• il y a 8 mois
Depuis toujours, les êtres humains cherchent à apprivoiser la Loire. Au Moyen ge, ils élevaient déjà des digues pour contenir ses crues. Appelées “turcies’’ puis “levées’’, ces barrières de terre et de bois devaient protéger les terres agricoles et faciliter la navigation. Ce qui n’empêcha pas le fleuve de sortir régulièrement de son lit. L’édification et le renforcement des levées se sont ainsi poursuivis au XVIIIe siècle. Avec le développement des canaux, ces transformations ont profondément bouleversé les paysages ligériens et contribué à créer un système de voies d’eau interconnectées qui a permis de développer le commerce à l’échelle nationale et d’unifier le territoire.

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Transcription
00:00 Depuis des millénaires, mon histoire se confond avec celle des communautés humaines.
00:08 Cette cohabitation, souvent tumultueuse, a connu son âge d'or.
00:13 En projetant son clair obscur sur mes berges, le siècle des Lumières a fait de moi l'une des artères vitales de la France.
00:20 Cette mémoire de l'eau, je vais vous la raconter en compagnie de ceux qui la peuplent et qui ont œuvré à son évolution.
00:28 Depuis toujours, les hommes cherchent à m'apprivoiser.
00:32 Au Moyen-Âge, ils élevaient déjà des digues pour contenir la fougue de maisons.
00:37 Appelées turcies, puilles levées, ces barrières de terre et de bois devaient protéger les terres agricoles et faciliter la navigation.
00:45 Ce qui ne m'empêcha pas de sortir régulièrement de mon lit.
00:49 Pour y remédier, à la fin du XVIe siècle, des intendants eurent pour mission d'édifier et de réparer les ouvrages.
00:56 Cru après cru, j'ai pourtant continué de bouleverser le Val.
01:00 Le combat opposant le tumulte de mes eaux au génie humain s'est ainsi poursuivi au XVIIIe siècle,
01:07 une époque à laquelle les ingénieurs ont pris le relais des intendants.
01:10 Je vous propose de partir à la rencontre de l'un de ces hommes,
01:14 qui a consacré son existence à renforcer les protections contre mes humeurs torrentieuses.
01:19 Soyez les bienvenus à bord de ce magnifique chaland de Loire.
01:25 Je m'appelle Nicolas Poitvin et je suis architecte ingénieur.
01:29 Durant des années, j'ai assumé la charge d'inspecteur des turcies élevées que m'a assigné Colbert,
01:35 le contrôleur général des finances et secrétaire d'État à la Marine.
01:39 J'ai sillonné la vallée de la Loire, j'ai visité et inspecté ces digues,
01:43 dressé les devis des travaux à effectuer et j'en ai contrôlé l'exécution.
01:47 A l'époque, Colbert nourrissait de grandes ambitions.
01:50 Il souhaitait parvenir à mettre en place un système de protections insubmersibles,
01:54 destiné à protéger les terres cultivées du Val.
01:58 Entre 1682 et 1705, il diligenta ainsi d'importants travaux de surélévation et de renforcement des levées.
02:06 Le résultat ne fut pas à la hauteur des attentes du ministre favori de Louis XIV.
02:11 Effectivement. En 1707 par exemple, le débit du fleuve en cru ronde de nombreuses digues
02:17 et provoque l'inondation de la vallée d'Anjou.
02:20 Nous avons alors décidé de rehausser les levées à 7 mètres au-dessus des basses eaux.
02:24 Sans guerre, plus de succès.
02:26 Force est de constater qu'avant même l'achèvement des travaux,
02:30 trois crues ont en effet contredit le principe du rehaussement.
02:33 Les brèches ouvertes en 1707 ont de nouveau cédé
02:37 et les ponts médiévaux n'ont pas résisté à la pression des flots.
02:40 Et pour cause, lorsqu'elle est emprisonnée dans des levées plus hautes,
02:45 l'eau entre en surpression, ce qui accroît sa puissance.
02:49 Le rehaussement est d'autant plus fragile que les travaux ne sont pas toujours bien exécutés
02:54 et que les anciennes levées ne sont pas des constructions homogènes.
02:57 Malgré cette série de catastrophes, le pouvoir royal poursuit son programme de travaux
03:02 visant à conforter et rehausser les digues.
03:05 Après la crue de la Pentecôte de 1733, qui entraîne la rupture des levées de 7 mètres,
03:11 on abandonne le principe des déchargeoires,
03:13 ces dispositifs conçus pour recevoir le trop plein d'eau.
03:16 Un choix auquel la pression des riverains désireux de préserver leurs terres agricoles
03:21 et leurs habitations n'est d'ailleurs pas étranger.
03:24 Avec Louis de Règemort, mon successeur en qualité d'ingénieur des turcises-levées de la Loire,
03:29 les levées continuent de monter et de s'allonger,
03:32 modifiant profondément le paysage du Val.
03:35 Certains accès et vues sur le fleuve sont fermés
03:37 et les embouchures des affluences s'écartent de leur tracé naturel.
03:41 Était-il nécessaire de bouleverser ainsi mes paysages ?
03:45 Sans l'ombre d'un doute.
03:47 Nous pensions ainsi garantir la stabilité des levées
03:50 et améliorer la navigabilité du fleuve.
03:52 Pour moi, il s'agit d'un véritable corset qui limite nettement mes déplacements.
03:56 Pour vous, peut-être.
03:58 Mais pour l'État, l'avènement d'un système de voies d'eau interconnectées
04:02 constitue un moyen efficace de développer le commerce à l'échelle nationale
04:06 et d'unifier le territoire.
04:08 L'accroissement du commerce et des possibilités de circulation
04:12 offrent en outre une source de profit non négligeable pour la Couronne.
04:16 Parmi tous les ouvrages d'aménagement des voies navigables,
04:19 il en est un qui est à mon sens absolument incontournable.
04:23 Lequel ?
04:25 Le canal d'Orléans.
04:26 Il constitue à mes yeux le plus remarquable ouvrage construit à l'époque.
04:30 Pas moins de 13 années de travaux semés d'embûches ont été nécessaires
04:34 pour parvenir à l'ouvrir à la circulation fluviale en mars 1692.
04:39 Une patience qui s'est toutefois avérée payante,
04:42 car le transport et le commerce en ont été considérablement favorisés.
04:46 Grâce au canal, de nombreux produits peuvent ainsi circuler de Nantes jusqu'à Montargis
04:51 pour rejoindre la Seine et atteindre Paris.
04:55 Les marchandises du Nouveau Monde arrivent à la capitale.
04:59 Mais ça c'est une autre histoire qui l'incombe à d'autres de raconter.
05:03 [Musique]
05:21 [Silence]

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