• il y a 6 mois
Quand j'étais petit, la websérie de Sophie Loridon, des enfants de 6 à 10 ans interrogent des Anciens de plus de 80 ans sur leur passé. De belles émotions ! L'objectif est double, familiariser les enfants avec la pratique de la vidéo et provoquer des rencontres enrichissantes des deux côtés.

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Transcription
00:00 (souffle du vent)
00:02 (souffle du vent)
00:04 (souffle du vent)
00:06 (musique)
00:32 - Jeannine, scène 1.
00:34 - Ta tour!
00:36 - Je suis née en 1937, avant la guerre.
00:39 Et mon papa est parti à la guerre.
00:41 C'est pour ça que ce sont mes grands-parents
00:43 qui m'ont élevée pendant longtemps.
00:45 Je suis née à Voiron, mais mes grands-parents habitaient Bilieu,
00:48 donc maman travaillait, mon papa était à la guerre.
00:50 Eh bien, mes grands-parents m'ont récupérée pour m'élever.
00:53 Et après moi, j'ai eu une petite soeur,
00:59 qui a 5 ans de moins que moi,
01:01 qui n'a jamais vécu chez mes grands-parents,
01:03 parce qu'à ce moment-là, mon papa était revenu de la guerre,
01:05 et mes parents étaient ensemble,
01:07 donc ma petite soeur est restée beaucoup plus avec mes grands-parents
01:10 que moi.
01:12 - Et elle s'appelait comment? - Ma soeur s'appelle Paul.
01:15 J'ai été gâtée, hein, chez mes grands-parents.
01:18 J'étais un peu chipie. (rire)
01:20 - Où es-tu née?
01:25 - Je suis née à l'hôpital de Voiron,
01:27 qui s'appelait à ce moment-là le château.
01:29 C'était un ancien château qui appartenait à M. Barral,
01:32 et qui a été vendu après à la ville de Voiron
01:34 pour en faire un hôpital.
01:36 Et pendant très, très longtemps, on disait pas "je vais à l'hôpital",
01:39 on disait "je vais au château".
01:41 Et sur mon état civil, c'est marqué "Jeannine, née au château".
01:45 Je suis châtelaine. (rire)
01:47 - Tu as un souvenir de guerre?
01:55 - Oui, j'ai un souvenir de guerre
01:57 parce que je suis née un petit peu avant la guerre,
01:59 et mon papa est parti à la guerre.
02:01 Ma maman, qui travaillait, m'a confié à mes grands-parents,
02:05 et mon grand-père était un grand blessé
02:08 de la Première Guerre mondiale.
02:10 Alors, les souvenirs, j'en ai pas vraiment
02:13 parce que j'étais toute petite.
02:15 Je me rappelle seulement qu'il y a eu des Américains
02:18 qui sont venus et qui habitaient dans des camions
02:22 ou des petites caravanes au bord du lac
02:25 et qui venaient voir mes grands-parents
02:27 pour leur demander s'ils pouvaient acheter
02:29 des pommes de terre pour se nourrir.
02:31 Et en compensation de ça,
02:33 ils donnaient à mes grands-parents des boîtes de conserve,
02:37 des boîtes de conserve qu'on appelait du singe.
02:40 Mais en fait, c'était très bon
02:42 parce que quand on ouvrait la boîte de conserve,
02:45 c'était un peu juteux à l'intérieur, c'était de la viande,
02:48 et nous mangeons ça avec des pommes de terre mouillies.
02:51 C'était très bon.
02:53 Et du bœuf, on appelait ça du singe.
02:56 Vous allez savoir pourquoi.
02:58 Je ne peux pas le dire, mais on a toujours parlé
03:00 des boîtes de singe données par les Américains.
03:03 - Comment est-ce que vous vous êtes marquée
03:10 quand ton papa est revenu de la guerre ?
03:13 - Quand papa est revenu,
03:15 la plus belle chose qui m'est arrivée,
03:17 c'est que je suis retournée avec mes parents
03:19 et mon papa, qui avait tellement eu peur
03:21 de ne pas revenir de la guerre,
03:23 il a été papa-poule avec moi.
03:26 Donc voilà.
03:28 Mais tu sais, les gens qui ont fait la guerre
03:31 et qui ont souffert à la guerre
03:33 et qui ont été malheureux pendant la guerre
03:35 quand ils n'étaient pas chez eux,
03:37 n'en parlaient pas beaucoup.
03:39 Je n'ai pas beaucoup entendu mon papa parler de la guerre.
03:42 Pour lui, c'était une histoire douloureuse,
03:44 donc il préfère ne pas nous en faire profiter.
03:46 ♪ ♪ ♪
03:51 La maison où j'habite est une ancienne école.
03:54 Alors, que je vous dise qu'à cette époque-là,
03:57 il y avait...
03:59 La maison que mon arrière-grand-père a rachetée
04:03 était l'école de garçons.
04:05 Et l'école de filles était un peu plus haut.
04:08 Alors pourquoi les garçons et les filles étaient séparés?
04:11 Parce qu'à ce moment-là, le curé du village
04:14 avait autant de pouvoir que le maire.
04:17 Et il fallait surtout que les garçons et les filles
04:20 ne soient pas ensemble.
04:22 Pourquoi les garçons et les filles étaient séparés?
04:25 Parce que M. le curé ne voulait pas.
04:27 Ils avaient peur qu'il soit un peu coquin entre eux, peut-être.
04:30 Je ne sais pas. Mais c'était comme ça depuis très, très longtemps.
04:33 Parce que ma maman, qui a été à l'école ici,
04:36 eh bien, c'est pareil,
04:38 elle n'était pas dans la même école que les garçons.
04:41 Ça fait drôle, hein?
04:43 Et toi, maintenant, quand on se sépare de tes copains à l'école,
04:46 tu serais contente? - Non.
04:48 - Non? Eh bien, voilà.
04:50 - Est-ce que les maths existaient?
04:52 - Alors, on disait pas les maths.
04:54 Oui, ça existait. On disait le calcul.
