• il y a 6 mois
De la banquise aux trésors d’église.
Les matrices de sceaux.
Par Pierre BUREAU, archiviste au département du Minutier
central des notaires de Paris
Transcription
00:00 (...)
00:15 -Merci vivement, Clément,
00:17 pour cette présentation d'une grande clarté.
00:20 Bonjour à tous.
00:22 Je remercie tout particulièrement Mme Christelle Tabus
00:25 pour l'organisation de cette journée
00:27 qui s'annonce particulièrement inventive.
00:30 Pour ma part, je vais vous présenter
00:34 le fruit de plusieurs années de recherche
00:37 sur un ivoire tout particulier, celui du Morse.
00:41 En histoire de l'art médiéval,
00:43 nous avons tous coutume de penser
00:46 à la splendeur des Vierges à l'enfant de la période gothique
00:49 réalisée à partir de l'ivoire d'éléphant.
00:53 C'est la raison pour laquelle il convient d'emblée
00:57 de souligner à grands traits les raisons pour lesquelles
01:00 un autre ivoire, j'entends ici l'ivoire de Morse,
01:03 a été utilisé dans le cours des XIe
01:07 jusqu'à la fin du XIIIe siècle
01:10 pour confectionner des objets de taille modeste
01:13 destinés à sceller des actes à partir de matrice en ivoire.
01:18 Il convient de constater
01:21 qu'entre le XIe et le milieu du XIIIe siècle,
01:26 une véritable pénurie d'ivoire d'éléphant s'installe.
01:30 En voici les raisons.
01:32 Concrètement, voici les fourchettes chronologiques
01:38 qui permettent de distinguer l'usage qui avait été fait
01:41 pour réaliser des objets liturgiques en Occident
01:44 de l'ivoire d'éléphant ou de l'ivoire de Morse.
01:47 Premièrement, durant la période byzantine,
01:50 l'ivoire d'éléphant est utilisé abondamment.
01:54 Dans le cours du XIe siècle,
01:56 jusqu'au milieu du XIIIe siècle,
01:58 on note une rupture nette
02:00 de l'alimentation en Occident de l'ivoire d'éléphant
02:04 pour s'en fournir auprès de la Norvège et de la Suède, notamment.
02:08 Puis, au début du XIVe siècle,
02:12 c'est de nouveau vers l'Afrique et l'Asie
02:15 que les ivoiriers occidentaux s'alimentent
02:18 pour réaliser des objets liturgiques en ivoire d'éléphant.
02:24 Il est donc fondamental d'aborder les raisons
02:26 pour lesquelles il convient de distinguer
02:29 ces périodes d'alimentation.
02:31 Les voici.
02:32 Je dois à Michel Pastoureau cette clarification
02:36 qu'il m'a apportée ces jours-ci.
02:38 Dans le cours du XIe siècle,
02:40 les échanges entre l'Orient et l'Occident
02:43 se ralentissent en raison des guerres internes à l'islam
02:46 et aux tensions existantes entre musulmans et chrétiens
02:50 qui aboutiront aux croisades.
02:52 Ainsi, l'ivoire d'éléphant n'arrivant plus en Europe,
02:56 celle-ci s'oriente vers le Grand Nord
02:59 et le remplace par l'ivoire de Morse
03:01 qui fait l'objet d'un commerce actif
03:03 entre ces deux aires géographiques,
03:05 particulièrement éloignée l'une d'elles.
03:08 Il faudra attendre les années 1220-1250,
03:13 1230-1250,
03:15 pour que l'ivoire d'éléphant soit de nouveau importé en Europe.
03:19 Venons-en au coeur de la présente communication
03:23 que j'ai sous-titrée de la façon suivante,
03:26 de la banquise au trésor d'église.
03:28 Commençons par un rappel.
03:31 Il est d'usage, au cours de la période médiévale,
03:35 de sceller des actes avec des matrices métalliques.
03:39 Il a été montré récemment que les matières
03:43 qui composent ces objets
03:45 contiennent majoritairement du laiton
03:48 associé à différents alliages.
03:50 On connaît des cas exceptionnels de matrices
03:53 en argent, en or ou en ivoire.
03:55 Ici même, aux archives nationales,
03:58 le service de sigilographie
04:01 conserve 1 300 matrices originales,
04:05 mais aucune n'a été réalisée en ivoire de Morse.
04:09 C'est la raison pour laquelle j'ai procédé à un dépouillement
04:14 quasiment exhaustif
04:16 de la collection de moulages de sceaux
04:19 conservés dans ce service,
04:20 qui comporte pas moins de 11 840 empreintes de sceaux,
04:25 qui ont été réalisées au XIXe siècle
04:29 par l'un des fondateurs de la sigilographie française,
04:32 j'entends ici l'archiviste Louis Duedarc.
04:36 À cette collection s'en ajoutent de nombreuses,
04:40 toutes consultables au service de sigilographie.
04:43 Si l'on procède à une synthèse de l'ensemble,
04:45 le total des collections de moulages ici même conservés
04:49 avoisine les 40 000 empreintes.
04:51 Le principe sur lequel je me suis fondé
04:55 a été de travailler de façon sérielle, sur des séries,
04:59 car très rapidement, je me suis aperçu
05:01 que bon nombre de moulages de sceaux
05:03 n'étaient pas circulaires ni en avêtes,
05:06 comme la majorité le sont,
05:09 mais en forme de poires.
