• il y a 7 mois
À l’occasion du lancement du Plan Régional Santé Environnement, les structures porteuses du plan ont organisé le 12 avril dernier une journée d’échanges dédiée à la présentation de sa version finalisée. Ce rendez-vous fut l’occasion d’accueillir 3 experts autour des 3 enjeux transversaux de ce nouveau plan : l’adaptation au changement climatique et à son impact sur la santé, l’approche une seule santé et la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé. Découvrez le replay de l’intervention de Virginie Raisson-Victor, présidente du groupe interdisciplinaire d’experts sur le climat (GIEC) des Pays de la Loire.

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Transcription
00:00Comme évoqué, les structures porteuses du PRSE ont convié aujourd'hui, à cette journée de lancement, trois experts des thématiques.
00:12On accueille pour cette première prise de parole Madame Virginie Resson-Victor.
00:18Madame Resson-Victor, vous êtes diplômée universitaire en histoire, en relations internationales et en géopolitique.
00:25Vous avez 30 ans d'expertise géopolitique, prospective et sociétale, sur le terrain, au sein d'organisations internationales, auprès de grandes entreprises et de collectivités.
00:36Vous avez dirigé le LEPAC, un laboratoire privé et indépendant, cofondé en 1992, sur lequel se sont notamment appuyées les missions et les ouvrages du Dessous des Cartes pendant 26 ans.
00:50En plus des travaux que vous publiez régulièrement dans des revues et des ouvrages collectifs, vous êtes co-auteur des deux premiers Atlas du Dessous des Cartes,
00:59et surtout l'auteur de deux ouvrages de référence dans le domaine de la prospective, 2033 Atlas des Futurs Mondes et 2038 Les Futurs Mondes, traduits en cinq langues.
01:09En 2021, vous lancez le Grand Défi des entreprises pour la planète, avec Jérôme Cohen, une initiative dont l'objectif est de contribuer à améliorer ensemble la cohérence,
01:19l'efficacité et l'impact de l'action des entreprises en faveur du climat.
01:23Depuis 2020, vous êtes présidente du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, le GIEC, de la région des Pays de la Loire.
01:33Il est composé d'une vingtaine de chercheurs qui ont pour mission de vulgariser et d'approfondir la connaissance des changements climatiques dans la région,
01:40au regard des avancées scientifiques, mais aussi d'identifier les impacts dans le territoire et d'informer les élus locaux et les décideurs sur l'évolution du climat,
01:50pour les aider à mettre en œuvre des stratégies d'adaptation efficaces.
01:54Dans un entretien à Ouest-France fin mars 2023, vous déclariez « Dès l'instant où les gens sont correctement formés, informés, ils s'engagent pour que les choses changent ».
02:04Aujourd'hui, nous vous laissons donc vous informer sur cet enjeu majeur qu'est le changement climatique, un des trois enjeux fondateurs du PRS 4 de cette région.
02:15La parole est à vous. Merci.
02:18Merci beaucoup. Bonjour à toutes et à tous. Merci d'avoir invité le GIEC à ce lancement du PRS 4.
02:28Merci pour cette introduction. C'est là qu'on voit qu'on ne rajeunit pas, puisque plus on avance, plus ça devient long.
02:37Je vais commencer à ouvrir cette table ronde en introduisant quelques-uns des impacts du changement climatique sur notre territoire,
02:47tels que le GIEC en a dressé un diagnostic dans son premier rapport, et surtout faire le lien avec la santé,
02:56en citant un certain nombre d'impacts sur la santé que certains des effets du changement climatique sur le territoire peuvent avoir.
03:05Effectivement, vous venez de rappeler la mission du GIEC des Pays de la Loire,
03:18le groupe interdisciplinaire d'experts sur les évolutions climatiques dans la région.
03:24Dans ce cadre-là, le GIEC a produit deux rapports.
03:28Le premier, qui est un rapport plus diagnostique, qui mesure les impacts du changement climatique sur la région
03:34et les vulnérabilités spécifiques de la région face à ces impacts.
03:37Et un deuxième rapport, où sont rassemblés un ensemble de propositions d'action pour précisément faciliter, accentuer
03:45les politiques d'atténuation des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi la politique d'adaptation aux effets du changement climatique.
03:53Je vais évoquer rapidement deux effets principaux du changement climatique, ceux qui sont le plus en lien avec la santé.
04:02Le premier, c'est l'élévation des températures.
