Dans ce film, Dennis Gansel filme l'expérimentation d'une autocratie à l'intérieur d'une classe... Inspiré de « La Troisième Vague », une étude expérimentale sur un régime autocratique, menée par le professeur d'histoire Ron Jones en 1967, on voit dans le film la violence physique devenir tolérable. Mais jusqu'où ? Si dans un atelier scolaire, le professeur peut arrêter la machine, difficile d'imaginer des politiques, imbus de pouvoir par nature, faire machine arrière.
Retrouvez Léo Karman sur le site de France Inter : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-chronique-cine-de-leo-karmann
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AmusantTranscription
00:00 ... grand dimanche soir, préparé dans des conditions un petit peu rocambolesques.
00:04 Alors les séquences de cette émission se jouent un petit peu aux fléchettes au bureau.
00:07 On fait "Allez hop tac, qu'est-ce qu'on mettrait maintenant ?"
00:09 Parce que de toute façon c'est le foutoir, vous l'avez compris.
00:11 Alors, la fléchette là tombe sur la case culture.
00:14 Dans la case culture, on a mis une autre fléchette, paf cinéma, on s'est dit "Tiens, voici Léo Carman".
00:20 Léo, vu les circonstances actuelles, le choix du film vous a paru évident.
00:25 Et oui, Charline, malheureusement j'ai envie de dire, depuis trois ans maintenant,
00:30 j'ai eu la chance de venir parler ici de cinéma, ou plus précisément parler d'émotions, de personnages,
00:35 de métaphores, de trajectoires, en essayant d'y trouver un écho avec le réel
00:39 et tenter d'en trouver un semblant de sens.
00:41 Je suis persuadé que les films de fiction servaient à ça, donner à réfléchir sur nous
00:45 en exploitant la puissance de nos émotions.
00:47 Et c'est ce qu'a dû se dire Denis Garnsel au début des années 2000
00:50 quand il a vu émerger des mouvements néo-nazis dans son pays,
00:52 en même temps qu'un scepticisme face à l'idée que cette idéologie puisse un jour revenir au pouvoir en Allemagne.
00:57 Il s'est dit comment traiter de ce sujet par l'émotion.
01:00 Allez, faites un effort, il y a bien une dictature qui vous vient à l'esprit.
01:02 Le troisième Reich, on est vraiment obligés d'en bouffer encore.
01:05 Il faut qu'on puisse en parler, c'est important.
01:07 Les nazis sont la honte de l'Allemagne, on a pigé le message.
01:09 Mais il n'y en a plus, c'est fini ce temps-là.
01:11 Ah oui ? Et les néo-nazis alors ?
01:13 Reiner, je propose un autre sujet.
01:14 Non, non, attends, je trouve ça très intéressant ce qui se passe.
01:16 Donc on ne verra jamais une nouvelle dictature en Allemagne, c'est ce que vous dites.
01:20 Ce n'est pas possible, on nous a assez mis en garde.
01:22 Denis Grancell décide d'adapter au cinéma une expérience menée par Ron Jones,
01:27 un professeur américain qui à la fin des années 60 a décidé de mettre en place un atelier un peu particulier dans sa classe de lycée.
01:33 En gros, en reprenant chacun des attributs d'une autocratie et en proposant aux élèves de les appliquer au sein du cours,
01:38 il observe la mise en place d'une sorte de jeu de rôle grandeur nature qui emporte l'enthousiasme des élèves.
01:43 Le film s'appelle "La vague", il est sorti en 2008 et il est terrifiant d'actualité.
01:48 Un taux de chômage élevé et des injustices sociales favorisent effectivement la naissance d'une dictature.
01:53 Tim ?
01:54 Un fort taux d'inflation, monsieur Wenger.
01:56 Bien, inflation, oui.
01:57 Le dégoût envers les politiques.
01:59 Très bien, Caro.
02:00 Le nationalisme. Pendant la dernière coupe du monde de football, on a bien vu comment tous ces drapeaux allemands s'éfichaient partout.
02:05 Ah, Ringelberg ?
02:09 Et ensuite, l'idée d'une tenue commune, en gros un uniforme, et puis un nom, un logo, et enfin un geste,
02:18 celui d'une vague puissante, forte, qui va déferler sur le pays.
02:23 Mais le plus angoissant là-dedans, c'est pas tant les similitudes troublantes entre la théorie d'un film de 2008 et notre actualité,
02:31 que la justesse d'un récit qui nous fait ressentir comment des dizaines de personnes, des élèves ou professeurs,
02:36 trouvent leur compte dans le modèle autocratique.
02:39 Jubilation d'appartenir à un groupe d'exception, réassurance à l'idée de partager une idéologie simple, commune et sans nuance,
02:45 dénigrement du différent pour justifier de l'exclure.
02:48 Le mouvement de la vague s'installe vite, s'étend, jusqu'à devenir hors de contrôle.
02:52 Pour le groupe, on ose tout, et pour la cause, la violence physique devient tolérable.
02:56 Mais jusqu'où ?
02:58 Si, dans le cadre d'un atelier scolaire, un professeur responsable peut, d'un ordre, arrêter la machine,
03:02 difficile d'imaginer quel homme ou femme politique, imbut de pouvoir par nature, pourrait faire machine arrière.
03:08 Par la force des choses, la vague est devenue un film d'utilité publique.
03:11 Il est à montrer à tous ceux qui disent qu'il faut essayer pour voir,
03:14 à tous ceux qui pensent que l'histoire ne peut pas se répéter,
03:16 à tous ceux qui tolèrent que petit à petit soit grignotée nos libertés de dire, de rire, de titiller les interdits.
03:23 Alors le 9 juin, même s'il fait un temps magnifique, n'hésitez pas à aller voter.
03:28 Léo Carmane ! Merci beaucoup mon cher Léo pour ce premier cinéma éminemment politique.