• l’année dernière
On connait leur visage, leur analyse, leur voix, mais les connait-on vraiment ? Quel a été leur parcours, leur formation, quelles épreuves ont-ils du dépasser pour exercer leur magistère ? Quelles sont leurs sources d'inspiration, leur jardin secret ? Une fois par semaine, Rebecca Fitoussi reçoit sur son plateau des personnalités pour un échange approfondi, explorer leur monde et mieux apprécier le regard qu'ils et qu'elles portent sur notre société. Ils, elles, sont artistes, scientifiques, historiens, universitaires, chefs de restaurants, associatifs, photographes, ou encore politiques.

Une collection de grands entretiens inspirante dans un monde en manque de repères et de modèles. Année de Production : 2023

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Transcription
00:00 *Musique*
00:22 Pour une fois, je vais utiliser l'expression de mon invité pour vous dire ce qu'il fait dans la vie.
00:28 Parce qu'elle me semble juste, en plus d'être poétique, il aime se définir comme un raconteur d'histoire.
00:34 Et en effet, depuis une bonne vingtaine d'années, il écrit, il scénarise, il met en scène, il joue et raconte des histoires au théâtre le plus souvent.
00:42 Le public est là, présent à chaque fois, soir après soir. Parfois, ses pièces restent à l'affiche pendant des années.
00:48 Elles vivent leur vie sans leur auteur. Le bouche-à-oreille fonctionne à merveille, les salles ne désemplissent pas.
00:54 On le surnomme d'ailleurs le prodige du théâtre français. Un art qu'il modernise, qu'il dépoussière.
01:00 Mais ce qui est peut-être plus remarquable encore, c'est qu'il attire un public nouveau.
01:04 Pas forcément un télo, ni parisien. Un public pour qui le théâtre est une vraie sortie.
01:08 Une sortie exceptionnelle. Pas une routine ancrée dans un quotidien confortable.
01:13 Le porteur d'histoire, le cercle des illusionnistes, Edmond, Passeport, du spectacle vivant au vrai sens du terme.
01:20 Où les décors changent sous nos yeux, où les acteurs jouent plusieurs rôles, où ils changent ostensiblement de costume.
01:26 Est-ce qu'elle est là, sa force ? Dans un théâtre entre illusionnisme et réalisme.
01:30 Dans un théâtre transparent, où le spectateur se sent presque intégré à la troupe.
01:35 Où l'on fait confiance à l'intelligence du public.
01:38 Posons-lui toutes ces questions. Bienvenue dans "Un monde à regard".
01:41 Bienvenue Alexis Michalik, merci d'avoir accepté notre invitation ici, au Dôme Tournant.
01:46 Est-ce que la force de votre théâtre, c'est d'y intégrer complètement le spectateur,
01:51 et je disais, de faire confiance à son intelligence et à son sens de l'imagination ?
01:55 Je ne sais pas si c'est de l'intégrer, mais en tout cas, ce qui est sûr, c'est que moi, je suis mon premier public.
02:00 Et je suis un public qui s'ennuie très vite. Et donc, comme je sais que je vais voir mes spectacles beaucoup,
02:06 j'ai envie de m'ennuyer le moins possible. Et pour ça, j'essaie de me surprendre.
02:12 Et donc, de surprendre évidemment le public qui, lui, n'aura pas déjà les clés de l'histoire.
02:17 Mais j'ai surtout envie que, en fait, quand un spectacle démarre, les gens ne puissent pas savoir où ça va aller.
02:26 Et qu'au bout de 15 minutes de spectacle, ils se disent "Bon d'accord, on me raconte un truc, mais je ne sais toujours pas où ça va."
02:32 Et puis au bout d'une demi-heure, ils se disent "Ah d'accord, je crois que je commence à comprendre."
02:35 Et qu'en fait, à chaque scène, ils soient surpris et qu'ils se disent "Ah d'accord, finalement, on va là-bas. Ah non, finalement, on va là."
02:40 Et qu'à la fin, il y ait évidemment un reveal, du suspense.
02:45 Enfin voilà, c'est ça. Mon but, c'est qu'en sortant, en tout cas, on n'ait pas vu le temps passer.
02:49 Et pour ne pas voir le temps passer, il ne faut pas qu'il y ait d'ennuis.
02:52 - Et qu'on ait été surpris. Je disais que vous dépoussiérez le théâtre, que vous le modernisez.
02:56 Est-ce que vous êtes d'accord avec cela ou est-ce que vous le voyez comme une insulte pour le théâtre classique ou pour les autres pièces de théâtre ?
03:02 - C'est surtout que moi, je ne vois pas le théâtre comme quelque chose de poussiéreux,
03:05 mais parce que j'ai la chance d'avoir eu le prisme d'une éducation déjà parisienne
03:11 et d'avoir des parents qui m'emmenaient pas mal au théâtre et m'emmenaient voir des trucs super.
03:16 Donc moi, j'ai vu les mises en scène de Peter Brook, d'Ariane Nuschkin, de Simon McBurney,
03:22 qui sont des noms que les théâtreux connaissent et rêvèrent. C'est un peu des maîtres de théâtre.
03:26 Et donc moi, j'ai vu des spectacles ados où je me suis dit "Mais c'est mieux que le cinéma".
03:31 Il y a des émotions extraordinaires qui s'en dégagent.
