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00:00 C'est donc un témoignage bouleversant que nous allons entendre ce matin. Celui d'une mère de famille qui a perdu son fils.
00:05 Anthony, tu as 30 ans dans un accident de la route sur la rocade de Bordeaux. C'était au début de l'année 2022.
00:10 Et puis cette maman mène un combat en justice contre le chauffard responsable de l'accident.
00:15 Bonjour Laurence Papon Fournier. Merci d'être avec nous déjà ce matin en studio.
00:20 Pouvez-vous nous raconter un petit peu ce qui s'est passé, cet événement qui a fait basculer votre vie en janvier 2022 ?
00:26 Eh bien le 18 janvier à 8 heures du matin, deux policiers sont venus frapper à la maison.
00:33 Donc quand j'ai ouvert la porte et que j'ai vu police et qu'ils m'ont demandé si j'étais bien la maman d'Anthony,
00:40 je leur ai dit que oui et qu'il avait eu un grave accident et s'il pouvait rentrer dans la maison.
00:46 Alors le fait de me dire "allez vous asseoir, est-ce que je peux rentrer ?"
00:52 J'ai vite compris que c'était grave et là ils m'ont annoncé qu'Anthony était décédé le 17 janvier à 22h15
01:02 et qu'il avait été tué dans un grave accident de la route.
01:05 Alors au début on ne sait pas, tout s'effondre.
01:09 J'y croyais pas, surtout que trois jours avant je perdais mon papa aussi.
01:13 Donc c'était très très compliqué, je suis restée pendant presque deux mois dans le déni.
01:18 Je pensais qu'Anthony allait... Excusez-moi.
01:21 Je vous en prie.
01:23 Ouvrir la porte encore une fois de plus.
01:26 Et puis là, quand il faut aller choisir le cercueil,
01:32 on commence à comprendre que tout est fini, que tout s'arrête, qu'il faut aller porter plainte.
01:39 Et puis là on apprend que c'était un délinquant multirécidiviste,
01:43 que trois mois avant les faits il était déjà arrêté pour des faits de délinquance routière.
01:49 Et ça, ça m'a choquée.
01:51 Parce que je me suis dit que, avec tous les délits qu'il avait fait,
01:56 pourquoi est-ce qu'il n'était pas déjà en prison ?
01:58 Pourquoi on ne l'avait pas stoppé ?
02:01 Donc je me dis que si trois mois avant ça il avait été mis en prison,
02:05 pour qu'on le stoppe une bonne fois pour toutes et pour qu'ils comprennent
02:08 que prendre une voiture quand on est sous stupéfiants,
02:12 sous peut-être protoxyde d'azote, c'est dangereux.
02:16 Et qu'il roulait beaucoup trop vite.
02:19 Et tout s'arrête.
02:21 Vous menez un combat, un combat administratif, qui a duré onze mois.
02:27 Onze mois de bataille administrative avec les différents organismes
02:32 qui mettent la mutuelle Amie Anthony en demeure de payer ses cotisations,
02:38 alors qu'ils avaient reçu les actes de décès.
02:40 On a eu un huissier, puisqu'il ne payait pas ses cotisations.
02:46 Lorsqu'ils nous ont rendu une première fois les cotisations d'Anthony,
02:51 après ils nous les ont reprises sans nous prévenir.
02:54 La banque, il a fallu se battre, les harceler pour qu'ils restituent tout le capital d'Anthony.
03:00 La compagne d'Anthony a été maltraitée aussi au niveau de Paul Emploi,
03:04 puisqu'Anthony était en reconversion professionnelle,
03:06 il devait devenir professeur de judo.
03:08 Paul Emploi lui a demandé de mettre une phrase,
03:12 "Je sollicite l'allocation décès pour mon conjointe décédée".
03:16 Sans cette phrase magique,
03:18 elle n'avait pas le droit à cette allocation qui aurait dû être versée sans ça.
03:24 C'est un droit qu'ont les victimes, pourquoi il faut qu'elles le mendient leur droit ?