05:11 Les contours de ces derniers sont saisissants.
05:15 Ils se caractérisent par une partie inférieure,
05:18 ponçue.
05:19 Partie inférieure ponçue,
05:24 galbée,
05:27 enflée, bulbeuse,
05:30 et en revanche, une partie supérieure plus fine,
05:33 plus élancée.
05:34 Ces caractéristiques sont ce que je nomme des marqueurs.
05:40 Les raisons d'être de ce contour si particulier
05:43 n'avaient pas encore fait l'objet d'un travail de synthèse.
05:46 A ma connaissance, en France,
05:51 deux spécialistes seulement des sceaux
05:55 avaient, par le passé, souligné cette singularité.
05:59 Je veux parler de René Gandilon,
06:01 dans un court article intitulé
06:03 "Les dénominations des formes de points, les sceaux pyriformes",
06:08 publié en 1977.
06:11 Deuxièmement, Pierre Bonny, dans son ouvrage
06:14 "Un siècle de sceaux figurés",
06:16 qui couvre la période de 1135 à 1235,
06:20 et un ouvrage de Longaleine, publié en 2002.
06:24 Hormis ces deux auteurs,
06:25 la littérature est quasiment muette
06:27 sur la raison d'être de ces matrices de sceaux
06:30 dites pyriformes.
06:32 Elles ont été confectionnées dans l'extrémité d'une canine de morse.
06:38 Afin de se familiariser,
06:42 de nous familiariser avec cet animal si singulier,
06:47 je vais vous le présenter.
06:49 J'évoquerai ici la morphologie du morse.
06:52 Ce grand mammifère marin vit dans les mers froides
06:57 de l'océan Arctique et de sa périphérie.
06:59 Il est aisément reconnaissable par ses deux puissantes défenses,
07:03 lui servant à fendre la glace ou à se battre.
07:06 C'est un animal qui mène une vie paisible,
07:09 se nourrissant essentiellement de mollusques, de vers.
07:12 On note une grande disparité entre le caractère énorme
07:16 de cet animal et les petites choses dont il se nourrit,
07:21 qui sont des mollusques, des vers, des crabes, des crevettes
07:24 et parfois des harangs.
07:25 Le poids d'un animal peut avoisiner les une tonne.
07:28 La femelle ne pèse en moyenne que 750 kg.
07:32 Son espérance de vie est estimée à 40 ans.
07:36 Les canines du morse peuvent atteindre un mètre de longueur
07:42 et peser plus de 5 kg chacune.
07:45 Toutefois, généralement, elles ne dépassent pas les 75 cm.
07:50 Alors, image très importante.
07:52 Voici très précisément l'endroit où l'artisan sectionnait
07:59 la partie la plus fine de la canine
08:03 pour en prélever au maximum, on peut estimer,
08:06 3, 4 tranches d'ivoire.
08:09 A ce moment, repensons donc le moment de la découpe
08:13 d'une tranche d'ivoire dans l'extrémité de la défense.
08:17 Pour obtenir un tel tronçon en forme de poire,
08:20 c'est bel et bien à cet emplacement-là
08:22 et à cet emplacement seulement qu'il était possible
08:25 de débiter les tranches d'ivoire destinées à réaliser
08:28 des matrices de sceau.
08:31 Nous avons parlé bestiaires enluminées,
08:36 des témoignages sur la façon
08:39 dont on imaginait ces animaux
08:44 qui n'avaient pas été nécessairement vus.
08:48 Je vais vous présenter 3 bestiaires anglais,
08:50 très succinctement.
08:51 Dans ces bestiaires, il faut distinguer
08:54 l'auteur du manuscrit,
08:56 qui va puiser ses sources
08:59 auprès, par exemple, d'Isidore de Séville
09:02 dans ses "Etymologies",
09:04 ou encore d'Aristote dans ses "Histoires savantes des animaux".
09:08 Par exemple, ici,
09:10 nous avons sur la partie gauche le morse
09:13 et nous avons sur la partie droite une baleine
09:16 et finement écrit entre la corde
09:20 et le sommet de la corde,
09:24 et le sommet du crâne de la baleine
09:28 est mentionné Aristote.
09:30 Donc, cette vision des animaux
09:35 est assez éloignée de la réalité de ceci.
09:40 Ils ne sont connus, encore une fois,
09:42 simplement que par des sources latines et antiques.
09:46 Allons encore plus loin dans l'imaginaire de ces animaux.
09:50 Je vous montre 2 autres bestiaires.
09:53 Un bestiaire de 1220-1240.
09:57 Alors, on note la présence de Moller,
10:00 qui, précisément, atteste bien que l'animal n'a pas été vu,
10:04 car bien qu'il en comporte dans sa gueule quelques-unes,
10:08 il n'en a pas autant.
10:10 Ce sont les principaux morses que nous connaissons.
10:16 Imaginez.
10:18 Alors, effectivement, nous pouvons aller encore beaucoup plus loin
10:23 en sautant des étapes et en nous rendant
10:26 dans un document de 1539, réalisé par Olaus Magnus,
10:30 intitulé "La Carta Marina".
10:32 Ici, il convient d'accorder une place majeure,
10:35 un document qui condense en lui
10:37 toute la fascination exercée sur les hommes
10:40 par les gros cétacés proliférants dans ces eaux profondes et froides.