03:34 - Vous connaissez aussi ce théâtre où parfois on peut aussi un peu piquer du nez
03:37 quand on est dans le public parce que les représentations sont trop longues ?
03:40 - Bien sûr, mais je connais aussi des très mauvais livres et des très mauvais films et des très mauvaises séries.
03:44 En fait, la différence, c'est que le théâtre, c'est un endroit où justement,
03:48 on n'a pas vraiment le temps de regarder son téléphone. On ne peut pas reposer le livre.
03:52 On ne peut pas sortir du film. On est au théâtre et on doit y rester.
03:56 Et on doit avoir l'attention complètement tournée vers ce qui se passe.
04:01 C'est un des rares endroits où justement, cette attention, elle est préservée d'attaque de l'extérieur.
04:06 Mais donc du coup, quand on s'ennuie, on s'ennuie d'autant plus parce qu'on ne peut pas sortir.
04:11 Il n'y a pas d'échappatoire.
04:13 Et moi, j'ai comme un devoir envers ce spectateur que je vais avoir,
04:18 dont je vais happer l'attention pendant deux heures,
04:21 qu'il n'y ait pas cet ennui qui émerge. Mais c'est quelque chose de personnel.
04:24 Maintenant, pour beaucoup de gens, effectivement, le théâtre a cette image d'être un vecteur d'ennui,
04:29 mais aussi parce qu'ils ont vu les mauvais spectacles,
04:32 parce qu'on les a emmenés voir des trucs et puis ça les en a un petit peu dégoûtés
04:36 ou tout simplement, ils n'y sont jamais allés, mais ils ont cette image du théâtre
04:39 comme étant quelque chose de très classique.
04:41 - Je vois juste quand je dis que vous faites venir un public nouveau au théâtre,
04:45 grâce à vos pièces, grâce peut-être à ce rythme que vous imposez, justement.
04:49 - En tout cas, je pense que les histoires que je raconte,
04:51 qui sont fortement empruntes d'une manière très cinématographique de raconter,
04:57 très sérielle presque, vont parler à un public qui n'est pas forcément un public
05:01 qui a les codes du théâtre, qui n'est pas forcément un public qui va aller au théâtre spontanément.
05:06 Mais en revanche, il va y aller quand on lui dit "il y a une bonne histoire qui va te plaire".
05:11 Je pense que c'est une bonne entrée en matière pour apprécier le théâtre
05:14 parce que j'essaye en tout cas que mes spectacles soient accessibles à tous,
05:18 que personne n'en reste à la porte. Néanmoins, il faut quand même,
05:22 quand on va voir un de mes spectacles, avoir une attention active.
05:25 Parce que comme il se passe plein de choses, si on décroche pendant dix minutes,
05:28 après on va avoir du mal à revenir.
05:30 - C'est une source de fierté potentiellement pour vous,
05:32 de savoir qu'un autre public vient voir vos pièces ?
05:35 - Un public de manière générale ?
05:37 En fait, moi je m'inscris dans la grande tradition des faiseurs de théâtre populaire,
05:41 que sont, je l'ai cité, Broch, Mnouchkin, Savary, je pourrais en citer plein d'autres,
05:45 Jean Villard, à l'époque, le créateur du Festival d'Avignon,
05:50 lui-même il veut que le théâtre soit un art populaire.
05:53 On est nombreux des metteurs en scène, je veux dire,
05:56 Thomas Joly, qui à mon âge, qui fait la cérémonie,
05:58 qui prépare la cérémonie des Jeux Olympiques,
06:00 il aime le théâtre populaire, il aime qu'il y ait un public fervent et enflammé,
06:04 il aime qu'il y ait des gens qui soient traversés par des émotions, qui se lèvent.
06:07 Voilà, en fait, moi je ne cherche pas à faire venir un public qui ne vient pas au théâtre,
06:12 je cherche à faire venir tout le monde.
06:14 - Vous avez dit un jour, "j'aspire à une oeuvre à la fois populaire et exigeante,
06:18 je ne m'attends pas à être considéré comme un auteur intellectuel qui gagnera le Nobel,
06:21 mais je vais me placer du côté de ce que j'appellerais le populaire noble."
06:25 Le mot "exigence" revient souvent dans vos propos,
06:28 c'est important cette égalité d'accès à l'exigence ?
06:32 - Oui, mais je pense que tout créateur se doit une certaine exigence,
06:37 en tout cas envers lui-même, parce que sinon,
06:40 je ne veux surtout pas être taxé de paresse, on va dire.
06:43 Je pense que, et d'ailleurs, quand je vois une oeuvre,
06:46 quelle qu'elle soit, que ce soit au théâtre ou ailleurs,
06:48 la seule chose qui peut m'énerver, c'est quand je sens de la paresse dans le travail.
06:53 - Du côté du créateur, du côté du metteur en scène.
06:55 - Du côté du créateur, du côté de la personne qui nous fournit un travail,
06:58 et on vient et on assiste à ce travail, et quand je me dis,
07:01 bon, là, vraiment, c'est facilité sur facilité sur facilité,
07:04 ce n'est pas une question de talent, c'est vraiment une question de paresse,
07:07 c'est la seule chose qui va m'irriter.
07:09 En revanche, quand il y a du travail, quand il y a un travail fourni,
07:12 même si ce n'est pas exactement quelque chose qui va me plaire,
07:15 je ne peux que reconnaître le travail et l'importance de ce travail.
