• il y a 5 mois

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00:00 Bonjour Cécile Jansac, merci beaucoup d'être avec nous en studio pour votre premier grand oral sur France Bleu.
00:07 Le sujet qui va beaucoup nous occuper
00:09 évidemment c'est le trafic de drogue. Je voudrais justement qu'on revienne sur ces chiffres
00:14 relayés par Objectif Guerre et le Parisien, enquête de notre confrère Boris de la Crousse qui montre que Pisse 20,
00:20 le principal point de vie du département, rapporte en moyenne 40 000 euros par jour.
00:25 Ça vous inspire quoi 40 000 euros par jour ?
00:29 Alors ce sont des chiffres d'estimation, c'est très compliqué, j'ai envie de vous dire que
00:33 si les délinquants, les criminels faisaient des déclarations
00:36 pour payer une TVA, on aurait un chiffre plus affiné. On part d'une certaine organisation du trafic, de certaines déclarations
00:45 sur les rémunérations des personnes selon les rôles qui leur sont attribués et on essaie de reconstituer
00:52 bon an, mal an, un chiffre. Je sais pas si c'est 20 000, je sais pas si c'est 40 000, je sais pas si c'est
00:58 permanent.
01:00 En tout cas ça peut donner le tournis, oui bien sûr, ce sont des chiffres colossaux
01:04 qui marquent combien les trafics sont importants.
01:07 Ça fait 15 millions d'euros par an, 40 000 euros par jour, c'est considérable.
01:11 Il y a aussi dans cette enquête, cette note en fait de l'unité des policiers nîmois en charge de la lutte contre les stupéfiants
01:17 qui montre que pour surveiller ce trafic, les narco-trafiquants emploient ce qu'on peut appeler des agents de sécurité, des chouffes,
01:24 ce qui leur coûte
01:26 90 000 euros par mois. Ce sont qui ces petites mains ?
01:30 C'est une véritable organisation criminelle et les petites mains
01:34 elles sont vraiment petites dans le sens où bien souvent malheureusement on se retrouve avec des personnes qui sont aujourd'hui recrutées
01:41 à distance. C'est ce que l'on appelle l'ubérisation du trafic de stupéfiants.
01:46 Ça va être du quasi-contrat à durée déterminée qui peut venir de n'importe où en France, de Lille, de Béziers, de Bordeaux, de...
01:53 Voilà, il y a un appel d'offres sur des réseaux évidemment qui sont plutôt masqués, mais parfois presque plus,
02:00 il va y avoir des missions octroyées
02:02 à ceux qui voudront bien venir se loger
02:05 et exercer des missions quelques semaines, quelques mois, quelques jours sur place.
02:09 On a vu que ces petites mains étaient de plus en plus jeunes, est-ce que c'est le cas aussi à Nîmes ? Est-ce qu'on a parfois des
02:13 mineurs dans ces petites mains ?
02:15 C'est le cas aussi à Nîmes et c'est le cas aussi partout en France. Je crois que le phénomène aujourd'hui n'est pas que Nîmois,
02:20 l'actualité nous le démontre. Oui, il y a des mineurs, bien sûr qu'il y a des mineurs,
02:24 des mineurs de plus en plus jeunes. Oui, enfin des mineurs beaucoup trop jeunes qui ont parfois
02:29 même pas 13 ans.
02:31 Et donc, bon, c'est des petites mains qui sont évidemment attirées, on l'a dit, par cet argent facile, par cet argent
02:37 massif aussi. À part les interpeller, vous, les mettre en prison et recommencer, vous pouvez faire quoi ? Quoi de plus ?
02:44 Alors, sur des mineurs, les mettre en prison, on va d'abord essayer d'en faire quelque chose.
02:47 On rappelle quand même que le but c'est d'essayer de les éduquer et que parfois un éloignement, un encadrement éducatif,
02:52 il y a des centres éducatifs fermés, qui ne s'appellent pas des prisons mais qui sont fermés, font partie des solutions.
02:58 On parle beaucoup de la récidive. Est-ce que c'est le cas aussi
03:01 pour les petits trafiquants de Depees 20 ? Est-ce que vous en revoyez souvent passer ?
03:06 On en voit parfois passer, souvent je sais pas,
03:09 mais bien évidemment qu'il peut y avoir récidive. Récidive, je rappelle que c'est quand même quand on a déjà été définitivement condamné par un tribunal.
03:17 C'est pas la réitération, c'est pas tout à fait la même chose. Bien sûr qu'il y en a qui sont ancrés dans ce
03:22 système qui rapporte un argent facile avec aucune conscience des risques qu'il y a derrière en réalité.
03:29 Et je voudrais revenir sur ce que vous disiez tout à l'heure sur les réseaux sociaux, puisque beaucoup d'annonces passent par ces canaux-là.
03:35 Comment vous faites pour les surveiller, vous, au parquet ?
03:37 Alors, au parquet, nous dirigeons les enquêtes.