10:44 Cet exemplaire est conservé à Munich.
10:50 Le regard se perd dans cette carte qui grouille d'animaux monstrueux
10:55 vivant le long des côtes norvégiennes.
10:57 Olaus Magnus, grand voyageur et cartographe,
11:00 avait pour objectif de nourrir un projet patriotique
11:03 de promotion du Nord, de l'Europe,
11:05 et de dissocier l'image de la barbarie de celle de sa région.
11:10 Pour ce faire, il compile toutes les informations,
11:13 les croyances, les récits, les superstitions
11:17 de ces peuples du Nord en s'attachant aussi bien
11:20 aux hommes qu'aux animaux, aux relations entretenues entre eux.
11:24 Alors, si on affine,
11:27 nous avons le "Rosmarus Piscus",
11:31 donc le mors lui-même,
11:35 qui est figuré en train de se hisser sur des rochers.
11:41 Ensuite, Olaus Magnus a eu la très bonne idée
11:46 de faire un monumental ouvrage
11:48 où il reprend chaque animal que nous avons vu sur la Carta Marina
11:53 en développant toutes ses connaissances au sujet de ceci.
11:57 Alors, en ce qui concerne le mors,
12:01 il le désigne comme un porc monstrueux.
12:05 Donc, toutes ces sources sont retrouvables
12:10 dans ce livre intitulé "Histoire des peuples du Nord" en 1555,
12:16 qui a été récemment publié dans son intégralité.
12:20 Donc, Olaus Magnus reprend minutieusement chaque détail
12:24 de sa Carta Marina et fait graver une vignette
12:27 au-dessous de laquelle il développe systématiquement
12:29 ce qu'il n'avait pas pu faire dans la carte elle-même, faute de place.
12:33 Le mors apparaît deux fois.
12:35 Alors, une première fois ici, c'est fort intéressant
12:40 parce que ça atteste bien qu'il n'a pas vu lui-même de mors,
12:45 puisque le corps ici est couvert d'écailles,
12:47 le dos est terrissé de pointes, pourvu d'une queue de poissons,
12:51 les défenses étant figurées à l'envers.
12:54 Donc, tout cela atteste qu'il n'en a pas vu.
12:58 Ensuite vient le moment de la capture du mors.
13:02 Donc, Olaus Magnus très finement reprend dans la Carta Marina,
13:06 dans la partie droite en haut,
13:08 le moment où le mors se hisse sur les rochers.
13:14 Et donc ici, cette capture,
13:16 elle est particulièrement cruelle dans le récit,
13:19 donc je ne m'y attarderai pas.
13:21 Retenons l'essentiel pour nous.
13:22 Olaus décrit précisément ici les dentes tranchantes du Cetaceae
13:27 en jouent sur le lien existant entre le nom du mors, morsus,
13:32 et le verbe mordérer.
13:35 Maintenant, abordons la question de l'état de nos connaissances
13:40 sur les matrices en ivoire de mors,
13:42 avant d'aborder celles qui sont en forme de poire.
13:45 Les six matrices suivantes
13:48 présentent des particularités irréfutables.
13:51 Ici même, il s'agit de la matrice de l'abbaye Saint-Bertin de Saint-Omer,
13:56 réalisée probablement au début du XIVe siècle.
14:00 Saint-Bertin est nimbé, assis, revêtu d'une chasse d'huble,
14:04 bénissant de la main droite, et tenant une crosse de la gauche.
14:08 Nous conservons un moulage de cette matrice
14:10 au service des eaux des archives nationales
14:12 dans la collection Artois, sous le numéro 2615.
14:17 Ce qui est frappant, c'est la présence,
14:20 ici même,
14:23 c'est la présence de légères craquelures
14:27 figurant sur la partie gauche de la matrice.
14:31 Alors, celle-ci atteste un choc thermique puissant
14:35 lors du moment où elle fut utilisée concrètement pour sceller un acte.
14:40 Nous rencontrerons plusieurs cas concrets
14:42 où l'échauffement régulier de l'objet, en ivoire,
14:45 a fini par limiter son usage
14:48 pour ne pas en compromettre son intégralité.
14:51 Quelques matrices qui circulent sur Internet qui sont bien connues.
14:57 Celle de Snarus, ici, c'est un collecteur d'impôts et de taxes
15:01 qui est représenté tenant la hanche de la main droite,
15:04 et de l'autre, il maintient une bourse
15:06 surmontée de pièces prêtes à tomber dans celle-ci.
15:09 Cette matrice a été découverte en Angleterre,
15:11 dans le comté de York, où elle est encore aujourd'hui conservée.
15:15 Alors, venons-en à celle-ci et fabuleuse.
15:19 La matrice de l'abbé de Saint-Martin-de-Cologne,
15:23 qui est conservée au Metropolitan Museum de New York.
15:28 Alors, elle nous permet d'aborder concrètement
15:31 la nature et la fragilité de l'ivoire de Morse.
15:36 D'une part, sur cette face, ce qu'on appelle l'avers de la matrice,
15:41 donc, c'est cette partie-là qui présente Saint-Martin,
15:46 d'un B grossé,
15:49 mais on peut noter
15:51 aucune craquelure,
15:54 vraiment quelque chose d'immaculé,
15:58 quelque chose qui atteste que cette partie n'a jamais servi.