07:19 Donc cette exigence, elle est là aussi.
07:21 - Il y a un autre mot qui revient souvent dans vos déclarations publiques,
07:24 c'est le mot "empathie".
07:26 Le cœur de notre travail, c'est d'amener de l'empathie sur nos personnages, dites-vous,
07:30 et le mot revient beaucoup aujourd'hui dans le débat public aussi.
07:33 On s'apprête même à instaurer des cours d'empathie pour les jeunes dans les lycées.
07:37 Vous qui tenez à cette empathie, qu'en pensez-vous ?
07:40 - Ce que je trouve, c'est un mot d'autant plus important
07:43 et qui résonne d'autant plus fort aujourd'hui,
07:45 c'est que l'ensemble des réseaux sociaux ne sont pas vraiment construits
07:48 autour de la notion d'empathie.
07:50 Au contraire, que ce soit les réseaux sociaux, les médias ou les chaînes d'info,
07:54 aujourd'hui on a plutôt tendance à célébrer le clash.
07:57 C'est ça qui fait du clic, c'est ça qui fait qu'on regarde.
08:00 On regarde quand il y a deux personnes qui s'engueulent,
08:02 on regarde quand il y a quelqu'un qui déteste quelqu'un d'autre
08:04 et on veut savoir la réponse, en fait.
08:06 Et c'est là qu'on clique.
08:07 Alors que quand on dit "quelqu'un aime beaucoup un tel", on s'en fiche.
08:11 Donc il y a un truc sur l'empathie qui est hyper intéressant
08:15 à garder à chaque fois au service d'une histoire.
08:19 Il faut qu'on aime les personnages qu'on va suivre.
08:22 Moi, même une histoire très brillante,
08:24 si je n'ai pas d'empathie sur le héros, je vais lâcher.
08:27 Si je ne trouve pas un des personnages sur qui avoir de l'empathie,
08:31 je vais lâcher.
08:32 C'était d'ailleurs, je trouve, l'une des grandes forces de Game of Thrones,
08:34 c'est qu'au moment où on commençait à avoir de l'empathie sur un personnage,
08:36 il le tuait.
08:37 Et il fallait qu'on trouve quelqu'un d'autre sur qui avoir de l'empathie
08:40 et il se développait dans les épisodes suivants.
08:42 - Télérama vous a qualifié d'artiste boulimique.
08:45 Seul le manque de temps jugule l'appétit de jeu d'Alexis Michalik,
08:49 sa soif d'écriture, de réalisation, de mise en scène.
08:52 Et d'ailleurs, vos pièces reflètent un peu ce rythme
08:55 que peut-être vous, vous imposez vous.
08:56 - Ça, c'est vraiment un mythe.
08:58 C'est une légende totale.
09:00 Je veux dire, j'aime bien travailler, j'aime bien mon métier,
09:03 mais justement, je ne suis pas du tout ce boulimique de travail
09:06 qui a besoin de travailler tout le temps.
09:07 Moi, je suis très content de prendre des vacances.
09:09 J'en prends beaucoup.
09:11 - Mais alors pourquoi cette image de vous ?
09:13 - Je ne sais pas.
09:14 - D'où ça vient ?
09:15 - Je pense parce qu'en fait, les pièces restent à l'affiche
09:18 et donc on a une impression de cumul de choses.
09:21 Mais en réalité, moi, il y a trois ans entre chaque spectacle,
09:23 donc je prends vraiment le temps de prendre du recul,
09:25 de partir faire de la planche à voile et d'avoir une nouvelle idée
09:28 et de me dire, ah tiens, je vais commencer à bosser dessus.
09:30 "Passeport", c'est une idée qui naît
09:33 et je commence à l'écrire deux ans plus tard.
09:35 Donc il y a deux ans de maturation avant l'écriture
09:37 et après, il y a encore un an avant que la pièce existe.
09:39 Donc il y a trois ans en tout pour que ça arrive au public et avant "Passeport".
09:43 La dernière création, je mets à part les producteurs
09:45 parce que ce n'était pas moi qui l'ai écrite, c'était Mel Brooks.
09:48 La dernière création, c'était "Une histoire d'amour",
09:50 c'était en 2020, donc il y a quatre ans entre les deux.
09:53 - Pour mieux comprendre votre parcours, on va se pencher un peu sur votre histoire.
09:57 Vous l'avez dit, vous êtes né à Paris, dans une famille aux origines très diverses.
10:00 Un père français d'origine polonaise, une mère britannique,
10:03 une grand-mère australienne, un grand-père irlandais.
10:06 Vous grandissez dans le 18e arrondissement de Paris,
10:08 dans le quartier populaire des Abbesses.
10:10 Un père artiste-peintre.
10:11 Mes parents m'emmenaient beaucoup au théâtre, vous nous l'avez dit.
10:13 On allait à Bobigny, à Nanterre, au Bouffes du Nord.
10:15 J'ai vu beaucoup de grands spectacles.
10:17 C'est cet environnement aussi qui vous a donné le goût de l'écriture
10:21 et ce que vous dites très joliment, d'être un raconteur d'histoire.
10:24 - Alors ce qui est marrant, c'est que... - Une belle expression, raconteur d'histoire.
10:27 - Oui, parce que ça englobe beaucoup de façons de raconter une histoire.
