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Thierry Bros, professeur à Science Po et spécialiste des questions énergétiques, répond aux questions d'Alexandre Le Mer. Ensemble, ils s'intéressent à l'accord conclu lors de la COP 28 concernant l'abandon progressif des énergies fossiles.

Retrouvez "L'invité éco" sur : http://www.europe1.fr/emissions/linterview-eco

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Transcription
00:00 - Europe 1, il est 6h41. - On dit qu'il est historique, cet accord
00:04 finalement trouvé à la COP 28, le sommet mondial sur le climat, vient de se conclure à Dubaï et accouche d'un engagement
00:10 pour une transition hors des énergies fossiles. Le tout pour atteindre bien sûr la neutralité carbone en
00:17 2050 et limiter ainsi le réchauffement climatique.
00:20 Mais peut-on aujourd'hui se passer de pétrole ? - Votre invité pour en parler sur Europe 1, Alexandre Lemer, c'est Thierry Braus, professeur à
00:27 Sciences Po, spécialiste des questions énergétiques. - Bonjour Thierry Braus.
00:30 - Bonjour. - Il y a une subtilité dans cet accord, c'est qu'il ne programme pas à proprement parler la sortie des énergies fossiles, il parle d'un
00:39 abandon progressif. Alors quand on a évidemment les 200 pays du monde autour de la table, il faut bien trouver un compromis.
00:45 Celui-ci est historique, vous dites ?
00:47 - Oui, il est historique, c'est un accord plein de bonnes intentions, il est aussi un peu byzantin, ça dépend comment on le lit et
00:56 vous avez raison, il n'y a pas de date, donc
00:58 les objectifs on les a, mais on sait pas bien quand est-ce qu'on va y arriver et on sait surtout
01:04 absolument pas comment on va y arriver. - Alors la recette contre le réchauffement, de toute façon, ça fait longtemps qu'on la connaît. Tous les
01:09 experts du climat s'accordent à dire que les énergies fossiles sont les principales
01:13 responsables. La question effectivement, c'est est-ce que l'on peut s'en passer du pétrole, du charbon notamment ?
01:20 - Voilà, je vais vous faire une réponse de normande. Dans une démocratie, ça dépend de nous, citoyens,
01:25 sommes-nous prêts à payer nos énergies beaucoup plus chères et à faire des efforts ? Il va falloir
01:31 investir massivement, vous l'évoquiez tout à l'heure, et donc est-ce qu'on est prêt à
01:36 payer beaucoup plus cher nos énergies ? Je vais vous donner un exemple. Aujourd'hui, le pétrole c'est de l'ordre de
01:42 75 dollars par baril. Si demain on veut que nous
01:48 qui utilisons le pétrole dans nos voitures, c'est-à-dire l'essence ou le diesel,
01:51 payons pour les externalités négatives, c'est-à-dire la pollution par le CO2 que nos moteurs thermiques
01:58 émettent, eh bien il faudrait que ce pétrole vaille non pas 75 mais plutôt 150 dollars.
02:05 Donc vous voyez, vous avez un prix à la pompe qui est multiplié par presque 2. Est-ce que nous nous sommes
02:13 capables de l'accepter ? Chaque fois qu'on augmente un peu le prix du pétrole, vous voyez que les Français ne sont pas tout à fait d'accord.
02:19 Vous reprenez l'exemple que vous évoquiez du gaz tout à l'heure, je rappelle que les
02:24 Français qui se chauffent au gaz ne payent pas les émissions de CO2.
02:28 Donc c'est ça la grande difficulté. Et puis de l'autre côté,
02:31 eh bien on parie sur des technologies qu'on n'est pas du tout sûr d'avoir. L'hydrogène,
02:36 l'Europe y a parié il y a quelques années, ça ne marche pas. Les technologies, Thierry Bross, on parle de mix énergétique
02:42 pour prendre le relais des énergies fossiles. On trouve quoi dans ce mix ? Le nucléaire et puis un assortiment d'énergies renouvelables.
02:50 Oui, si vous prenez l'exemple français, nous sommes dépendants du pétrole à
02:58 35%, du gaz à 16%, du charbon à 2%. Alors évidemment ça on va pouvoir
03:03 s'en passer rapidement. Le nucléaire à plus de 30%,
03:07 l'hydro 5% et le renouvelable à 10%. Et la France est un de ceux qui a un mix les moins carbonés. Si vous regardez le monde,