16:04 En revanche, au dos de ce même objet,
16:07 le revers présente de multiples craquelures,
16:10 que j'ai nommées dans mon étude des éclatements lenticulaires.
16:14 Une nouvelle fois, c'est l'usage répété de l'objet lors du scellement
16:18 qui a produit ces minuscules craquelures
16:21 dues au choc thermique lors de son usage effectif.
16:24 J'y reviendrai.
16:25 Cette matrice a été l'une des premières à circuler sur Internet.
16:29 Elle a été réalisée à Cologne, en Allemagne,
16:31 vers 1100, 150.
16:34 Celle-ci est particulièrement singulière,
16:38 la matrice de Saint-Alban.
16:42 On note, en prenant l'image sur la gauche,
16:47 à quel point l'usage réel de cet objet
16:51 devait être limité pour ne pas devenir inutilisable,
16:55 tant les fissures sont abondantes.
16:58 On voit effectivement qu'une matrice en Ivoire-de-Morse
17:02 était un objet fragile, de grand luxe,
17:05 qui avait été fait pour de grandes abbayes
17:09 ou de grands chapitres cathédraux,
17:11 destiné à être utilisé un nombre de fois limité dans le temps,
17:15 de façon à ce qu'ensuite, elle puisse rejoindre le trésor
17:21 de ces dites églises ou abbayes.
17:23 Nous serions tentés d'ailleurs, en regardant ces images,
17:26 d'aller dans le sens de ce que Michel Postorow a toujours dit
17:29 en parlant du jeu d'échecs de Charlemagne,
17:32 lui réalisé en Ivoire-d'Eléphant,
17:34 que autant les pièces du jeu d'échecs de Charlemagne
17:38 sont des pièces pour ne pas jouer,
17:40 autant les matrices en Ivoire-de-Morse
17:43 ont cette dimension symbolique,
17:45 qu'elles ne sont pas nécessairement destinées à scéler.
17:49 Un détail concernant la tranche de l'objet
17:54 doit retenir toute notre attention.
17:57 À l'extrémité supérieure,
17:59 on devine la présence de la tête d'un mammifère.
18:03 La gueule ouverte, donnant l'impression qu'un ours mort
18:08 véritablement la tranche de la matrice.
18:12 La partie évidée, on voit un vide là,
18:16 la partie évidée atteste que celle-ci
18:18 était ce que l'on nomme aujourd'hui un appendice de préhension,
18:21 le trou permettant de passer un lien à l'intérieur
18:24 pour le maintenir auprès du corps de la personne qui l'utilisait.
18:29 Ici, c'est un écho typique
18:31 à ce que Michel Pesterot a aussi très bien étudié
18:35 dans la culture des peuples de Scandinavie,
18:38 et plus particulièrement des Vikings.
18:41 Je vais parler des bercerquilles.
18:43 Les bercerquilles, ce sont des pièces de jeu d'échecs,
18:46 cette fois qui viennent de Lewis, en Écosse.
18:51 Et certaines de ces figures du jeu d'échecs
18:55 ont la particularité de présenter des personnages
19:00 qui mordent très fermement le haut de leur bouclier.
19:05 Ainsi, ces fougueux guerriers,
19:09 d'après des récits que nous avons retrouvés dans des sagas,
19:12 cherchaient à s'investir de force de l'ours
19:15 et mordaient rageusement leur propre bouclier
19:18 pour traduire leur nature invisible.
19:21 Deux mots simplement.
19:25 Sur cette matrice...
19:27 Après, je viendrai au matrice périforme rapidement.
19:30 Sur cette matrice de Saint-Servet.
19:32 On ne connaissait jusqu'alors que l'avers,
19:34 la partie gauche de cet objet.
19:36 Je dois au président du trésor de Saint-Servet
19:40 de m'avoir fourni une photo des deux faces.
19:43 C'est un unicum, c'est un cas exceptionnel,
19:45 on n'en connaît pas d'autres,
19:47 en réalité sur des gravures d'ivoire de cette période-là.
19:51 Sur l'image de droite,
19:53 jusqu'alors méconnue,
19:55 on voit l'évêque qui est gravé debout,
19:57 tenant un livre fermé.
19:59 À ce moment, le graveur réalise
20:03 qu'il s'est trompé en gravant son image,
20:07 qu'il n'a pas maintenu le livre des Évangiles ouvert.
20:11 Il fait une volte-face
20:14 et reprend l'objet sur son autre partie
20:17 et le réalise cette fois-ci intégralement
20:21 en respectant l'iconographie bien connue de Saint-Servet,
20:27 mitré, creusé, tenant le livre des Évangiles ouvert.
20:31 C'est ce qu'on appelle un repentir.
20:33 Ce repentir aurait été impensable et impossible
20:39 lors de l'élaboration d'une matrice de sceaux métallique.
20:43 Je terminerai cette présentation
20:47 de matrice de sceaux actuellement connue
20:50 par celle-ci, qui fut acquise par Christie's en 2019.
20:55 C'est finalement le British Museum, fort heureusement,
20:58 qui l'a obtenue.
20:59 Son prix de départ était fixé dans une fourchette
21:02 allant de 70 000 à 100 000 livres sterling.
21:05 Je ne sais pas à quel prix elle fut acquise.
21:08 Pour les historiens de l'art médiéval,
21:11 l'acquisition d'un objet aussi rare
21:13 est prometteur de nouvelles études sur ces singulières matrices.
