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00:00 On lutte ensemble, Théo H, contre les addictions.
00:02 Oui, les addictions qui progressent depuis quelques années.
00:05 La métropole de Grenoble organisait donc hier une journée de sensibilisation auprès des lycéens
00:09 avec une pièce de théâtre notamment pour sensibiliser les jeunes.
00:12 Est-ce utile ? Comment lutter contre les addictions ?
00:15 Que ce soit l'alcool, le tabac, le cannabis, les médicaments ?
00:18 On en parle ensemble ce matin et avec notre invité.
00:21 Bonjour Olivier Génie.
00:22 Bonjour Théo H.
00:23 Merci d'être avec nous ce matin en studio.
00:25 Vous êtes responsable de l'intersecteur d'addictologie au centre hospitalier Alpizère à Saint-Egreve.
00:30 Un chiffre m'a interpellé, c'était dans un rapport du Sénat.
00:34 Un Français sur dix indique avoir déjà été suivi pour un problème d'addiction.
00:39 Addiction qui a beaucoup augmenté, notamment depuis le Covid.
00:41 Est-ce que ces chiffres-là, derrière les chiffres, c'est une réalité que vous constatez sur le terrain ?
00:47 Nous, ce qu'on constate, c'est qu'on a beaucoup plus de demandes de patients
00:52 qui cherchent à trouver de l'aide, à se soigner.
00:56 C'est un peu un raz-de-marée.
00:59 Un raz-de-marée carrément ?
01:01 Oui, on est débordé.
01:03 Il suffit d'appeler pour se rendre compte qu'il y a des listes d'attente qui n'existaient pas il y a quatre ans.
01:08 Là, c'est un peu compliqué.
01:11 C'est difficile de savoir si les gens ont plus confiance de leurs addictions ou s'ils ont plus d'addiction.
01:17 Mais toujours est-il qu'il y a un mouvement qui est quand même plutôt favorable de demandes de soins
01:23 et de demandes que ça bouge, que les gens ne s'enfoncent pas là-dedans.
01:27 Si on parle plus spécifiquement des jeunes, on avait dans le journal tout à l'heure à 7h30
01:32 l'exemple du protoxyde d'azote, ces petites cartouches de gaz très prisées des jeunes.
01:37 Est-ce que ça aussi, c'est une addiction en hausse que vous constatez ?
01:41 C'est le problème d'aujourd'hui des jeunes.
01:47 D'abord, ils n'en ont pas conscience.
01:50 Ensuite, c'est de plus en plus à la mode.
01:54 Chez les jeunes, c'est très branché.
01:57 C'est très accessible, ce n'est pas cher.
02:00 Ce n'est pas illégal, donc ça leur plaît.
02:03 Et ils n'ont pas du tout conscience du danger qui peut exister
02:06 puisqu'il n'y a personne avant qui peut leur montrer les dégâts que ça fait.
02:10 Le moyen peut-être de leur parler aux jeunes, c'est un partage d'expérience.
02:15 Hier, on en parlait dans le journal, un ancien addict a raconté aux jeunes son parcours,
02:22 son combat face à l'alcool au Canadis.
02:25 Écoutez ce qu'en ont retenu certains de ses élèves.
02:29 J'ai trouvé intéressant qu'il se place pas comme un moralisateur,
02:32 mais plus comme une personne qui nous conseille.
02:34 Je peux en parler à mon entourage, j'ai une petite sœur,
02:37 je peux lui en parler. D'avoir regardé ce spectacle,
02:41 ça me permet de prendre des informations.
02:43 On voit ces lycéens qui, en tout cas, ce témoignage leur a parlé.
02:47 Est-ce que c'est un moyen de faire de la prévention auprès des jeunes,
02:51 l'usage de ces témoignages ?
02:53 Tout le monde connaît les alcooliques anonymes.
02:58 Ce mouvement d'entraide d'anciens et d'usagers actuels,
03:03 il existe depuis extrêmement longtemps et il est très efficace.
03:06 Il est très complémentaire des soignants, des soins qu'on peut apporter.
03:11 C'est quelque chose d'utile.
