• il y a 6 mois

Thierry Bros, professeur à Science Po et spécialiste des questions énergétiques, répond aux questions de Christophe Lamarre. Ensemble, ils reviennent sur le prix de l'essence qui reste toujours très cher, malgré une tendance à la baisse.

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Transcription
00:00 - Ah cette essence toujours trop chère, 1,93€ le slanton 95, plus de 2€ bien au-delà dans les stations d'autoroute,
00:07 incompréhensible alors que le prix du baril de pétrole est loin d'atteindre les sommets.
00:11 Comment expliquer un tel écart ? Est-ce que les prix vont retrouver un niveau plus raisonnable ?
00:16 On va essayer d'y voir plus clair.
00:18 - Votre invité sur Europe 1, Christophe Lamarre, c'est Thierry Bross, spécialiste des questions énergétiques et professeur à Sciences Po.
00:24 - Bonjour Thierry Bross. - Bonjour.
00:26 - Professeur à Sciences Po et spécialiste des questions énergétiques, un constat pour commencer ce matin, le prix de l'essence baisse un peu,
00:33 à 1,93€ le litre de sans plomb 95, en moyenne bien sûr, le diesel s'affiche à 1,73€ le litre, ça reste toujours trop cher,
00:40 mais est-ce que la tendance à la baisse même légère pourrait se poursuivre d'après vous ?
00:44 - Alors regardons d'abord l'ensemble de la chaîne si vous me permettez.
00:48 On va produire du pétrole, ça va coûter entre 10 et 50$, ensuite on va le vendre sur les marchés internationaux
00:54 et là on va avoir un prix international qui sera plus élevé, qui a été entre 80 et 90$ par baril,
01:01 et ensuite on va devoir le raffiner pour le transformer en coûte pétrolière que les automobilistes vont utiliser, diesel ou essence,
01:09 et la marge de l'unité de raffinage c'est de l'ordre de 10$ par baril.
01:13 Alors maintenant pour répondre à votre question, est-ce que ça va baisser,
01:16 il y a d'abord, on peut remarquer que sur les marchés de gros, le prix du diesel a un peu baissé parce que pendant plusieurs mois,
01:25 depuis le début de 2023, je vous rappelle qu'on avait mis un embargo sur les produits pétroliers russes, en particulier le diesel,
01:33 et donc il a fallu réacheminer toute la chaîne logistique.
01:37 Aujourd'hui, finalement, on est en capacité de s'approvisionner par des voies différentes,
01:42 c'est essentiellement du diesel indien mais qui a été raffiné à partir de pétrole russe,
01:48 mais ça permet de respecter l'ensemble des règles.
01:53 Ensuite, est-ce que ça peut baisser ?
01:55 Eh bien, ce que l'on voit sur les marchés pétroliers, c'est une baisse du prix du pétrole,
02:01 alors on était à près de 90$, on est plutôt à 85$ par baril,
02:06 parce qu'on voit deux choses, on voit une croissance pétrolière qui n'est peut-être pas au rang des jours,
02:13 et puis on voit aussi le fameux cartel, les pays producteurs,
02:18 ceux qui essayent de faire monter artificiellement les prix en limitant la production,
02:23 eh bien, ils n'arrivent pas très bien à se mettre d'accord, et moins ils sont d'accord, plus le consommateur en bénéficie,
02:29 c'est-à-dire plus ils produisent, plus le prix baisse, et c'est un peu ce que l'on voit en ce moment.
02:33 C'est compliqué pour eux d'essayer de maintenir un baril à 90$,
02:38 comme ils avaient réussi il y a quelques semaines,
02:42 et on peut imaginer que ça va être un peu plus compliqué avec les mois qui arrivent.
02:46 - Dans le même temps, Thierry Bross, la demande mondiale d'essence est en rose,
02:49 avec la driving season aux Etats-Unis, c'est la période de l'année où les Américains privilégient la voiture pour leur loisir,
02:56 et font donc pression sur la demande.
02:58 Est-ce une explication à ce samplon 95 qui tourne toujours autour de 1,93€ le litre, ou pas du tout, ça n'a rien à voir ?
03:05 - Oui, vous avez raison, le fait que les Américains aient besoin de plus d'essence,
