À l'occasion des 80 ans de la libération à Saint-Étienne, Eugène Granger se remémore le bombardement de l'école de Tardy lorsqu'il y était élève.
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00:00 J'lui ai été tué.
00:02 J'lui ai été tué, j'lui ai été tué, j'lui ai été tué.
00:06 Quand j'en parle, je voulais m'en tomber.
00:29 On s'en rendait même pas compte.
00:31 On voyait les Allemands passer, mais on s'en rendait pas compte.
00:35 Quand on est gamin, on s'amuse, on pense pas.
00:38 Quand on allait au charbon, là, qu'on appelait,
00:41 que les gens montaient de la ville pour aller voler du charbon,
00:45 c'est ce qu'il y a de la dire,
00:46 il y avait des moments, il y avait les Allemands qui venaient,
00:48 puis il fallait vite couvrir pour partir.
00:53 C'est plutôt le bombardement qui nous a traumatisés tous,
00:56 mais pas la guerre par elle-même.
00:57 Parce que la guerre...
00:59 [Musique]
01:01 C'était pas la première fois qu'il y avait des alertes, il y en avait souvent.
01:13 Alors, on descendait dans l'école, mais c'était la rigolade,
01:17 alors les professeurs, ils se mettaient à discuter entre eux,
01:20 ils savaient comment ça...
01:22 Puis un beau jour, il y a eu le bombardement.
01:24 Et c'est pour ça qu'il n'y avait aucun moment,
01:27 parce que comme nous, on était dans la classe de certificat,
01:30 on descendait à la dernière classe.
01:32 Et à ce moment-là, je sais pas si vous connaissez l'école Tardif,
01:36 ça faisait à un angle, et dans l'angle, là,
01:39 nous, on était là, dans ce coin,
01:41 et les professeurs, ils se réunissaient entre eux pour discuter.
01:43 Et c'est pour ça que quand la bombe est tombée,
01:45 elle est tombée carrément sur eux, en somme.
01:47 Et nous, comme on était à côté,
01:49 c'est pour ça qu'il y a eu beaucoup d'élèves de ma classe qui ont été tués.
01:51 On était à portée de la bombe, en somme.
01:55 Presque tous de ceux qui ont été tués en même temps de ma classe.
01:58 Parce qu'on se trouvait presque pratiquement à l'endroit de la bombe, quoi.
02:02 Peut-être à 10 mètres, vous savez pas, ça peut pas dire exactement.
02:07 Alors, moi, je sais pas, je suis sorti, je sais pas,
02:09 comment, comment, pourquoi, j'ai jamais pu...
02:13 C'était fou, quoi.
02:15 On peut pas dire qu'on est...
02:17 Mon père, en cours, on...
02:19 [Musique]
02:29 Moi, je me rappelle de sortir de l'école et puis courir.
02:32 Et j'ai vu les... Je voyais encore les bombes tomber.
02:35 Mais, vous savez, on va tellement vite.
02:38 J'ai battu le record de Jadis, moi, à course à pied.
02:41 Et je me suis retrouvé à la côtoine.
02:43 Et là, on voyait rien du tout parce qu'il y avait une sorte de nappe de brouillard,
02:48 comme du sable.
02:51 Alors on voyait rien.
02:52 Vers les 10h, midi, quand ça a commencé à s'éclaircir,
02:56 on a commencé à voir des gens qui étaient en sang, qui couraient, quoi.
03:00 Il y en a qui cherchaient leur famille.
03:02 Vous savez ce que c'est ?
03:04 Le professeur et son fils, ça, ils ont été tués tous les deux.
03:09 Lui, il a été tué.
03:12 Lui, il a été tué. Lui, il a été tué. Lui, il a été tué.
03:16 Quand j'en parle, je veux les bombes tomber.
03:18 Je n'ai pas des moments dans le quartier où je me promène.
03:20 Mais toujours cette idée de les voir tomber, les bombes.
03:24 Puis, il faut l'avoir vécu pour le comprendre.
03:26 On ne peut pas l'expliquer dix fois.
03:29 Ça, c'est l'impression.
03:31 Parce qu'on dirait des petites mouches qui tombent, tout doucement.
03:35 On les voit pas tomber vite.
03:37 J'ai repris l'école peut-être un mois, même pas.
03:41 J'ai passé le certificat d'études parce qu'on nous l'a fait passer.
03:44 Puis, moi, je ne voulais plus aller à l'école.
03:46 J'ai été trompé.
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