04:56 Puis on faisait beaucoup de calculs mentaux.
04:58 Maintenant, vous, vous avez vos petites calculettes.
05:01 Ça mène à rien. Nous, on faisait du calcul mental.
05:04 C'est-à-dire qu'on n'avait même pas le droit d'écrire.
05:07 On te donnait un chiffre et on te disait ça fait combien.
05:10 Hein? - Avant, il y en avait dans la tête, hein?
05:13 - Ah, il y en avait dans la tête, bien sûr!
05:15 Hein? Peut-être même un peu plus que maintenant,
05:18 parce qu'on n'avait pas tous ces outils à notre disposition.
05:21 - Hum! - Chut!
05:24 - Janine, scène 11.
05:27 Est-ce qu'il y avait des cours de dessin?
05:32 - Des cours de dessin, quand j'étais à l'école primaire, oui.
05:35 Et j'aimais bien ça.
05:37 Je... je pense que je me débrouillais pas trop mal.
05:41 - Moi aussi. - Toi aussi?
05:43 Ben, tu vois, on a les mêmes goûts.
05:46 - Est-ce qu'il y avait des cantines avant?
05:54 - Ah non, pas de cantine. Pas de cantine.
05:57 Alors, on revenait manger à la maison,
06:00 chez papa et maman ou chez les grands-parents.
06:03 Ou quand on pouvait pas, l'hiver,
06:05 on nous préparait une petite gamelle et puis on mangeait sur place.
06:08 Mais il y avait pas de cantine.
06:11 - Est-ce que vos stylos, ils se gommaient?
06:18 - Oh là là! J'avais pas de stylo! Mon Dieu, non!
06:21 J'avais un crayon-papier, tout simplement.
06:24 Et à l'école, quand j'étais plus grande et que j'étais à l'école à Warrom,
06:27 on avait... tu vois les bureaux comme ça?
06:30 Dans le bureau, dans un coin, il y avait un trou avec un...
06:33 un ancrier. Et on écrivait à la plume
06:36 en trempant la plume dans l'ancrier. J'ai connu ça.
06:39 Et on faisait des pâtés, hein. Quelquefois, ça coulait, l'encre.
06:42 Et quand on en faisait trop, on se faisait gronder par la maîtresse, hein.
06:45 - Est-ce que les tableaux, ils étaient noirs ou blancs?
06:48 - Ah, noirs! Et on avait de la craie blanche.
06:51 - Et est-ce qu'ils étaient sévères, tes parents?
06:54 - Mes parents n'étaient pas sévères, mais il y avait des...
06:57 il y avait des règles de conduite qu'il fallait respecter.
07:00 Il fallait se tenir bien à table,
07:03 il fallait pas répondre, il fallait pas employer de gros mots
07:06 et il fallait surtout être respectueux avec les grandes personnes.
07:09 C'est-à-dire, quand tu rencontrais quelqu'un,
07:12 eh ben, tu passais pas à côté comme un inconnu, tu disais bonjour.
07:15 Maintenant, on s'en moque un petit peu de tout ça, hein.
07:18 Hein, tu crois pas?
07:21 Oui, bon. D'accord avec... Je suis d'accord avec toi.
07:24 On s'en moque un petit peu.
07:27 Mais on n'était pas malheureux pour autant, hein.
07:30 Hein?
07:33 - Est-ce qu'il y avait des WC à l'école?
07:36 - Des quoi? - Des... des toilettes.
07:39 - Des toilettes? Ah ben non, malheureux!
07:42 Il fallait se débrouiller.
07:45 Pour faire pipi, on avait une cabane au fond du jardin, hein,
07:48 et on allait faire pipi dans la cabane.
07:51 Dans la cabane, il y avait un seau, un grand seau,
07:54 un grand tonneau, et on faisait pipi là.
07:57 C'était pas pratique, hein.
08:00 Alors, quand... l'été, ça va, mais quand il pleut ou qu'il fait froid,
08:03 aller faire pipi dehors, c'était pas drôle, hein.
08:06 Et pourtant, on est bien obligés de faire pipi.
08:09 Hein? Comment tu ferais, toi, maintenant,
08:12 si t'avais pas de toilettes dans ta maison?
08:15 Tu t'imagines aller faire pipi au bout du jardin?
08:18 Pas vraiment, hein.
08:21 ♪ ♪ ♪
08:24 - Quel métier vous avez?
08:27 - Il y avait dans le village.
08:30 Alors, dans le village, il y avait beaucoup d'agriculteurs.
08:33 Mes grands-parents étaient agriculteurs.
08:36 Mais il y avait aussi un métier que j'ai beaucoup aimé
08:39 parce que c'était pas loin de chez mes grands-parents
08:42 et j'allais le voir travailler avec plaisir.
08:45 C'était un sabotier, qui n'existe plus.
08:48 Mais il habitait à côté de l'église
08:51 et il avait un petit atelier et il fabriquait des sabots.
08:54 Alors, pour les grandes personnes, pour les enfants,
08:57 c'était ma foi. À l'époque, c'était joli.
09:00 Mais il y avait aussi, à Bélieu, une usine de tissage
09:03 qui est actuellement la salle des fêtes, voilà, exactement.
09:06 Et ici, il y avait des métiers à tisser.
09:09 Ma grand-mère était tisseuse
09:12 et travaillait beaucoup pour les soyeux,
09:15 les canuts de lion.
09:18 Ma grand-mère faisait de très beaux tissus
09:21 avec des métiers, c'était pas des métiers électriques, hein.
09:24 C'était des métiers qu'il fallait bouger comme ça
09:27 pour faire passer la canette avec les fils.
09:30 Alors, ma grand-mère était à l'usine, au tissage.
09:33 On disait pas le tissage, on disait la fabrique.
09:36 Mon grand-père était au champ
09:39 et la soeur aînée de mon grand-père, qui vivait avec eux,
09:42 elle avait le rôle de nounou, parce qu'elle a élevé
09:45 ma maman et tous les frères et soeurs de ma maman.