04:07Je vous rappelle que le réchauffement, vous le savez, c'est un phénomène mondial,
04:11avec des températures qui ont augmenté à l'échelle planétaire d'environ 1,2 degré par rapport au début du siècle.
04:18En réalité, c'est une moyenne, puisque cette variation de température varie.
04:22Par exemple, elle est de 0,9 degré à l'échelle des océans et de 1,6 degré en moyenne à l'échelle des masses continentales.
04:32Pour notre région, l'élévation des températures est aussi de 1,6 degré.
04:37Ce n'est pas depuis la fin du siècle du XIXe siècle, pas depuis 120 ans, mais seulement depuis 60 ans, par rapport à la période de référence des années 1960-1990.
04:48Ce qui veut dire que nous avons une région qui se réchauffe, comme la France d'ailleurs de manière générale, plus rapidement que la moyenne mondiale,
04:56et ce notamment à cause de sa proximité avec l'océan Atlantique.
05:01Quant à la suite de l'évolution des températures dans la région, ça va dépendre de l'évolution des émissions de gaz à effet de serre et donc du réchauffement global.
05:18C'est pour ça que le GIEC international établit plusieurs scénarios.
05:22Nous en avons retenu deux pour notre rapport, qui en réalité sont les deux scénarios extrêmes.
05:29Le premier porte le doux nom de RCP 2.6.
05:33C'est le scénario de l'accord de Paris, qui s'appuie sur une forte baisse des émissions de CO2 jusqu'à atteindre la neutralité carbone en 2050,
05:42ce qui permettrait de contenir le réchauffement global à 2 degrés par rapport à la période industrielle,
05:48et de stabiliser l'évolution des températures à partir de la moitié du siècle.
05:58A l'opposé, nous avons le scénario RCP 8.5, qui correspond à l'évolution des températures en l'absence de toute nouvelle politique de régulation climatique.
06:08Pour vous dire là où on en est aujourd'hui, parce qu'après tout c'est ça qui nous intéresse, c'est quelles sont les tendances,
06:14il faut savoir que la première chose, c'est que quel que soit le scénario, pour les 20 prochaines années,
06:22les choses sont un peu écrites au sens où la température va encore progresser de 1 degré sur la période 2020-2035.
06:30Et ce n'est donc qu'après, à partir de 2035 à peu près, que les scénarios divergent.
06:36Comme je vous le disais, dans le scénario le plus optimiste, les températures se stabilisent,
06:41et dans l'autre cas, les températures moyennes pourraient encore s'élever de 4 degrés d'ici la fin du siècle, voire davantage.
06:47Alors aujourd'hui, si on fait la somme, ce que nous dit le GIEC international, c'est que si on fait la somme des engagements des États,
06:54eh bien on est sur une trajectoire qui nous amène à un réchauffement qui se situe entre 2,5 et 2,8 degrés d'ici la fin du siècle.
07:04Maintenant, si on s'en tient aux actions qui sont réellement mises en œuvre, mises en place dans le monde d'aujourd'hui,
07:10eh bien en réalité on est dans un scénario d'un réchauffement global qui se situe autour de 3 degrés, voire 3,2 degrés,
07:24et qui pourrait donc conduire à un réchauffement, à une élévation des températures dans notre région supérieure à 4 degrés.
07:31Alors évidemment, avec l'évolution de la température moyenne, où c'est aussi une autre évolution remarquable,
07:39c'est la progression des vagues de chaleur dans la région. Une vague de chaleur, je vous rappelle que ça correspond à une période de 5 jours ou plus
07:47pendant lesquelles les températures maximales sont supérieures de plus de 5 degrés au normal, et donc augmentation du nombre de vagues de chaleur,
07:57et avec elle aussi, en période estivale en particulier, augmentation du nombre de jours de canicule.
08:03A l'avenir, donc, ces périodes dans la région seront à la fois plus fréquentes, plus sévères, plus longues, mais aussi plus tardives et plus précoces en saison,
08:12et en 2022, je vous rappelle que, par exemple, on a connu dans la région une vague de chaleur de 33 jours à l'été 2022.
08:21Il faut savoir aussi qu'en période estivale, ces vagues de chaleur s'accompagnent facilement de ce qu'on appelle le phénomène de nuit tropicale,
08:29c'est-à-dire des nuits où la température ne descend pas en dessous de 20 degrés, ce qui ne permet pas au corps de se refroidir suffisamment pour se reposer.
08:39Et donc au total, ces vagues de chaleur et surtout ces canicules représentent des enjeux majeurs en termes de santé pour la région, a fortiori, en contexte de vieillissement démographique.