03:40 Les enquêteurs ont des, ce que je pourrais appeler de façon assez simple, des brigades numériques,
03:45 de la même façon qu'on peut patrouiller en ville, eh bien on peut patrouiller sur le web, et puis on peut aller chercher sur les
03:50 réseaux masqués
03:52 ces appels d'offres, voire suivre des personnes.
03:56 Ce qui est étonnant, c'est qu'ils ne se cachent même plus, ces trafiquants-là.
03:59 Puisque les réseaux sociaux sont publics, et il y a une diffusion de masse.
04:04 Pas tous. Il y a quand même ce qu'on appelle le darknet, qui n'est pas un réseau public, quand même.
04:08 Et puis, ils se cachent pas, parce qu'en réalité il y a une telle masse et une telle
04:14 extension nationale, quand on va chercher quelqu'un de Lille, ou qu'on accepte la candidature de quelqu'un de Bretagne,
04:21 en réalité, on a le sentiment que ça va être un passage éclair, et ça fait partie du système de réadaptation et de déstabilisation
04:28 qui leur permet d'opérer aussi.
04:30 Vous dites qu'ils viennent de Lille, pour certains de Paris notamment, peut-être voire même de Marseille.
04:34 Est-ce que vous, vous auriez pas la possibilité de les interpeller à la descente du train ?
04:38 Alors, une infraction pénale, c'est plus compliqué que ça, il faut la caractériser.
04:42 C'est pas parce que je descends du train que je suis venue pour faire du trafic dans un des quartiers nîmois ou au nord du Gard.
04:48 À un moment donné, une enquête, elle est là pour établir la réalité juridique de faits qui ont été commis.
04:54 C'est là toute la difficulté au demeurant.
04:56 C'est pas tant la descente du train qui m'intéresse que le moment du passage à l'acte.
04:59 Il y a quelques mois donc, Cécile Jean-Sacq, le ministre de l'Intérieur, a lancé l'opération Placenet XXL, donc un peu partout en France justement,
05:06 pour lutter contre ces
05:09 trafics de drogue là. Concrètement, elle change quoi ces opérations Placenet XXL par rapport aux descentes de police traditionnelles ?
05:14 C'est un petit peu plus compliqué que ça. Les opérations Placenet, ce sont plutôt des opérations qui sont à la main du préfet.
05:21 Sauf à ce qu'à un moment donné, entre dans le giron de ces opérations des pouvoirs
05:26 judiciaires qui vont permettre par exemple de réaliser un certain nombre de perquisitions,
05:30 je fais simple, où là il va y avoir une communauté d'action.
05:34 C'est-à-dire que vous n'êtes pas forcément toujours associé à ces opérations, vous n'êtes pas le parquet ?
05:38 Oui, en tout cas je ne les ai pas forcément à la main.
05:40 Maintenant si je décide de faire des contrôles, l'opération Placenet, partons du principe que ça apporte des renforts ponctuels en effectif qui vont permettre
05:46 de déclencher de plus grosses opérations d'interpellation.
05:50 Et pour exemple, vous avez pu voir si vous suivez les réseaux, que depuis 15 jours nous n'avons cessé avec les magistrats instructeurs
05:57 de procéder à de grosses vagues d'interpellation.
06:00 Je crois qu'on est sur une soixantaine d'interpellations en deux semaines.
06:04 Donc voilà ce que ça apporte. - À Saumière notamment, La Vue, à Bagnoles-sur-Seize aussi, à Nîmes évidemment, mais ça c'est, on peut se dire que c'est
06:10 avant les Jeux Olympiques.
06:12 Après les Jeux Olympiques, qu'est-ce qui va se passer ? - On est la même chose. - Quand les policiers seront partis en vacances ?
06:16 - Eh bien la même chose. - Il y aura toujours la même activité,
06:18 policière et judiciaire ? - C'est-à-dire qu'à un moment donné, une affaire, pour parvenir à des interpellations, il faut qu'on ait eu le temps de la maturer,
06:24 de la monter.
06:25 Donc il y a quand même un temps d'action qui se fait dans l'ombre avant que les interpellations n'arrivent.
06:30 Après on n'a pas attendu ces dernières semaines pour procéder tous les jours à des interpellations, tous les jours à des présentations devant les tribunaux,
06:36 et tous les jours à des écrous. Je crois que c'est la particularité nîmoise quand même.
06:40 7h52 sur France Bleu, Garlot Zerre, avec nous en studio c'est Sylvain Sac, procureur de la République de Nîmes, pour parler du trafic de drogue
06:46 dans les quartiers de Nîmes.
06:47 Vos appels également, nous on axe la question plutôt sur le côté consommateur. Que faire contre les consommateurs qui contribuent,
06:53 on le sait, largement au trafic ? Est-ce qu'il faut être plus sévère des peines ou des amendes plus lourdes ? Vous réagissez ?
06:58 0466 21 36 37. Cécile Jean-Sac, vous disiez tout à l'heure, à l'instant, qu'il faut des moyens, évidemment, des moyens humains pour lutter contre les trafics de drogue.
07:06 Mais vous avez aussi besoin de trouver des soutiens, j'imagine, dans les quartiers.
