7 MINUTES POUR COMPRENDRE - Nouvelle-Calédonie: comment rétablir l'ordre?

  • il y a 5 mois
L'armée s'est déployée en Nouvelle-Calédonie, où trois nuits d'émeutes ont fait quatre morts ces derniers jours. L'archipel est plongé dans une crise sécuritaire, identitaire et politique, sur fond de révolte contre une réforme constitutionnelle qui prévoit le dégel du corps électoral. Dans l'agglomération de Nouméa, les riverains ont commencé à organiser la défense de leurs quartiers . 

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Transcription
00:00 [Générique]
00:04 Avec nous pour en parler Alexandre Gonzalès, Mathieu Croissando également et Roland Daly, bonjour.
00:09 Vous êtes le secrétaire de la Fédération du commerce de Nouvelle-Calédonie, président du syndicat des commerçants.
00:15 Roland Daly, quels sont les retours que vous avez sur ce qui s'est passé ces dernières heures ?
00:20 Cette première journée sous état d'urgence, est-elle été plus calme que les précédentes ?
00:25 Plus calme, très légèrement en fin de compte dans certains secteurs de l'OMEA,
00:33 mais en fin de compte non, ça a continué à être une nuit d'émeute.
00:37 Beaucoup de concessions automobiles ont été brûlées hier, je pense à Porsche, Mitsubishi, Nissan, etc.
00:45 On ne les compte plus désormais, ils s'attaquent à des quartiers différents soir après soir.
00:50 C'était notre troisième nuit d'émeute au final et on sent que les groupes indépendantistes
00:58 qui ont formé cette cellule de terroristes ont complètement perdu le contrôle sur les assaillants
01:06 qui désormais veulent tout réduire en cendres.
01:08 Oui, c'est ça quand vous dites "ils s'en prennent à tous les commerces, ils s'en prennent à ces concessions".
01:13 Qui sont ces "ils" ?
01:17 C'est une cellule qu'on appelle la CCA1 Nouvelle-Calédonie, qui est une émanation du FLNKS,
01:24 qui était censée militer dans les rues en marge du dégel électoral,
01:28 mais cette cellule est devenue complètement incontrôlable.
01:31 Ce sont des milliers de jeunes qui, lorsqu'ils sont de toute manière arrêtés,
01:34 vu que bien souvent ils sont mineurs, ne peuvent pas être mis en prison.
01:38 De toute manière, il n'y a plus de place dans les prisons en Nouvelle-Calédonie,
01:40 donc on ne sait pas où les mettre.
01:41 Ils sont donc relâchés, ils sont en situation d'impunité totale.
01:46 Ils sont en grand nombre et se dispersent à des endroits divers et variés pour détruire, piller les commerces.
01:52 Vous voyez, ils vont rentrer dans un commerce, dans une surface commerciale, la piller.
01:57 S'ils sont mis en fuite par la gendarmerie ou le GIGN,
02:00 une heure plus tard, ils sont de retour parce que la gendarmerie a dû partir sur un autre lieu attaqué.
02:05 Et c'est comme ça depuis désormais bientôt quatre jours.
02:09 Vous restez avec nous, Renan Daly, évidemment.
02:10 Le haut-commissaire de la République avait des mots très durs cette nuit contre les membres du CCAT.
02:14 C'est Alexandre Gonzalès, qui sont les fauteurs de troubles, les émeutiers.
02:19 Justement, de nombreux spécialistes du dossier, et on l'entendait à l'instant,
02:23 affirment que c'est cette cellule de coordination des actions de terrain, le CCAT,
02:29 qui appelle à de nombreux rassemblements dans l'archipel depuis plusieurs semaines déjà,
02:33 qui est responsable de la situation d'hyper-violence
02:37 en organisant des exactions sur le territoire de Nouvelle-Calédonie.
02:42 Ce matin d'ailleurs, chez nos confrères de France 2, et Adeline, vous le disiez,
02:45 Gérald Darmanin a annoncé l'assignation à résidence de dix leaders de la CCAT,
02:50 dix leaders qu'il a qualifiés de "mafieux",
02:53 en faisant une distinction très claire entre ces membres de la CCAT
02:59 et le Front de Libération Nationale, Canac et Socialiste,
03:02 qui est un rassemblement politique indépendantiste.
03:05 Les spécialistes dont je vous parlais décrivent la CCAT
03:09 comme agrégant des personnes violentes et radicales
03:12 qui s'appuient sur une jeunesse apolitique, une jeunesse désœuvrée,
03:16 qui est prête à les suivre, et disent-ils,
03:19 ils utilisent la cause de l'indépendantisme pour créer une situation insurrectionnelle.
03:25 Alors à ce stade, ils n'observent pas ces spécialistes de puissance étrangère
03:29 qui viendraient manipuler cette situation,
03:31 mais ils sont convaincus qu'il y aura une républication a posteriori de ce mouvement.
