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00:00 - L'invité d'ici matin, on parle aujourd'hui d'un phénomène inquiétant qui secoue notre société Thierry Comprenant.
00:06 - Je vais parler des actes de violence et même d'hyper-violence qui se multiplient partout en France.
00:10 Dernière en date bien sûr, cette attaque d'un fourgon pénitentiaire dans l'heure où un commando lourdement armé n'a pas hésité à tuer deux agents pour libérer un détenu.
00:19 Alors ce matin on vous pose cette question, est-ce que vous constatez une montée de la violence au quotidien ?
00:23 Vos témoignages vous ouvrent au 384, 22, 82, 82. Cette question je la pose également à notre invité.
00:29 Bonjour Paul-Edouard Lallois, procureur de la République de Montbéliard. Notre société est en train de devenir hyper-violente.
00:36 - Une chose est certaine, c'est qu'il y a une augmentation certaine, un nombre plus important d'actes au cours desquels on constate effectivement que
00:46 un frange de la population, certains individus, n'hésitent pas à commettre des infractions qui vont engendrer de plus en plus d'actes de violence pour arriver à leur fin.
00:55 Ça se constate notamment à travers les trafics de stupéfiants, les règlements de comptes qui vont autour de ce type de faits.
01:01 Mais ça ne concerne pas que ce spectre de la criminalité organisée comme on a pu le voir malheureusement avec cet événement tragique
01:08 qui est survenu avant-hier et qui a dramatiquement touché nos collègues de l'administration pénitentiaire.
01:13 Ça touche également des franges de la société que jusque-là on pensait relativement épargnées, notamment les plus jeunes.
01:19 Et c'est ce que moi m'inquiète particulièrement actuellement.
01:22 - On en parlera dans un instant. Alors, mais malgré les caméras de vidéosurveillance qui se multiplient partout en France,
01:27 certains criminels n'hésitent plus à agir en plein jour, en pleine rue, avec parfois des armes de gros calibre.
01:32 Il n'y a plus limite. Ecoutez, à ce propos, ce que nous dit Frédéric Stoll, le secrétaire interrégional force ouvrière justice en Bougolfranche-Comté.
01:39 - Aujourd'hui, il n'y a plus de fois ni loi. Vous voyez ce qu'il se passe à l'extérieur.
01:43 On tire sur les gens pour rien, on met des coups de couteau.
01:46 Il va falloir franchement que nos politiques réagissent vivement et puis qu'ils soient capables de renforcer tout ça.
01:54 Sinon, le pays va partir complètement à volo.
01:57 - Le pays va partir à volo, nous dit Frédéric Stoll. Votre avis, monsieur Croqueur, il n'y a plus de limite ?
02:03 - En tout état de cause, on en franchit de plus en plus. C'est inquiétant, le fait est.
02:09 Le franchissement de ces limites doit nous interroger sur les moyens qu'on doit désormais mettre à notre disposition
02:17 pour pouvoir lutter contre cette forme de délinquance de plus en plus violente et de plus en plus organisée.
02:24 - Et de plus en plus jeune, vous l'avez dit, c'est ce qui vous inquiète ?
02:27 - Oui, effectivement. Une jeunesse qui désormais devient de plus en plus inquiétante.
02:33 Je ne parle pas de la jeunesse dans sa globalité, mais on a un certain nombre de très jeunes auteurs d'infractions.
02:39 Quand je dis de plus en plus jeunes, c'est-à-dire qu'on constate de plus en plus de procédures
02:44 pour lesquelles on a des jeunes d'à peine 15 ans ou d'autour d'une quinzaine d'années
02:48 qui se lancent à commettre sans antécédent des infractions relativement graves pour leur âge.
02:54 - Avec l'éternel débat, cette ordonnance de 45 sur la protection des mineurs, elle est un peu obsolète aujourd'hui, non ?
02:59 - Alors l'ordonnance de 45 n'est plus en fait, puisque le code de justice pénale des mineurs...
03:03 - Oui, elle a évolué, mais il n'empêche que les mineurs ont un sentiment d'impunité. Il est très fort chez eux.
03:07 - Le sentiment d'impunité chez les mineurs, je ne sais pas s'il existe.
03:10 Une chose est certaine, c'est que moi j'entends qu'évidemment chez nos concitoyens, il est largement répandu.