21:17 Tout le batage médiatique
21:19 qui a accompagné la vente de ces précieux objets
21:22 se prolongera très certainement
21:24 par un renouveau des recherches sur ces matrices en ivoire de morse.
21:27 C'est tout ce que nous en souhaitons.
21:30 D'un point de vue iconographique,
21:32 ce guerrier loup du nom de Wulfric,
21:36 Wulf, le loup,
21:37 est surmonté par des reptiles sans trop dévorant,
21:41 ici à droite,
21:43 représentation qui se rattache tout particulièrement
21:48 à un vaste répertoire iconographique,
21:50 celui de la Scandinavie.
21:52 Avant de passer au sceau proprement pyriforme,
21:54 arrêtons-nous sur ce qui a freiné considérablement
21:58 l'intérêt porté à ces objets.
22:03 Voilà, nous allons voir maintenant
22:05 l'existence de ce qui a circulé au XIXe siècle,
22:09 ce que j'ai appelé des cas douteux hyperfaux,
22:13 qu'on pourrait nommer plus raisonnablement
22:16 le paroxysme du faux.
22:18 Au XIXe siècle, les antiquaires alimentaient fréquemment
22:23 les cabinets de curiosité de leur clientèle
22:25 par des matrices en ivoire qui se sont avérées fausses aujourd'hui.
22:29 Je ne prendrai ici que deux cas.
22:31 La matrice de Foulke-Damien.
22:35 Celle-ci a été prétendument découverte
22:39 dans le canal de la Somme en 1843
22:42 par un homme nommé Aimé du Toit.
22:45 Aimé et son frère Louis étaient d'illustres sculpteurs,
22:49 dessinateurs et décorateurs français.
22:52 Foulke fut archidiaque, puis évêque d'Amiens
22:56 vers 1015-1058.
22:58 Les deux faces de l'objet attestent
23:00 les deux rangs ecclésiastiques distincts.
23:04 Nous avons affaire à un objet biface,
23:07 la première face et la seconde.
23:09 Alors, la présence ici du verre de gris
23:15 en bas et si on retourne l'objet en haut,
23:18 tendrait à renforcer l'existence d'un contact
23:21 avec d'autres objets métalliques
23:23 à l'occasion d'un enfouissement prolongé.
23:26 Il ne nous est pas possible de rentrer dans le détail
23:29 que j'ai étudié dans mon catalogue.
23:31 Pour faire bref, disons qu'un moulage
23:33 des deux faces de cette matrice
23:35 fut offert par Aimé du Toit
23:38 au musée de la ville d'Amiens par leur inventeur
23:41 et que nous l'avons retrouvé cette fois sous sa forme originale
23:44 à l'autre extémité du globe,
23:47 je veux dire que nous l'avons retrouvé
23:50 au musée de l'Hermitage de Saint-Pétersbourg.
23:53 J'ai longuement procédé à un dépouillement méthodique
23:56 de toutes les publications relatives à cet objet.
23:59 Et je dois reconnaître que nous sommes en présence
24:01 soit d'un très beau faux réalisé par un habile faussaire,
24:04 soit d'une matrice authentique
24:07 qui dépasse par la finesse de son exécution
24:10 les talents d'un graveur du XIIe siècle.
24:13 Alors voilà un cas d'hyperfaux, de paroxysme du faux,
24:18 d'Hagobert, "Roi des Francs".
24:20 D'emblée, nous voyons une gravure trop nette,
24:23 un personnage qui a un profil de grande naïveté.
24:28 Et surtout, ce qui permet de fonder
24:32 le fait que cette matrice soit fausse,
24:35 c'est que nous savons par définition
24:37 que d'Hagobert a été "Roi des Francs" de 629,
24:40 639.
24:41 Et la mention "Gracia" sur la gauche qui apparaît,
24:45 "Gracia Dei",
24:46 n'apparaît qu'à partir de Charles II, le Chauve, en 841.
24:51 Voici une carte de l'Europe continentale et septentrionale.
24:56 Ce qu'il convient de retenir, c'est le véritable foyer.
25:00 Donc on part du Grand Nord, on descend vers l'Angleterre,
25:04 l'Allemagne, les Pays-Bas.
25:06 Et le grand foyer que j'ai pu étudier se situe
25:08 au nord de la Loire.
25:10 Donc l'essentiel des matrices pyriformes
25:13 d'origine animale réalisées en Ivoire-de-Morse
25:16 se trouve ici.
25:18 Et elles restent encore nombreuses, sans doute,
25:21 à attendre leurs chercheurs.
25:23 J'en viens au sceau pyriforme.
25:25 Ici, dans les deux cas,
25:27 l'aviage est représenté et gravé à l'origine
25:29 dans une matrice en Ivoire-de-Morse qui est attestée,
25:33 comme je vous l'ai montré au départ,
25:34 par les marqueurs que j'ai présentés.
25:36 Ces véritables poires ne peuvent avoir été réalisées
25:39 que dans l'extrémité d'une canine de Morse.
25:42 Donc nous avons face à nous une représentation de la Vierge
25:46 qui est encadrée dans ce pourtour d'Ivoire
25:52 et qui remplit pleinement sa vocation,
25:57 celle de sceller.
25:58 Alors, il convient de faire attention.