03:30 Et au-delà de ce combat administratif que vous décrivez,
03:34 Laurence Paponfournier, il y a un combat judiciaire aussi pour vous,
03:37 parce qu'actuellement, on peut dire que rien ne s'est passé ?
03:40 Rien du tout, on est toujours dans l'attente d'un procès.
03:44 Moi, depuis le 22 février 2022, j'alerte les politiques.
03:48 J'ai écrit aux 577 députés et j'écris très souvent.
03:52 Et la première fois, j'ai reçu quatre réponses de leur part.
03:55 Ensuite, j'ai fait un témoignage à la mémoire de mon fils,
03:58 où je racontais vraiment tout ce qui s'est passé depuis l'annonce de son décès,
04:04 jusqu'à ce que je puisse rencontrer, j'ai eu la chance de rencontrer,
04:08 la deuxième juge d'instruction qui était chargée de l'affaire d'Antony,
04:12 et qui nous apprend également ce jour-là que le délinquant d'Antony a fait six mois de prison,
04:16 mais qu'il est relaxé.
04:18 Alors, relaxé, c'est très dur,
04:22 surtout quand on apprend que ce jeune homme,
04:25 même en prison, n'a pas respecté le règlement pénitentiaire.
04:30 Et ça, c'est encore plus frustrant.
04:32 - Et aujourd'hui, vous réclamez qu'il y ait des peines plus sévères.
04:36 On parle, là récemment, a été voté la notion d'homicide routier.
04:40 - Voilà.
04:41 - C'est quelque chose que les familles de victimes réclamaient depuis longtemps,
04:44 mais je crois que ça ne vous satisfait pas plus.
04:46 - Alors, c'est vrai que quand on vous annonce un homicide involontaire, c'est choquant.
04:50 Parce qu'il n'y a rien d'involontaire lorsque vous prenez votre voiture,
04:55 et que vous êtes sous stupéfiants ou alcool,
04:58 et que vous roulez très vite.
05:00 Vous savez que votre voiture peut devenir une arme.
05:03 Ça, ce n'est pas entendable au niveau des familles de victimes.
05:07 Donc, homicide routier, je trouve que c'était plus approprié.
05:11 Mais l'homicide routier sans une justice qui va avec,
05:17 c'est vide.
05:18 - Les sanctions, vous voulez dire ?
05:19 - Voilà, les sanctions qui aillent avec, c'est vide.
05:21 Ils ont changé homicide involontaire en homicide routier.
05:24 C'est tout ce qu'il y a.
05:25 À part que maintenant, alors la vitesse autrefois c'était 30 km/h,
05:30 si elle était au-dessus de 50,
05:33 c'était une circonstance aggravante, et maintenant c'est 30.
05:38 Mais c'est tout.
05:39 Les familles de victimes ne sont pas aidées.
05:41 Je peux vous assurer que lorsque vous vous retrouvez face à ce drame,
05:44 vous ne savez pas vers qui vous tourner.
05:46 Alors moi, on m'a conseillé d'aller vers des associations.
05:49 Il existe deux associations en France qui sont, comment dire,
05:54 aidées par les collectivités pour les familles de victimes.
05:57 Moi, j'en ai contacté une.
05:59 Elles sont toutes sur Bordeaux.
06:01 À part une qui a une antenne sur Liban.
06:04 Et je peux vous assurer que moi, pendant plus d'un an,
06:07 je n'ai pas pu aller sur Bordeaux.
06:09 C'était impossible.
06:10 J'en ai trouvé une sur Liban, donc j'ai pu aller sur Liban,
06:13 mais on n'a pu me prendre que six mois après
06:15 parce qu'il y avait un délai d'attente.
06:16 - Vos témoignages ce matin sur France Bleu Gironde au 0556-1910,
06:20 comme celui de Jean-Baptiste également avec nous.
06:22 Bonjour Jean-Baptiste.
06:23 - Bonjour Jean-Baptiste.
06:24 - Oui bonjour.
06:26 À l'Eule, j'explique à la dame.
06:28 Je comprends tout à fait.
