"Ce qu’il y a de plus beau dans ce métier, c’est quand on oublie qu’on danse." Pour neo, @egdess a passé une journée à l’Opéra Garnier avec Héloïse Bourdon, première danseuse. L’occasion pour elle de découvrir les coulisses d’un métier hors du commun.
Héloïse Bourdon dansera pour le ballet Don Quichotte à l’Opera Bastille à partir du 18 avril.
Héloïse Bourdon dansera pour le ballet Don Quichotte à l’Opera Bastille à partir du 18 avril.
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00:00 Je suis trop contente, aujourd'hui c'est la première fois de ma vie que je me rends à l'Opéra,
00:03 pas n'importe lequel, l'Opéra Garnier.
00:05 Sur place, Héloïse Bourdon, première danseuse m'attend pour une visite guidée,
00:09 et ça tombe bien, moi j'ai un milliard de questions à lui poser.
00:11 * Extrait de « La vieille danseuse » de Jean-Luc Moulin *
00:31 Alors, Héloïse, j'ai noté pendant votre répétition,
00:33 « Talonnée, pliée, relevée, déboulée, assemblée, soutenue, spiralisée, fouettée, au vert, croise ».
00:38 Qu'est-ce que ça veut dire tout ça ? Mais vous parlez une autre langue ?
00:43 J'ai assisté à une séance de travail où Claude m'aide à me sentir mieux dans mon mouvement,
00:48 mieux dans ma technique, et ça passe effectivement par des détails.
00:51 Nous, notre plaisir est d'être performant au moment où on a envie de l'être.
00:55 Si on se sent en dessous de nos capacités, en fait on est furieuse,
00:58 on a envie d'être au top niveau.
01:00 On est quand même à l'Opéra de Paris, c'est un métier où justement on est là pour se dépasser,
01:04 et on n'est pas du tout en train de se dire « Oh, c'est cool, je suis à l'Opéra de Paris,
01:08 c'est tout acquis ». Non, pas du tout.
01:09 C'est effectivement exigeant, mais on ne le voit pas comme une contrainte.
01:12 Je l'accompagne. Je ne suis pas là pour critiquer, pour la couper en rondelles au scalpel.
01:17 Je veux l'accompagner de façon à ce qu'elle se sente le plus à l'aise possible,
01:20 le plus elle-même, et profiter de tout mon bagage perso.
01:25 Moi, je suis rentrée comme Petit Rat ici à 11 ans.
01:28 À l'époque, la retraite était à 40.
01:30 Pour les filles, c'était 45 pour les garçons, maintenant c'est 42 pour les deux.
01:33 Ici, juste avant que tu enfiles tes pointes, tu as du sparadrap, des petites compresses.
01:38 Ce sont les points où j'ai le plus mal, donc je le protège un peu plus.
01:43 Je mets un peu de coton cardé aussi pour ne pas sentir le bout de la pointe.
01:47 Mais il y en a qui ne mettent rien du tout.
01:49 Je prends du coton cardé, c'est du coton qui n'est pas traité,
01:52 parce qu'il va absorber l'humidité dans la pointe, parce qu'on transpire beaucoup au niveau des pieds.
01:58 Ça crée à la fois un amortisseur et en même temps, ça absorbe l'humidité.
02:03 Le coup de pied, c'est la bosse qu'on a au niveau du pied,
02:07 et c'est aussi la mobilité de l'articulation de la cheville qui crée le coup de pied chez la danseuse.
02:11 C'est la courbure aussi qui est là, à ce niveau-là.
02:14 Quand je monte sur ma pointe, c'est là où on voit mon coup de pied.
02:17 Là, on est juste devant ta loge, c'est comme ça que commencent les journées ?
02:20 Je vais me préparer pour le cours de danse et ensuite prendre toutes mes affaires pour enchaîner ma journée.
02:24 Ah non, mais ce n'est pas du tout immense !
02:26 Direct, le tutu !
02:28 Oh là là, c'est magnifique !
02:30 Là-bas, on a un petit espace.
02:32 En fait, ce n'est vraiment pas si petit que ça.
02:35 Encore des pointes et sinon, j'ai encore des tutus.
02:38 Tu as commencé à quel âge ?
02:39 J'ai commencé à 8 ans. Je suis rentrée dans le corps de ballet à 16 ans.
02:42 Là, j'en ai 32.
02:43 Ça fait 16 ans que je suis danseuse à l'Opéra de Paris.
02:45 Quand on rentre dans le corps de ballet de l'Opéra, on est quadri.
02:49 Ensuite, on monte en hiérarchie corrifée, sujets première danseuse et danseuse étoile.
02:53 C'est des concours jusqu'à première danseuse ou premier danseur.
02:56 Et ensuite, c'est une nomination du directeur général et du directeur de l'Opéra.
02:59 C'est ce à quoi j'aspire.
03:01 Tout ça, c'est l'espace dédié à la couture ?
03:03 Oui, c'est pour les essayages et le stockage des grandes, les gigantesques.
03:06 Bonjour !
03:07 Ça ne rigole pas du tout, là.
03:11 Il y a plein de petites mains des couturières qui sont en train de travailler.
03:15 Je peux te reprendre là, pour que ça fasse...
03:19 Par contre, ce qui est bien, c'est qu'avec la malaise, je vais t'embêtir.
03:22 C'est un peu décolleté, il me semble un peu bas.
03:24 Cet espace à le merlier, c'est quoi ?
03:25 Le salon d'essayage, où on fait une grande partie des essayages pour les costumes.
03:29 Est-ce que c'est un peu comme les mannequins, il y a des critères corporels très précis ?
03:33 Ça va avec notre travail aussi, ce côté monter, ce côté allongé,
03:36 ce côté repousser le sol, allonger les jambes, étirer le dos.
03:40 On est censé être sur pointe, être légère, ne serait-ce que pour monter sur pointe.
03:43 Si on est comme ça, avec des kilos en trop sur nos pointes, on va se faire mal.
03:48 C'est surtout qu'en plus, vous démarrez très très jeune.
03:51 Ce travail-là, il est fait dès le moment de l'adolescence.
03:55 Donc ça aide aussi à ce que le corps soit formaté comme ça.
03:59 Là, on se trouve dans un endroit qui s'appelle le central.
04:02 C'est ici que sont réunis tous les costumes pour les représentations de l'opéra Guernier.
04:06 Vous voyez juste au-dessus, on a les tutus pour Don Quichotte.
04:10 Et sur les côtés, ça va être les robes pour la représentation de Gisèle.
04:16 C'est un endroit absolument magnifique.
04:19 On prend plein les yeux, il y a des couleurs de partout.
04:21 Des matières, surtout moi ce qui m'impressionne, c'est les matières.
04:24 Du gonflant, de la tulle, du coton, de la soie.
04:27 On a tout un plafond de tutus.
04:29 Regardez, on va vous montrer à quoi ça ressemble vu du bas.
04:31 Quand j'arrive sur la scène de Guernier, avant un spectacle,
04:36 je me dis mais quel endroit de fou, de quel endroit magnifique.
04:40 C'est à la fois impressionnant, parce que je me dis mais on va danser sur cette scène qui est mythique.
04:44 Il ne faut pas se laisser envahir par justement le côté impressionnant,
04:46 mais ça me fait toujours quelque chose en tout cas.
04:48 Qu'est-ce qu'il y a de plus beau dans ce métier ?
04:50 C'est quand on oublie qu'on danse, et qu'on peut justement vivre son personnage,
04:54 partager une émotion, ne plus être là.
04:58 [Musique]