26:01 J'ai fait une erreur moi-même dans mon catalogue.
26:04 Par exemple, ce sceau de Maurice Archiniaque de Paris,
26:08 on pourrait d'emblée le juger en avètes.
26:13 Peut-être que le moulage n'a pas été correctement fait.
26:17 Donc j'hésite entre une origine de sceau pyriforme
26:21 ou un sceau vaguement en avètes ou scutiforme.
26:25 Enfin, ça reste encore à travailler.
26:27 Donc c'est pour vous montrer qu'il faut vraiment faire attention.
26:30 Il y a des cas limites.
26:32 En revanche, nous avons là un cas qui ne fait aucun doute
26:35 et qui est particulièrement intéressant.
26:37 Nous avons des villes portuaires en Angleterre, en Pologne
26:42 et en Norvège, pour ne prendre que quatre exemples,
26:45 qui figurent des bateaux.
26:47 Mais nous ne connaissons pas celui-ci,
26:50 le bateau de Hauteville-sur-Mer d'un clair.
26:54 Donc Geoffroy d'Hauteville a été conçu
26:58 d'une façon particulièrement judicieuse.
27:00 La cime du mât coïncide exactement avec le signe de la croix,
27:04 ce qu'on appelle le signum crucis,
27:07 qui marque le début de la légende du sceau,
27:10 comme dans les cas ici présents.
27:12 Et il place ainsi les occupants de ces navires
27:15 sous le signe de la protection divine face au péril de la mer.
27:19 Le Christ, symbolisé par cette croix,
27:22 apparaît ainsi comme un véritable timonier.
27:25 Par ailleurs, l'image du flanc du navire
27:30 épouse parfaitement cette forme si singulière
27:33 du contour de l'extérieur de la défense du morse.
27:39 Alors, trois sceaux pyriformes,
27:48 sur lesquels je passerai rapidement,
27:51 parce que je vais m'attarder sur deux qui sont très importants.
27:54 Ici, de gauche à droite, nous avons le premier,
27:57 celui de Saint-Vincent-du-Mont,
27:59 qui fait écho à la raison d'être profonde d'une matrice de sceaux
28:03 réalisée dans l'olivoir de Morse,
28:05 comme je l'ai dit tout à l'heure,
28:06 qui était celle de rejoindre le trésor d'une grande abbaye.
28:09 Sur la droite, ici, le graveur n'a pas hésité
28:12 à retourner le profil de la tranche d'ivoire,
28:15 peut-être pour utiliser la matière sous son meilleur angle,
28:19 ou un défaut à la surface de l'ivoire
28:22 a-t-il nécessité de l'inverser ?
28:24 Autant de questions qui restent ouvertes.
28:28 En revanche, l'image centrale
28:31 est celle du plus ancien seau,
28:36 aussi caractéristique avec cette forme en ampoule,
28:41 qui date de 1057, actuellement le plus ancien.
28:45 On distingue très difficilement, je vous l'accorde,
28:48 un évêque assis sur un trône.
28:50 Ce seau est particulièrement altéré.
28:52 On devine simplement l'image de l'évêque,
28:56 la légende étant complètement illisible.
28:58 Nous allons voir dans un instant
29:01 que certains seaux particulièrement usés
29:03 ont fait l'objet d'une destruction volontaire
29:05 afin de le remplacer par un autre seau beaucoup plus lisible.
29:09 Alors j'en viens à un cas particulièrement intéressant.
29:15 Ici, nous avons un enchaînement de seaux
29:22 de part et d'autre.
29:24 L'image centrale, c'est le seau de l'abbaye de Saint-Rémy-de-Reims.
29:29 L'image de gauche, celui aussi de l'abbaye.
29:32 Et celui qui est à l'extrême droite,
29:34 c'est le seau qu'il ne faut pas confondre
29:36 avec l'abbaye Saint-Denis-de-Reims,
29:39 dont je vais vous faire une présentation maintenant.
29:43 J'ai consacré sept pages dans mon étude à leur sujet.
29:47 Nous avons été cinq spécialistes en sigilographie
29:51 à tenter de le clarifier.
29:53 En partant de l'image de gauche,
29:54 ce qu'il convient de retenir, c'est la chose suivante.
29:57 Le premier seau de l'abbaye Saint-Rémy-de-Reims
29:59 a été réalisé avant 1180.
30:02 Comme vous pouvez le constater ici,
30:03 la lecture de la légende du seau est quasiment impossible.
30:07 Or, nous avons là un très précieux témoignage
30:11 rapporté par le doyen de Reims en décembre 1232.
30:16 Je vous lis, et ça, c'est d'une extrême rareté,
30:19 et on doit à Pierre Bonny de nous l'avoir fait découvrir,
30:23 je vous lis exactement ce que relate ce texte de manière brève.
30:28 Nous avons affaire à quelque chose d'exceptionnel,
30:31 qui est particulièrement vif, dynamique.
30:34 Voici ce que dit ce classistique.
30:37 "Moi, Pierre de Lagerie, doyen du chapitre de Reims,
30:41 "j'ai fait savoir à tous que Guillaume de Joinville,
30:44 "archevêque, a fait briser le sceau,
30:46 "il hésite, en ivoire ou en os, de s'arrimer de Reims,
30:50 "sur ce que je crois être une pierre
30:52 "se trouvant ce jour dans ce pré.