09:48 Et puis, il y avait ce qu'on appelle le bistrot.
09:51 Alors, dans la commune de Bélieu, il y avait un nombre
09:54 impressionnant de bistrots. Rien qu'à côté de l'église,
09:57 il y en avait déjà 2. Il y en avait au moins 3
10:00 au centre du village et il y en avait un peu plus loin,
10:03 qu'on appelle le quartier, qu'on appelle le David, je crois.
10:06 Et c'était le dimanche matin,
10:09 c'était même pas la peine de se pointer à la porte, c'était plein.
10:12 - Janine, c'est une 7.
10:16 - Pourquoi comme métier les...
10:22 Comment ça s'appelle?
10:25 - Les sourciers. - Les sourciers, oui.
10:28 - Alors, le sourcier, le frère de mon grand-père
10:31 était sourcier. Un sourcier, c'est un monsieur
10:34 qui essaie de découvrir dans la terre
10:37 les sources. Et ils ont des baguettes
10:40 et ils se promènent en tenant leurs baguettes
10:43 et à un certain moment, quand il y a de l'eau dans le sol,
10:46 les baguettes, elles se croisent comme ça.
10:49 Est-ce que c'est une attraction de l'eau? Je ne sais pas.
10:52 Mais ce qu'il y a de sûr, c'est que l'eau que j'ai
10:55 dans ma maison au bassin,
10:58 c'est mon grand-oncle qui l'a découverte
11:01 avec une source qui se trouve
11:04 vers le terrain de foot de milieu. Tu connais le terrain de foot?
11:07 - Oui. - Eh bien, à côté du terrain de foot,
11:10 un petit peu derrière, il y a une source qui a été découverte
11:13 par le frère de mon grand-père qui était sourcier.
11:16 - D'accord. - Parce que comme ils avaient des vaches,
11:19 eh bien, ils avaient fait un abreuvoir pour que les vaches
11:22 puissent venir boire tranquillement.
11:25 - Et ce métier-là, ça fait partie de l'agriculture ou...?
11:28 - Oh, c'était pas partie de l'agriculture,
11:31 mais le frère de mon grand-père qui vivait avec nous
11:34 était aussi agriculteur.
11:37 - Comment ils travaillaient, les paysans?
11:40 - Alors, les paysans, ils avaient des charrues
11:43 pour travailler la terre.
11:46 C'était pas des tracteurs comme maintenant, hein.
11:49 C'était des charrues. Il y avait un socle sur le côté
11:52 qui faisait des tranchées dans la terre.
11:55 Et la charrue était tirée par des chevaux ou par des bœufs.
11:58 C'était moins moderne que maintenant, hein.
12:01 - À la télé, sur Colantel, je l'ai vu, ça.
12:04 - Tu as vu ça à la télé? Oui, c'est fort possible.
12:07 - Les outils des agriculteurs, ils étaient comment?
12:10 - Ah bien, ils avaient des faux pour couper l'herbe.
12:13 Ils avaient des faux pour couper le blé,
12:16 parce qu'il n'y avait pas de moissonneuse-batteuse à l'époque
12:19 comme maintenant. On coupait le blé.
12:22 Et quand les moissons étaient finis, il y avait une batteuse
12:25 qui s'installait devant la maison et on passait les gerbes de blé
12:28 dans cet appareil, dans cette batteuse,
12:31 pour ressortir les grains de blé.
12:34 Est-ce que tu t'imagines vivre comme ça, toi, maintenant?
12:37 - Oui.
12:40 - Est-ce que tu penses que ça serait possible?
12:43 - Oui.
12:46 - Oui, tu penses vraiment? Tu te vois derrière la charrue
12:49 tenir la charrue étirée par les bœufs?
12:52 - Ça paraît compliqué.
12:55 Alors, mes grands-parents, ils allaient au moulin
12:58 qui était le moulin qui s'appelait Martin,
13:01 qui est maintenant le moulin Rose,
13:04 qui est tenu par monsieur Alégré Pilot.
13:07 Alors, on mettait les sacs de blé sur des chars
13:10 et on allait porter le blé et on récupérait la farine
13:13 pour faire le pain, parce qu'à ce moment-là,
13:16 le pain, on n'est pas chez le boulanger.
13:19 Chez moi, on pétrissait le pain dans un pétrin
13:22 et on cuisait le pain dans un feur à bois.
13:25 Chez mes grands-parents.
13:28 C'était drôlement bon.
13:31 Et il durait longtemps. Il devenait pas dur.
13:34 Et quand le four, quand on avait fini de cuire le pain,
13:37 on mettait à la place le gratin de pomme de terre
13:40 qui cuisait dans le four à pain.
13:43 Et on faisait ce qu'on appelle la poteringue.
13:46 La poteringue, c'était...
13:49 À la saison des prunes, on mettait des prunes
13:52 dans un plat de terre, on mettait du vin sur les prunes,
13:55 un peu de sucre et on mettait cuire dans le four à bois,
13:58 dans le four à pain.
14:01 - Vous faites du gratin dauphinois?
14:04 - Ah oui, bien sûr! Le vrai gratin dauphinois, sans fromage.
14:07 - Jeannine, scène 3.
14:10 - Et votre métier?
14:13 - Mon métier? J'étais professeure.
14:16 - Oh! C'est intéressant, ça!
14:19 - C'est intéressant, ça!
14:22 - Voilà pourquoi vous venez dans une école.
14:25 - Parce que j'aime bien les enfants.
14:28 Ça me fait plaisir de voir les enfants.
14:31 Mais j'étais professeure avec des grands,
14:34 avec des élèves de Terminal et de BTS.
14:37 Tu es encore loin de ça.
14:40 ...
14:43 - Alors, les paysans,
14:46 ils allaient à la messe le dimanche matin, souvent.
14:49 Quelquefois, ils n'allaient pas jusqu'au bout
14:52 parce qu'ils se retrouvaient au bistrot à côté
14:55 avec un petit canon de vin blanc.
14:58 J'y suis souvent allée avec mon grand-père
15:01 parce qu'après la messe, il y avait le petit canon de vin blanc
15:04 et il y avait le jeu de cartes.
