Placé en détention provisoire mardi soir, le maire du Barcarès (Pyrénées-Orientales) Alain Ferrand est mis en examen notamment pour "corruption", "favoritisme", "blanchiment" et "association de malfaiteurs". "Il ne devrait pas rester maire", selon l'association Anticor.
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00:00Mais avant, on revient sur l'affaire à Alain Ferrand. Le maire du Barcares vient de passer sa deuxième nuit en prison,
00:06placé en détention provisoire après 48 heures de garde à vue. Alain Ferrand est poursuivi notamment pour corruption,
00:13favoritisme, prise illégale d'intérêts,
00:15association de malfaiteurs et blanchiment. Ça concerne l'organisation du village de Noël du Barcares depuis 2012.
00:21On y revient donc avec notre invité Suzanne Chojaï. Bonjour Didier Melmou. Bonjour. Vous êtes le référent d'Anticor dans les Pyrénées-Orientales.
00:28Anticor, c'est une association anti-corruption.
00:31C'est votre association qui avait fait un signalement à la justice il y a deux ans. Qu'est-ce qui vous a poussé à l'époque à
00:37formuler ce signalement ? Alors à l'époque, on s'est aperçus dans la gestion du village de Noël que
00:43tous les appels d'offres qui concernaient les structures, l'entretien, l'installation, le démontage,
00:49et y compris les
00:51postes de secours du Barcares, qui font un petit peu un aspect Miami Beach.
00:56Sur la plage ? Oui, sur la plage. Toutes ces choses-là avaient été attribuées à la même société.
01:03Après en cherchant un tout petit peu, parce que Internet est un outil magique, comme on dit, puis
01:07on s'est aperçus qu'on avait des photos des chalets concernés
01:11avant même
01:13que l'appel d'offres soit fini.
01:15Donc on a très vite suspecté un problème d'attribution et de manque de concurrence.
01:21Et on est parti donc au début sur le dossier avec une histoire de marché public
01:28sans concurrence. Alors de quoi exactement est soupçonné Alain Ferrand ? Alors le premier, c'est favoritisme, c'est-à-dire d'avoir attribué
01:35des marchés publics
01:38à une société sans le respect de la réglementation.
01:42Alors ça veut dire que ce soit des chalets qui sont
01:46achetés
01:47et reçus avant même que les appels d'offres soient finis, empêchant toute concurrence.
01:52Il y a aussi le fait que cette société a eu le droit à des appels d'offres qui se
01:57chevauchent, on va dire, sur les démontages-montages, ce qui fait qu'il y avait des contrats de trois ans qui se chevauchent les uns sur les autres.
02:03Alors est-ce que tout a été payé ou est-ce que l'un a remplacé l'autre ? On ne peut pas le savoir, mais
02:09théoriquement c'est un contrat. Un contrat doit être honoré. Donc quand il se chevauche, on paye deux fois.
02:13Enfin, les contribuables, peut-être deux fois. Ça c'est un deuxième point. Ensuite,
02:18voilà, ça c'était la première chose. La prise illégale d'intérêts qui a été un peu reprochée,
02:22c'est plus sur une histoire
02:24qui a eu un transfert de permis de construire du patron de la société Nordica, donc qui est mise en cause.
02:29Qui est basée à Bolcaire.
02:31Donc un transfert d'un permis de construire par un chalet de luxe à une société civile immobilière où le maire d'Uberquerres a des intérêts.
02:39Donc voilà, ça nous a laissé un peu pensible. On s'est dit tiens, c'est quand même étonnant que cette société qui a tous les appels d'offres
02:45fasse un transfert de permis de construire pour un chalet luxueux à Pyrénées 2000,
02:50pile-poil à une société où le maire a des intérêts. Et vous parlez de l'entreprise Nordica, le PDG Michel Astin est lui aussi mis en examen
02:57pour corruption d'un élu. Voilà, tout à fait. Donc voilà. On parle de somme importante. Oui, oui, oui, parce que chaque année quand même,
03:05c'est pratiquement, alors ça dépend des années, mais en moyenne, c'est plus d'un million d'euros chaque année.
03:10Donc...
03:13De l'argent public ?
03:14Oui, oui, oui, c'est la municipalité, c'est la mairie qui fait un appel d'offres, donc c'est pris sur le budget de la mairie, c'est la municipalité d'Uberquerres.
03:21Ce sont les barcarésiens qui payent, pas les barcarésiens, les contribuables.
03:24Alors Alain Ferrand, lui, il nie tout en bloc, il réfute. Son avocat, qu'on a entendu tout à l'heure, dénonce un acharnement de la justice.
03:31Il y a eu plus d'une trentaine de garde à vue au total ces vingt dernières années concernant Alain Ferrand, et pourtant aucune
03:38condamnation pendant cette période, en tout cas. Cette nouvelle garde à vue, là, en ce moment, ça va pas faire pchit, une nouvelle fois, selon vous ?
03:45Je pense pas. Je pense pas, parce que mettre un élu en détention provisoire, c'est quand même quelque chose de
03:51très important.
03:53C'est exceptionnel, je dirais.
03:55Ça a déjà été le cas il y a deux ans, concernant Alain Ferrand.