03:11 cette essence, ils vont l'importer de l'Europe, et donc, ça fait un peu monter les prix en Europe.
03:17 - Alors on va revenir en France, si vous le voulez bien, en ce long week-end férié de mai, beaucoup d'automobilistes ont pris la route,
03:22 et notamment l'autoroute, et là, on bat tous les records dans certaines stations,
03:26 avec un prix du litre plus cher de 15 centimes en moyenne que sur le réseau national ou départemental, comment l'expliquez-vous ?
03:33 - Deux choses, d'abord c'est des concessions qui sont plus chères,
03:37 et donc les opérateurs sur ces concessions d'autoroutes se rémunèrent plus pour récupérer ce qu'ils payent à la société d'autoroutes,
03:47 et puis c'est le bon équilibre capitaliste de base,
03:52 c'est-à-dire finalement, si je peux extraire un peu plus, une marge un peu supérieure,
03:58 et bien, pourquoi pas le faire, et c'est aux consommateurs à agir en tant que bon capitaliste aussi de leur côté,
04:05 c'est-à-dire à se dire, finalement, si ça ne m'intéresse pas de payer aussi cher,
04:10 et bien je vais aller m'approvisionner sur un centre commercial en dehors de l'autoroute.
04:16 - Le prix du baril tourne autour de 80 dollars, vous me corrigerez si je me trompe,
04:20 il était de 90 dollars, si je me souviens bien, il y a un mois,
04:23 on n'est pas à l'abri du nouvel hausse dans les prochains mois ?
04:25 - Oui, alors on a baissé de 90 à 85 dollars, encore une fois,
04:31 parce que le cartel des pays producteurs n'arrive pas à se mettre d'accord et surproduit par rapport au quota qu'ils se sont fixés,
04:39 c'est toujours un équilibre entre demandes, donc si demain la demande venait à fortement progresser,
04:45 évidemment le prix du baril pourrait augmenter, mais on est plutôt dans un monde où la demande va être à tonne,
04:53 elle va augmenter, mais pas massivement, puisque je vous rappelle aussi qu'on essaye de mettre des véhicules électriques,
04:58 et chaque fois que vous mettez plus de véhicules électriques, vous enlevez de facto de la croissance de la demande dans les produits pétroliers,
05:06 et donc on peut imaginer que ça va être compliqué pour l'OPEB dans les prochains mois à essayer de maintenir ce prix objectif haut de 90 dollars,
05:17 et que les consommateurs vont en bénéficier avec un prix un peu moins cher, mais encore une fois, 80 dollars,
05:23 les pétroliers gagnent beaucoup d'argent, produire du pétrole, ça coûte entre 10 et 50 dollars pour les champs les plus coûteux à produire.
05:33 - Est-ce qu'en termes de prix, est-ce qu'on a un espoir, celui de revenir au niveau d'avant crise, c'est-à-dire avant la guerre en Ukraine ?
05:40 - Ça je ne crois pas sur les produits pétroliers, parce qu'on est dans un monde où on a voulu faire une transition énergétique, à mon avis trop rapide,
05:52 donc on a limité les investissements dans les nouveaux champs pétroliers, ce qui fait que le pouvoir s'est mécaniquement déplacé vers les pays producteurs,
06:02 encore une fois, ils n'arrivent pas à obtenir 90 dollars par vrille, mais ils arrivent quand même à récupérer une grande assez grasse,
06:09 et donc on peut imaginer que si vous limitez la compétition, vous allez limiter la capacité du consommateur à bénéficier de prix bas.
06:20 En clair, moi j'ai toujours été pour un maximum de compétition parmi les grandes sociétés pétrolières, pour que le consommateur puisse bénéficier de prix le plus bas possible.
06:31 Si vous dites, et rappelez-vous, certains ministres le disent, nous allons devenir un pays qui ne va plus utiliser de pétrole,
06:40 vous limitez les investissements dans la chaîne pétrolière, et à ce moment-là, vous redonnez du pouvoir aux grands producteurs.
06:49 - Thierry Bross, professeur à Sciences Po et spécialiste des questions énergétiques avec nous ce matin sur Europe 1, merci.
06:54 - Merci.
06:55 C'était l'invité ECHO avec...

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