15:07 - C'est quoi un canon de vin blanc?
15:10 - C'est un petit verre de vin blanc.
15:13 Il disait "je vais boire mon petit canon".
15:16 C'était un petit verre de vin, tout simplement.
15:19 Ce n'était pas un péché, hein?
15:22 C'était quelque chose qui était courant dans le village.
15:25 ...
15:28 ...
15:31 - Est-ce que le Noël,
15:34 on voulait le passer comme maintenant?
15:37 - Oui, on faisait des Noël en famille,
15:40 mais ce n'était pas du tout la même envergure que maintenant.
15:43 C'était beaucoup plus restreint, beaucoup plus familial.
15:46 - Est-ce qu'à Noël, tu avais beaucoup de jouets?
15:49 - Non, je n'avais pas beaucoup de jouets,
15:52 mais j'en avais quand même.
15:55 Je me rappelle qu'une année, j'ai eu un petit lit bleu
15:58 et dedans, j'avais un bébé, un baigneur.
16:01 J'étais fière, je peux te le dire.
16:04 - Est-ce que vous fêtiez les anniversaires comme aujourd'hui?
16:07 - On fêtait les anniversaires, mais pas comme aujourd'hui.
16:10 C'était beaucoup moins important.
16:13 Moi, je ne me rappelle pas, quand j'étais petite fille,
16:16 avoir fait des grands goûters d'anniversaire
16:19 avec mes copains et mes copines.
16:22 C'était en milieu restreint, en famille.
16:25 - C'était quoi tes cadeaux d'anniversaire?
16:28 - Je ne me rappelle pas trop.
16:31 C'était souvent un vêtement, c'était rarement un jouet
16:34 parce que ce n'était pas dans notre mode de vie.
16:37 Ma maman faisait un gâteau.
16:40 On plantait des bougies dessous le gâteau.
16:43 Tu as beaucoup de cadeaux, toi?
16:46 - Oui, ça va.
16:49 - Ça va.
16:52 - Jeannine, scène 4.
16:55 Est-ce qu'il y avait des magasins de jouets?
16:58 - Certainement, mais franchement, je ne me rappelle pas.
17:01 Je me rappelle seulement qu'une fois,
17:04 mon papa avait eu un accident sur son lieu de travail
17:07 et il m'avait emmenée promener dans une poussette.
17:10 Je devais avoir 5 ou 6 ans quand il est revenu de la guerre.
17:13 On était passés devant un magasin de jouets
17:16 et il y avait quelque chose qui me plaisait bien.
17:19 Mon papa m'a dit que si je voulais ça,
17:22 ce soir, je ne pourrais pas manger de pain
17:25 parce qu'il n'avait pas beaucoup de sous.
17:28 J'ai regardé mon papa et je lui ai dit
17:31 que je préfère qu'on mange du pain et pas avoir de jouets.
17:34 C'était vrai, mais c'est un très bon souvenir.
17:37 ...
17:40 - Est-ce que tu te baignais dans le lac?
17:43 - Sûrement pas! C'était interdit.
17:46 Le lac, c'était un lac de boule.
17:49 C'était interdit.
17:52 Le lac, c'était un plan d'eau qu'on regardait,
17:55 mais on n'avait surtout pas le droit d'aller s'y baigner.
17:58 Est-ce que tu vas te baigner au lac?
18:01 - Oui, mais pas loin.
18:04 - Pas loin, mais tu vas quand même dans l'eau.
18:07 Tandis que moi, quand j'étais petite, je n'avais pas le droit.
18:10 J'avais pas le droit d'aller au bord du lac,
18:13 mais je n'avais pas le droit d'aller dans l'eau
18:16 parce que les gens qui étaient autour de moi ne savaient pas nager.
18:19 Et s'il m'arrivait un accident, personne n'était là pour me repêcher.
18:22 Et puis ça ne se faisait pas.
18:25 Alors, je vais vous raconter une histoire qui est assez comique.
18:30 ...
18:38 Une soeur à ma maman avait un amoureux.
18:41 Et avec son amoureux, ils allaient au bord du lac.
18:44 Et comme à ce moment-là, les amoureux n'avaient pas le droit de sortir tout seuls,
18:48 ma tante Josette, elle emmenait sa nièce, qui était moi.
18:52 C'était une façon de dire, je peux aller rejoindre mon amoureux,
18:56 mais j'ai quelqu'un, je ne ferai pas de bêtises.
18:59 Et quand j'étais au bord du lac,
19:02 mon futur oncle me faisait des gros tas de cailloux.
19:05 Et il me disait, prends les cailloux, fais des ricochets dans l'eau.
19:08 Et pendant ce temps, derrière, il faisait des bisous.
19:11 ...
19:14 Ça a duré longtemps.
19:17 Ça a duré longtemps, parce que les 4 cailloux,
19:20 ils étaient importants pour que les bisous durent longtemps.
19:23 Alors tu penses bien que maintenant, on ne fait pas ça, hein?
19:26 Quand on a des amoureux, on n'emmène pas quelqu'un avec nous.
19:29 Tu dois emmener quelqu'un avec toi, ton amoureux, toi?
19:32 Pas vraiment, hein?
19:35 Bon, que tu crois que tu pourrais vivre comme ça maintenant?
19:38 Peut-être.
19:41 Peut-être?
19:44 Eh bien, tu sais, il faudrait vraiment faire des efforts,
19:47 parce que tu n'aurais pas toutes les facilités
19:50 que vous avez maintenant, les enfants.
19:53 Pendant les vacances, j'étais chez mes grands-parents.
19:56 Alors, quand c'était la période des moissons,
19:59 j'allais avec mes grands-parents couper le blé, faire les moissons.
20:02 Et puis, mon grand-père m'avait installé,
20:05 tu vois, sur la terrasse où j'habite,
20:08 il m'avait installé une balançoire.
20:11 Ah ben, je peux te dire, j'en ai fait des tours de balançoire.