08:52Parmi les enjeux associés à ces vagues de chaleur, je vais vous faire une liste à l'après-vers pas très sympathique et qui va redire un petit peu des choses qui ont été dites,
09:01mais c'est important de les avoir bien en tête. Premier enjeu de santé, par exemple, ce sont les troubles neurologiques du type baisse de vigilance,
09:09qui exposent, par exemple, à une augmentation de la fréquence de certains accidents professionnels, et en particulier dans des métiers répétitifs ou des métiers situés à l'extérieur.
09:20Et puis il y a aussi, bien sûr, le phénomène de stress thermique et de déshydratation, qui est propice à l'augmentation du nombre de décès prématurés.
09:30Je vous rappelle qu'en 2003, la canicule a engendré environ 1000 décès anticipés sur le territoire des Pays-de-la-Loire.
09:37De la même façon, les personnes qui souffrent de problèmes cardiaques sont plus vulnérables à la hausse des températures,
09:44puisque leur système cardiovasculaire doit fonctionner à un niveau de pression plus élevé pour garder la température du corps à un niveau normal.
09:52Et puis les températures élevées augmentent aussi la concentration d'ozone, ce qui peut endommager le tissu pulmonaire,
09:58causer des complications chez les personnes asthmatiques ou chez les personnes, plus généralement, qui souffrent de maladies respiratoires.
10:04On sait aussi qu'avec le changement climatique, on assiste à une augmentation de la prévalence de certains cancers.
10:13Par exemple, c'est le cas du cancer de la peau, puisque dans les périodes de forte chaleur, en général,
10:20elles sont corrélées avec des risques d'émissions de rayons ultraviolets qui sont plus importants.
10:30On sait aussi que les vagues de chaleur agissent sur la santé mentale et que le taux de suicide, par exemple, augmente en période de canicule.
10:38Les fortes chaleurs, c'est aussi la prolifération de cyanobactéries dans les plans d'eau,
10:44ce qui entraîne des interdictions de baignades et de pestes, parce que ça expose la santé des baigneurs.
10:50À l'échelle plus globale, avec la hausse des températures, de nombreux animaux à la surface de la planète se trouvent contraints de trouver des nouveaux lieux de vie.
11:08Ils se déplacent avec les parasites, les agents pathogènes dont ils sont porteurs,
11:15ce qui favorise la transmission de virus entre les espèces, au point que les chercheurs prévoient que d'ici 2070,
11:25le changement climatique déclenchera au moins 15 000 nouveaux cas de virus se croisant pour la première fois entre espèces.
11:32Ça ne veut pas dire 15 000 pandémies, bienheureusement, mais ça veut dire 15 000 nouveaux cas de croisement entre virus.
11:41Il convient aussi de rappeler qu'avec une atmosphère très chaude, la concentration atmosphérique des polluants se trouve augmentée,
11:48et avec elle, évidemment, le risque de maladies respiratoires, notamment chez les plus jeunes ou chez les personnes plus fragiles.
11:55Au total, d'ailleurs, dans les pays de la Loire, en 2016, on avait comptabilisé quelques 2530 décès évitables qui étaient liés à la pollution atmosphérique.
12:06Donc voilà pour les effets sur la santé du dérèglement climatique associé à l'élévation des températures.
12:13Mais il y a d'autres évolutions qui provoquent à leur tour d'autres impacts sur la santé, et je pense en particulier aux évolutions du régime des précipitations.
12:22Alors sur la région, il est plus difficile d'anticiper les évolutions du régime des précipitations que celui des températures,
12:32mais malgré tout, on voit se dégager un certain nombre de tendances. Trois tendances principales.
12:36La première, c'est quand même une relative stabilité du volume annuel total des précipitations sur la région.
12:42En revanche, deux variations importantes, d'abord celle du nombre de jours de pluie dans l'année et la répartition des pluies dans l'année.
12:50Et c'est ce qu'on va voir sur le graphique que vous voyez ici, qui compare le cumul de pluie mensuel moyen dans le scénario 8.5,
12:58le scénario le plus préoccupant, et en même temps qui doit devenir, dans la mesure où il est possible, le scénario de référence pour les politiques d'adaptation.
13:09Donc on voit bien sur ce graphique une diminution assez nette du nombre de jours de pluie l'été, et en revanche, leur augmentation en hiver.
13:19Et quand on compare cette courbe d'évolution par rapport à la courbe de référence, on voit émerger cette alternance entre deux saisons.