10:30 Mais ce qui est rigolo, c'est que vraiment, je ne me destinais pas du tout à ça.
10:33 En fait, je n'ai jamais voulu être metteur en scène,
10:36 je n'ai jamais voulu être réalisateur, je n'ai jamais voulu être auteur.
10:38 Et pourtant, aujourd'hui, c'est ce que je fais.
10:40 Moi, je voulais être acteur.
10:42 Vraiment, c'était mon truc. J'avais envie d'être comédien.
10:44 Et dès l'adolescence, j'étais au club théâtre du collège.
10:48 Et je savais que je voulais absolument faire ça de ma vie.
10:52 - Pourquoi ? - Parce que c'est là où je me sentais bien, tout simplement.
10:55 Quand j'étais sur scène, en représentation, à interpréter des textes,
10:58 j'étais heureux.
11:00 Je savais que ça allait être un épanouissement et que j'adorais ce moment de la scène.
11:04 Comme tous les acteurs, le meilleur moment pour eux, c'est le moment où ils jouent.
11:07 Et puis, tout simplement, je me suis mis à écrire à dos un journal intime,
11:12 des nouvelles, des trucs, des romans, des ceci, des cela.
11:15 Mais vraiment, personne ne m'a jamais dit que c'était génial.
11:18 Je faisais l'air à mes potes qui me disaient "oui, c'est sympa, mais moi je préfère Marc Lévy".
11:21 Et puis, un jour, il y a eu le porteur d'histoire,
11:23 qui a été mon premier spectacle, qui est vraiment issu ex nihilo.
11:27 Et ça a été un tel succès que je me suis dit "bon, ça intéresse des gens,
11:32 je vais continuer à écrire et à raconter des choses".
11:35 Mais à l'origine, ce n'était pas le plan.
11:38 - Vous êtes un autodidacte à 19 ans, vous arrêtez vos études de maths, je crois,
11:42 pour faire du théâtre.
11:44 En 2003, vous êtes admis au Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique de Paris,
11:48 mais vous décidez de ne pas y aller.
11:50 On ne pouvait pas travailler à l'extérieur pendant le cursus, dites-vous.
11:53 C'est osé, quand même, voire gonflé.
11:55 - Ce qui est drôle, c'est qu'on continue à me poser cette question-là,
11:58 20 ans après, alors que j'y serais allé, ça ne serait même pas une ligne dans le CV.
12:02 - Oui, mais c'est incroyable de refuser ce qui est considéré comme une chance par beaucoup d'autres.
12:09 - Mais je pense que j'avais envie de...
12:11 Déjà, je n'ai jamais été très scolaire, j'avais envie de bosser.
12:15 Et puis, je me disais, j'ai eu une chance sur deux de tomber sur un prof
12:21 avec qui je ne serais pas d'accord et ça va m'énerver, etc.
12:25 - Il y a une profonde liberté en vous, voire une espèce de rébellion.
12:29 - Je pense que... Rébellion, je ne suis pas sûr, mais une envie de liberté, oui, c'est sûr.
12:33 Une envie de commencer à bosser très tôt, ça, c'est sûr.
12:36 Et puis, vraiment, il y avait ce truc où j'ai discuté avec le directeur du conservatoire
12:40 avant de passer le dernier tour, qui m'a dit,
12:42 "Mais si vous rentrez, et là, je vois que vous commencez déjà à bosser,
12:45 si vous rentrez et que dans six mois, vous nous lâchez pour un tournage,
12:49 vous aurez pris la place de quelqu'un et ce sera quand même un peu dommage."
12:52 J'ai dit, "Oui, j'entends ce que vous dites, je vais y réfléchir."
12:54 Et effectivement, j'ai laissé ma place à quelqu'un.
12:56 - Peut-être que le classicisme, ce n'était pas votre truc non plus ?
12:59 - Un peu, et puis, je venais de faire une pièce avec Irina Brouk,
13:02 qui était une metteur en scène incroyable et qui m'avait fait faire un Roméo et Juliette à 18 ans.
13:07 Et ensuite, quand je suis arrivé au conservatoire,
13:10 il y avait encore à cette époque-là un stage avec divers professeurs.
13:13 Il y en avait avec qui je me disais, "Ah, je me verrais bien."
13:15 Et puis, il y en avait avec qui je me disais, "Je ne peux pas, je me tire une balle."
13:19 - J'ai une archive à vous proposer, Alexey Michalik.
13:22 Je vais la mettre entre vos mains et puis la décrire un petit peu pour les gens qui nous écoutent.
13:26 Peut-être que vous le reconnaissez, il s'agit d'André Benedetto, directeur de théâtre et poète.
13:30 Il est celui à qui l'on attribue la paternité du Festival Hoff d'Avignon.
13:34 En 1966, il défie Jean Villard, dont vous parliez tout à l'heure,
13:38 qui avait effectivement créé le Festival d'Avignon en 1947,
13:40 en ouvrant son Théâtre des Carmes en plein festival.
13:43 Il récidive l'année d'après, malgré la colère qu'il suscite.
13:46 Le Hoff est né, et je vous en parle évidemment,
13:49 parce que le Hoff vous a aussi fait naître en tant qu'auteur et metteur en scène.
13:52 C'est le tournant de votre carrière, le Hoff d'Avignon ?