20:14 Est-ce que tu faisais de la couture?
20:17 Ah, de la couture, oui, j'aimais bien ça, avec ma grand-mère.
20:20 D'ailleurs, je vais te dire que cette passion m'est un petit peu restée,
20:23 parce que quand j'étais un peu plus grande,
20:26 eh ben, mon papa m'avait dit, j'étais un petit peu coquette,
20:29 et mon papa m'avait dit, je veux bien que tu aies des robes,
20:32 mais je t'achète le tissu et tu te coupes ta robe.
20:35 Eh ben, c'est ce que j'ai fait.
20:38 Est-ce que les boutons, ça coûtait cher?
20:41 Les boutons? Les boutons qu'on met sur les jambes.
20:44 Ah, on mettait sur tout?
20:47 Alors, c'était très particulier, parce qu'on avait beaucoup de boutons en acre,
20:50 qu'on ne trouve plus maintenant.
20:53 Mais quand il y avait un deuil dans la famille,
20:56 on enlevait tous les boutons en acre et on les remplaçait
20:59 avec des boutons en tissu noir. C'était un signe de deuil.
21:02 Quels vêtements mettez-vous?
21:10 Eh bien, j'avais une robe toute simple,
21:13 mais on portait toujours un tablier ou une blouse.
21:16 Tout à l'heure, je vous ai parlé des sabots.
21:19 Eh ben, quand j'étais petite, je portais des sabots.
21:22 Et quand on allait à la messe le dimanche, on mettait une belle tenue,
21:25 et on disait, souvent j'entendais ma grand-mère qui disait,
21:28 "Déchange-toi, on va à la messe."
21:31 Et quand je revenais de la messe, elle me disait,
21:34 "Déchange-toi, remets tes vêtements."
21:37 Parce que les vêtements du dimanche, ils étaient beaux,
21:40 il ne fallait pas les abîmer et il ne fallait surtout pas les salir.
21:43 Est-ce que les voitures existaient avant?
21:46 Ah non, quand j'étais là, il n'y avait pas de voiture, pas du tout.
21:49 (musique)
21:52 On marchait, on marchait beaucoup, beaucoup, beaucoup.
22:03 Quand on voulait aller au centre du village, on y allait à pied.
22:06 Quand on voulait aller dans l'épicerie qui était au bout, on y allait à pied.
22:09 Quand on voulait aller au bord du lac, on y allait à pied.
22:12 C'était pas toujours facile.
22:15 Et la route n'était pas goudronnée.
22:18 C'était pas comme un petit chemin.
22:21 - Si vous alliez quelque part, est-ce qu'avant, les trains existaient?
22:29 - Les trains existaient à Voiron, oui, c'est sûr.
22:32 Mais il fallait aller chercher le train à Voiron.
22:35 Et pour aller où? On ne voyageait pas beaucoup à cette époque-là.
22:38 - Pourquoi? - Parce qu'on avait tout ce qu'il faut.
22:41 Et en clair, ce n'était pas la mode. Ce n'était pas la mode de voyager.
22:44 Les voyages sont arrivés quand on a eu plus de possibilités pour vivre.
22:51 Mais à cette époque-là, après la guerre ou pendant la guerre, on était plutôt prudent.
22:57 - Les avions existaient-ils? - Ils existaient sûrement.
23:00 Ça ne nous effleurait même pas l'esprit qu'on pouvait un jour prendre l'avion.
23:04 - Et ce que payez-vous avec des francs?
23:07 - Oui, on payait avec des anciens francs à l'époque.
23:10 Mais tu sais, en fait, on n'avait pas beaucoup besoin d'argent
23:14 parce qu'on faisait ce qu'on appelle le troc. On échangeait.
23:17 Je te donne des pommes de terre et tu me donnes un morceau de viande.
23:20 Ou je te donne du lait et tu me donnes du beurre.
23:22 Alors, les sous, on en avait besoin, c'est sûr.
23:25 Mais ce n'était pas notre occupation principale.
23:28 Ce qu'on prisait avant tout, c'était avoir ce qu'il fallait pour pouvoir échanger, faire du troc.
23:34 - Janine, quels étaient tons plats préférés?
23:41 - Mon plat préféré, quand j'étais chez mes grands-parents, je crois que j'en ai beaucoup.
23:45 Parce que j'aimais bien le gratin dauphinois que faisait ma grand-mère.
23:49 Sans fromage, parce que c'était un vrai gratin dauphinois.
23:53 J'aimais bien la carpe à la crème. C'était aussi ma grand-mère qui le faisait.
23:58 La carpe, c'est un poisson, hein? C'est un poisson qui a beaucoup d'arêtes.
24:02 Mais ma grand-mère, elle le faisait, et à l'intérieur du poisson, elle mettait de l'oseille.
24:06 Parce que l'oseille, l'acidité de l'oseille fait un petit peu fondre les arêtes.
24:10 C'était excellent avec de la crème.
24:13 Et j'aimais bien la rissole de châtaigne.
24:17 - La quoi? - La rissole de châtaigne.
24:19 C'est une grande poêle qui a des trous, et on met les châtaignes dedans, dans la cheminée.
24:27 Et ça pète un petit peu, mais c'est ce qu'on appelle la rissole de châtaigne.
24:31 Après, on enlevait la peau de châtaigne et on mangeait quelquefois avec du lait,
24:36 quelquefois à nature, quelquefois avec de la salade quand il y en avait.
24:40 - Où est-ce que tu achetais à manger?
24:43 - À manger? Ben, je n'achetais pas à manger, parce que dans la ferme de mes grands-parents, on avait à peu près tout.
24:49 Il y avait un potager, donc ils cultivaient les poireaux, les radis. On mangeait beaucoup de radis.
24:55 Ma grand-mère aimait ça.
24:57 On mangeait des carottes, des pommes de terre. Il y avait des volailles, des poules, des canards.
25:04 Et puis, parfois, il y avait un veau qu'on tuait, et on mangeait du veau.
25:08 Et puis, il y avait des lapins.