03:16 On a énormément évolué dans la répression et dans le fonctionnement de la justice pénale des mineurs
03:22 avec des délais de plus en plus rapides. Est-ce que c'est suffisant ? Certainement pas.
03:27 Ce qui doit effectivement continuer d'aller dans le sens d'une effectivité de la sanction pénale,
03:33 c'est davantage de moyens pour nous permettre notamment de pouvoir extraire les mineurs de leurs milieux familiaux
03:38 lorsqu'ils posent difficulté, et ce dans les délais les plus rapides possibles,
03:41 et de ne pas être contraints d'attendre les contingences, notamment des lieux de placement au pénal
03:47 qui sont largement insuffisants en France à l'heure actuelle.
03:49 - France Bleu, Belfort Montbéliard, il est 7h49. Est-ce que vous constatez une montée de la violence au quotidien ?
03:54 Si vous le savez, vous avez la parole ici. On parle franchement au 03-84-22-82-82.
03:59 On accueille sans perdre une seconde Bernard qui habite à Bavant. Bernard, bonjour.
04:02 - Oui, bonjour à tous. Il y a beaucoup de choses qui ont été dites déjà, effectivement,
04:06 mais je trouve que la France a l'impression que ça devient un peu le Far West, dans le mauvais sens du terme, évidemment.
04:11 Ce que je trouve, ce qui s'est passé avec l'attaque du fourgon,
04:15 en fait les forces de l'ordre sont hyper cadrées d'un point de vue procédure,
04:18 et en face, entre guillemets, la racaille n'hésite pas à tirer directement.
04:22 Et ça devient vraiment terrible pour les... Je soutiens fortement les forces de l'ordre,
04:26 et je trouve que la justice est vraiment souvent très laxiste. Voilà. C'est ça que je voulais dire.
04:30 - Merci pour votre témoignage, Bernard. Vous habitez à Bavant.
04:34 Ce sentiment de Bernard, cette forme de laxisme, entre guillemets, de la justice,
04:41 c'est quelque chose que vous comprenez, qui revient régulièrement dans les débats ?
04:45 - Ce que je comprends, c'est que la plupart des personnes qui ont ce sentiment-là,
04:48 ce sont des personnes qui n'ont jamais mis les pieds dans un tribunal,
04:51 qui ne savent pas comment se passe un procès pénal, qui n'en connaissent pas les enjeux, les règles,
04:56 et qui, effectivement, voient ça, j'allais dire, de la lornière du petit écran.
05:00 Alors c'est très bien, mais moi je suis pour, effectivement, qu'on communique davantage
05:03 sur les moyens dont on dispose. Je pense que ce que notre auditeur vient de relayer,
05:08 c'est effectivement ce sentiment qu'on a à travers le prisme général de la société,
05:12 et ce global sentiment de se dire "ça n'est jamais assez".
05:16 Il faut simplement rappeler qu'il y a des règles de procédure pénale en France,
05:19 c'est le législateur, ce sont les députés, les parlementaires qui les fixent,
05:23 et que la justice est là pour appliquer la loi.
05:25 Alors, on peut toujours considérer que c'est insuffisant, mais on ne peut pas reprocher
05:29 un médecin de ne pas parvenir à soigner le plus rapidement possible une maladie
05:34 s'il ne dispose pas du traitement adéquat et des médicaments qui vont être efficaces au premier coup.
05:39 C'est exactement la même chose. On ne dispose à l'heure actuelle pas de la baguette magique
05:44 qui nous permettrait de faire en sorte que le risque de récidive n'existe plus,
05:48 et que le risque de commission d'infraction n'existe plus.
05:51 Est-ce qu'on fait suffisamment peur aujourd'hui aux délinquants ?
05:54 Je vous rejoins et je rejoins notre auditeur sur ce point. Non, on ne leur fait pas suffisamment peur.
05:58 Et parce qu'on a justement cette prise de conscience aujourd'hui,
06:01 on met en œuvre aujourd'hui davantage de moyens pour le taper davantage plus fort,
06:05 et notamment, il faut bien avoir conscience d'une chose, le haut du spectre en question,
06:09 cette délinquance et cette criminalité organisée, aller en prison ne leur fait plus peur.
06:13 Ça veut dire que la culture de l'excuse qui a souvent été citée par des magistrats,
06:18 parfois politisée, on peut dire les mots, cette culture de l'excuse, c'est finie maintenant ?