13:55 - Oui, alors, tournant de carrière, j'avais 22 ans, donc c'est un tournanteau.
14:01 Mais en tout cas, ça a été un bouleversement, une révolution d'arriver dans cet endroit
14:05 où tout à coup, je me suis dit, "Mais en fait, j'ai un endroit pour créer ce festival."
14:10 Il est ouvert à tout le monde, à toutes les jeunes compagnies qui veulent se lancer,
14:14 qui ont un spectacle et qui ont envie de le confronter à un public.
14:16 Et pour ça, il suffit de louer une salle, concrètement,
14:19 pendant un mois ou pendant les trois semaines que dure le festival.
14:22 Il y a le Festival INC, le Festival Officiel, avec des grands noms de la mise en scène,
14:27 des grands moyens aussi, l'immense scène de la Cour d'honneur du Palais des Papes
14:32 et des endroits vraiment mythiques et magnifiques,
14:34 auxquels j'encourage tout le monde d'aller découvrir s'ils ne l'ont pas encore fait.
14:39 Et puis, il y a le Festival OFF, qui est encore plus gros en termes de spectateurs et de spectacles,
14:44 où c'est 1000 spectacles qui se jouent tous les jours.
14:47 Toute la ville se transforme en espèce de théâtre à ciel ouvert,
14:52 puisque plein de salles deviennent des théâtres. Il y a une centaine de théâtres en tout.
14:56 Et le OFF, c'est l'opportunité pour beaucoup de jeunes compagnies
15:00 de pouvoir, pour la première fois, se confronter à un vrai public,
15:03 puisqu'ils louent leur salle et puis ensuite, ils vont parader, tracter, aller chercher le...
15:08 Donc déjà, il y a une notion de communication, de comment est-ce qu'on vend un spectacle,
15:12 comment est-ce qu'on parle d'un spectacle.
15:14 Ensuite, c'est le début de la professionnalisation.
15:16 - On se fait la main ?
15:17 - On se fait la main de manière très rapide et intense.
15:21 Et puis, on découvre qu'on peut vivre du théâtre.
15:24 On peut avoir une compagnie, payer les acteurs, vendre des dates de tournée
15:29 et puis ensuite, parvenir à dégager un peu de bénéfices pour la prochaine création,
15:33 demander des subventions, etc.
15:34 Tout ça, ça se fait à Vignon et ça s'apprend à Vignon.
15:36 - Mais il y a aussi beaucoup de spectacles qui, a priori, ne trouvent pas leur public.
15:39 On parle même d'obésité du festival.
15:42 - On en parle et chaque année, on dit genre "Oh là là, il y a vraiment beaucoup trop de spectacles, etc."
15:46 - Qu'est-ce que vous en pensez de ça ? Il n'y en a jamais trop ?
15:49 - Je cite toujours cet exemple, en 1917, Révolution soviétique,
15:53 ils se rendent compte que le budget du cinéma finance à peu près 100 films par an
16:01 et ils considèrent qu'il y en a 10 de bons.
16:03 Donc ils disent "L'année prochaine, on ne va en financer que 10."
16:06 Sauf que la même règle s'applique et du coup, il n'y en a plus qu'un seul qui était bien.
16:09 - Bien sûr.
16:10 - Bon ben voilà, c'est pareil en fait.
16:11 Moi, je pense qu'une offre culturelle forte, c'est une offre diverse avec beaucoup de spectacles
16:15 et beaucoup de possibles et que le spectateur est gagnant et il n'y en aura jamais trop.
16:19 - Et la création de manière générale.
16:21 Nous sommes au Sénat, un lieu de pouvoir, un lieu politique
16:24 et j'ai envie de vous parler politique puisque vous en parlez aussi publiquement,
16:27 de vos convictions politiques.
16:29 J'ai grandi dans un milieu populaire, je suis de gauche depuis toujours.
16:32 Mes pièces se font sans tête d'affiche, tous mes acteurs sont payés pareil.
16:35 J'ai tout simplement une conscience de gauche, dites-vous.
16:38 Est-ce que c'est l'humeur de l'époque aussi qui vous pousse à exprimer de plus en plus
16:43 votre opinion politique ?
16:46 - Moi, je n'ai surtout pas l'impression d'apporter grand-chose à un débat
16:50 qui est déjà saturé par beaucoup, beaucoup, beaucoup de gens qui s'expriment.
16:54 Je pense que la problématique sociétale d'aujourd'hui,
16:57 ce n'est pas qu'il n'y a pas assez de gens qui s'expriment.
16:59 Tout le monde s'exprime en long, en large, en temps, en travers.
17:03 Donc non, ce n'est pas ça.
17:05 Je ne me suis pas dit que ma voix est nécessaire pour ce combat.
17:09 Au contraire, j'ai plutôt un truc où moi, à chaque fois que je dis quelque chose de politique,
17:14 mais comme n'importe qui aujourd'hui dans le pays,
17:16 il y a 15 000 personnes qui s'insurgent pour dire le contraire.
17:19 En revanche, je suis vraiment porté par mes histoires.
17:23 Et celle-ci, l'idée de cette histoire est née il y a trois ans.
17:28 Et puis, quand j'ai compris que ça allait parler de l'immigration en France,
17:32 - De quelle histoire vous parlez ? De passeport ? - De passeport, bien sûr, de la dernière.