25:11 Alors, je vais vous raconter une anecdote qui va vous faire rire, parce que les lapins aiment beaucoup le son.
25:17 Le son, c'est le résidu du blé.
25:20 Et ma grande-tante mélangeait le son avec de l'eau, et elle donnait ça aux lapins, qui en étaient friands.
25:28 Et une année, ma tante m'avait fait une poupée.
25:33 Alors, pour faire la tête, elle avait mis une boule, et dedans, elle avait mis du son.
25:39 Elle avait mis des bras avec du son dedans.
25:42 Et moi, petite fille, voyant que les lapins aimaient le son, un jour, j'ai ouvert le clapier où était le lapin,
25:51 et je donnais ma poupée aux lapins qui ont mangé ma poupée.
25:55 Je ne dis pas ce que je me suis fait gronder, parce que ma tante m'a dit, c'est fini, je ne t'en ferai plus.
26:02 Et elle ne m'en a pas fait d'autre.
26:05 Oui, mais les lapins étaient contents. Ils avaient mangé la tête de ma poupée.
26:10 Est-ce que vous avez autant de choses que nous dans notre maison ?
26:15 Non, pas du tout. Pas du tout.
26:17 On n'avait pas de robot pour mixer la soupe, on avait un presse-purée,
26:23 on n'avait pas toutes ces choses modernes qu'on a maintenant, qui nous évitent de la peine,
26:28 mais on n'était pas malheureux pour autant. Au contraire, au contraire.
26:32 Quand j'étais petite chez mes grands-parents, au début, on n'avait pas l'eau sous l'évier.
26:36 On n'avait pas l'eau courante. Il fallait chercher l'eau au puits.
26:40 D'ailleurs, dans la ferme où j'habite, on a gardé le puits.
26:43 On ne l'utilise plus, on le garde comme décoration,
26:46 mais on allait puiser l'eau au puits pour laver la vaisselle, pour se faire la toilette.
26:52 Vous achetez comment, par exemple, des objets ? Vous achetez quoi ?
26:57 Les objets, il y avait quelques fois des marchands ambulants qui passaient,
27:03 qui avaient un petit peu dans leur carriole, dans leur charrette, comme si c'était un bazar.
27:10 On trouvait des casseroles, on trouvait des couverts, on trouvait… voilà.
27:14 Ils passaient une fois ou deux par an, comme ça.
27:16 Est-ce que vous avez des déchets, par exemple ?
27:24 Des déchets ? Alors, oui, certainement.
27:27 Mais les déchets végétaux, on les donnait aux poules,
27:32 parce que les poules, ça mange tout.
27:34 Les déchets de pommes de terre, les épluchés de pommes de terre,
27:39 on les faisait cuire dans des grandes lessiveuses, dans des grandes chaudières,
27:44 et on les donnait à manger aux cochons.
27:46 En fait, on n'avait pas beaucoup de déchets,
27:48 parce que des boîtes de conserve, on n'en utilisait pas beaucoup,
27:51 puisqu'on avait tout à portée de la main frais.
27:53 Et quand il y avait des déchets dont on ne pouvait pas se défaire avec les animaux autrement,
27:59 on faisait des trous dans la terre et on les mettait dans la terre.
28:02 On les ensevelissait.
28:06 Quand vous étiez adulte et qu'il y avait un anniversaire de votre famille,
28:17 comment vous le faisiez pour les appeler ?
28:20 Comment on faisait pour les appeler ?
28:22 Il y avait à ce moment-là ce qu'on appelait le télégramme.
28:24 Et puis, quand on était… Quelques temps après, il y a quand même eu le téléphone.
28:28 Et on appelait ça l'inter, on ne disait pas téléphone.
28:31 Il ressemblait comment les télégrammes avant ?
28:36 Les télégrammes, on allait dans une cabine téléphonique.
28:39 Ce matin, M. Chevalet en a parlé,
28:41 qui d'ailleurs c'était la maman de M. Chevalet, de Christian, qui tenait cette cabine.
28:45 Et puis on disait ce qu'on voulait mettre sur le télégramme.
28:48 Par exemple, "Bon anniversaire" ou "Joyeuse fête"
28:51 ou "Ta tante vient d'avoir un petit bébé".
28:53 On écrivait tout ça.
28:54 Ça se transmettait sur un petit papier.
28:56 Et ça arrivait, je ne sais pas comment, par la voie des ondes à destination.
29:01 Et c'était un monsieur ou une dame qui prenait ce papier
29:04 où était écrit le message et qui le portait à domicile.
29:08 Je me rappelle quand j'étais chez ma maman, quand j'étais un peu plus grande,
29:13 mon grand-père avait eu un grave accident avec un cheval qui lui avait donné un coup de pied.
29:18 Et on croyait que mon grand-père allait mourir.
29:20 Et il fallait prévenir sa fille, dont ma maman, qui habitait Voiron.
29:24 Et ma maman avait reçu un télégramme.
29:27 Est-ce qu'avant, vous vous ameniez des lettres,
29:32 par exemple, si vous étiez malade et que vous ne pouviez pas venir à un anniversaire ?
29:37 Oui, il y avait du courrier postal,
29:39 mais ça mettait beaucoup plus de temps que maintenant pour arriver à destination.
29:43 Il ne fallait pas dire ça, dans deux jours je vais avoir ma lettre.
29:46 Il fallait facilement compter une semaine.
29:48 Est-ce que vous alliez au cinéma ?
29:50 Oh non ! Oh surtout pas !
29:52 Ça n'existait pas le cinéma à ce moment-là.
29:54 Il y en avait certainement à Voiron,
29:56 mais dans les petits villages de campagne, on ne savait même pas ce que c'était.
30:00 Est-ce que vous avez des télés ?
30:07 Ah ben non, pas du tout, encore moins !
30:09 Mon grand-père, pendant la guerre, il avait un poste de radio.
30:15 On appelait ça un poste à galènes.
30:18 Et il écoutait les informations.
30:20 Je me rappelle qu'il disait "taisez-vous, le général de Gaulle va parler".