06:23 Moi, je ne parlerai pas pour l'ensemble de la magistrature, je parlerai pour ce qui me concerne.
06:27 Moi, la politique pénale que je mets en œuvre depuis mon arrivée à Montbéliard,
06:30 c'est une politique pénale déterminée, c'est-à-dire de faire en sorte qu'on ait rapidement
06:34 des enquêtes qui aboutissent, dans des délais les plus rapides possibles,
06:37 et qu'on puisse, nous, être en mesure de prendre des réponses pénales concrètes
06:40 qui se traduisent effectivement de la sanction pénale effective.
06:44 A l'heure actuelle, on a un taux d'incarcération, et malheureusement, l'actualité tragique
06:48 met aussi le curseur sur ce point, le taux d'incarcération à l'heure actuelle
06:52 est le plus important jamais connu en France.
06:55 Ce qui montre bien que les accusations de laxisme, elles sont fausses.
06:59 De fait, aujourd'hui, on n'a jamais eu autant de détenus en France que toutes les années auparavant.
07:03 Mais, M. le concurrent, des détenus qui quasiment tous possèdent un téléphone portable
07:06 dans leurs cellules, ce qui est interdit. Comment ça se fait, ça ?
07:10 Qu'il y ait effectivement des téléphones portables, qu'il y ait de la circulation de drogue,
07:13 puisqu'il y a notamment du cannabis en tout état de cause, il y en a beaucoup trop à l'intérieur.
07:18 Je passe effectivement à la kyrielle d'infraction. Il faut se poser la question de pourquoi
07:22 est-ce qu'on dispose aujourd'hui des moyens d'empêcher concrètement des détenus
07:25 qui effectivement ne devraient pas avoir accès ni à un téléphone portable, ni à du cannabis.
07:29 Il y a des choses tout simples. Un brouilleur dans une prison, pourquoi c'est pas mis en place ?
07:32 Il y en a à la maison d'arrêt de Bombéliare, pour celle en tout cas qui me concerne,
07:35 il y a effectivement deux brouilleurs. Il faut imaginer le coût que ça a.
07:39 Ma maison d'arrêt n'a pas financièrement les moyens de pouvoir acheter davantage de brouilleurs.
07:44 - Puisqu'on parle des détenus, ce qui s'est passé dans l'heure, c'est un détenu qui allait voir
07:50 un juge d'instruction pour un acte judiciaire. Est-ce que ce genre de déplacement est obligatoire ?
07:57 Est-ce que ça peut passer par visioconférence, par exemple, un magistrat et le détenu face à lui ?
08:01 Ça ne met en danger personne finalement. - La visioconférence, c'est quelque chose
08:05 qu'on pratique depuis de nombreuses années et qu'on pratique quotidiennement.
08:08 La visioconférence est un formidable outil, mais dans un certain nombre de cas,
08:12 le recours à la visioconférence nécessite, c'est la loi qui le dit, l'accord du détenu.
08:17 C'est-à-dire que si le détenu refuse de comparaître en visioconférence devant son juge,
08:21 nous sommes obligés effectivement de l'extrait. C'est valable pour les débats devant un juge
08:26 des libertés de la détention ou un juge d'instruction, c'est valable devant une cour d'assises
08:29 et la loi peut évoluer éventuellement. - La loi peut évoluer en tout état de cause.
08:33 Pour ma part, je trouve que le recours à la visioconférence est un formidable outil
08:36 pour revenir sur une période pas si lointaine que ça de nous, durant la période du Covid.
08:40 On a continué de faire tourner la machine judiciaire normalement avec un recours
08:45 qui était désormais obligatoire puisque les circonstances exceptionnelles qu'on connaissait
08:48 nous permettaient d'avoir des textes exceptionnels qui nous permettaient d'avoir usage,
08:52 quoi qu'il en soit, à la visioconférence. - Merci beaucoup en tout cas, Pierre...
08:57 - Paul-Edouard. - Paul-Edouard, pardon.
08:59 Depuis ce matin, je vous appelle Pierre-Edouard. Donc Paul-Edouard, la loi procurant de la République
09:03 de Montbélard d'avoir accepté notre invitation d'être venu jusque chez nous dans le studio à Belfort.
09:07 Merci beaucoup, bonne journée. - Merci à vous.
09:09 Vous pouvez trouver cet entretien sur l'application ici par France Bleu et France 3.