L'ancien directeur de la prison de Fresnes, Joaquim Pueyo, était invité de Morandini Live, ce vendredi 24 mai, sur CNEWS. Il s'est exprimé sur les conditions de vie des détenus en France. «La prison, ce n'est pas le «Club Med. On a libéralisé les conditions de détention, mais on n'a pas renforcé les mesures de sécurité qui sont indispensables».
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00:00 Il y a des insuffisances, il y a des difficultés.
00:02 On a une surpopulation pénale qui met en difficulté
00:05 les personnels pénitentiaires,
00:07 qui n'arrivent pas toujours à bien contrôler
00:10 les détenus qui s'y trouvent.
00:12 On voit effectivement l'entrée des portables...
00:15 On connaît comment les portables rentrent dans les prisons.
00:18 Il y a de la drogue. Il y a des problèmes de sécurité.
00:21 On a libéralisé depuis de nombreuses années
00:24 les conditions de détention,
00:25 mais peut-être qu'on n'a pas renforcé les mesures de sécurité
00:29 qui sont indispensables.
00:31 Le rôle de la prison, c'est de surveiller,
00:33 de prévenir les récidives, de les réinsérer.
00:36 Et là, quand on voit ce qui se passe
00:38 suite aux faits qui ont été révélés hier ou avant-hier,
00:42 on se pose des questions sur le sens de la peine de prison.
00:45 Lorsque des détenus continuent à faire des trafics
00:48 à l'intérieur des prisons,
00:50 alors qu'ils ont condamné pour des faits de trafic,
00:53 ça pose des questions sur le sens de la peine.
00:56 Il faut revoir certains dispositifs
00:58 pour permettre à la peine de jouer son véritable rôle.
01:02 Et là, je pense qu'il y a des efforts considérables à faire.
01:06 Par exemple, pour les portables,
01:08 on devrait généraliser les brouilleurs.
01:10 On a pris des décisions il y a quelques années,
01:12 mais on n'a pas généralisé les brouilleurs.
01:15 Pour également éviter que des produits illicites
01:18 rentrent en prison,
01:20 il faudrait qu'on renforce les scanners
01:22 qui existent déjà, millimétriques,
01:25 mais qui ne sont pas suffisants.
01:28 Il faut absolument renforcer la prison,
01:30 mais pas dire que la prison s'est tombée.
01:32 -Malgré tout, soyons sincères, et je suis sûr que vous l'êtes,
01:37 mais quand vous étiez directeur de prison,
01:39 vous saviez qu'il y avait des téléphones partout.
01:42 On parle avec Kamel, David,
01:44 ils nous disent que tout le monde a des téléphones.
01:47 Vous le saviez ? -Mais pas tout le monde.
01:49 Moi, j'ai quitté...
01:50 J'ai dirigé les grandes prisons françaises.
01:53 À l'époque, il y avait des portables,
01:56 beaucoup moins qu'actuellement.
01:58 Vous avez des petits portables
01:59 qu'on n'arrive pas à détecter au niveau des portiques.
02:02 C'est un sujet, effectivement,
02:04 donc il faut renforcer les brouilleurs.
02:07 Bien sûr qu'on le sait, chaque semaine,
02:09 les surveillants en découvrent des portables.
02:12 Il y a des fouilles qui sont effectuées.
02:14 Mais il y a une déficience à ce sujet-là,
02:16 comme il y a des insuffisances
02:18 par rapport aux produits toxiques qui rentrent.
02:21 Quand on apprend qu'un détenu sur deux
02:23 a déjà consommé du H en prison,
02:25 c'est vrai que ça m'interroge.
02:27 On ne peut pas se croiser les bras.
02:29 Donc, il faut vraiment que, politiquement,
02:31 on prenne la mesure.
02:32 Mais je vous rappelle que ces sujets-là,
02:35 à chaque fait important,
02:36 il y a des commissions qui se mettent en place,
02:39 il y a des dispositifs qui sont prévus,
02:42 mais ça n'avance pas assez vite, tout simplement.
02:45 Donc, effectivement, on connaît les difficultés.
02:49 Je vous assure, c'est pas facile.
02:51 Quand vous avez trois détenus dans une cellule,
02:54 ils sont autorisés à avoir des affaires personnelles.
02:58 Pour les fouilles d'une cellule, il faut beaucoup de temps,
03:01 donc il faut davantage de personnel sur les cursives.
03:04 -Mais malgré tout, autour de cette table,
03:07 depuis tout à l'heure, l'idée générale,
03:09 c'est de dire que les surveillants laissent faire
03:12 parce qu'ils achètent une paix sociale.
03:14 Ils courent pas derrière les portables,
03:16 derrière la drogue,
03:18 parce qu'ils veulent pas mettre le feu à la prison.
03:20 Vous démontez ça ?
03:22 -Ecoutez, s'ils laissaient faire,
03:24 on trouverait pas autant de portables.
03:26 Chaque année, des milliers de portables sont saisis.
03:30 Ce qui veut dire que les agents,
03:32 ils font du contrôle, ils font de la surveillance.
03:35 Mais on a une difficulté, actuellement,
03:38 dans les services pénitentiaires,
03:40 pour contrôler, effectivement,
03:42 l'ensemble des...
03:46 l'ensemble pénitentiaire.
03:48 C'est-à-dire que lorsqu'on s'aperçoit
03:51 que dans les parloirs, il y a du trafic,
03:54 lorsqu'on n'arrive pas à détecter les portables
03:56 qui peuvent rentrer dans les parloirs
03:59 ou qui sont introduits dans les établissements pénitentiaires,
04:02 c'est des questions qu'on doit se poser.
04:05 Mais faut pas dire que les surveillants laissent tout faire.
04:09 -Ils laissent faire certaines choses.
04:11 Un portable, ils se disent peut-être que c'est pas très grave.
04:15 Si ça peut ne pas mettre le feu à toute la prison,
04:17 c'est peut-être pas très grave qu'il y ait des portables.
04:21 -Je sais pas si certains surveillants disent
04:24 que c'est très grave.
04:25 Un portable, ça ne sert pas uniquement à téléphoner à leur famille.
04:29 Les détenus peuvent téléphoner dans des cabines dédiées,
04:32 mais ils sont écoutés.
04:33 Donc, quand on introduit des portables,
04:36 c'est pas forcément pour téléphoner aux familles.
04:38 C'est pour préparer des évasions
04:40 ou faire pression également sur des victimes.
04:43 On a eu, malheureusement, des personnes qui ont perdu des plaintes
04:46 parce que des détenus, avec leurs portables,
04:49 font pression sur les victimes ou sur leur famille
04:52 et qui ont pu y avoir une difficulté particulière.
04:55 Donc, c'est grave de laisser les portables
04:58 dans les prisons françaises.
05:00 C'est très grave en termes de sécurité pour la prison,
05:03 mais également pour l'extérieur.
05:05 [Musique]
05:08 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]