03:14 Je le dis aux parents qui nous écoutent,
03:18 les jeunes ont d'abord besoin d'être valorisés, d'être soutenus.
03:23 On sait que les jeunes, la jeunesse, on est tous passé par là.
03:27 Moi aussi, prendre des risques, faire des essais.
03:30 Il ne faut pas avoir peur que les jeunes fassent des essais.
03:33 Est-ce que c'est interdit parfois ?
03:36 Il y en a même qui vont très loin.
03:39 La question ce n'est pas d'aller très loin une fois,
03:42 c'est de recommencer.
03:44 L'addiction, c'est quand ça se répète et quand il y a des complications qui s'installent.
03:48 A quel moment les parents doivent s'inquiéter ?
03:52 C'est une très bonne question.
03:54 Les parents doivent s'inquiéter quand le jeune commence à avoir moins d'activité,
04:02 à avoir diminué ses résultats scolaires.
04:05 C'est quand ça a un impact sur sa vie, sur ce qu'il est.
04:11 Il y a quelque chose qui se dégrade et là on se dit que c'est en train d'aller trop loin.
04:16 Mais l'avantage quand on est jeune, c'est qu'on peut réagir vite.
04:19 Il y a eu une époque où on était très dans la sanction.
04:27 Très moralisateur peut-être ?
04:29 Il y a très longtemps.
04:30 La drogue c'est mal ?
04:31 On appelle ça la pédagogie noire, qui existe encore un peu dans nos têtes.
04:35 C'est un peu une tentation.
04:38 Aujourd'hui on sait que ça ne marche pas.
04:40 Surtout pas parce que les jeunes vont se dire "Tiens, il y a de l'interdit, ça m'intéresse".
04:46 Ça va plutôt soit casser le dialogue, casser le soutien,
04:50 qui est le plus efficace, soit inciter le jeune à aller plus loin.
04:56 On parle addiction ce matin et lutte contre les addictions.
04:59 On en parle ensemble Mathieu.
05:00 Exactement, au 04 76 46 45 45.
05:03 On essaie d'aborder le sujet de la manière la plus large possible.
05:06 Si vous avez été addict, vous avez réussi à vous en sortir, vous avez aidé une personne proche.
05:10 Et puis on parlait des jeunes.
05:12 Est-ce que vous avez cette inquiétude par rapport à vos enfants, vos petits-enfants ?
05:15 Est-ce que vous en avez parlé avec eux ?
05:16 Et puisqu'on parle des proches, il y a beaucoup de monde qui nous en parle sur la page Facebook.
05:19 Oui, on a des auditeurs qui nous parlent de leurs propres addictions à la cigarette, à la nourriture aussi.
05:25 On a le témoignage de Franck par exemple ce matin sur la page Facebook.
05:29 Et on a parlé des conséquences pour les proches effectivement.
05:31 Olga qui nous dit "Trop de mauvais souvenirs pour moi dans ma vie d'enfant".
05:36 Et puis Eliane qui a aidé, elle, une personne qui était addicte à la drogue,
05:40 qui nous dit "La drogue c'est l'enfer pour la personne et pour ses proches".
05:44 Donc appelez-nous 04 76 46 45 45, appelez-nous dès maintenant.
05:47 Le but est bien sûr de le faire avec bienveillance.
05:50 Vous pourrez bien sûr être anonyme si vous le souhaitez.
05:52 Il reste quelques minutes, donc prenons cette chance d'en discuter ensemble.
05:56 Pourquoi pas aussi de poser vos questions à notre invité Théo H.
05:58 Est-ce que vous avez les moyens aujourd'hui de faire face, vous l'avez dit, à ce raz-de-marée ?
06:02 C'est le terme que vous avez utilisé.
06:04 J'aimerais vous faire entendre Caroline Salas-Tocquereau.
06:06 Elle est psychologue clinicienne.
06:08 Elle travaille notamment pour le CHU de Grenoble.
06:10 Écoutez ce qu'elle dit sur les moyens.
06:12 Manque de soignants, manque de personnel.
06:14 En même temps, les addictions, ça touche de nombreuses personnes.
06:16 Il y a les substances, mais il y a aussi tout ce qui est addiction comportementale.