30:54 "Après sa destruction, j'ai demandé qu'il soit réalisé,
30:58 "en vue d'une plus grande garantie,
30:59 "une nouvelle matrice parfaitement lisible."
31:02 Donc, celle de gauche est détruite,
31:04 on réalise celle du milieu,
31:06 qui représente le baptême de Clovis,
31:09 qui est d'une finesse toute particulière
31:14 et qui est appendue encore à un acte relatif
31:16 à la fondation de l'abbaye.
31:18 Ici, dans cette iconographie
31:21 tout à fait caractéristique du baptême de Clovis,
31:27 on peut distinguer la colombe,
31:31 la colombe qui, dans son bec, tient la sainte ampoule
31:34 qui contient elle-même le saint crème,
31:37 pour pouvoir aller sur la tête de Clovis.
31:41 Alors, pour le dessin de droite,
31:44 ce qui est fort intéressant, c'est qu'on sait tous
31:46 qu'il y avait une forte rivalité
31:48 entre l'abbaye de Saint-Rémy-de-Reims
31:50 et l'abbaye Saint-Denis-de-Reims.
31:53 Donc, il n'est pas surprenant que ce profil
31:58 ait été conservé pour faire une sorte de rivalité,
32:04 de surenchère d'une matrice à une autre,
32:07 mais on l'a remplacée par celle-ci,
32:08 sur laquelle je vais m'attarder maintenant.
32:11 Donc, ce dessin de droite est mentionné
32:14 dans le nouveau traité de diplomatique de 1759
32:18 de Benedictin.
32:21 Alors, essayons d'aller encore plus loin.
32:24 Ce plat de reliure carolingien,
32:27 particulièrement bien étudié par Jean-Claude Bonne,
32:31 nous permet ici d'ouvrir une autre porte.
32:34 Si nous faisons un gros plan sur ce plat de reliure carolingien
32:39 de la fin du IXe siècle,
32:41 on distingue donc la colombe apportant la sainte ampoule.
32:49 Cette ampoule présente elle-même une basse pensue
32:52 et un col étroit.
32:54 C'est l'image que nous avons tous dans nos livres d'école,
32:58 par exemple, en mémoire, lorsqu'on évoquait la sainte ampoule,
33:03 telle qu'elle est représentée au XIXe siècle.
33:06 La colombe tient dans ses serres rouge l'ampoule,
33:09 qui est elle-même pyriforme.
33:11 Ainsi, cet objet divin s'inscrirait pleinement
33:15 dans le contour d'une matrice en ivoire de morse,
33:19 elle-même adoptant cette forme si singulière.
33:22 Voici un cas inespéré
33:25 que j'ai eu la chance de découvrir et je vous l'offre aujourd'hui.
33:30 Je suis parvenu à reconstituer toute une chaîne opératoire
33:35 allant des objets les plus anciens à l'objet le plus récent.
33:39 Voilà.
33:41 Sur la partie gauche, nous avons la représentation
33:45 du chapitre au décoral de Saint-Étienne de Sens,
33:48 gravé avant 1191.
33:51 Les deux faces,
33:52 cette face plutôt pâle et l'autre face orangée,
33:56 on figure sur les deux faces le buste de Saint-Étienne.
34:00 En regard de chacune des faces se situe un moulage
34:03 qui est servi aujourd'hui dans la collection d'hîtes suppléments
34:06 du service d'Esso.
34:07 Soulignons ici que le moulage d'une matrice comme celle-ci
34:11 permet de faire ressortir la lisibilité de la légende
34:15 et permet d'accentuer une compréhension générale
34:20 de l'objet et de sa nature.
34:23 Revenons sur l'objet de celui sur la gauche
34:26 et celui en bas, un peu orangé.
34:30 On distingue dans la partie supérieure, très légèrement,
34:33 la base d'un anneau de suspension métallique
34:36 qui est aujourd'hui partiellement détruit par l'oxydation.
34:39 Cet objet est actuellement conservé au musée de Sens.
34:42 La figure de Saint-Étienne du grec "stéphanos",
34:44 qui signifie "couronne",
34:46 est renforcée ici par l'image du Saint-Lauré.
34:49 L'ivoire est ici particulièrement travaillé, soyeux, glacuré,
34:55 venu de loin et destiné à sceller des actes
34:58 à partir d'un objet aussi luxueux.
35:01 Ici intervient un élément totalement inespéré.
35:04 J'ai retrouvé un acte
35:08 conservé aux archives nationales,
35:11 auquel est appendu, sans aucun doute possible,
35:14 le sceau du chapitre de Sens,
35:16 réalisé à partir de la matrice originale
35:19 que nous venons de voir à l'instant.
35:21 Cet acte original est conservé, donc, aujourd'hui,
35:24 aux archives nationales, sous la cote L908, pièce n°55,
35:29 et datée précisément de 1191.
35:32 Douiderc, le grand sigilographe, à gauche,
35:38 avait lancé une énorme campagne de moulage de sceaux.
35:43 Et grâce à son travail, nous pouvons voir très lisiblement
35:48 que la cire originale, c'est bien celle qu'il a vue,
35:52 puisque le moulage qu'il a fait réaliser sur la gauche
35:56 est exactement le même objet.
35:58 En revanche, l'image de droite atteste
36:02 qu'on abandonne, au XIVe siècle, l'ivoire
36:06 pour revenir à des matrices métalliques circulaires, typiques,
36:11 de celles qu'on utilisait en 1377.