03:38 Je précise quand même que de l'autre côté,
03:41 l'un des principaux membres de la CCAT, qui s'appelle Christian Tain,
03:44 qui a donné une interview sur une radio locale mardi midi,
03:48 il appelait l'ensemble des jeunes à, je cite, "lever le pied", à garder leur calme.
03:53 Il condamnait officiellement les exactions,
03:56 sans pour autant lever la mobilisation,
03:58 puisqu'il appelait aussi ces jeunes à rester sur les bords de route,
04:01 mais de façon, disait-il, organisée.
04:03 Alors justement, Alexandra, je voudrais qu'on écoute les mots,
04:05 hier soir sur BFM TV, de Nicolas Metzdorf.
04:07 Il est député Renaissance de la Nouvelle-Calédonie.
04:09 Écoutez ce qu'il disait à propos de ces jeunes émeutiers.
04:12 On peut basculer dans la guerre civile.
04:16 Les Calédoniens se protègent eux-mêmes,
04:18 c'est-à-dire qu'ils sont sur des barricades dans les quartiers
04:20 pour empêcher les émeutiers de rentrer dans les maisons,
04:23 dans les entreprises et de tout brûler, parce que Nouméa a brûlé.
04:25 On a là une jeunesse désœuvrée, radicalisée.
04:30 Il y a une partie des indépendantistes très radicalisées, très xénophobes, très racistes.
04:35 Anti toute personne qui arrive en Nouvelle-Calédonie
04:38 ou toute personne qui n'est pas cadaque.
04:41 - Ronald Dali, vous avez des mots très forts.
04:42 Vous parlez de terroristes.
04:44 Gérald Darmanin parle de factions mafieuses.
04:48 Dans le terrorisme, il y a la terreur.
04:50 Est-ce que cette peur, vous la ressentez ?
04:52 Parce que nous, c'est ce qu'on entend dans tous les témoignages
04:54 qui nous reviennent de Nouméa.
04:56 C'est la peur qu'ont aujourd'hui les habitants face à ces émeutiers
05:00 qui rentrent dans les maisons, qui pillent les commerces.
05:04 - C'est une situation anxiogène, je ne vous le cache pas, mais on résiste.
05:10 Nous, nous ne sommes pas en train de faire la guerre ou d'attaquer.
05:14 Nous résistons et nous protégeons nos quartiers.
05:17 Tous les quartiers de Nouméa ont érigé des palissades,
05:21 se relaient avec les habitants.
05:23 Avant de venir ici, j'étais en bas à Réunion de quartier
05:26 pour préparer la quatrième nuit qui va commencer,
05:29 où les relais sont en permanence pour défendre.
05:31 Car si on laisse l'accès aux quartiers,
05:34 les anarchistes, parce que ce sont des anarchistes,
05:39 peuvent rentrer et se mettre à brûler nos maisons, nos appartements.
05:43 L'idée maintenant, on a vu impuissant,
05:46 voir détruire tout le tissu économique que l'on a développé
05:50 au bout de tant d'années.
05:52 Et maintenant, on le voit se faire détruire
05:55 et on doit protéger chez nous, nos familles justement,
05:58 parce que ça peut basculer.
06:00 Ce qu'ils veulent vraiment, que ce soit très simple,
06:02 c'est réduire la Nouvelle-Calédonie et surtout Nouméa-le-Sud en cendres.
06:07 - Vous parliez des atteintes contre les commerces.
06:09 Les magasins, c'est le quotidien des gens, Roland Daly.
06:11 Est-ce que la question des pénuries commence à se poser ?
06:16 - Oui, grandement.
06:16 On est dans des situations où on craint énormément la pénurie alimentaire,
06:23 qui se fait déjà ressentir.
06:25 Ils attaquent également, c'est dire,
06:26 l'organisation de cette cellule des points d'eau,
06:30 justement, pour tenter de nous empêcher de nous alimenter
06:34 et d'avoir justement accès à de l'eau potable.
06:37 Ils attaquent des centres de dialysés ce matin.
06:39 Donc, des gens malades qui ont besoin d'accéder à ces centres peuvent mourir.
06:43 En fait, c'est tout simplement le chaos et l'anarchie
06:46 qu'ils veulent faire régner.
06:47 Nous, nous imaginions qu'il pouvait se passer des choses graves,
06:50 mais nous étions très loin d'imaginer un tel niveau de haine
06:54 et de violence de la part de ces assaillants.
06:58 Je conclurai, même dans les centres commerciaux,
07:00 j'ai un magasin, un centre commercial le plus ancien,
07:03 quasiment en Nouvelle-Calédonie, qui a été attaqué hier.
07:05 Ils l'ont pillé toute la journée au gré du départ des forces de l'ordre
07:10 qui devaient aller ailleurs.