06:19 Et si on parle aussi des addictions alimentaires, avec le grignotage, les troubles d'obésité,
06:24 là vous augmentez encore plus le nombre de personnes qui souffrent de pathologies addictives.
06:28 Donc effectivement, on a beaucoup de personnes qui sont concernées par les addictions
06:32 et malheureusement pas assez de professionnels de santé pour pouvoir accueillir tout le monde.
06:36 Vous avez parlé d'un raz-de-marée, vous avez parlé de liste d'attente.
06:39 Olivier Génie, est-ce qu'aujourd'hui vous avez les moyens de faire face à ce raz-de-marée ?
06:43 Moi, je rejoins ce que dit ma collègue.
06:47 Effectivement, on est dans le même constat.
06:50 Moi, j'introduirais une perspective historique.
06:53 La question des addictions, c'est une question émergente.
06:56 La société doit prendre conscience qu'il faut mettre des moyens sur cette question-là.
07:04 Et puis, on voit aujourd'hui qu'il y a beaucoup de choses qui changent.
07:11 Et moi, la question que j'ai, c'est qu'est-ce qu'il faut construire de nouveau
07:17 comme système de soins pour mieux répondre aux problématiques d'aujourd'hui.
07:22 C'est-à-dire, aujourd'hui, qu'est-ce qui ne marche pas dans le système actuel ?
07:25 Vous dites qu'il faut quelque chose de nouveau.
07:27 Ce n'est pas ce qui ne marche pas, c'est qu'on voit que l'hôpital est en vraie difficulté,
07:33 en grosse difficulté.
07:36 Et puis, on a peu de moyens.
07:39 Moi, je n'ai pas beaucoup de confiance dans des nouveaux moyens qui seraient accordés,
07:44 qui viendraient d'on ne sait où.
07:46 Et donc, il faut qu'on invente d'autres manières de travailler.
07:49 Et puis, qu'on fasse des choix de société.
07:52 Je pense que la question des addictions, ça concerne les soignants,
07:55 mais ça ne concerne pas que les soignants.
07:57 Vous parliez des proches, vous parliez des anciens usagers.
08:02 Et donc, il y a une question politique.
08:05 Évidemment, selon notre vote, même aux européennes,
08:09 on va contribuer au développement des addictions
08:14 ou essayer de lutter, de reconstruire une société en souffrance
08:20 pour mieux faire face aux addictions.
08:24 Parce que les addictions, ça concerne les patients,
08:28 ça concerne les proches, ça concerne toute la société.
08:30 Et le message est passé ce matin, n'hésitez pas à en parler.
08:34 Alors, il y a des listes d'attente.
08:36 Elles sont de combien les listes d'attente aujourd'hui quand on fait appel à vous ?
08:39 Alors, quand on fait appel à mes services, c'est un mois à peu près.
08:43 Pour de l'hospitalisation.
08:45 Après, dans les centres ambulatoires qu'on appelle les XAPA,
08:49 ça dépend des secteurs et ça dépend des centres.
08:53 Il y en a un qui a un an d'attente, ce qui ne correspond à rien, ce qui est de la folie.
08:58 Il y en a un autre qui est à 6-8 mois, un autre qui est plus à un-deux mois.
09:03 Et suivant les secteurs du département,
09:08 il y a plus d'attente, il y a moins d'attente.
09:10 C'est quand même une réalité compliquée.
09:17 Elle n'est pas satisfaisante.
09:18 On parle de moins, en tout cas.
09:20 Oui, ce qui est quand même problématique.
09:22 Dans la question des addictions, les gens sont tellement désespérés
09:29 que quand ils font une demande, c'est un peu la dernière chance, la dernière bouée.
09:35 Et de s'entendre, rendez-vous dans trois mois, c'est compliqué.
09:40 C'est plutôt désespérant.
09:42 Ce n'est pas satisfaisant, il ne faut pas qu'on en reste là.
09:45 Mais c'est compliqué de trouver d'autres réponses.
09:48 Après, je suis responsable d'un réseau d'addictologie.
09:53 L'intérêt du réseau, c'est entre autres de fédérer les énergies
09:58 pour qu'ensemble, on arrive à mieux faire face à ces difficultés.