17:35 Je me suis dit, bon, il va falloir que je me documente pas mal, déjà.
17:40 Il va falloir que je sois sûr de mon propos, que je sois clair sur ce que je raconte,
17:44 que les chiffres soient justes, etc.
17:46 - Parce que ça parle d'immigration, ça parle de migration, ça parle des réfugiés,
17:50 ça parle du parcours de combattant qu'ils traversent
17:52 pour avoir ne serait-ce qu'un travail, un toit, un bout de vie en France.
17:57 - Tout à fait, mais d'une manière plus générale,
18:01 ça parle de comment on fait un pays.
18:04 C'est-à-dire qu'on a tous des origines et des racines,
18:07 mis à part quelques personnes qui peuvent retracer leur lignée jusqu'au XVIIe siècle,
18:12 tout le monde a des origines.
18:13 Donc, à un moment, nos parents, nos grands-parents, nos ancêtres sont arrivés en France.
18:18 À un moment, ils sont arrivés ici, ils parlaient pas la langue.
18:21 Comment ils ont fait pour s'intégrer ? Qu'est-ce qui s'est passé ?
18:24 En fait, passeport, c'est leur histoire.
18:26 Et quand on a des origines, qu'on se retrouve dans la salle et qu'on arrive au salut,
18:32 il y a un truc qui nous touche parce que c'est l'histoire de nos parents,
18:35 c'est l'histoire de nos grands-parents.
18:37 Et voilà, donc le sujet allait être justement l'immigration,
18:43 mais pas sous l'angle habituellement traité, on va dire.
18:46 - D'abord, elle est incarnée, c'est l'immigration incarnée.
18:49 Ce ne sont pas des chiffres, ce sont des êtres humains qui vivent des choses.
18:52 Ce qui change tout.
18:53 Par contre, le parcours d'Issa, qui est un réfugié érythréen qui a perdu la mémoire
18:57 et dont il lui reste que son passeport,
18:59 et qui est aidé de deux amis, un Indien tamoul, Haroun,
19:02 et un ancien professeur d'anglais à la retraite qui est syrien et qui est Ali.
19:06 Ce trio va essayer de s'intégrer, d'ouvrir leur restaurant
19:09 et de s'intégrer dans la société française.
19:11 Et on va suivre leur parcours du combattant,
19:13 parce que c'est un véritable parcours du combattant,
19:14 pour arriver à obtenir légalement tous les documents.
19:17 - Sauf qu'elle est très politique, cette pièce de théâtre.
19:20 D'ailleurs, elle a été qualifiée, enfin vous a qualifié de théâtre immigrationniste.
19:27 - Par qui ?
19:29 - Par une frange de l'extrême droite.
19:31 - Voilà.
19:32 - Oui, bien sûr, bien sûr.
19:34 Mais vous en avez conscience ?
19:36 Vous réagissez comment à cela ?
19:38 On a parlé de théâtre immigrationniste.
19:40 - Déjà, à partir du moment où je fais...
19:42 C'est marrant, parce que vous me faites commenter un commentaire d'extrême droite, au fond.
19:46 Donc est-ce que c'est vraiment...
19:47 - Bien sûr, mais en traitant de l'immigration, en traitant des...
19:50 Vous saviez que vous alliez sur ce terrain-là.
19:51 - Au fond, est-ce que j'ai vraiment envie de répondre à des gens qui sont de l'extrême droite ?
19:54 Moi, le débat, il n'est pas là, pour moi.
19:56 Je ne m'adresse pas à des gens qui...
19:58 - Oui, mais vous savez qu'ils représentent potentiellement 30 à 40 % des électeurs, ces gens-là.
20:03 Que vous le vouliez ou non, que ça vous plaise ou non.
20:05 Qu'est-ce qu'on répond à 30 à 40 % de la population ?
20:08 - Moi, ce n'est pas mon but, en fait.
20:10 Ce n'est pas de dialoguer avec ces gens-là, en fait.
20:12 Moi, le but, c'est de raconter des histoires.
20:15 Et ces histoires, évidemment, elles viennent de mon univers.
20:19 Et évidemment que je fais dire des choses à mes personnages,
20:21 qui sont les histoires que je veux raconter.
20:23 Néanmoins, c'est mon ressenti, ma vision de la France.
20:27 J'ai grandi à Paris, dans un quartier populaire.
20:30 Je suis moi-même un immigré invisible, parce que je suis blanc.
20:35 Donc, je n'ai absolument pas eu à souffrir des affres, du racisme, etc.
20:38 Mais quand même, c'est quelque chose qui fait partie de mon univers,
20:42 de mes amis, de mon cercle proche.
20:44 Depuis toujours, en fait.
20:46 Donc, voilà, je parle en connaissance de cause.
20:49 Et souvent, le camp adverse parle en méconnaissance de cause.
20:53 Parce que je pense que les peurs, les amalgames et l'intolérance...
21:01 - Viennent de l'ignorance, pour vous ?
21:03 - Viennent de l'ignorance. Obligatoirement.
21:05 Viennent de choses qu'on nous a répétées, anonnées.
21:08 Et on a appris à vivre avec la peur de l'étranger, la xénophobie,
21:12 l'intolérance vis-à-vis d'une autre culture.
21:15 Voilà, moi, j'ai un peu une vision opposée.
