Jean-Baptiste Delay, président de l'association des médecins de montagne et généraliste à Flaine-Les Carroz en Haute-Savoie, était l'invité de France Bleu Pays de Savoie.
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00:00 Le 6/9, France Bleu Pays de Savoie. Votre journée commence ici.
00:05 7h45, c'est un phénomène qui n'est plus anecdotique.
00:09 Les habitants des vallées montent en station pour être sûrs de pouvoir consulter un médecin sans rendez-vous.
00:14 Les médecins de montagne commencent d'ailleurs à s'inquiéter de ce phénomène.
00:17 L'invité Bleuet est justement le président de l'association des médecins de montagne.
00:21 Bonjour Jean-Baptiste Delay.
00:23 Bonjour.
00:24 Vous êtes médecin généraliste à Flènes-les-Carros.
00:26 Les patients qui montent de la vallée dans votre cabinet représentent quelle proportion ?
00:31 C'est difficile à dire. C'est quelque chose qui a toujours existé.
00:34 D'abord pour notre spécificité, c'est-à-dire la traumatologie.
00:37 Mais effectivement, c'est un nouveau phénomène qu'on voit depuis 2-3 ans.
00:41 Ce sont des patients qui viennent des vallées pour de la consultation non programmée, classique,
00:47 et plus spécialement pour la traumatologie.
00:49 Et notamment à l'intersaison, on a une augmentation de notre patientèle qui vient des fois de loin,
00:56 30-35 minutes de route pour consulter parce qu'ils n'ont pas d'autre solution dans la vallée.
01:02 À quoi répond ce phénomène ?
01:04 Vous le dites, pas de médecin dans la vallée, mais le fait aussi que vous êtes équipé,
01:09 vous avez un équipement très spécifique par rapport au médecin généraliste des villes.
01:13 Oui, il y a un déficit dans la vallée de médecins, avec des médecins qui partent à la retraite
01:17 ou qui ne sont pas ou peu remplacés.
01:19 Il y a surtout un phénomène aussi dans les villes et dans les vallées avec des médecins généralistes
01:25 qui ne consultent plus que sur rendez-vous, avec des rendez-vous qui sont des fois un petit peu longs
01:30 parce que par manque d'effectifs.
01:33 Et quand vous avez un rendez-vous dans 10-12 jours pour une angine,
01:36 je comprends qu'on cherche d'autres solutions.
01:38 Et dans les autres solutions, il y a les cabinets de stations qui prennent sans rendez-vous
01:42 et qui viennent en non programmé.
01:44 Du coup, les gens peuvent monter et être pris dans la journée.
01:48 Donc on vient même de loin juste pour une angine.
01:51 Ce n'est pas forcément parce qu'on a un doigt cassé.
01:54 Exactement, le phénomène évolue un petit peu.
01:56 Ce n'est plus juste parce qu'on a cette spécificité et cet équipement.
02:00 Alors vous dites "attention, les cabinets de montagne ne sont pas la solution face aux déserts médicaux".
02:05 Pourquoi vous faites cette mise en garde à l'association des médecins de montagne ?
02:08 Parce que nous aussi, à un moment donné, on va exploser.
02:11 On ne va pas pouvoir voir toute la Haute-Savoie,
02:14 en tout cas pour nous en Haute-Savoie,
02:16 on ne va pas pouvoir voir toute la vallée de l'Arve
02:20 en consultation sous prétexte que nous, on est ouvert sans rendez-vous.
02:24 Et ça va vite poser un souci de volume dans nos cabinets.
02:28 Vous parlez de la vallée de l'Arve parce que vous êtes effectivement à Flènes-les-Carrous,
02:32 mais ça concerne aussi d'autres secteurs ?
02:34 Bien sûr, ça concerne tous les secteurs.
02:37 En ville, il n'y a quasiment plus de médecins qui prennent sans rendez-vous
02:41 ou alors sur des petits créneaux d'urgence qui sont très vite complétés.
02:44 Je ne leur jette pas la pierre, mais c'est parce qu'on n'est plus assez,
02:49 ou en tout cas on n'est pas assez.
02:51 Et que tout sur rendez-vous pose vraiment un souci pour la médecine de premier recours,
02:57 c'est-à-dire tout ce qui est angine, je me suis fait mal à la cheville hier,
03:02 je rappelle, c'est 6000 entorses de cheville par jour en France.
03:05 C'est dommage que ça aille tout aux urgences.
03:07 Mais voilà, sauf que chez votre médecin généraliste, c'est compliqué d'avoir un rendez-vous,
03:11 puis après un rendez-vous de radio, puis revoir le médecin généraliste,
03:13 alors qu'on sait très très bien faire, nous, en médecine générale.
03:16 Donc, toutes ces pathologies dites de premier recours sont difficilement prises en charge en ville.
03:25 Et les gens montent facilement dans les stations
03:27 parce qu'ils savent qu'on va prendre en charge de façon globale leurs pathologies.
03:31 Bon, il y a de quoi s'inquiéter.
03:32 Justement, on vous pose aussi la question ce matin,
03:35 pour que les médecins qui sont en station ne soient pas débordés.
03:37 Est-ce que vous avez déjà fait cette démarche de faire une heure de route pour aller en station,
03:41 pour faire soigner par exemple une angine ?
03:43 On vous attend, 0806 0010 10.
03:45 On en parle aussi avec notre invité, c'est le président de l'association des médecins de montagne,
03:49 Jean-Baptiste Delay.
03:50 Est-ce que vous connaissez des cabinets en station de montagne
03:54 qui du coup refusent des patients de Valais maintenant ?
03:56 Oui, oui, tout à fait.
03:57 Il y en a qui limitent à leurs patientelles parce qu'ils n'ont pas l'effectif,
04:00 parce qu'en intersaison ils sont tout seuls et que c'est compliqué.
04:04 Ce qu'il faut comprendre, c'est que pour pouvoir accueillir des gens comme ça en non programmé,
04:09 il faut un secrétariat physique, il faut de la place, il faut des grandes salles d'attente,
04:13 chose qu'on ne peut pas forcément gérer en intersaison.
04:17 On est équipé et organisé pour la saison, pour l'activité saisonnière du ski,
04:23 mais en intersaison c'est des effectifs beaucoup plus restreints et ce n'est pas toujours facile.
04:28 Et puis ça va s'auto-réguler parce que quand vous allez avoir 10-12 personnes
04:34 qui vont monter en même temps, ça risque d'être long aussi pour eux à attendre.
04:38 Et puis pour nous aussi parce que du coup c'est là que ça devient compliqué.
04:41 On fait du non programmé certes, mais si à 19h à l'heure de fermeture du cabinet
04:45 on a encore 15-20 personnes à voir, plus après toute la partie administrative
04:48 qui est de plus en plus lourde, plus les debriefings des internes, etc.
04:52 Il va falloir réguler tout ça.
04:55 - Jean-Baptiste Delay, vous restez avec nous, vous êtes généraliste à Flen-les-Carrous,
05:00 président de l'association des médecins de montagne. On accueille les auditeurs.