• il y a 7 mois
Transcription
00:00 Il y a un réchargeur qui m'a donné son portable.
00:02 Mais je ne l'ai pas appelé.
00:05 La première fois, c'était pour Indiana Jones 3.
00:16 En fait, j'avais oublié, c'est lui qui me l'a rappelé.
00:18 Mais j'étais en train de tourner Les Amants de Pontneuf
00:20 et j'étais en plein tournage, j'essayais de trouver des sous
00:24 avec Léos Carax, le metteur en scène.
00:28 On était un petit groupe, voilà, et donc ça n'avait pas été possible.
00:32 Puis après, ça a été Jurassic Park
00:40 et j'avais déjà dit oui à Kieslowski pour Bleu.
00:44 Donc c'était...
00:46 Et puis j'aimais, je préférais le scénario de Bleu.
00:48 C'est comme ça.
00:50 Et ensuite, il y a eu la liste de Schindler
00:52 où je me faisais t***er, violer, je mourrais
00:56 et j'étais enceinte de mon fils, donc je me suis...
00:58 Non, peut-être pas, non.
01:00 Ouais, ouais, c'est vrai.
01:08 Parce que, enfin pour moi, c'est ça,
01:10 c'est qu'au moment où je donne la dernière injection
01:14 aux patients dans l'histoire,
01:16 une sorte de s*** de demandé, finalement.
01:19 En fait, au moment où j'ai cassé l'ampoule pour prendre la morphine,
01:24 je l'ai fermée trop fort et en fait, je me suis coupée
01:27 et ça m'a étonnée.
01:29 Et donc, j'ai perdu un peu, j'ai pleuré à un moment donné.
01:33 J'ai comme perdu le...
01:35 Je me suis dit "C'est pas vrai", quoi.
01:37 Et en fait, il a gardé ce moment-là, il l'a monté.
01:40 Et je me dis qu'en fait, j'ai eu l'Oscar
01:47 à cause de ce moment-là.
01:48 C'était un pur hasard.
01:50 Et l'Oscar va à...
01:52 Juliette Binoche, pour l'hôpital anglais.
01:57 Ça fait un grand étonnement, c'est très joyeux.
02:05 C'est joyeux, puis à la fois, ça sépare des autres.
02:09 Ben, il y a une séparation quelque part, parce que
02:14 il peut y avoir de l'admiration, il peut y avoir de l'envie.
02:20 Il peut y avoir...
02:21 Sentir qu'on est différent.
02:23 Ça implique tout ça aussi.
02:25 Donc, c'est plus compliqué qu'on le croit.
02:28 Mais vraiment, au fond du fond, c'était joyeux.
02:32 Et puis, pour ce rôle-là, j'ai aimé parce que j'ai adoré
02:36 se tourner ce film et qu'il y avait une...
02:39 Ouais, il y avait cette espèce de mystère de ce personnage,
02:42 de cette histoire.
02:43 Et puis, une vraie confiance avec Anthony Mingala,
02:46 qui a été un peu trahi après.
02:49 Mais bon, ça fait partie des aléas
02:51 de nos vies d'acteur, d'actrice.
02:53 C'est de tourner en anglais, qui était quand même une gageur.
03:01 Et aussi parce que j'ai été choisie une semaine avant.
03:04 Donc, de plonger dans la Tchécoslovaquie,
03:08 d'avoir un accent tchécoslovaque en parlant anglais.
03:13 Je viens de l'arriver.
03:15 J'ai des amis pour voir.
03:18 Je suis là pour un boulot.
03:20 Hum hum.
03:21 En fait, pour les essais de L'Insoutenable,
03:25 ils m'avaient proposé l'autre rôle.
03:27 Ils m'avaient demandé de passer l'essai pour Sabrina,
03:29 qui avait dix ans plus que moi.
03:30 Donc, je ne comprenais rien du tout.
03:32 Et c'était une artiste, peintre.
03:34 Et donc, comme je faisais la peinture, je suis arrivée avec mes dessins.
03:37 Ils m'appelaient mes peintures pour passer le casting en me disant
03:42 "Bon, ben comme ça, je vais peut-être les convaincre que c'est bien
03:44 que je joue une artiste, une peintre."
03:47 Et en fait, ils avaient déjà concocté l'histoire en eux
03:50 parce qu'ils avaient déjà engagé une actrice américaine pour jouer le rôle.
03:54 J'ai commencé à jouer Teresa
03:57 et je sentais que j'étais partie sur une route mauvaise dans le jeu.