10:01 Et faire du partage d'expérience, aussi on le fait ensemble au standard de France Bleue.
10:04 - Oui, avec Odette qui nous appelle de Grenoble. Bonjour Odette.
10:08 - Oui, bonjour Dr Pompény.
10:11 - Avec vous Odette, j'ai l'impression qu'on va parler des conséquences
10:13 de certaines addictions que vous voyez peut-être autour de vous.
10:17 - Oui, moi je suis une retraitée et je réside dans un quartier
10:24 qui est très multiculturel, très agréable d'ailleurs.
10:27 Il y a toutes les générations et ça brasse beaucoup dans ce quartier.
10:33 Les personnes qui surculent peuvent se procurer différents produits.
10:39 Il semble qu'il y a des tolérances, il y a des choses plus ou moins graves.
10:42 En tout cas, il y a un manque de moyens flagrant pour faire avec
10:46 les difficultés créées par ces approvisionnements, si je puis parler ainsi.
10:51 Il faut parler aussi vraiment d'une histoire des addictions comportementales.
10:56 Vous connaissez les addictions aux jeux de société,
10:59 aux jeux, vous savez, aux loteries.
11:02 - Oui, aux jeux d'argent.
11:03 - On peut demander à être interdit de casino, par exemple,
11:06 pour ceux qui dépenseraient toutes leurs retraites dans des casinos.
11:09 Vous me comprenez ? Parce que sinon, leur espérance de vie sera courte effectivement.
11:14 Mais il y a également une question plus opineuse, c'est l'addiction,
11:20 c'est-à-dire des personnes qui ont faim, qui ne sont pas approvisionnées,
11:24 on va dire en relations sociales et en câlins.
11:27 Des personnes très en manque de câlins et plus, c'est-à-dire en manque de sexe,
11:31 tout simplement, qui ont des pulsions sexuelles,
11:33 qui sont, après, ça se discutera peut-être ou pas,
11:37 mais qui doivent être traitées.
11:42 Or, elles circulent dans la rue, elles consomment d'autres toxiques.
11:47 Il y a un mélange d'addictions.
11:48 Vous voyez, il y a des substances.
11:50 - Et vous trouvez que ça s'est dégradé dans votre quartier, Odette ?
11:52 - Écoutez, moi, je suis arrivée dans ce quartier depuis environ 8 ans.
11:57 Et là, ça fait, en fait, ça fait, on va dire 6-7 mois, c'est l'enfer.
12:04 Je le dis comme ça.
12:05 Après, il faut recouper avec d'autres personnes, d'autres retraités,
12:12 parce que ça peut aller jusqu'à des agences sociales sur des retraités,
12:16 des dames de 80 ans.
12:18 - Même les choses se sont dégradées, c'est une question aussi de...
12:21 - Merci beaucoup, Odette, de votre témoignage.
12:23 - Merci, merci, Odette.
12:24 Vous l'avez dit tout à l'heure, Olivier Génis, c'est une question publique et de société.
12:28 C'est ce que vous avez dit tout à l'heure.
12:30 - En l'occurrence, moi, ça me faisait penser aux initiatives de la mairie de Grenoble,
12:35 qui est très attentive au climat dans ses quartiers
12:39 et qui essaye de développer différents types d'initiatives.
12:43 Je ne suis pas là pour faire de la pub pour Grenoble,
12:45 mais mine de rien, effectivement, ils ont une présence
12:48 et ils essayent d'améliorer leur présence.
12:50 C'est très intéressant pour aider à pacifier les quartiers
12:54 et à éviter que les addictions deviennent un tabou,
12:58 un jugement que négatif,
13:00 et qu'on arrive ensemble à trouver une meilleure solution.
13:03 - Une piste de solution, alors. On terminera là-dessus.
13:05 Merci beaucoup, Olivier Génis, d'avoir été notre invité ce matin.
13:07 Je rappelle que vous êtes responsable de l'intersector addictologie
13:11 au Centre Hospitalier Alpizère à Saint-Égreffe.
13:14 Merci, belle journée.
13:15 - Merci, bonne journée à vous aussi.