36:15 Par ailleurs, à l'occasion d'une fouille urbaine
36:18 menée à Sens, il a été découvert un objet prestigieux,
36:23 une ataille en jai.
36:25 Le jai, c'est une roche précieuse
36:28 composée de restes de plantes fossilisées.
36:31 Cet objet est cerné d'une monture crantée en or.
36:34 Elle figure un souverain en buste.
36:36 Je vous renvoie à l'étude de Didier Perrugaut
36:38 sur ce singulier objet, qui a fait une analyse remarquable en 1993.
36:43 Je cite fidèlement cet auteur à la page 47 de mon catalogue.
36:47 Ainsi, c'est le but que je m'étais fixé aujourd'hui,
36:52 vous présenter la chaîne opératoire exhaustive
36:55 qu'il m'a été possible d'établir.
36:58 Nous avons l'ataille en jai, le buste antique.
37:03 Ensuite, découverte de la matrice d'Eaussance.
37:09 Sceaux conservés ici, réalisés lui-même
37:14 à partir de la matrice en ivoire de Morse.
37:17 Moulages conservés au service des sceaux,
37:21 réalisés par Douédart, qui s'est proche, au XIXe siècle.
37:25 Abandon au XIVe siècle
37:28 de la forme si singulière de ces matrices en ivoire
37:33 et retour à une matrice métallique.
37:35 Il ne faut pas perdre de vue que la précieuse matrice
37:41 était destinée à rejoindre d'autres objets
37:45 conservés dans le trésor du chapitre de la quadrale d'Eaussance.
37:48 Ainsi, ce trésor était constitué notamment
37:51 - j'en ai retenu que deux -
37:52 de deux pièces liturgiques particulièrement luxueuses.
37:55 Une des plus luxueuses connues en Europe,
37:58 la Sainte-Chasse, réalisée en ivoire d'éléphant cette fois,
38:01 à l'époque byzantine,
38:03 est complétée plus tardivement d'un bandeau bleu
38:05 en émail chanlevé sur cuivre,
38:07 typique des travaux du XIIe siècle.
38:10 Donc, ce trésor conservait cette Sainte-Chasse.
38:13 Le peigne dit de Saint-Loup, réalisé en ivoire d'éléphant également.
38:20 Alors, pourquoi l'ivoire d'éléphant et l'ivoire de mort ?
38:23 Eh bien, on peut avancer l'hypothèse
38:26 que l'artisan qui avait gravé la fameuse matrice
38:29 avait vu ces autres objets prestigieux
38:31 conçus en ivoire d'éléphant.
38:33 Et très probablement, ces ivoires se faisaient écho
38:36 sous la forme d'une véritable polyphonie.
38:38 Dans mon étude, je me fonde sur les travaux particulièrement nouveaux
38:42 et inventifs de Philippe Cordèze concernant les trésors d'église
38:47 en prolongeant ses réflexions à partir de mes propres découvertes.
38:51 Enfin, la matrice du chapitre de l'architecturale de Roskilde,
38:56 au Danemark.
38:57 Je tenais aussi, pour parfaire notre connaissance,
39:02 vous présenter très succinctement un autre angle d'approche
39:06 qui resterait à élargir.
39:09 La matrice de Roskilde, à gauche, circulaire cette fois-ci,
39:13 mais réellement en ivoire de morse,
39:15 représente le pape Lucius,
39:17 le saint patron de l'architecturale de Roskilde.
39:20 Cette matrice est connue des spécialistes
39:22 depuis de nombreuses années.
39:23 En revanche, ce qu'il est beaucoup moins,
39:25 c'est sa toute première mention,
39:27 faite au XVIIIe siècle
39:31 par ces fameux deux Bédélictins,
39:33 dont Oustin et dont Assin.
39:36 À l'époque, il est dit de façon explicite, je cite,
39:41 "On ne connaît qu'un seul saut réalisé en cette matière.
39:44 Ils ne le reproduisent pas. Ils ne font que l'évoquer."
39:48 Mais il mentionne très discrètement l'existence d'un ouvrage,
39:53 le "Kunstkammer royal" de Copenhague,
39:57 où il est cette fois dessiné par Oliver Jacobius,
40:01 deux siècles plus tôt, en 1696.
40:04 Donc l'image que vous avez sous les yeux, sur la partie droite,
40:08 serait la première représentation
40:13 effectuée par des historiens de l'art,
40:17 des passionnés d'art, d'une matrice en Ivoire-de-Morse.
40:21 Les catalogues de curiosités de trésors conservés dans le Grand Nord
40:26 reproduisent une multitude d'objets liturgiques en Ivoire,
40:29 des crosses, des chasses, des crucifix, des reliquaires.
40:32 En cherchant bien, il serait possible que les chercheurs
40:35 qui consacrent leurs études aux matrices
40:38 puissent en trouver d'autres citées simplement ou reproduites.
40:43 Il y a fort à penser
40:45 qu'un dépouillement méthodique de ces catalogues de curiosités
40:50 du Grand Nord permettront de glaner d'autres objets
40:55 dont l'existence reste à ce jour insoupçonnée.
40:58 Je vous remercie.
41:01 (Applaudissements)
41:04 Sous-titrage ST' 501
41:06 ...

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