04:01 Donc, j'ai eu le cran et je leur ai dit...
04:04 Il y avait Daniel Day-Lewis et il y avait le metteur en scène Philippe Kaufmann.
04:08 Et je leur ai dit "Je peux recommencer?"
04:10 Ils m'ont dit "Oui, oui, oui."
04:11 Donc, j'ai recommencé.
04:12 Ça allait mieux.
04:13 Et puis après, il y avait un silence.
04:16 J'ai pris mon grand...
04:18 mon grand carnet de dessin là
04:21 et j'ai commencé à marcher le long de la scène.
04:24 J'habitais la place de l'école juste en face du pont Neuf.
04:28 Et je suis remontée, mais j'étais en pleurs.
04:32 Je me suis dit "Ça marchera jamais."
04:33 Et oui, en fait, j'ai eu le rôle.
04:34 "Nice to meet you.
04:36 Goodbye."
04:45 C'était un tournage très facile
04:47 parce que là, c'est Al Hastrom, le metteur en scène.
04:50 C'est quelqu'un qui est toujours très positif.
04:53 Si on veut une prise, on peut en avoir une.
04:55 Enfin, il a un côté très "easy going", facile et enthousiaste.
05:01 Jamais je n'ai entendu dire non, par exemple.
05:03 Et puis avec Johnny, c'était aussi facile.
05:05 J'étais déçue parce qu'il n'aimait pas le chocolat
05:07 parce que j'avais préparé dans un magasin de chocolat,
05:11 un faiseur de chocolat ici à Paris.
05:14 J'avais été m'entraîner avec lui.
05:16 J'avais préparé avec lui les chocolats
05:18 pour les donner aux différents personnages,
05:20 comme une sorte de préparation, moins de film.
05:23 Et puis aussi, j'ai aimé le chocolat.
05:24 J'avais envie d'apprendre à faire du chocolat.
05:26 Et en fait, Johnny, c'est quelqu'un qui déteste le chocolat.
05:29 Donc, après chaque prise, il crachait dans une bassine
05:31 ou dans l'eau.
05:33 Il y avait un fleur entourné près de l'eau.
05:35 Je suis bouleversé, mais ce n'est pas mon préféré.
05:38 C'est une anecdote, mais sinon, ça s'est très bien passé.
05:42 On a bien rigolé.
05:43 Il était très timide, Johnny.
05:45 Très, très timide pour danser, par exemple.
05:48 Il fallait vraiment le convaincre.
05:50 On a fait une petite danse de rien du tout,
05:54 mais c'était compliqué pour lui.
05:56 C'était étonnant de voir sa timidité.
05:58 Je devais le faire avec Anthony Mingala
06:04 et on a attendu dix ans pour que j'ai l'âge
06:07 de faire ce rôle-là.
06:09 Et puis,
06:11 c'est le réalisateur Audrey qui s'est mis à genoux
06:16 pour avoir le scénario.
06:17 Et comme Anthony Mingala l'avait proposé en même temps à Nicole Kidman,
06:21 en même temps qu'après moi, donc, il a dû se trouver dans un dilemme
06:25 très difficile à régler.
06:26 Et donc, il l'a donné à Audrey.
06:28 C'est Nicole Kidman qui devait le faire.
06:30 Ils avaient déjà tourné ensemble The Hours et Nicole est tombée enceinte
06:34 et il a choisi finalement Kate Winslet.
06:38 Mais vous auriez fait quoi, vous ?
06:42 Et c'est vrai que j'ai été déçue, évidemment,
06:45 parce que j'aimais beaucoup ce rôle.
06:47 Mais à la fois, quand on voit ce qu'elle a fait,
06:49 on est libéré aussi de ça.
06:53 Alors, oui, parce que moi, il est arrivé un matin
06:59 où j'avais appris par cœur l'évangile de Marie-Madeleine
07:01 qui avait été traduit peu de temps avant.
07:04 Et c'était vraiment génial de pouvoir le dire finalement publiquement,
07:07 de parler de cet évangile de Marie-Madeleine.
07:09 C'est quand même insensé.
07:10 Et quand on a tourné, ce matin-là, il est arrivé en retard.
07:14 Il est arrivé vers midi parce qu'apparemment,
07:16 il y avait des problèmes sur l'autoroute, etc.
07:19 Et il me dit « mais en fait, j'ai réécrit toute la scène,
07:21 j'ai réécrit tous les manges ».
