitions ?
01:46Les réquisitions, s'il y avait mauvaise volonté de la part des industriels, il n'y a aucune mauvaise volonté actuellement, en tout cas à ma connaissance.
01:52Par contre, dans certains cas, de faire des priorités entre des commandes civiles ou des commandes militaires, ça, ça s'entend, effectivement, en fonction de l'urgence,
02:01si vous voulez, que cette guerre en Ukraine amène. Mais de réquisition, il n'y a pas vraiment ce besoin, par contre, effectivement, des priorités.
02:11Et c'est vrai que, si vous voulez, dans la suite de ce qu'a dit Sébastien Lecornu le 26 mars dernier, c'est rassembler, c'est aligner tous les industriels de défense,
02:22toute notre base de défense pour que, un, on relocalise, quelque part, c'est une relocalisation aussi, cette inauguration d'une nouvelle usine de poudre à Bergerac.
02:33Et puis, de la même manière, il faut que tous les industriels, si vous voulez, produisent plus et plus vite.
02:41C'est vraiment le mot d'ordre que donne le ministère de la Défense et le président Emmanuel Macron.
02:45Alors, vous l'avez brièvement évoqué d'un point de vue plus philosophique.
02:48La France peut-elle réellement passer en économie de guerre alors que, techniquement, elle n'est pas en guerre ?
02:52Alors oui, elle est de l'Ukraine, mais n'y a-t-il pas là un décalage entre la situation que vit le pays et la volonté affichée du président ?
02:59Pourquoi Emmanuel Macron parle-t-il d'économie de guerre ? Vous avez parlé de mobilisation.
03:04Oui, je pense à un terme qui a été utilisé au cours du salon Eurostatory en juin 2022 et on est resté sur ce terme, mais je trouve qu'il est un peu excessif.
03:14C'est plutôt, si vous voulez, mobiliser l'énergie, mobiliser tous les industriels de défense et ils sont importants en France.
03:20On a de très belles entreprises pour produire plus, plus vite et toujours de qualité, comme on sait faire.
03:29Vous savez, en France, on ne produit pas des tonnes et des tonnes.
03:33Par contre, ce que l'on fait, si vous voulez, c'est toujours d'une très grande qualité, d'une très grande précision et c'est fort apprécié par nos amis ukrainiens.
03:41Faut-il aussi apprécier ces propos, selon vous, dans la perspective d'une guerre future ?
03:46D'où l'intérêt de passer aujourd'hui en économie de guerre ?
03:49Imaginons que la France soit confrontée à une guerre de haute intensité comme celle que vit l'Ukraine dans quelques mois, quelques années.
03:56Oui, c'est vrai. Personnellement, je pense que ce n'est pas d'actualité, mais on ne sait pas ce qui va se passer d'ici un an, deux ans.
04:05Déjà, on a du mal à voir dans six mois. On sait que l'Ukraine souffre, souffre terriblement dans sa chair avec ses soldats.
04:13Elle en manque. Et puis, c'est une notoriété publique qu'elle manque, notamment d'obus.
04:18Ces obus de 155 millimètres qu'on essaye de produire de manière beaucoup plus intense, à raison de peu près de 3000 par mois.
04:26Et cette inauguration, c'est justement les poudres que l'on met à l'intérieur, si vous voulez, des canons César,
04:31des obus qui vont être lancés notamment par les canons César. On va livrer quasiment 70 canons César.
04:38Nexter s'est engagé aussi à doubler sa production de canons César. Dassault double aussi son énergie dans la production des rafales.
04:47Il y a les missiles solaires. Il y a énormément de choses qu'ils ont faites. Mais si vous voulez, la France doit montrer l'exemple en Europe.
04:56Mais il faut que toute l'Europe se mobilise. Et on sous-estime, vous savez, l'importance de l'Europe.
05:01L'Europe, c'est quand même 550 millions d'habitants. Au regard des 145 millions d'habitants en Russie, c'est 7 fois le PIB de la Russie.
05:11Donc il faut aussi qu'en ce moment, on n'a pas le choix. On ne le voulait pas. Franchement, on ne le voulait pas.
05:16Mais il faut qu'on se mobilise pour avoir une défense crédible à la hauteur, si nécessaire, d'un conflit à haute intensité que, bien sûr, personne ne souhaite.
05:25Alors vous m'amenez à ma prochaine question. Cette économie de guerre a-t-elle besoin de se faire au niveau européen pour bien fonctionner ?
05:31Est-ce que cela ne remet pas finalement en pleine lumière les dissensions des Européens sur le plan militaire, sur la défense ?
05:38En gros, c'est du « chacun pour soi ».
05:40Mais vous avez tout à fait raison. En fait, au-delà de « chacun pour soi », c'était, si vous voulez, le parapluie américain, le parapluie otanien.
05:47Le parapluie otanien, pendant les années, c'était l'initiative du général de Gaulle.
05:51Souvenons-nous que le général de Gaulle était sorti de l'organisation militaire à un moment de l'OTAN.
05:57On y est revenus. Et on a toujours eu une indépendance stratégique, notamment sur le plan militaire.
06:04Beaucoup de nos voisins en Europe n'avaient pas cette autonomie. Ils attendaient la protection, si vous voulez, otanienne et la protection américaine.
06:14Les déclarations récentes du président américain nous ont amené à conduire que,
06:18les amis, il faut qu'en Europe, on soit capable d'être autonome.
06:23Et je pense que, quelque part, c'est presque salutaire ce réveil, si vous voulez, des pays européens pour avoir une véritable autonomie stratégique au niveau de l'Europe.
06:32De même qu'il nous faut une autonomie en matière de santé, en matière économique et une autonomie aussi en matière politique.
06:38Et on peut le dire, désormais, l'invasion de l'Ukraine par la Russie a fait changer de paradigme Paris.
06:44Et pas que d'ailleurs, on pense notamment à l'Allemagne qui a opéré un virage historique en la matière.
06:50Vous avez tout à fait raison, ça a réveillé l'OTAN, ça a aligné les pays européens, ça a fait avancer l'idée européenne dans tous les secteurs que j'ai évoqués.
07:00Rappelons-nous aussi que ça a agrandi l'OTAN avec le ralliement de la Suède et de la Finlande.
07:06On peut le regretter, mais en tout cas, c'est souhaitable que l'on ait les moyens de se défendre, que tout le monde soit aligné.
07:13Et en ce moment, d'ailleurs, il n'y a pas de doute là-dessus, il y a très peu de pays qui contextent ça, notamment le triangle de Weimar, la France, l'Allemagne et la Pologne qui sont dans l'aligné, si vous voulez, et dans la dynamique commune pour avoir une autonomie de défense.
07:31Et aider autant que faire se peut l'Ukraine dans la défense de son territoire.
07:41Merci pour vos lumières, toujours précieuses. Merci beaucoup, général Patrick Dutartre, d'avoir répondu à mes questions. À bientôt.

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