21:18 C'est-à-dire que je suis fasciné par les cultures étrangères.
21:21 Je ne considère pas... Peut-être que c'est dû à ma binationalité.
21:24 Peut-être le fait que ma mère soit anglaise, que moi, je sois français.
21:27 Mais surtout, ma mère parlait anglais à la maison.
21:29 Je parle anglais avec ma mère.
21:30 Et donc, j'ai cette part en moi, j'ai un anglais en moi.
21:33 Et quand j'arrive en Angleterre, je pense en anglais, etc.
21:36 Et donc, souvent, je me retrouve assez attiré par les gens
21:40 qui ont cette double culture, les binationaux, trinationaux.
21:43 Parce qu'on se comprend déjà.
21:44 Et puis, parce qu'il y a quelque chose où, en fait,
21:46 quand on a une double culture, déjà, on comprend
21:48 qu'on n'a pas forcément un seul point de vue qui est le bon.
21:51 Ce n'est pas une lutte de point de vue permanente.
21:54 Et du coup, on en revient à ce qu'on disait tout à l'heure
21:56 sur le débat public.
21:59 On comprend qu'en fait, il n'y a pas forcément
22:01 « j'ai mon point de vue et j'en dérogerai pas.
22:03 Et quoi que tu dises, tout ce que je ferai, c'est te dénigrer. »
22:07 Il peut y avoir deux personnes qui cohabitent en soi.
22:09 On peut avoir deux points de vue différents
22:11 et comprendre l'ensemble des points de vue de tout le monde.
22:14 - Vous êtes optimiste ou pessimiste quand vous voyez les intentions de vote ?
22:17 - La montée des extrêmes ?
22:18 - Oui, la montée des extrêmes.
22:19 - Très pessimiste.
22:20 - Très pessimiste, oui.
22:21 - Oui, je veux dire, comment ne pas l'être ?
22:23 - Vous dites que l'Europe recule, qu'elle manque d'humanité.
22:25 - Oui, évidemment.
22:26 Déjà, on a perdu l'Angleterre.
22:28 Bon, ben, super.
22:29 Ensuite, on se retrouve à avoir des lois qui passent
22:32 de plus en plus dures et de moins en moins tolérantes et humanistes.
22:37 Donc, oui, bien sûr que j'ai l'impression qu'il y a un recul politique.
22:40 Je veux dire, c'est fou de se rendre compte qu'aujourd'hui, en France,
22:44 il n'y a pas de grande figure de gauche qui soit capable de rassembler aujourd'hui.
22:48 Ça me déprime.
22:49 Juste, moi, comment dire ?
22:53 Je crois que c'est Deleuze qui disait la différence entre quelqu'un de gauche
22:56 ou quelqu'un de droite.
22:57 Quelqu'un de droite, il commence par regarder sa maison,
23:00 puis sa ville, puis son pays, puis le continent.
23:03 Et quelqu'un de gauche, il commence par regarder le continent,
23:05 puis le pays, puis sa maison, puis son truc.
23:08 Donc, voilà, moi, effectivement, je me sens européen.
23:11 Et quand je vois les intentions politiques européennes,
23:14 je ne sais pas quoi dire.
23:16 C'est un repli, c'est un recul.
23:18 Et je pense vraiment que c'est une méconnaissance du passé, en fait,
23:20 que de céder aux sirènes de l'extrême droite.
23:24 Oui, enfin, les extrêmes, c'est surtout l'extrême droite qui monte aujourd'hui.
23:28 Il y a un écho du passé qui est évident.
23:33 Et puis, dès que l'extrême droite passe dans quelques pays que ce soit,
23:38 on voit qu'il y a des mécanismes qui sont mis en place.
23:41 La presse est muselée.
23:43 On prend l'Argentine.
23:44 Les droits des femmes sont grignotés.
23:46 Ah, fouez ! On prend les derniers.
23:47 Voilà, l'Argentine qui est passée à l'extrême droite,
23:50 avec une espèce d'ersatz de Trump.
23:52 Qu'est-ce qu'il a fait ?
23:53 Il a dissous l'organisme de presse principal du pays.
23:56 Donc, c'est…
23:58 C'est la même histoire à chaque fois.
24:00 Oui, c'est la même histoire, et c'est un peu déprimant.
24:02 J'ai des photos pour vous.
24:03 J'ai des photos à vous proposer, Alexis Michalik.
24:05 La première photo, c'est l'affiche du film "Quelques jours, pas plus"
24:13 de Julie Navarro, avec Camille Cotin et Benjamin Biollet.
24:16 Un film qui a été victime justement d'une campagne de messages haineux, racistes,
24:20 avant même qu'il ne sorte en salles, donc avant même qu'il ne soit vu.
24:24 On a pu lire un truc pro-migrants, à vomir les Français d'abord,
24:28 que ces deux blindés bobos artistes les accueillent chez eux
24:31 au lieu de faire des films.
24:33 Ces gens, ou ces trolls, ont mis une avalanche de mauvaises notes sur Allociné,
24:37 ce qui fait que ça a eu un réel impact sur le sort de l'œuvre.
24:42 Qu'est-ce que ça vous a inspiré ?
24:44 Est-ce que ça a créé des craintes aussi, chez le créateur que vous êtes ?
24:47 Est-ce que vous craignez de l'autocensure, pas forcément chez vous,
24:49 mais peut-être chez d'autres ?