06:29 Moi aussi, j'ai été victime aussi.
06:33 Alors le monsieur, je suis à l'air de le suivre.
06:36 Il y a sept mois de ça, ma femme est morte dans un accident de voiture.
06:40 Le monsieur est arrivé très vite à une intersection.
06:43 Il n'a pas respecté le cd de passage.
06:45 Il n'a pas respecté la priorité à droite.
06:47 Il est venu taper la voiture et tuer ma femme sur le cou
06:50 après 36 ans de vie commune,
06:52 après 31 ans de mariage.
06:54 Par contre, la justice a été assez vite
06:56 puisque le jugement a été prononcé le 19 mars dernier.
07:00 Malgré qu'il ait tué une personne, ce monsieur,
07:03 il se retrouve justement avec 18 mois de retrait de permis seulement.
07:08 Il a 24 mois de prison à mes sursis.
07:11 Il ne fera pas, il ne fera pas un jour de prison.
07:13 Il n'aura pas un bracelet électronique.
07:15 C'est un monsieur qui a eu déjà beaucoup d'antécédents routiers.
07:21 Et le tribunal n'a pas jugé bon de lui retirer son permis de conduire à vie
07:28 parce que moi c'est ce que je demandais.
07:30 Donc c'est-à-dire que dans 18 mois,
07:32 il pourra reprendre sa voiture et retuer des personnes.
07:34 C'est ce que je trouve lamentable.
07:36 - Vous aussi vous pensez qu'il faudrait des sanctions plus dures
07:40 pour les délinquants routiers, Jean-Baptiste ?
07:42 - Il faudrait des sanctions très très dures.
07:44 Très très dures parce que quand on se retrouve veuf,
07:47 c'est-à-dire voilà, quand on tue une...
07:49 On ne lui a même pas demandé de dommages et intérêts.
07:51 Il ne va pas payer.
07:53 Il continue sa vie comme si rien n'était.
07:55 Ce monsieur, voilà.
07:56 - C'est ça.
07:56 - Alors qu'il a tué une personne
07:58 et il a grièvement blessé ma belle-mère qui conduisait mon épouse.
08:02 Voilà.
08:04 - Merci beaucoup pour votre témoignage ce matin, Jean-Baptiste.
08:08 C'est ça que vous déplorez.
08:10 C'est un côté peut-être inhumain aussi.
08:12 - C'est complètement inhumain parce que honnêtement,
08:15 les victimes, les familles de victimes,
08:17 on n'en s'en occupe pas.
08:20 Il n'y a que le délinquant qui est aidé.
08:22 Il a l'avocat comité fils.
08:24 Il peut avoir un médecin, un psychologue,
08:26 une aide à la réinsertion.
08:28 Est-ce que quelqu'un de l'État est venu nous voir
08:30 si nous, on avait besoin d'une aide à la réinsertion ?
08:32 Moi, je vais voir une psychologue, je paie.
08:35 Je suis obligée de payer.
08:37 Je suis obligée de justifier,
08:39 même de mon malheur.
08:41 Mais c'est... Il n'y a rien.
08:43 On n'est pas écouté,
08:45 on n'est pas entendu,
08:47 on est bafoué.
08:49 - Heureusement, des faits divers,
08:51 parce que c'est comme ça qu'on appelle ça,
08:53 qui ont touché des personnalités publiques.
08:55 Je pense à l'affaire Pierre Palmat,
08:57 je pense à la mort du fils de Yannick Allénaud,
08:59 le chef étoilé notamment de Saint-Emilion,
09:01 qui ont un peu mis sous les projecteurs
09:03 ces affaires de délinquance routière.
09:05 Est-ce que vous pensez que ça a un peu servi la cause ?
09:07 - Honnêtement, oui.
09:09 Parce que sans ça,
09:11 puisque moi je fais partie du collectif Justice Victime Routes,
09:13 ces personnes-là
09:15 demandent depuis 10 ans l'homicide routier.
09:17 Jamais elles n'ont été entendues.