07:11 Je voudrais qu'on écoute à ce sujet Rauf Azouz, que vous connaissez sûrement. C'est le président de l'association Les Mille couleurs, qui se bat lui justement
07:17 pour essayer de préserver la jeunesse de ces trafics.
07:20 Je ne demande pas à la population d'aller se battre contre les kaléstikovs, c'est au moins de se révolter. En disant non, on est dans un
07:25 républicain et ne pas être
07:27 dérangé chaque seconde par des cris de chou. Il faut que la population aussi se réveille et dise stop.
07:32 En tant que procureur de la république de Nîmes, qu'est-ce que vous voudriez dire justement à ces habitants du Masdemingue, du Chemin
07:38 d'Avignon, de Pise 20 aussi, de Val-de-Gour ?
07:40 Je voudrais leur dire qu'avec mes équipes, avec les policiers, avec les gendarmes, on se bat tous les jours, tous les jours pour leur
07:48 restituer leur droit le plus simple, celui de vivre tranquillement
07:52 dans ces quartiers où se passent aussi de très belles choses. Et que bien sûr, bien sûr,
07:57 je salue les mille couleurs que je connais où je suis allée,
08:00 bien sûr que nous avons besoin d'être tous ensemble avec nos compétences différentes
08:04 pour arriver à mobiliser cette lutte contre les stupéfiants. La prévention c'est ça, la répression c'est moi, la prévention
08:11 c'est une multitude de partenaires. - Mais il y a des papas, il y a des mamans dont le fils d'Ile et qui leur apporte des fois
08:19 de l'argent sur la table et ce qui ne les incite pas forcément à collaborer avec les policiers.
08:25 Comment vous allez les chercher ces familles-là ? - Ça c'est un axe prioritaire véritablement de ma politique
08:31 que de vouloir attaquer sous l'angle financier et de la non-justification de ressources.
08:36 Toute personne qui est en
08:39 lien régulier avec
08:41 quelqu'un qui est identifié comme participant au trafic de stupéfiants, en commettant une infraction, peut se voir accusée d'avoir un train de vie
08:49 supérieur à celui que lui permettraient ses ressources. Et c'est une infraction pénale et je le dis,
08:55 nous travaillons énormément
08:57 à pouvoir
08:58 entrer dans ce spectre d'interpellation de délinquance. - Vous vous êtes jamais découragé ?
09:03 - Jamais, mais jamais, surtout que je crois que ça n'a jamais autant porté ses fruits et que la mobilisation générale
09:11 démontre quand même que voilà on y arrive, on déstabilise tellement les réseaux qu'ils se sont réorganisés,
09:17 j'allais dire, pardon, à la petite semaine.
09:20 Ils ont dû se mettre en ordre de marche différemment, ça prouve une chose, c'est qu'on y arrive. - Je vous parle de découragement madame la procureure
09:26 puisqu'on a cru le percevoir chez des magistrats marseillais qui ont été auditionnés il y a pas longtemps
09:30 au Sénat et ils ont d'ailleurs eux levé un tabou, celui de la corruption.
09:34 Ils disaient que des surveillants de prison, des policiers, des magistrats aussi étaient achetés par l'argent de la drogue.
09:40 A Marseille, est-ce que c'est le cas aussi à Nîmes ?
09:42 - Alors à Marseille, à Nîmes, non, j'ai pas de cas à vous donner.
09:47 Par contre c'est un point de vigilance très important et je crois qu'il ne faut pas se voiler la face
09:53 sur aucun des
09:55 procès qui permet aux délinquants et aux criminels de continuer à avancer.
10:00 Il faut pouvoir regarder partout, sans tabou, vous venez de le dire. - Il faut les accompagner aussi ces magistrats, ces policiers,
10:06 parce que j'imagine que parfois ils doivent ne pas se sentir en sécurité. Vous vous sentez en sécurité vous ? - Je me sens pas du tout en insécurité.
10:13 Je crois pas que le problème soit là, véritablement. La corruption c'est pas un problème d'insécurité au premier chef, ça peut le devenir.
10:18 C'est probablement
10:21 un autre problème et un problème de détection en amont de faiblesse ou de
10:26 mode de vie, d'informations qui peuvent générer des emprises. Je crois aussi qu'il faut rappeler que les magistrats
10:32 particulièrement sont soumis à un principe de mobilité
10:35 et que je crois que ça fait partie des éléments importants, que de pouvoir ne pas rester trop longtemps dans un même endroit
10:41 pour justement que cette impartialité puisse perdurer.
10:44 Cécile Jean-Sacq, je vous remercie beaucoup d'avoir été avec nous pour la première fois dans ce studio.
10:49 Le studio de France Bleu-Garloser, je rappelle que vous êtes évidemment la procureure de la République de Nîmes, vous revenez quand vous voulez.
10:54 Merci beaucoup. Je vous remercie et je vous souhaite un bon début de semaine. Merci encore.
10:58 Merci à vous.
11:00 Merci à tous !
11:02 Merci à tous !

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