24:51 Moi, je suis assez détaché de tout ça.
24:54 J'ai entendu parler, évidemment, de cette histoire.
24:56 C'est une première.
24:57 Moi-même, j'en ai reçu quelques-uns, des trolls,
24:59 des messages haineux, etc.
25:01 Chaque fois que je fais un passage et que je dis des choses aussi simples
25:04 que je suis de gauche et je pense qu'on doit avoir plus d'humanité
25:07 envers les arrivées, et ça m'embête quand je vois que les lois se durcissent.
25:12 Vraiment, je reçois des messages, pas dans une proportion délirante,
25:18 parce que je ne suis pas suffisamment exposé médiatiquement,
25:21 mais qui, je ne vous cache pas, ne sont pas d'une grande intelligence.
25:25 Donc, encore une fois, c'est quelque chose, le chien à bois, la caravane passe.
25:28 Mais vous n'avez pas de autocensure, ou pas, chez ceux qui créent ?
25:31 Non, je n'ai pas peur.
25:34 Est-ce que je vais froisser les électeurs d'extrême droite
25:37 en faisant un spectacle qui traite de manière positive sur l'immigration ?
25:41 Non, ce n'est pas ma crainte, en fait.
25:44 Une deuxième photo, Juliette Binoche, l'actrice émue aux larmes,
25:48 qui a raconté ce qu'était d'être actrice dans les années 80-90,
25:53 attouchement, baiser, nudité, obsession du corps des femmes,
25:56 de leurs fesses, de leurs seins, a-t-elle dit.
25:58 Une commission d'enquête à l'Assemblée nationale a été créée
26:01 dans le monde du cinéma, pour regarder un peu ce qui se passe
26:04 du côté des violences faites aux femmes.
26:07 Juliette Binoche demande aux hommes de prendre la parole,
26:10 de s'emparer de ce sujet.
26:12 Vous êtes acteur, vous êtes metteur en scène, vous êtes un homme.
26:15 Qu'est-ce que vous pouvez...
26:17 Moi, je suis complètement dans ce même combat,
26:19 et je serais ravi qu'il y ait une commission, etc.
26:21 Moi, en tant que jeune acteur, je n'y ai pas été confronté personnellement,
26:24 mais je sais qu'évidemment, il y a plein de gens qui en ont été confrontés.
26:27 Moi, je pense que dans le théâtre, il y a peut-être moins d'argent,
26:30 moins de pression, et donc peut-être aussi des abus moins flagrants,
26:35 même s'il y en a comme partout.
26:37 Je pense que dans les cours de théâtre, en revanche,
26:39 c'est vraiment un endroit qu'il faudrait réguler d'une manière plus claire.
26:45 N'importe qui, aujourd'hui, peut se prétendre prof de théâtre.
26:48 Un prof de théâtre, ce n'est pas quelque chose
26:50 où l'on doit suivre une formation pendant huit ans.
26:52 Et souvent, dans les cours de théâtre,
26:54 il y a des trucs qui, moi, déjà, me mettaient un peu mal à l'aise à l'époque.
26:58 Il y a de la nudité, il y a beaucoup de profs qui disent
27:01 « On va aller à la recherche de ce qui vous fait peur ».
27:05 Donc, il y a des trucs trash, et puis en plus,
27:08 on prend des jeunes élèves qui ont envie d'exister,
27:10 qui ont envie de marquer, qui ont envie de faire quelque chose,
27:12 et donc qui vont parfois se retrouver à faire des choses pour un prof.
27:17 - Et qui s'abîment, en fait.
27:19 - Et puis surtout, qui n'ont vraiment pas lieu d'être
27:21 et qui ne serviront pas du tout l'acteur ou l'actrice qu'ils vont être.
27:25 Donc, du coup, je pense que c'est surtout dans les cours,
27:29 parce que quand on s'adresse à des...
27:31 Elle le dit, Juliette Binoche, c'est quand elle est très jeune que ça lui arrive.
27:34 Et Judith Gaudrech, pareil, quand elle est très jeune.
27:36 Quand on est une actrice de 25-30 ans
27:39 et qu'on a déjà fait 5-10 ans de carrière,
27:42 on a déjà un peu plus les armes pour arriver à savoir
27:46 ce qui est juste, ce qui n'est pas juste, etc.
27:48 - J'ai une dernière question qui est en lien avec le lieu dans lequel nous sommes.
27:51 Nous sommes entourés de 4 statues qui représentent chacune une vertu.
27:54 Il y a la sagesse, la prudence, la justice et l'éloquence.
27:59 Et le rituel de cette émission, c'est de demander à l'invité
28:01 dans laquelle de ses vertus il se reconnaît le plus.
28:03 - Il se reconnaît ? L'éloquence, peut-être, puisque quand même, j'écris.
28:07 Et puis je le dis aussi, je pense que c'est une vertue nécessaire à notre métier.
28:12 - Ce sera votre mot, le mot de la fin.
28:14 Merci infiniment, Alexis Michalik, de vous être prêté au jeu de cet entretien.
28:16 Merci à vous d'avoir suivi ces rituels.
28:19 Et merci à vous de nous avoir suivis, comme chaque semaine,
28:21 entretiens retrouvés en podcast, évidemment.
28:23 À très bientôt sur Public Sénat. Merci.
28:25 (Générique)

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