09:19 Il y a des propositions de loi
09:21 qui ont été portées devant
09:23 l'Assemblée Nationale, mais elles n'ont jamais été débattues.
09:25 Donc,
09:27 c'est malheureux,
09:29 mais sans la médiatisation
09:31 de ces affaires, et surtout trois policiers
09:33 aussi, n'oublions pas, à Villeneuve-Dask,
09:35 qui ont été tués par un délinquant,
09:37 sans ces affaires-là, jamais l'homicide
09:39 routier n'aurait été débattu
09:41 ou voté, malgré ce que peut dire M. Dupont-Moretti
09:43 ou Mme Elisabeth Borne,
09:45 lorsqu'elle l'a annoncé, ou M. Darmanin.
09:47 Jamais ça n'aurait été débattu.
09:49 Les simples citoyens,
09:51 je pense que les citoyens inconnus,
09:53 comme nous,
09:55 comme Anthony,
09:57 on ne s'en occupe pas.
09:59 - Aujourd'hui, vous continuez à alerter les politiques.
10:01 - Hier, j'ai envoyé
10:03 577 mails
10:05 pour leur dire ce que je pense
10:07 de la loi qu'ils ont faite.
10:09 - Qui vient d'être votée récemment.
10:11 Sur l'homicide routier.
10:13 - Elle ne vaut rien.
10:15 La seule chose que je leur dis,
10:17 je finis par ces drames.
10:19 Ces drames ne sont pas une fatalité.
10:21 Ils n'arrivent qu'aux autres, jusqu'au jour où les autres
10:23 s'y n'ont, c'est vous. Malheureusement,
10:25 lorsque vous comprendrez réellement le sens de cette phrase,
10:27 il sera sans aucun doute
10:29 trop tard pour vous.
10:31 Parce qu'ils ne l'ont pas compris, cette phrase.
10:33 Ils n'ont rien fait.
10:35 Ils ne nous ont pas entendu.
10:37 Rien n'est fait.
10:39 - Votre combat est mené aussi,
10:41 quand ces gens recommencent.
10:43 C'est ça votre...
10:45 - Moi ce que j'ai peur,
10:47 au vu du délinquant d'Antony,
10:49 je pense que pour certains,
10:51 ça va faire peur.
10:53 Mais il y en a d'autres,
10:55 il continuera.
10:57 Et surtout, moi, ce que je veux,
10:59 c'est sincèrement,
11:01 dans l'homicide involontaire,
11:03 puisque moi, il sera jugé comme homicide involontaire,
11:05 avec deux circonstances aggravantes,
11:07 il risque jusqu'à 10 ans.
11:09 Il risque. Seulement moi, je veux qu'il prenne ses 10 ans.
11:11 Je sais que ça ne me rendra pas
11:13 enthousiaste. Mais je veux qu'il comprenne
11:15 la douleur,
11:17 le manque que ça représente.
11:19 Et surtout,
11:21 que ça serve de leçon
11:23 aux futurs assassins.
11:25 Parce que pour moi, il est un assassin.
11:27 Malgré que je ne dois pas
11:29 le qualifier de cette façon.
11:31 - Merci beaucoup, Laurence Papon-Fournier
11:33 d'être venue témoigner ce matin.
11:35 - Merci beaucoup de nous recevoir.
11:37 Par contre, je voulais juste dire que le 11 mai,
11:39 à Bordeaux, il y a une table
11:41 en hommage aux victimes de la Gironde,
11:43 qui se tiendra à Place Péberlan.
11:45 Et je lance aussi un appel
11:47 à M. Macron, notre président.
11:49 On demande une journée nationale
11:51 pour les victimes
11:53 de la route. Et on la demande
11:55 depuis très longtemps également.
11:57 Et on aimerait qu'elle soit faite le 16 mai.
11:59 - Le message est passé.
12:01 Merci beaucoup, Mme Papon-Fournier.
12:03 Merci pour ce témoignage que vous réécoutez d'ailleurs.
12:05 si vous nous écoutez ce matin sur francebleu.fr