30:25 Et on écoutait ce que le général de Gaulle nous disait pendant la guerre.
30:29 Avec un poste à galènes, c'était un poste qui était carré comme ça,
30:32 et devant on aurait dit qu'il y avait un petit rideau.
30:34 Mais la télévision, ça n'existait pas, bien sûr que non.
30:37 Janine, scène 5.
30:49 Le village de Billieux était comment ?
30:51 Le village de Billieux a beaucoup changé du côté de l'urbanisme.
30:56 C'est-à-dire qu'il y a beaucoup de maisons.
30:58 Avant, c'était un village qui était très rural,
31:01 où il y avait beaucoup de prés à vaches.
31:04 Il y avait des troupeaux de vaches de partout.
31:06 À côté de votre école, où vous êtes là maintenant, c'était des prés à vaches.
31:16 Je veux bien qu'ils perçoient la différence qu'il y a
31:20 entre comment on vivait nous et comment tu vis toi.
31:23 Est-ce que tu t'en rends compte ?
31:26 Oui.
31:28 Et tu penses qu'on avait de la chance, nous, quand on était petits ?
31:31 Non ? Eh bien moi je te dis qu'on avait beaucoup de chance.
31:34 On avait autour de nous beaucoup d'affection,
31:37 beaucoup de solidarité, et ma foi, on n'était pas du tout malheureux, au contraire.
31:43 On avait de l'affection, on avait de la nourriture,
31:46 on avait un beau paysage, de la gentillesse pleine autour de nous.
31:50 Je m'appelle Zanine, j'ai 6 ans.
31:57 Est-ce que vous connaissez ma maison ?
32:04 Très bien. Je vais te raconter l'histoire de ta maison.
32:08 Mes grands-parents, tu sais où j'habite, c'était une ferme.
32:12 Et la maison où tu habites, c'était la cure du village.
32:15 Tu le sais ça ?
32:17 La cure, c'est le presbytère.
32:19 L'endroit où le curé habitait.
32:22 Où le curé habitait.
32:24 Et dans les dépendances de la cure,
32:27 il y avait un local réservé aux corbillards.
32:31 Et quand il y avait un enterrement,
32:35 eh bien c'était grandiose,
32:37 parce qu'il fallait cirer les sabots des chevaux,
32:40 pour que les sabots soient brillants.
32:43 Il fallait nettoyer les jantes des roues du corbillard.
32:47 Et je connais bien le problème,
32:49 parce que le corbillard, c'était mon tonton qui le conduisait.
32:52 Il y a eu une période où le curé était parti,
32:56 il fallait sonner les cloches.
32:58 C'était ma tante qui allait sonner les cloches.
33:01 Il n'y avait pas de sonnerie électrique comme maintenant.
33:04 Et mon plus grand bonheur, c'était d'y aller avec ma tante,
33:07 et de tirer sur les cordes.
33:09 Et quand les cordes remontaient, j'étais petite, je remontais avec.
33:13 C'était un vrai jeu.
33:15 Et les parents de Marius,
33:17 sont les troisième personnes qui habitent dans la cure.
33:21 Les troisième... voilà.
33:23 Mais ils l'ont bien arrangé.
33:25 Ça a beaucoup, beaucoup changé.
33:27 - Ah oui. - Hein?
33:28 - Oui. - Oui, tu es d'accord.
33:30 Moi aussi.
33:31 Mignon.
33:34 Il a deux frères qui sont adorables,
33:37 Oscar et Clovis.
33:39 C'est vrai, hein?
33:40 Même l'autre jour, j'entendais de l'autre côté du champ,
33:42 "Jeannine!"
33:43 C'était Marius qui m'a fait...
33:45 Hein?
33:47 Oui.
33:48 Mais je voudrais quand même vous parler de quelque chose
33:56 qui m'a beaucoup marquée,
33:58 et que j'ai beaucoup appréciée,
33:59 c'est la mondée.
34:01 Est-ce que vous savez ce que c'est que la mondée?
34:03 - Non. - Non.
34:04 Eh bien, il y avait dans le village
34:07 beaucoup de noyés pour ramasser des noix,
34:10 et il fallait les casser,
34:12 parce qu'avec les cerneaux de noix, on faisait de l'huile.
34:14 Mais pour les casser, ça prenait beaucoup de temps,
34:17 et on faisait des veillées,
34:19 qu'on appelait... la veillée s'appelait la mondée.
34:22 Alors chacun, dans...
34:24 chacun à son tour, dans les maisons du village,
34:26 on se réunissait, on cassait les noix
34:29 pour ramasser les cerneaux.
34:31 Et on faisait ça le soir, après le repas,
34:33 entre 8 h, quelquefois, ça se terminait un peu tard,
34:36 parce qu'après la mondée,
34:38 on avait une petite récréation.
34:40 On buvait du vin chaud, hein?
34:43 - Les enfants, ils buvaient du vin chaud?
34:44 - Non, bien sûr que non! Bien sûr que non!
34:47 Les enfants, ils avaient... une limonade!
34:50 Ils avaient droit à la limonade.
34:51 Mais on buvait... les adultes, ils buvaient du vin chaud,
34:53 et on chantait.
34:55 Et j'avais un cousin qui jouait de l'accordéon.
34:57 Alors quelquefois, on dansait un petit peu, hein?
35:00 Et quand j'étais petite, mon cousin,
35:02 il me mettait sur ses genoux pour jouer de l'accordéon.
35:05 Et ma punition, c'était, si j'avais pas été sage dans la journée,
35:08 j'avais pas droit aux genoux du cousin.
35:10 ♪ ♪ ♪
35:16 - Jeannine, c'est une 8.
35:19 ♪ ♪ ♪
35:24 Est-ce que vous allez souvent chez le docteur?
35:26 - Non, on n'allait pas souvent chez le docteur.
35:29 Alors, je vais te raconter quelque chose
35:31 qui est un petit peu surprenant,
35:33 et je peux te dire que c'est vrai,
35:35 parce que ça m'est arrivé.