13:27Une saison des pluies, une saison humide finalement, et une saison sèche, saison sèche de mai à octobre et saison humide de novembre à avril.
13:36Ce qui veut dire aussi qu'on va avoir une diminution, par exemple, des périodes de sol humide et un allongement des périodes de sol sec.
13:45Or, avec les sécheresses qui tendent à se multiplier, et les dernières années nous l'ont montré, et qui tendent aussi à s'aggraver,
13:52eh bien notre région, qui est particulièrement portée par ses activités agricoles, se trouve exposée à des risques de baisse de production,
14:02ce qui peut contribuer globalement au phénomène d'inflation des prix alimentaires, et donc aussi au phénomène de malnutrition.
14:10Dès aujourd'hui, je ne sais pas si vous avez vu, mais dans certains pays européens, et je pense en particulier au Royaume-Uni,
14:15on voit réapparaître des maladies liées à la sous-alimentation, maladies comme le scorbut, qui avait évidemment totalement disparu de notre continent depuis longtemps.
14:22Ensuite, avec le développement plus précoce des végétaux, c'est aussi la saison des pollens qui commence plus tôt,
14:30et avec elle une augmentation de la concentration en allergènes, ce qui aura aussi un impact sur la santé des personnes allergiques.
14:39Au-delà des risques d'allergie, la combinaison d'une végétation qui se développe, une température qui augmente, et un taux d'humilité qui est plus élevé,
14:52on voit que ça facilite la prolifération d'un certain nombre d'insectes, c'est en particulier le cas des tiques qui peuvent véhiculer un certain nombre de maladies,
15:02comme la maladie de Lyme, les encephalites athiques, et puis par ailleurs on voit aussi que la présence d'Aouta, la présence de frelons, de guêpes, de mouches noires,
15:11évolue rapidement au fil du temps, au fil des années, et avec elles, elles font augmenter le nombre de piqûres et de réactions à ces piqûres, et de réactions allergiques en particulier.
15:22A son tour, évidemment, l'arrivée du moustique tigre dans la région a marqué une progression importante, on l'a dit tout à l'heure aussi,
15:28puisque à la fin de l'été 2023, plus de 30 communes de la région étaient reconnues colonisées par le moustique tigre,
15:36or ce moustique, vous le savez, est impliqué dans la transmission de pathologies telles que la dengue, le chikungunya ou le virus Zika.
15:43Enfin, une arrivée plus tardive des pluies à l'automne et un arrêt plus précoce au printemps, ça réduit, ça conduit à réduire l'infiltration de l'eau dans les sols,
15:54donc aussi à la recharge des nappes, les nappes superficielles et surtout les nappes d'infiltration dans les nappes souterraines,
16:00ce qui conduit évidemment aussi à une baisse de la disponibilité en eau douce, sans compter qu'à chaque degré supplémentaire, l'évaporation supplémentaire s'élève à 7%.
16:12Donc on a bien une baisse, une tendance à la baisse à la disponibilité en eau.
16:16Or, qui dit moins d'eau dit aussi une augmentation possible de la concentration des polluants dans les nappes de surface et souterraine.
16:25Or, dans les pays noirs, il faut savoir que seulement 11% des masses d'eau sont considérées aujourd'hui en bon état écologique,
16:32ce qui est donc une autre préoccupation de santé liée à ces évolutions climatiques et à ces évolutions du régime des précipitations.
16:40Donc bien sûr, ça veut dire que le risque pour la santé humaine lié à ces pollutions évolue avec le dérèglement climatique.
16:48Un risque aussi pour la qualité des écosystèmes naturels et pour la biodiversité.
16:52Biodiversité, je pense qu'on le développera par la suite, mais ça a déjà été dit, la biodiversité dont la santé humaine est largement dépendante,
17:01tout comme le bien-être des habitants, tout simplement.
17:04Enfin, dernier impact sur la santé du changement climatique que je vais citer ce matin, c'est la dégradation du niveau de santé mentale
17:11que l'on observe déjà, avec notamment le développement de l'éco-anxiété, qui touche en particulier les populations les plus jeunes.
17:19J'ai fait un rapide tour, qui en réalité est même incomplet, puisque je n'ai pas évoqué, mais je pense que ça va être fait aussi,
17:30les impacts des règlements climatiques sur la santé animale, qui donc évidemment touchent aussi la santé humaine.
17:38Voilà pour ce panorama, et puis qu'on pourra compléter, j'imagine, plus tard si besoin.
17:44Merci beaucoup, merci madame Récent-Victor.

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