• il y a 8 mois

Category

🗞
News
Transcription
00:00 Le 6/9, ici c'est France Bleu Gironde.
00:04 L'Opéra National de Bordeaux présente jusqu'au 28 avril sa deuxième production zéro achat d'une grande envergure.
00:09 En dehors des éléments de sécurité obligatoire, rien n'a été acheté pour réaliser la mise en scène de la bohème de Puccini.
00:15 Une démarche écologique dont on parle ce matin avec Emmanuel Ondré, c'est le directeur général de l'Opéra National de Bordeaux.
00:21 Bonjour Emmanuel Ondré.
00:22 Bonjour.
00:22 C'est possible ça a une production entièrement zéro achat à l'Opéra National de Bordeaux ?
00:27 Oui c'est une prouesse, en fait une prouesse collective parce que tout le monde s'y met dans une forme de laboratoire géant d'intelligence collective
00:35 parce que chaque membre des équipes, surtout pour les ateliers et la direction technique, doit chercher des ressources de la créativité
00:43 pour pouvoir résoudre tout un tas de problèmes.
00:45 Mais en fait à l'arrivée ça ne se voit pas.
00:47 C'est ça le plus important à savoir, c'est un spectacle qui est à l'identique,
00:51 sauf que la manière de le concevoir et de le réaliser est une petite révolution.
00:57 Alors évidemment aujourd'hui, de nos jours, la seconde main, le recyclage, la réutilisation, c'est quelque chose qu'on essaye tous de faire au quotidien.
01:05 On a demandé à nos auditeurs ce qu'eux, ils recyclaient ou réutilisaient au quotidien.
01:08 On va écouter la réponse de Socrates à Bordeaux.
01:11 Quasiment tout en fait, le papier, le carton, les bocaux en verre.
01:15 Ah oui, mais tiens, en parlant de seconde vie, avec ma femme, on n'a rien acheté de neuf pour notre fille.
01:22 Ça fait partie des choses que je trouve qui sont très importantes de recycler, les habits, les textiles surtout.
01:30 Alors pour notre quotidien, on voit bien ce qu'on peut recycler et réutiliser dans un opéra.
01:34 Qu'est-ce qu'on peut recycler et réutiliser ?
01:36 D'abord on a des stocks. On a des stocks de costumes, il y en a 10 000 à l'opéra, de décors et des accessoires.
01:43 Vous avez aussi des partenaires. Il y a nos stocks, mais ceux des ressourceries, d'autres opéras avec lesquels on peut travailler.
01:49 Et il y a aussi quelques fois des appels à des dons que l'on peut faire.
01:53 Par exemple pour la Bohème, on cherchait des sacs à main pour l'acte II.
01:56 On a fait un message au personnel pour savoir s'il y avait des sacs à main qui dormaient dans les greniers,
02:02 pour essayer d'alimenter ce qu'on ne peut pas et ce qu'on ne veut pas acheter.
02:06 Vous le disiez, c'est une prouesse, c'est un défi aussi, une petite révolution pour les équipes.
02:11 Parce qu'évidemment ce sont de nouvelles contraintes, il faut penser différemment les spectacles.
02:15 C'est une contrainte et ça ne doit pas être une contrainte.
02:17 Parce que si vous dites à un créateur, un metteur en scène, vous n'aurez pas le droit de faire ci et ça, il ne se rendira pas inspiré.
02:24 Et la deuxième chose, c'est de choisir un sujet qui va correspondre à cet enjeu-là.
02:29 J'aimais votre auditeur tout à l'heure qui parlait de seconde vie parce que le requiem de Mozart c'était ça.
02:34 Comment est-ce qu'on imagine une seconde vie quand on est être humain, mais aussi quand on est un matériau ?
02:39 Comment on peut imaginer une deuxième, une troisième, une quatrième vie ?
02:42 La bohème c'est la même idée en fait.
02:44 J'ai choisi cet opéra parce que ça raconte l'histoire de quatre étudiants, un peintre, un musicien, un philosophe, un poète,
02:54 qui sont sans le sou, qui ont 20 ans, mais qui veulent créer, qui ont plein d'idées,
02:58 mais qui ne peuvent pas manger et qui ne peuvent pas se chauffer parce qu'ils sont à Paris sans le sou.
03:03 En fait on est dans le sujet et ça m'a toujours choqué de voir des bohèmes luxueuses,
03:07 qui sont un peu une contradiction par rapport à tout ça.
03:11 Et à l'arrivée finalement, quand on est proche des moyens très simples,
03:17 on va vers plus de sobriété et également plus d'épuration.
03:21 Ce n'est pas forcément moins fort, au contraire ça met l'humain, le sentiment, le jeu de l'acteur au centre de la production,
03:29 ce qui de mon point de vue redonne plus d'émotion au spectacle.
03:32 - Est-ce que ça peut être étendu à plus de spectacles au sein de la saison à l'Opéra National de Bordeaux ?
03:37 - On en fait généralement deux, c'est-à-dire une grande forme, là c'est notre deuxième expérience,
03:42 et puis une petite forme ou une moyenne forme, c'est celle de l'Académie.
03:46 C'est-à-dire qu'une fois par saison, nous avons une sorte de petite troupe de musiciens qui ont 25, 28 ans,
