• il y a 6 mois
"J'espère qu'on n'aura pas à refaire des films dans le futur sur des sujets comme ça"
Anamaria Vartolomei est Maria Schneider dans Maria, un film qui dépeint la vie de l'actrice, de son arrivée dans le milieu du cinéma à son combat pour le consentement sur les plateaux. Elle nous raconte.
Maria, en salle le 19 juin prochain
Transcription
00:00 Le tournage qui fait malheureusement écho à énormément d'histoires qu'on entend encore aujourd'hui, dans l'actualité.
00:05 J'espère qu'on n'aura pas à refaire des films dans le futur sur des sujets comme ça.
00:09 Dans "Maria", Anna Maria Vartolome rejoue la vie de l'actrice Maria Schneider,
00:13 de son arrivée dans le milieu du cinéma à son combat pour le consentement sur les plateaux,
00:17 en passant par l'agression subie sur le tournage du dernier Tango à Paris, elle nous raconte.
00:21 J'ai vu, je sais pas, je l'ai vue sur mon ordi il y a quelques années.
00:24 Ce qui m'intéressait, c'était elle, parce que je la trouve complètement dingue dans le film, elle a une énergie, une fougue,
00:31 et d'une beauté à couper le souffle.
00:33 On avait un mariac, câblé de responsabilité, et une femme ronchon.
00:36 Maintenant, au contraire, le mariage de la publicité est un mariage souriant.
00:40 Et puis, je l'ai revue sur grand écran.
00:42 C'était marrant qu'il passait, qu'il le projetait avant le tournage, quoi.
00:45 Donc ça m'a aidée dans la prépa.
00:46 Et il passait même, je crois, le premier jour de tournage.
00:50 Et je l'ai vue comme un signe, je me suis dit, il passe le dernier Tango avec Maria, le jour de notre premier jour de tournage.
00:57 C'est comme si elle était un peu là avec nous, quoi.
00:59 Mais c'est marrant. Mais oui, je l'ai vue, je trouve qu'elle a mal vieilli ce film.
01:02 Je ne sais pas qui qualifie ça de chef-d'oeuvre.
01:05 Maintenant, je me demande, mais c'est quoi l'histoire de Maria ?
01:06 L'histoire de Maria, on l'aura résumée à une seule scène d'un seul film.
01:12 Mais ce n'est pas son histoire. Son histoire, c'est toute la vie qu'elle a eue avant, après.
01:17 Ça, c'est qu'une bribe de sa vie. Et c'est vrai que l'histoire du Tango,
01:22 je l'avais entendue, mais je crois que je l'avais entendue même assez déformée.
01:27 Ce n'était pas ce qui s'était réellement passé.
01:29 Parce que ça reste quand même une histoire assez fantasmée.
01:31 Il y a beaucoup de gens qui qualifient encore le film de pornographique,
01:34 qui pensent qu'il y avait eu pénétration.
01:36 Il y a des gens qui, quand on leur dit que c'était un viol, ils assimilent ça, la pénétration, alors que non.
01:41 Il faut dire que la scène a été simulée.
01:43 Il faut dire que ça a été un attouchement et qu'après, chacun sa définition du viol.
01:48 Mais pour moi, même sans pénétration, et bien que simulé, ça reste un viol.
01:52 Non, non !
01:55 Non !
01:56 Et donc, oui, cette histoire, je l'avais entendue, mais son histoire à elle,
02:00 c'est vrai que je m'en voulais même presque parce que je n'avais pas cherché à en savoir davantage sur sa vie, sur qui elle était.
02:05 Pour nous, c'était essentiel de passer par cette scène parce que déjà, c'est là où tout a basculé pour Maria.
02:11 Et on avait envie à tout prix de se retourner dans son regard à elle.
02:15 Déjà, d'être avec elle, au plus proche de sa peau, de son souffle, de ses émotions à ce moment-là.
02:21 Donc, il y a un grand plan.
02:22 Et puis, de se retourner sur l'équipe, qui est complètement statique en fait,
02:26 c'est qu'il ne fait rien, qu'il ne réagit pas.
02:28 Comprendre la violence de ce qu'elle a subi face à une équipe.
02:32 Parfait !
02:36 C'est super !
02:38 On termine la lumière et on tire.
02:40 Bien sûr, je pense que ça a été une des premières femmes à essayer de lever le voile sur les tabous liés aux violences faites aux acteurs, aux actrices dans le cinéma.
02:50 Mais malheureusement, c'était une époque où déjà les femmes étaient trop peu entendues.
02:53 Et puis, au-delà de ça, les journalistes, les médias, je pense, n'étaient pas prêts à recevoir ça
02:59 parce qu'on n'avait pas envie de déboulonner des icônes, on n'avait pas envie de réduire Bertolucci, Brando.