35:36 Quand j'étais petite, chez mes grands-parents,
35:38 une fois, je suis tombée,
35:40 et je me suis bien abîmée l'épaule.
35:43 De ce côté, j'avais cassé mon épaule.
35:47 Mais c'était loin, voyons!
35:49 Et il y avait dans le village
35:51 une dame qu'on appelait la rebouteuse,
35:53 qui s'appelait Rosalie.
35:55 Et on disait, "à ta malle à l'épaule,
35:57 "eh bien, on va aller voir la Rosalie."
35:59 Et la Rosalie, c'était une dame
36:01 qui avait des pouvoirs
36:03 de remettre les choses en place.
36:05 Alors, elle massait,
36:07 et puis, évidemment, ça me faisait mal.
36:09 Elle mettait de l'eau de vie dans sa main,
36:11 de l'eau de vie qu'on fabriquait ici.
36:14 Elle frottait ses mains pour se chauffer les mains,
36:17 et après, elle me massait.
36:19 Eh bien, je n'ai jamais eu besoin
36:21 d'aller chez le médecin pour me faire réparer mon épaule,
36:24 et je n'ai jamais eu de traces
36:26 après.
36:28 On disait, "Ah, je me suis fait mal,
36:30 "je me suis fait une entorse.
36:32 "On va chez la Rosalie."
36:34 Elle habitait au Grand milieu.
36:36 - Jeannine, c'est 9.
36:46 Est-ce que vous auriez vu
36:52 le lac...
36:54 - Non.
36:56 - Le village disparu sous le lac?
36:58 - Non. Non. Et je vais même te dire
37:00 que quand j'étais petite fille,
37:02 on n'en parlait pas.
37:04 On parlait surtout du quartier
37:06 de Versars, qui est de l'autre côté
37:08 du lac, en allant sur Paladru-Lepin.
37:10 Alors, je vais t'expliquer une légende.
37:12 Je ne sais pas si elle est vraie,
37:14 mais quand il y avait du gros orage
37:16 avec du gros tonnerre,
37:18 et ça faisait peut-être un petit peu peur,
37:20 j'en sais rien, mais on disait
37:22 que c'était les cloches qui étaient au fond
37:24 de l'eau du village de Versars qui se fâchaient.
37:26 - Ah bon? - Oui.
37:28 Ah bon? Ça fait peur, hein? - Non.
37:30 - Et ma tante,
37:32 ma grande-tante me disait
37:34 "Sois gentille parce que les cloches se fâchent."
37:36 Je pense que c'était
37:38 une légende.
37:40 - Alors, une pure légende.
37:42 - Ah oui, une pure légende, oui, sûrement.
37:44 Mais quand même, le village
37:46 sous l'eau, il existe, hein?
37:48 Parce qu'il était à Colthières
37:50 et il y a eu des recherches archéologiques
37:52 qui ont eu lieu ici.
37:54 - Eh bien, je pense que moi,
37:58 j'ai retrouvé un bout de vase.
38:00 - Ah bon? - Parce qu'il y avait
38:02 une sorte de truc en verre.
38:04 - Ah ben, c'est possible, hein? C'est possible.
38:06 - Est-ce qu'avant, la France s'appelait la Gaule?
38:14 - Oh là là! Oui, ça, c'est vrai.
38:16 Mais il y a très, très, très longtemps en arrière,
38:18 j'ai jamais entendu dire ça autour de moi.
38:20 - Moi, j'ai vu ça dans un livre.
38:22 - Oui, mais c'est vrai.
38:24 Ce que tu dis, c'est vrai.
38:26 Mais c'est il y a longtemps qu'on parle plus de la Gaule
38:28 pour parler de la France, hein?
38:30 - Ah. - Ah.
38:32 - Est-ce que l'or existait? - L'or?
38:34 L'or, le bijou en or?
38:36 - Non, juste l'or.
38:38 - Ben, bien sûr.
38:40 Ça a toujours existé, l'or.
38:42 C'est un matal précieux
38:44 qui représentait une fortune pour les gens qui en avaient.
38:46 - Ah!
38:48 ♪ ♪ ♪
38:50 ♪ ♪ ♪
38:52 Pourquoi êtes-vous venue à l'école
38:54 pour nous poser des questions?
38:56 - Oh là là! Voilà une grande question.
38:58 Alors d'abord, parce que j'aime beaucoup les enfants,
39:00 déjà, et que je suis contente d'être là,
39:02 parce que c'est une école
39:04 qui est moderne, que je ne connaissais pas,
39:06 et c'est toujours agréable
39:08 de découvrir quelque chose quand on a été
39:10 petite fille dans le village et qu'on n'a pas connu ça.
39:12 - Ah!
39:14 Quel vœu avez-vous
39:16 pour l'avenir?
39:18 - Oh là là là là là!
39:20 Alors pour l'avenir,
39:22 qu'est-ce que je vais pouvoir te dire?
39:24 D'abord, je voudrais que tous les gens soient heureux.
39:26 Déjà.
39:28 Je voudrais qu'il n'y ait plus de guerre dans le monde.
39:30 Et puis je voudrais que les enfants
39:32 qui sont avec moi ou jouent avec nous aujourd'hui
39:34 grandissent dans la paix
39:36 et arrivent à se faire un beau métier pour vivre heureux,
39:38 pour vivre bien.
39:40 T'es content? Ça t'ira? - Oui.
39:42 - C'est la ligne!
39:44 Applaudis!
39:46 - Merci à vous!
39:48 (applaudissements)
39:50 - Bravo!
39:52 - Bravo, maman, t'es chouette!
39:54 - Tu nous suis!
39:56 (rires)
39:58 (musique douce)
40:00 ♪ ♪ ♪
40:02 ♪ ♪ ♪
40:04 ♪ ♪ ♪
40:06 1
40:08 1
40:10 1
40:12 1
40:14 1
40:16 1
40:18 ♫ Musique joyeuse ♫
40:35 ♫ Musique joyeuse ♫
41:05 ♫ Musique joyeuse ♫
41:17 ♫ Musique douce ♫

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