03:57C'est différent. Il y a deux ans, c'était une histoire de non-respect d'un
04:00contrôle judiciaire. Donc, s'il était incarcéré, c'est parce que son contrôle judiciaire, il ne le respectait pas.
04:06C'était une sanction.
04:07C'était une sanction, voilà. Il était tenu, il s'est engagé devant un juge, il n'a pas respecté, donc il est allé en détention.
04:13Là, il est en détention par rapport au fait qu'il lui soit reproché. Donc, on est dans un contexte totalement différent.
04:20Et
04:21on va pas en prison dans les terres provisoires comme ça.
04:24Certes, le procureur demande,
04:26mais vous avez le juge des libertés derrière, qui va valider cette demande. Donc, c'est pas la décision d'une seule personne.
04:32C'est la décision de plusieurs personnes.
04:35Donc, je pense quand même que les faits qui doivent être détenus dans l'enquête doivent être quand même assez lourds.
04:408 ans mois dits sur France Bleu Roussillon, Suzanne Chaudjahi, notre invitée, et Didier Melmou, le référent dans les Pyrénées-Orientales de l'association Anticor.
04:47Quand votre association a fait un signalement à la justice il y a deux ans, vous aviez à l'époque saisi le parquet de Perpignan.
04:52Et aujourd'hui, c'est la GIRS de Marseille qui s'occupe du dossier, la Juridiction Interrégionale Spécialisée. Pourquoi ?
04:59Alors ça, c'est une possibilité qui est offerte au procureur de la République en fonction des dossiers. Soit des dossiers très importants
05:06parce que ils sont, comment dire,
05:10le parquet de Perpignan n'aura pas les moyens en effectif ou en matériel pour investiguer.
05:17Soit parce que la personnalité est trop connue et qu'on ne veut pas qu'il y ait de pression locale.
05:23Donc voilà, ça c'est les deux cas à peu près où le procureur de la République va demander une délocalisation.
05:28Et entre autres, c'est ce qu'il a fait pour le dossier qu'on lui a transmis. Il l'a transmis pratiquement instantanément à la
05:34à la GIRS, à la Juridiction Interrégionale Spécialisée,
05:37qui elle l'a pris en compte et qui a des moyens qui sont bien bien supérieurs à un parquet normal.
05:42Est-ce que, selon vous, Alain Ferrand peut rester maire du Barcares alors qu'il est actuellement en détention provisoire ?
05:48Alors,
05:50Alain Ferrand est toujours présumé innocent. Ça c'est la première chose. Il est élu par le peuple, donc il peut rester maire. On a eu des cas
05:58d'élus qui ont été condamnés à la prison ferme,
06:01qui ont été incarcérés pour, entre autres, je parle de M. Tron, passé un moment,
06:06et qui sont restés maires en prison.
06:08Parce que la justice n'avait pas pris de peine complémentaire, n'avait pas privé de droits civiques,
06:14donc ils étaient légalement maires élus du peuple sans aucun problème.
06:19Donc il peut rester maire. Nous, Anticor, bon, on propose, on nous le pédoyait,
06:25déjà un qu'un élu qui se présente à une élection devrait avoir un 15e judiciaire vierge, comme de nombreux
06:31corps de métier où c'est obligatoire,
06:34mais aussi on estime qu'un élu mis en examen
06:38donc ça veut dire qu'il y a des indices graves et concordants laissant à penser qu'ils ont commis des infractions,
06:43soit suspendu de leur fonction.
06:46Donc selon vous, c'est non, il ne devrait pas rester maire ?
06:48Non, pour nous, pour Anticor, il ne devrait pas rester maire.
06:50Pourtant, il a un soutien assez important dans sa commune, on a entendu ça sur notre antenne tout à l'heure. Les habitants sont assez divisés,
06:57mais ses soutiens sont très solides. Ils estiment que la justice n'a aucun crédit dans cette histoire. Ça vous aspire quoi, ce soutien, au sein de la ville ?
07:05C'est quelque chose qui ne nous étonne pas. J'ai déjà vu un reportage, quand il avait été mis en détention il y a deux ans,
07:10suite à son rencontre au judiciaire,
07:11où j'entendais dire, il fait des belles fêtes, il faut le libérer pour que ça continue.
07:16On a vu, pour le jour de l'an, on a touché une boîte de madeleines, un beau colis de Noël.
07:22Voilà, je veux dire,
07:24beaucoup d'élus le font.
07:26Ce sont une forme de clientélisme, c'est légal, c'est pas interdit,
07:29une forme de clientélisme où les gens disent, voilà, moi j'ai mon cadeau de Noël, j'ai mon repas des aînés,
07:34si j'ai ça, si jamais il est en prison, je l'aurai plus.
07:36Très souvent, les gens pensent à eux avant de penser à la collectivité, malheureusement,
07:41à l'ensemble quoi.
07:42Et l'avocat d'Alain Ferrand a quand même annoncé qu'il allait faire appel de la décision de la justice, le placement en détention provisoire du maire.
07:48Oui, mais c'est normal, c'est tout à fait logique. S'il ne le ferait pas, ça serait quand même grave quand même.
07:54Merci beaucoup Didier Melmou d'avoir répondu à nos questions ce matin. Vous êtes le référent d'anticorps dans les Pyrénées-Orientales, l'association
08:01anticorruption. A bientôt. A bientôt, merci, au revoir.