03:14 le monde c'est plutôt 82%
03:16 dépendant du pétrole, du gaz et du charbon. Et c'est ça qui sera très compliqué.
03:21 Le nucléaire sera l'une des clés du succès pour sortir des énergies fossiles.
03:24 Oui, enfin la COP arrive après de nombreuses
03:28 éditions à
03:32 comprendre qu'il va falloir parier sur des technologies que l'on connaît, le nucléaire.
03:36 Mais voyez pour la France, combien de temps ça prend pour construire de nouvelles centrales ? On veut multiplier le nucléaire par 3 ?
03:44 Très bien, mais c'est à l'horizon
03:47 2050 et là encore le nucléaire dans le monde c'est moins de 5%. Donc vous voyez on ne se rapproche pas du système français.
03:53 Donc à cette échelle 2050 c'est demain, c'est ce que vous dites ?
03:55 Pour changer de braquet sur le nucléaire ?
03:59 Absolument, regardez l'exemple français. Enfin si vous prenez même l'exemple européen où on voit sur
04:06 le monde sur les
04:08 50 dernières années comment le mix a évolué,
04:11 finalement le mix s'est un peu décarboné sans finalement des COP, mais très lentement on est passé de 90%
04:18 de dépendance au fossile à 71% au niveau européen en 50 ans.
04:24 Vous voyez c'est quelque chose de très compliqué. Vous évoquiez la voiture Terry Bross, les transports dans leur ensemble,
04:30 c'est sans doute l'un des premiers leviers pour sortir du pétrole. On voit que la voiture électrique décolle parce qu'on a en tout cas en Europe
04:37 cette
04:39 date limite de 2035, la fin programmée des moteurs thermiques en Europe.
04:43 C'est à ce moment là qu'on va pouvoir passer un cap vers la fin effective du pétrole ?
04:50 Pour l'Europe, encore une fois, l'Europe c'est le bon élève, donc on pourra peut-être y arriver. Oui on a
04:56 ces régulations et donc on va pouvoir y arriver. On verra la demande pétrolière un petit peu baisser,
05:03 mais pas énormément puisque c'est les nouveaux moteurs thermiques. Donc est-ce qu'on fait des anciennes voitures ? Et puis, grande question,
05:11 il va falloir mettre en parallèle, et c'est ce que la France est en train de faire,
05:15 commencer à découvrir, il va falloir mettre en parallèle de nouvelles centrales nucléaires parce qu'il va bien falloir alimenter ces voitures électriques.
05:21 Juste un exemple, si vous voulez au niveau européen remplacer toutes les voitures
05:26 thermiques par des voitures électriques, il faut 50 réacteurs nucléaires de plus au niveau européen où il faut couvrir
05:34 la mer du nord d'éoliennes. Donc vous voyez, c'est compliqué. Autrement dit, la sortie des énergies fossiles, Thierry Bross, c'est pas qu'une question d'offre d'énergie,
05:42 mais aussi de demande. C'est l'apprentissage pour nous tous de la sobriété énergétique dans la durée.
05:48 Alors c'est à mon avis, c'est pour ça que je vous ai répondu au départ, ça dépend de nous. Oui, c'est à nous,
05:55 nous,
05:57 consommateurs, de faire des efforts et de choisir. Si nous consommateurs
06:01 préférons encore le pétrole, le gaz et le charbon, eh bien les producteurs finalement
06:07 produiront et nous les fournirons. Et donc c'est là la très grande difficulté, c'est comment est-ce que
06:13 on essaye de changer les comportements des consommateurs. Il y a des fois où c'est simple, pour les
06:18 efficacités ou les efficiences énergétiques, on a bénéficié
06:21 d'avancées technologiques à quelques années avec l'éclairage par LED et donc on a baissé notre consommation. Et puis il y a des fois où
06:30 la technologie n'étant pas au rendez-vous, il va falloir qu'on fasse des choix compliqués
06:34 et coûteux.
06:35 La sortie des énergies fossiles nécessité absolue contre le réchauffement climatique mais qui ressemble à un pari et un pari difficile.
06:41 On a bien entendu votre message. Merci Thierry Bross, professeur à Sciences Po et spécialiste des questions énergétiques ce matin sur Europe 1.
06:49 Europe 1, il est 6h48.

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