03:54 et eux, le zéro achat, ça va de soi, ce n'est pas une contrainte, au contraire,
03:58 si on ne le faisait pas, ça leur apparaîtrait comme quelque chose de très surprenant.
04:03 Donc on a ce rythme de deux productions par saison, une grande et une moyenne.
04:07 - 7h50 sur France Bleu Gironde, Emmanuel André, le directeur général de l'Opéra National de Bordeaux, est notre invité ce matin.
04:13 - On pense évidemment à un objectif écologique, c'est économique aussi, j'imagine,
04:18 ce sont ces deux aspects qui sont importants pour vous ?
04:20 - Bien sûr, on fait des économies, mais ce qu'on n'achète pas, on va le dépenser quelques fois en temps,
04:25 parce que c'est plus compliqué de défaire ou d'arranger un matériau qui a déjà une existence,
04:31 et puis on passe aussi beaucoup de temps à parler à des partenaires, à chercher,
04:35 mais ça je pense que c'est un investissement sociétal.
04:39 Très important, l'Opéra n'est plus forcément une grande maison puissante qui dévore et qui jette et qui consomme,
04:44 mais une maison qui est capable d'être à égalité avec des partenaires,
04:48 en disant "on a besoin de vous, essayons de travailler ensemble pour être comme dans une chaîne de solidarité".
04:54 Mais encore, c'est un état d'esprit qui peut changer.
04:56 - Le financement de l'Opéra national de Bordeaux est essentiellement public,
05:00 on le sait à quel point les financements publics peuvent être contraints,
05:03 en ce moment, est-ce que ça a un poids, est-ce que ça pèse sur le fonctionnement de l'Opéra national de Bordeaux aujourd'hui ?
05:08 - Oui, vous avez raison de dire que c'est essentiellement public,
05:11 et quand les subventions sur 10 ans n'ont quasiment pas bougé, sont stables,
05:16 en fait dans les faits elles baissent, cette année la Ville a fait un geste fort,
05:20 elle a augmenté sa subvention, je les remercie beaucoup, je remercie le maire de nous apporter ce soutien.
05:25 Le financement privé aussi a pris un essor, multiplié par 3 depuis 2 ans,
05:31 là encore c'est très important de pouvoir créer du désir, du soutien,
05:35 une sorte de consensus autour de l'Opéra, parce qu'en fait l'Opéra,
05:38 c'est pas juste une maison, c'est le portrait de la culture en général,
05:42 c'est un peu les arts réunis, l'Opéra c'est le premier employeur de la culture de la région Nouvelle-Aquitaine.
05:48 Donc si on affaiblit l'Opéra, on affaiblira toute la culture.
05:52 Donc ça me semble intéressant, au-delà de nous-mêmes,
05:55 de sentir que l'Opéra est le vaisseau amiral qu'il faut soutenir pour que toute la culture aille bien.
06:01 Alors ces contraintes financières, elles ont pesé aussi sur vos équipes,
06:04 il y a eu quelques tensions, il y a eu une alerte de la médecine du travail,
06:08 d'ailleurs au mois de novembre l'année dernière, où est-ce qu'on en est aujourd'hui ?
06:11 Est-ce que vous avez réussi à apaiser un peu la situation à l'Opéra ?
06:14 Oui bien sûr, on travaille au quotidien avec toutes les équipes,
06:17 on a repris un dialogue hebdomadaire avec les différentes équipes,
06:22 on a analysé ensemble ce qui était de l'ordre des moyens humains, des postes,
06:28 quelques fois des conditions de travail, quelques fois de la volumétrie de l'activité.
06:33 Donc on essaye de serrer les problèmes, de voir comment dans les mois à venir,
06:38 on peut stabiliser le fonctionnement de la maison à moyen constant.
06:43 Et c'est ça la difficulté.
06:45 Et pour attirer de nouveaux publics aussi, j'imagine que l'enjeu il est là aussi,
06:48 faire venir peut-être davantage de monde, d'autres publics, des publics différents ?
06:52 Alors ça c'est la bonne nouvelle, le public existant s'est stabilisé,
06:55 on est revenu à peu près au niveau de 2018, avant la crise sanitaire,
07:00 et puis le nouveau public est là aussi, on sent qu'il y a un vrai renouvellement.
07:04 Nous avions mis en place aussi 5000 places solidaires,
07:07 ça a apporté aussi un vent d'air nouveau à des personnes qui ne se sentaient pas chez elles à l'Opéra.
07:14 Et nous avons aussi déployé...
07:16 Faut passer ses freins, ses obstacles.
07:18 Exactement, ce sont des barrières quelquefois mentales, on pense que ce n'est pas fait pour soi,
07:21 que ce n'est plus un service public, que c'est une maison qui appartiendrait à certains et pas à tout le monde.
07:26 Un peu idylle.
07:27 Oui. Et puis nous avons développé aussi le hors les murs,
07:29 c'est-à-dire un tiers, un quart de notre activité, c'est difficile de dire encore actuellement,
07:34 mais se déploie en dehors de nos murs pour pouvoir aller vers des partenaires,
07:39 les citoyens, pour porter la musique et la danse à l'extérieur.
07:42 Merci beaucoup Emmanuel André d'avoir été avec nous.

Recommandations