03:06 On voit une jeune femme de 19 ans qui fait son premier, enfin, ce n'était pas son premier film, mais c'était son premier grand rôle.
03:15 Je pense qu'on peut plus facilement s'attaquer à Maria Schneider.
03:18 Le jugement a été rendu hier, le film est interdit.
03:21 Bertolucci, Brando et moi, on est condamnés.
03:24 Condamnés à quoi ?
03:26 À deux mois de prison avec sursis.
03:29 Pour obscénité.
03:30 Et d'ailleurs, ce qui m'a étonnée beaucoup, c'est que les interviews, on en a très peu, donc on avait très peu d'archives.
03:35 Mais de ce que j'ai trouvé, c'est justement, face aux journalistes, le sexisme dont elle a été victime,
03:42 et à quel point il y avait une grande différence entre la manière dont elles ont lui parlé du film et du rôle,
03:48 et la manière dont on parlait du film et du rôle à Brando et Bertolucci.
03:52 Ça n'avait rien à voir.
03:53 Bertolucci s'est enfui, Brando aussi.
03:57 Il mangeait tout seul à Paris avec la presse qui lui dit tous les jours des horreurs sur nous.
04:02 Des horreurs, je te jure.
04:03 Et là, oui, il n'y avait plus rien d'artistique chez Maria Schneider.
04:07 Elle a été réduite à son corps, à sa poitrine, à son tour de bonnet.
04:11 D'ailleurs, il y a une scène dans le film où Maria demande à un réalisateur
04:14 « Est-ce qu'il faut un tour de bonnet particulier pour raconter ton histoire ? »
04:17 « Je ne pense pas. »
04:18 Où elle refuse de se dénuder, parce qu'elle a refusé ensuite de se réduire à la trop basse valeur qu'on lui aura accordée,
04:25 et de s'émanciper de ça.
04:26 C'est moi, je regardais les deux vidéos d'elle, donc l'archivina qui date des années 80,
04:30 et puis il y avait un autre extrait tiré de « Sois belle et tais-toi » de Delphine Seyrig.
04:34 Il y a très peu de vidéos d'elle, mais j'étais vachement dans le calque,
04:37 l'imitation, de la gestuelle, du phrasé.
04:39 Je crois que vraiment, j'en faisais peut-être des caisses.
04:42 Alors, il faudrait que je fasse des essais ?
04:46 Non.
04:48 Mais c'est le producteur à des doutes.
04:50 C'est moi qui choisis avec qui je vais travailler.
04:52 Mais avec Jessica, on s'est dit qu'il fallait vraiment se débarrasser de tous les ornements superflus,
04:57 se consacrer, c'est de se recentrer aussi sur l'essence de Maria.
05:00 De ne pas avoir peur d'en faire notre propre personnage,
05:02 parce que ça reste aussi une adaptation libre d'un livre.
05:06 Elle n'était pas très connue non plus, donc on avait moins de pression aussi vis-à-vis de comment les gens la percevaient.
05:12 Mais j'ai gardé la gestuelle des mains, la façon de filmer, etc.
05:15 C'était dur parce que, je ne sais pas, pour moi, elle reste encore un mystère aujourd'hui.
05:19 J'avais l'impression que des fois même que j'avais du mal à l'incarner, à l'apprivoiser aussi,
05:24 et à l'atteindre, parce que je ne la comprenais pas.
05:27 Elle était très mystérieuse, elle était blessée, elle était complètement cassée.
05:32 Mais c'est vrai que je ne sais pas si je suis passée à côté,
05:35 et je pense qu'il me reste beaucoup de choses d'elle,
05:37 mais c'est vrai que je ne saurais pas non plus dire qui elle était vraiment.
05:42 C'est inquiétant quand même de se dire qu'on raconte la vie de mariage scénaire
05:45 et le tournage qui fait malheureusement écho à énormément d'histoires qu'on entend encore aujourd'hui, dans l'actualité.
05:52 Je me dis que ça fait plus de 50 ans et on en est encore au même stade.
05:56 Il y a des histoires qui font froid dans le dos.
05:59 Je trouve ça plus inquiétant qu'autre chose.
06:00 Je pense que c'est bien de montrer ça, et c'est beau pour "Mariage scénaire".
06:05 Je me suis dit que c'est un bel hommage pour elle,
06:07 et je suis heureuse, je pense qu'elle aurait aimé le film,
06:10 et je pense qu'elle aurait aimé ce que ça suscite autour.
06:13 J'espère qu'on n'aura pas à refaire des films dans le futur sur des sujets comme ça.
06:17 COMMUNIS !
06:19 à suivre.

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