07:24 J'ai dit « Abel, tu ne peux pas faire ça, tu ne peux pas faire ça ».
07:27 Et il me dit « si ».
07:29 Il me dit, j'ai dit « assis-toi, assis-toi, je vais te le dire par cœur,
07:36 à toi et tu vas voir comme c'est beau et important ».
07:39 Et donc, il ne s'est pas assis.
07:40 Et je lui ai dit l'évangile de Marie-Madeleine comme ça.
07:43 Et je pleurais en même temps parce que c'était horrible pour moi
07:47 l'idée qu'ils ne veulent pas le prendre.
07:49 Et à la fin, il m'a dit « ok, we're going to shoot it, on va le filmer ».
07:55 Donc il est descendu.
07:56 Et après, quand on était sur le lieu du tournage,
07:59 il y avait le chef opérateur qui avait une caméra à l'épaule
08:03 et il voulait le tourner un peu à l'épaule pour que ce soit un peu givant.
08:08 Et il s'est mis un peu, il était un peu jambillé.
08:14 Et je lui ai dit « t'es sûr que tu ne veux pas t'asseoir ?
08:17 Parce que ça dure trois minutes l'évangile.
08:19 Donc, tu vas avoir du mal ».
08:21 Il m'a dit « pas de problème ».
08:23 Et en plein milieu, je le vois qu'il commence à trembler, ses jambes tremblaient.
08:28 Il commençait à respirer super fort.
08:30 Je lui ai dit « on ne va pas le faire, ça ne va pas se passer ».
08:32 Et il a coupé au milieu.
08:34 Mais avant ça, il y avait quand même les poules
08:36 qui étaient dans l'endroit où on tournait.
08:38 Et ils disaient « pa pa pa pa pa pa ».
08:41 Sur l'évangile de Marie-Madeleine, on n'a pas attendu 2000 ans pour avoir les poules.
08:46 C'était vraiment un enfer.
08:48 Mais finalement, il y a quelques bribes dans le film qui restent.
08:52 Ce sont deux metteurs en scène qui ont mis en scène ce film-là.
08:58 Scott McKinney et David Segal.
09:00 Exact.
09:01 On avait répété dans une chambre pour voir toutes les scènes d'amour,
09:05 enfin de sexe qu'il y avait entre eux, parce que c'était un rapport un peu spécial.
09:09 Je voyais que les metteurs en scène n'étaient pas très à l'aise.
09:11 Et souvent, c'est les metteurs en scène, donc les acteurs,
09:13 on essaie de donner des idées.
09:15 « On pourrait faire ça, ça, ça ».
09:17 Et comme j'en avais fait quelques-unes dans mon passé d'actrice,
09:21 j'étais plutôt à proposer, à donner des idées.
09:24 Et à la fin, il y a un réchargeur qui m'a donné son portable.
09:30 À la fin de la journée de répétition.
09:33 Mais je ne l'ai pas appelé.
09:35 Il s'était beaucoup à me donner ce rôle,
09:41 parce qu'il a essayé de trouver une Bosniaque.
09:44 Et il n'arrivait pas à trouver l'actrice, donc finalement, il m'a donné le rôle.
09:47 Et j'avais trouvé qu'Anthony avait changé un peu.
09:51 Donc je ne retrouvais plus le metteur en scène avec qui j'avais travaillé sur Le Passé anglais.
09:55 Et ça me décevait un peu.
09:57 Mais à la fois, c'est un peu ce qui se passe quand on retourne avec le même metteur en scène quelques années après.
10:02 Parce qu'ils ont évolué, on a évolué, la relation est différente.
10:06 Donc on ne retrouve pas forcément ce qu'on avait.
10:10 Donc il y a une sorte d'œil à faire dans un sens.
10:14 Mais j'étais contente de faire le film, parce que j'avais bien aimé le scénario.
10:18 Je travaillais avec Julo.
10:19 Alors Julo, c'est à l'époque où il a vécu ce truc là, ce rendement de terre avec l'histoire de la nanny et tout.
10:25 Donc on n'est pas paradis, c'était l'enfer.
10:27 Lui, il a vécu l'enfer.
10:28 Et pourquoi ce rôle ?
10:29 Parce que pour parler d'une Bosniaque, ça me plaisait de changer de monde.
10:36 Donc je me suis renseignée.
10:39 J'ai été en Bosnie et puis j'ai regardé énormément.
10:45 J'ai dû voir une quarantaine de documentaires qui sont passés pendant la guerre à Sarajevo.