07:11 Aujourd'hui, ils n'ont de cesse que de retourner pour le brûler
07:14 et de le voir régner en sanglant.
07:16 - Mathieu Croissando, que peut faire l'exécutif ?
07:18 La priorité ce matin, c'est de rétablir l'ordre à tout prix en Nouvelle-Calédonie.
07:23 - Oui, la priorité, c'est de rétablir l'ordre et d'appeler au calme.
07:26 Alors, il y a des décisions qui ont été prises.
07:27 - Vous appelez au calme, on en entend depuis mardi.
07:29 - Voilà, et ça ne fonctionne pas pour l'instant.
07:31 Alors, il y a eu des décisions qui ont été prises,
07:33 notamment l'état d'urgence a été décrété.
07:35 Ce n'est pas très courant, l'état d'urgence.
07:37 Il avait déjà été décrété dans la décennie 80 en Nouvelle-Calédonie,
07:41 après des émeutes et il y a eu des assassinats,
07:44 même à l'époque, particulièrement violents.
07:46 Là, rétablir l'ordre, c'est d'abord apporter des renforts.
07:49 On sait qu'il y a quatre escadrons de gendarmes mobiles qui arrivent.
07:51 - On voit l'avion qui a quitté la base d'Istre hier.
07:54 - Il y a eu des décisions qui ont été prises sur la sécurisation
07:57 de l'aéroport et des ports, notamment par l'armée,
07:59 décidée par Gabriel Attal.
08:01 Il y a aussi le fameux réseau TikTok qui a été interdit,
08:04 puisque là-bas, on peut le faire, puisque les télécommunications
08:06 sont gérées par un office sur l'île.
08:09 - Mais ça ne dépend pas de l'Union européenne.
08:10 - Voilà, qui ne dépend pas de l'Union européenne.
08:11 Donc, la France a pu neutraliser TikTok,
08:14 qui était le réseau social qu'utilisaient les émeutiers.
08:16 Mais ça, essayer de ramener le calme, amener les forces de l'ordre,
08:19 démonter les barrages, ça va prendre du temps
08:23 et ça ne résoudra pas la crise, parce que la crise,
08:26 elle est multifactorielle.
08:27 Il faut comprendre que ça fait 40 ans qu'on a connu un cycle
08:31 en Nouvelle-Calédonie, qui était un cycle qui devait pousser
08:34 à l'autodétermination, c'est-à-dire que les néo-calédoniens
08:37 allaient pouvoir voter sur leur avenir,
08:39 est-ce qu'ils étaient indépendants ou non.
08:40 Ce cycle a été inauguré par Michel Roca en 1988.
08:43 Il y a eu des réformes économiques et sociales qui ont été lancées.
08:45 Il y a eu des choses qui ont été réussies.
08:46 D'autres moins.
08:47 Mais aujourd'hui, c'est abouti.
08:48 Il y a eu trois référendums sur l'autodétermination.
08:50 Les trois ont dit non à l'indépendance.
08:53 Et le dernier s'est tenu dans des conditions particulières,
08:55 puisqu'il n'était pas écouté par les indépendantistes.
08:56 Mais en tout cas, c'est la fin de ce cycle de l'autodétermination.
08:59 Et puis, d'un point de vue économique et social,
09:01 il y a des problèmes économiques dans l'île.
09:02 Toute cette jeunesse un peu désoeuvrée dans le nord de l'île,
09:04 parce que notamment, il y a une usine de nickel.
09:06 La Nouvelle-Calédonie possède énormément de ressources de nickel,
09:09 a dû fermer.
09:11 Donc, il y a aussi du désœuvrement et du chômage.
09:14 Un dernier mot, Renan Daly.
09:15 Comment vous imaginez les prochains jours ?
09:18 J'imagine que vous êtes en contact avec tous les commerçants de l'archipel.
09:21 Il va se passer quoi ?
09:24 Écoutez, là, vraiment, notre salut vient de l'État français, de la nation.
09:29 L'état d'urgence nous a fait beaucoup de bien de l'entendre hier,
09:33 justement, aux infos.
09:34 Nous l'attendions et ça a été une bonne nouvelle de l'entendre décréter.
09:38 Maintenant, il nous faut des renforts.
09:40 Il nous faut de l'aide car nous en manquons actuellement cruellement.
09:44 Il faut arriver à rétablir l'ordre et à sécuriser les sites.
09:47 On craint encore des jours très compliqués à venir,
09:50 mais on ne désespère pas, même si l'on ne dort quasiment plus.
09:55 On va continuer, nous, à résister, à défendre nos positions.
09:59 Et on espère que les forces de l'ordre vont continuer à grossir les rangs
10:02 pour rétablir l'ordre et nous sortir de ce chaos.
10:06 Merci en tout cas de nous avoir accordé un peu de votre temps ce matin.

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