10:53 Et j'ai pris vraiment une claque dans la gueule.
10:56 C'est tellement violent, c'est tellement violent ce qu'ils ont vécu.
11:00 Et d'être complètement abandonnée, un peu comme ça se passe en ce moment pour les Palestiniens.
11:05 C'est vraiment affreux de voir un peuple comme ça, qui est décimé, qui est maltraité, qui est abandonné.
11:14 Comment ça se fait ?
11:18 Alors mon agent à l'époque qui était dans l'agence où travaillait Steve Carell,
11:24 les Américains aiment bien les Françaises quand même.
11:27 Ils les croient faciles et tout ça, mais en fait, ils ont tort.
11:30 Non, en plus, on s'est super bien entendus.
11:32 Alors il bouffe du coca toute la journée.
11:35 Il transpire comme un dingue parce qu'il boit trop de coca.
11:37 Non, il était super agréable.
11:40 Quand même assez, se protégeant beaucoup.
11:44 Parce que comme il tournait beaucoup, en tout cas à l'époque, il bouffe tout seul dans sa loge.
11:50 Il a un côté un peu à se retirer.
11:55 Alors que moi, par moments, je me retire quand je suis fatiguée ou quand j'ai besoin de réviser un texte
12:00 ou quand j'ai besoin de dormir.
12:02 Comme ça, c'est Clive Owen qui dort pendant le repas.
12:05 Il bouffe en quatrième vitesse, puis après, il dort tout le long de l'heure d'arrêt de déjeuner.
12:10 Steve Carell, je ne sais pas s'il dormait, mais en tout cas, il se retirait.
12:14 Moi, j'aime bien aller à la cantine parce que ça permet de parler avec d'autres,
12:20 puis de sentir qu'on fait partie d'une équipe.
12:23 C'est hyper agréable, ça.
12:25 Enfin, moi, j'aime bien.
12:26 Et je mors très vite, oui.
12:31 Mais non, je l'ai fait pour mon fiston.
12:34 Parce que j'ai vu des gouttes de vilain avec lui quand il était petit.
12:36 Il adorait ça, donc je ne pouvais pas dire non.
12:39 Et puis le metteur en scène était très agréable.
12:42 Oui, j'ai bien aimé.
12:43 C'était la star de la mode avant la Seconde Guerre mondiale.
13:02 Les femmes ne s'habillaient plus de la même façon dans la rue
13:04 parce qu'elle était une femme d'influence.
13:06 Pas pendant la Seconde Guerre mondiale, puisqu'elle a décidé de tout arrêter.
13:10 Et après, parce qu'elle était "punie" un peu,
13:13 parce qu'elle s'est retirée en Suisse.
13:15 Et puis après, quand elle est revenue,
13:17 elle a été d'une influence incroyable sur la façon de vivre et de s'habiller des femmes.
13:21 Christian Dior a détruit la haute couture et Coco Chanel est revenue pour la sauver.
13:25 Et à la fois, je pense que vers la fin de sa vie, au fur et à mesure,
13:28 elle s'est enfermée dans sa tour d'ivoire et elle s'est renfermée dans le travail.
13:34 Je pense qu'elle était, comment dire en anglais, "walkaholic".
13:37 Vraiment, c'était ce qui lui permettait de se lever le matin.
13:42 C'est-à-dire, on peut parler d'elle, mais des heures et des heures,
13:45 parce qu'elle a eu des vies diverses et elle était complexe.
13:50 Et sa complexité a joué.
13:52 Elle n'était pas évidente, mais j'ai toujours essayé de garder au fond la petite fille,
13:56 qui permet en fait de l'humaniser.
14:00 Même si je devais jouer des choses très dures,
14:02 parce que les situations qui étaient écrites étaient très dures pour elle.
14:05 Mais c'était toujours important pour moi de la relier à cette petite fille,
14:09 parce que c'est ce qu'il y a.
14:11 Et que les façons d'agir, elles sont reliées souvent à ces fragilités-là.
14:16 Ce qui paraît des forces de l'extérieur, en fait, quand on gratte un peu,
14:20 c'est des faiblesses extrêmes.
14:22 Les gens ont besoin de renouer avec l'émotion.
14:25 Ils ont besoin de rêver, de se sentir de nouveau vivant.
14:28 Nous pouvons imaginer un nouveau monde pour eux.
14:31 [Musique]
14:37 [Sous-titres réalisés par la communauté d'Amara.org]
14:43 [SILENCE]

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